L'Express, France
6 Mars 2008
Erevan sous pression
Makarian Christian
Les sanglantes émeutes de la capitale arménienne révèlent l'ampleur
du mécontentement dans un pays au coeur d'une zone sensible.
«Nous n'avons pas peur de ce régime de kleptocrates et de criminels.
» C'est avec une rare détermination que Levon Ter Petrossian,
aujourd'hui assigné à résidence après avoir obtenu 21,5 % des
suffrages lors de l'élection présidentielle du 19 février, persiste
et signe à l'issue des violents affrontements qui ont fait huit morts
et des dizaines de blessés, samedi 1er mars, à Erevan. La
proclamation de l'état d'urgence augure mal de la nouvelle présidence
de Serge Sarkissian.
Ce dernier, toujours Premier ministre jusqu'à sa prise officielle de
fonctions, au mois de mai, est en effet l'homme lige du président
sortant, Robert Kotcharian. Le tandem, un peu à l'image du duo
Poutine-Medvedev à Moscou, a mis le pays en coupe réglée tout en
entretenant, c'est toute la complexité de la situation, une
croissance économique très forte et en obtenant certains succès (dont
la visite de Jacques Chirac, en septembre 2006). Surtout, les chefs
de l'exécutif sont tous deux issus du Haut-Karabagh, enclave
arménienne qui s'est séparée de l'Azerbaïdjan et a proclamé
unilatéralement son indépendance. Or la guerre du Haut-Karabagh, qui
a permis aux Arméniens d'écraser l'Azerbaïdjan avec l'aide des
Russes, est le levier par lequel Moscou a réussi à installer au
pouvoir le clan guerrier des « Karabaghtsi », au détriment des «
Erevantsi ». Le résultat en est une situation conflictuelle
permanente avec le monde turc, ce qui permet aux Russes de compter
sur un allié fortement dépendant au coeur du Caucase, tandis que la
Géorgie et l'Azerbaïdjan, désormais dans l'orbite des Etats-Unis,
leur échappent. La Turquie en profite, de son côté, pour aggraver
autant qu'elle le peut l'isolement arménien. La démarche
contestataire de Levon Ter Petrossian vise à desserrer cet étau. Il
fut un président de la République contesté (de 1991 à 1998), dont le
retour prouve en tout cas que l'opposition a désormais trouvé un
leader.
6 Mars 2008
Erevan sous pression
Makarian Christian
Les sanglantes émeutes de la capitale arménienne révèlent l'ampleur
du mécontentement dans un pays au coeur d'une zone sensible.
«Nous n'avons pas peur de ce régime de kleptocrates et de criminels.
» C'est avec une rare détermination que Levon Ter Petrossian,
aujourd'hui assigné à résidence après avoir obtenu 21,5 % des
suffrages lors de l'élection présidentielle du 19 février, persiste
et signe à l'issue des violents affrontements qui ont fait huit morts
et des dizaines de blessés, samedi 1er mars, à Erevan. La
proclamation de l'état d'urgence augure mal de la nouvelle présidence
de Serge Sarkissian.
Ce dernier, toujours Premier ministre jusqu'à sa prise officielle de
fonctions, au mois de mai, est en effet l'homme lige du président
sortant, Robert Kotcharian. Le tandem, un peu à l'image du duo
Poutine-Medvedev à Moscou, a mis le pays en coupe réglée tout en
entretenant, c'est toute la complexité de la situation, une
croissance économique très forte et en obtenant certains succès (dont
la visite de Jacques Chirac, en septembre 2006). Surtout, les chefs
de l'exécutif sont tous deux issus du Haut-Karabagh, enclave
arménienne qui s'est séparée de l'Azerbaïdjan et a proclamé
unilatéralement son indépendance. Or la guerre du Haut-Karabagh, qui
a permis aux Arméniens d'écraser l'Azerbaïdjan avec l'aide des
Russes, est le levier par lequel Moscou a réussi à installer au
pouvoir le clan guerrier des « Karabaghtsi », au détriment des «
Erevantsi ». Le résultat en est une situation conflictuelle
permanente avec le monde turc, ce qui permet aux Russes de compter
sur un allié fortement dépendant au coeur du Caucase, tandis que la
Géorgie et l'Azerbaïdjan, désormais dans l'orbite des Etats-Unis,
leur échappent. La Turquie en profite, de son côté, pour aggraver
autant qu'elle le peut l'isolement arménien. La démarche
contestataire de Levon Ter Petrossian vise à desserrer cet étau. Il
fut un président de la République contesté (de 1991 à 1998), dont le
retour prouve en tout cas que l'opposition a désormais trouvé un
leader.