Le Monde, France
7 mars 2008 vendredi
EX-URSS Ossétie du Sud, Abkhazie et Haut-Karabakh veulent que leur
indépendance soit reconnue;
Le Kosovo ravive les rêves séparatistes dans le Caucase
Marie Jégo
L'indépendance du Kosovo donne des ailes aux provinces séparatistes
non reconnues de l'ex-URSS. L'Ossétie du Sud, région séparatiste
prorusse du nord de la Géorgie, a demandé à la Russie, à l'ONU et à
l'Union européenne, mercredi 5 mars, de reconnaître son indépendance.
Proclamée en 1990, celle-ci n'a jamais été reconnue par aucun Etat.
L'Abkhazie, autre république autoproclamée de Géorgie, va lui
emboîter le pas, a prévenu mercredi son président, Sergueï Bagapch.
" Le soi-disant Parlement d'Ossétie du Sud n'a aucune légitimité et
ses déclarations ne peuvent avoir aucune conséquence ", a réagi
Temour Iakobachvili, ministre géorgien en charge de la résolution des
conflits. La Géorgie, affaiblie par la perte d'un tiers de son
territoire, n'a cessé de mettre en garde contre le précédent créé par
l'indépendance du Kosovo, qu'elle n'entend pas reconnaître.
La déclaration du Parlement ossète met en avant le droit à
l'autodétermination. Le précédent du Kosovo, autorisé à rompre avec
la Serbie après les nettoyages ethniques des années Milosevic, vaut
aussi pour l'Ossétie du Sud, déterminée " à ne plus vivre avec la
Géorgie au sein d'un même Etat ". D'ailleurs, la population est
détentrice à 99 % de passeports russes, est-il souligné.
Engagées dans des conflits armés contre les forces géorgiennes à la
fin des années 1990, ces confettis de l'ex-empire soviétique,
soutenus à bout de bras par la Russie, entretiennent des relations
tendues avec Tbilissi.
Petit à petit, les ponts avec la Géorgie ont été coupés. En Ossétie
comme en Abkhazie, le rouble - et non le lari, la monnaie géorgienne
- a cours, la contrebande fleurit (voitures, cigarettes, essence).
Les hommes d'affaires russes acquièrent des propriétés en Abkhazie.
En Ossétie du Sud, Gazprom construit un gazoduc reliant la Fédération
de Russie à la province.
Evoquée à maintes reprises, y compris par le président russe Vladimir
Poutine, la reconnaissance par Moscou des territoires séparatistes
d'Abkhazie et d'Ossétie du Sud est peu probable. Elle serait un
précédent dangereux dans une zone - le nord du Caucase - où la
tentation du séparatisme est latente. Et qu'apporterait-elle de plus
à la Russie, maître du jeu dans ces régions ? Le 13 mars, le
Parlement russe devrait adopter des mesures pour le renforcement des
liens économiques ; mais d'indépendance, il ne devrait pas être
question.
Plus au sud, le territoire du Haut-Karabakh, autre braise d'un
conflit mal éteint entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan, a été le
thétre, mardi 4 mars, de tirs meurtriers dans la région de
Mardakert. Huit soldats azerbaïdjanais auraient perdu la vie selon
Erevan, quatre selon Bakou. Là encore, la question du Kosovo taraude
les esprits. Les autorités de Bakou craignent la reconnaissance de la
république
arménienne autoproclamée du Haut-Karabakh. Mécontent, le Parlement
azerbaïdjanais a voté, mardi, le rappel des forces de paix (34
hommes) envoyées en 1999 dans la province albanaise.
Fort de la meilleure croissance de l'aire post-soviétique (30 % en
2007), l'Azerbaïdjan, riche en pétrole, ne fait pas mystère de son
désir de récupérer par la force les territoires occupés autour du
Haut-Karabakh, comme l'a répété mardi le président Ilham Aliev. Vidés
de leur population lors du conflit armé entre 1991 et 1994, sept
districts azerbaïdjanais contigus à la province séparatiste sont
occupés par les Arméniens du Karabakh, peu pressés de les restituer.
Alors que les braises des conflits mal éteints rougeoient, les
budgets militaires des trois Etats de Transcaucasie ne cessent
d'augmenter. L'Azerbaïdjan, qui consacrait 175 millions de dollars à
la défense en 2004, a dépensé 1 milliard de dollars en 2007.
L'Arménie ne veut pas être en reste. Son budget militaire est passé
de 82 millions de dollars en 2004 à 300 millions en 2007. Mais la
plus forte augmentation des dépenses militaires revient à la Géorgie.
Engagée dans un projet d'intégration à l'OTAN, elle a consacré 600
millions de dollars à sa défense en 2007, soit le montant du budget
total du pays en 2003.
L'existence de ces micro-Etats sans statut, véritables zones grises,
pèse sur le développement économique de la zone. La coopération
régionale est rare, les haines sont tenaces. Les Azerbaïdjanais
détestent les Arméniens qui le leur rendent bien. Ossètes et
Abkhazes, pétris de rancoeurs envers les Géorgiens, voient en la
Russie leur unique planche de salut.
