Le Figaro, France
Mercredi 17 Décembre 2008
TURQUIE Peu après sa mise en ligne sur Internet, une pétition à propos
du génocide de 1915 avait déjà recueilli près de 8 000 signatures.
Des intellectuels turcs s'excusent auprès des Arméniens;
par Marchand, Laure
« MA conscience n'accepte pas l'insensibilité et la négation du »Grand
Désastre* qu'ont subi les Arméniens ottomans en 1915. Je rejette cette
injustice et, personnellement, je partage les sentiments et la douleur
de mes frères arméniens, je leur demande pardon. » Lancé lundi par
deux cents personnalités turques, ce texte d'excuses montre que de
plus en plus de Turcs sont contre la chape de plomb qui pèse sur les
massacres commis pendant la Première Guerre mondiale. « Il s'agit
d'une revendication démocratique par rapport à l'histoire, pour
reconnaître la peine des Arméniens et en finir avec l'amnésie de
l'identité turque, explique le journaliste Ali Bayramoglu, un des
promoteurs de cette initiative. Comme n'importe quel peuple, les Turcs
doivent également être responsables des malheurs qui se sont produits
dans leur société. » Cet ami de Hrant Dink, le journaliste d'origine
arménienne abattu à Istanbul en 2007, précise que chaque mot du texte
a été pesé afin que le plus grand nombre de personnes possible puisse
s'y reconnaître : « Le terme»génocide*aurait rendu l'identification
difficile pour certains. »
« Travail de mémoire »
L'État turc rejette le caractère génocidaire des massacres mais nie
aussi que des centaines de milliers d'Arméniens - de 800 000 à 1,5
million selon les estimations - ont péri en 1915. Tout au plus
seulement 300 000, et autant de Turcs, sont morts pendant des émeutes
lors de l'effondrement de l'Empire ottoman, ou de maladies. « Des
civils arméniens ont été contraints à une déportation massive, c'est
certain, estime l'écrivain Nedim Gürsel, un des signataires. Il faut
mener un travail de mémoire, l'État devrait présenter des excuses. »
Cette démarche de reconnaissance a immédiatement déclenché une
contre-offensive des tenants de la version officielle. Soixante
ambassadeurs à la retraite ont dénoncé une campagne « injuste, fausse
et nuisible aux intérêts de la nation ». « Personne n'a le droit
d'insulter nos ancêtres », a tonné Devlet Bahceli, le leader du Parti
de l'action nationaliste. Mais le président de la République, Abdullah
Gül, qui s'est rendu en septembre à Erevan, a déclaré que chacun
pouvait exprimer son opinion librement.
Mercredi 17 Décembre 2008
TURQUIE Peu après sa mise en ligne sur Internet, une pétition à propos
du génocide de 1915 avait déjà recueilli près de 8 000 signatures.
Des intellectuels turcs s'excusent auprès des Arméniens;
par Marchand, Laure
« MA conscience n'accepte pas l'insensibilité et la négation du »Grand
Désastre* qu'ont subi les Arméniens ottomans en 1915. Je rejette cette
injustice et, personnellement, je partage les sentiments et la douleur
de mes frères arméniens, je leur demande pardon. » Lancé lundi par
deux cents personnalités turques, ce texte d'excuses montre que de
plus en plus de Turcs sont contre la chape de plomb qui pèse sur les
massacres commis pendant la Première Guerre mondiale. « Il s'agit
d'une revendication démocratique par rapport à l'histoire, pour
reconnaître la peine des Arméniens et en finir avec l'amnésie de
l'identité turque, explique le journaliste Ali Bayramoglu, un des
promoteurs de cette initiative. Comme n'importe quel peuple, les Turcs
doivent également être responsables des malheurs qui se sont produits
dans leur société. » Cet ami de Hrant Dink, le journaliste d'origine
arménienne abattu à Istanbul en 2007, précise que chaque mot du texte
a été pesé afin que le plus grand nombre de personnes possible puisse
s'y reconnaître : « Le terme»génocide*aurait rendu l'identification
difficile pour certains. »
« Travail de mémoire »
L'État turc rejette le caractère génocidaire des massacres mais nie
aussi que des centaines de milliers d'Arméniens - de 800 000 à 1,5
million selon les estimations - ont péri en 1915. Tout au plus
seulement 300 000, et autant de Turcs, sont morts pendant des émeutes
lors de l'effondrement de l'Empire ottoman, ou de maladies. « Des
civils arméniens ont été contraints à une déportation massive, c'est
certain, estime l'écrivain Nedim Gürsel, un des signataires. Il faut
mener un travail de mémoire, l'État devrait présenter des excuses. »
Cette démarche de reconnaissance a immédiatement déclenché une
contre-offensive des tenants de la version officielle. Soixante
ambassadeurs à la retraite ont dénoncé une campagne « injuste, fausse
et nuisible aux intérêts de la nation ». « Personne n'a le droit
d'insulter nos ancêtres », a tonné Devlet Bahceli, le leader du Parti
de l'action nationaliste. Mais le président de la République, Abdullah
Gül, qui s'est rendu en septembre à Erevan, a déclaré que chacun
pouvait exprimer son opinion librement.