7 mars 2008 vendredi
EX-URSS Ossétie du Sud, Abkhazie et Haut-Karabakh veulent que leur
indépendance soit reconnue;
Le Kosovo ravive les rêves séparatistes dans le Caucase
Marie Jégo
L'indépendance du Kosovo donne des ailes aux provinces séparatistes
non reconnues de l'ex-URSS. L'Ossétie du Sud, région séparatiste
prorusse du nord de la Géorgie, a demandé à la Russie, à l'ONU et à
l'Union européenne, mercredi 5 mars, de reconnaître son indépendance.
Proclamée en 1990, celle-ci n'a jamais été reconnue par aucun Etat.
L'Abkhazie, autre république autoproclamée de Géorgie, va lui
emboîter le pas, a prévenu mercredi son président, Sergueï Bagapch.
" Le soi-disant Parlement d'Ossétie du Sud n'a aucune légitimité et
ses déclarations ne peuvent avoir aucune conséquence ", a réagi
Temour Iakobachvili, ministre géorgien en charge de la résolution des
conflits. La Géorgie, affaiblie par la perte d'un tiers de son
territoire, n'a cessé de mettre en garde contre le précédent créé par
l'indépendance du Kosovo, qu'elle n'entend pas reconnaître.
La déclaration du Parlement ossète met en avant le droit à
l'autodétermination. Le précédent du Kosovo, autorisé à rompre avec
la Serbie après les nettoyages ethniques des années Milosevic, vaut
aussi pour l'Ossétie du Sud, déterminée " à ne plus vivre avec la
Géorgie au sein d'un même Etat ". D'ailleurs, la population est
détentrice à 99 % de passeports russes, est-il souligné.
Engagées dans des conflits armés contre les forces géorgiennes à la
fin des années 1990, ces confettis de l'ex-empire soviétique,
soutenus à bout de bras par la Russie, entretiennent des relations
tendues avec Tbilissi.
Petit à petit, les ponts avec la Géorgie ont été coupés. En Ossétie
comme en Abkhazie, le rouble - et non le lari, la monnaie géorgienne
- a cours, la contrebande fleurit (voitures, cigarettes, essence).
Les hommes d'affaires russes acquièrent des propriétés en Abkhazie.
En Ossétie du Sud, Gazprom construit un gazoduc reliant la Fédération
de Russie à la province.
Evoquée à maintes reprises, y compris par le président russe Vladimir
Poutine, la reconnaissance par Moscou des territoires séparatistes
d'Abkhazie et d'Ossétie du Sud est peu probable. Elle serait un
précédent dangereux dans une zone - le nord du Caucase - où la
tentation du séparatisme est latente. Et qu'apporterait-elle de plus
à la Russie, maître du jeu dans ces régions ? Le 13 mars, le
Parlement russe devrait adopter des mesures pour le renforcement des
liens économiques ; mais d'indépendance, il ne devrait pas être
question.
Plus au sud, le territoire du Haut-Karabakh, autre braise d'un
conflit mal éteint entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan, a été le
thétre, mardi 4 mars, de tirs meurtriers dans la région de
Mardakert. Huit soldats azerbaïdjanais auraient perdu la vie selon
Erevan, quatre selon Bakou. Là encore, la question du Kosovo taraude
les esprits. Les autorités de Bakou craignent la reconnaissance de la
république
arménienne autoproclamée du Haut-Karabakh. Mécontent, le Parlement
azerbaïdjanais a voté, mardi, le rappel des forces de paix (34
hommes) envoyées en 1999 dans la province albanaise.
Fort de la meilleure croissance de l'aire post-soviétique (30 % en
2007), l'Azerbaïdjan, riche en pétrole, ne fait pas mystère de son
désir de récupérer par la force les territoires occupés autour du
Haut-Karabakh, comme l'a répété mardi le président Ilham Aliev. Vidés
de leur population lors du conflit armé entre 1991 et 1994, sept
districts azerbaïdjanais contigus à la province séparatiste sont
occupés par les Arméniens du Karabakh, peu pressés de les restituer.
Alors que les braises des conflits mal éteints rougeoient, les
budgets militaires des trois Etats de Transcaucasie ne cessent
d'augmenter. L'Azerbaïdjan, qui consacrait 175 millions de dollars à
la défense en 2004, a dépensé 1 milliard de dollars en 2007.
L'Arménie ne veut pas être en reste. Son budget militaire est passé
de 82 millions de dollars en 2004 à 300 millions en 2007. Mais la
plus forte augmentation des dépenses militaires revient à la Géorgie.
Engagée dans un projet d'intégration à l'OTAN, elle a consacré 600
millions de dollars à sa défense en 2007, soit le montant du budget
total du pays en 2003.
L'existence de ces micro-Etats sans statut, véritables zones grises,
pèse sur le développement économique de la zone. La coopération
régionale est rare, les haines sont tenaces. Les Azerbaïdjanais
détestent les Arméniens qui le leur rendent bien. Ossètes et
Abkhazes, pétris de rancoeurs envers les Géorgiens, voient en la
Russie leur unique planche de salut.