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La Famille Et Le Monde Selon Atom Egoyan

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    LA FAMILLE ET LE MONDE SELON ATOM EGOYAN

    Le Temps
    23 mai 2008
    Suisse

    COMPETITION. Le cineaste canadien revient en grande forme avec
    "Adoration". A point pour mettre tout le monde d'accord?

    Il etait temps! Après un serieux coup d'arret, dû a une journee perdue
    pour cause de Che (lire ci-dessous), la competition cannoise s'est
    a nouveau hissee en zone palmable grâce a Atom Egoyan. Celui qu'on
    n'attendait plus, après les relatives deceptions ici meme d'Ararat
    et de La Verite nue, a en effet presente avec Adoration un film
    qui pourrait mettre tout le monde d'accord: un de plus consacre a
    la famille, decidement le thème dominant de cette selection, mais
    pas moins ouvert sur le monde pour autant, selon le souhait exprime
    par le president du jury Sean Penn. Pour l'auteur de Family Viewing,
    Canadien d'origine armenienne, il s'agit aussi d'une sorte de film
    somme, qui reunit le meilleur de son oeuvre.

    Commencons par les bemols, puisque ce film aurait pour l'heure encore
    quelque peine a trouver distributeur. Depourvu d'arguments de vente
    faciles, Adoration se presente comme un nouveau puzzle alambique,
    pauvre en action et cette fois meme en sexe, qui a tout pour derouter
    le spectateur. Mais une fois ces règles acceptees, difficile de trouver
    la moindre fausse note dans cette histoire d'enfant du cyberâge qui
    doit assimiler un lourd heritage parental, symbolise par le violon
    de sa mère musicienne. Et, surtout, difficile de ne pas se sentir
    implique dans un film qui englobe la famille et le monde, en passant
    par les nouvelles technologies et l'art.

    Ancre dans l'adolescence, âge de toutes les incertitudes, Adoration
    est l'histoire d'un deuil: celui de la famille ideale, symbolisee par
    la crèche de Noël. Mais pour ce qui est de la religion, c'est deja
    nettement plus complique, vu les "rois mages" qui se sont penches
    sur le berceau de Simon. Il y a d'abord son oncle Tom, mouton
    noir de la famille qui l'a recueilli après la disparition de ses
    parents dans un accident. Puis son grand-père, qui a tout deforme
    par la rogne tenace qu'il en a concue contre son père. Mais il y a
    aussi Sabine, devenue sa professeure de francais au collège. Lorsque
    cette dernière encourage Simon a presenter des elucubrations sur son
    histoire familiale devant sa classe, puis dans un atelier theâtral,
    tout deborde. Car en racontant que son père etait un terroriste qui
    aurait tente d'envoyer sa mère enceinte se faire exploser dans un
    avion a destination d'Israël, Simon provoque sur Internet des reactions
    passionnees qui font boule de neige. Mais où se cache donc la verite?

    On le voit, après La Verite nue (dont le titre original Where the
    Truth Lies pouvait se lire soit comme "Où gît la verite" soit "Où
    la verite ment"), Egoyan reste fidèle a ses obsessions. Tout son art
    consiste en une tentative de decodage de la complexite croissante du
    monde, dont nous sommes le produit. En faisant du père Sami un juif
    de Bethleem et de Sabine une fille de Beyrouth devastee, c'est tout le
    Moyen-Orient qui s'invite dans cette famille canadienne, tandis que la
    fiction elaboree par le fils paraît heritee du 11 septembre 2001. Mais,
    si le forum de discussion sur Internet resume bien toutes les positions
    simplificatrices nees de cet evenement, la verite est encore ailleurs:
    engendree par un mensonge familial (la version du grand-père) puis
    remise en question grâce a celui de la professeure (un double jeu
    magnifiquement interprete par Arsinee Khanjian, Mme Egoyan a la ville).

    Avec la culpabilite, l'argent, le jeu et les images encore jetes dans
    l'equation de ce trouble heritage, au fiston - et au spectateur avec
    lui - de se debrouiller avec tout ca! Autant dire que l'experience
    devient captivante, d'autant plus qu'Egoyan s'y entend pour rendre
    incarnee cette fable a priori très theorique. Moins qu'Arnaud
    Desplechin, peut-etre, et certains ne manqueront pas d'amoindrir
    Adoration au nom du magnifique Conte de Noël de ce dernier. La
    manière Egoyan, ce serait plutôt de laisser cohabiter en permanence
    le spectacle et sa superstructure, ce qui comporte aussi ses
    avantages. Quant au violon maternel, subtilement transforme en symbole
    de la reconciliation avec un père meconnu, difficile de trouver plus
    belle conclusion. Comme chez Desplechin, une note finale bienvenue
    qui lui ouvre tous les espoirs pour l'heure du palmarès.

    Encadre: "Che", la honte a Cannes

    Steven Soderbergh se fourvoie pendant 4h28.

    Par Thierry Jobin

    Rarement un film donne-t-il autant l'impression de perdre un bout
    de vie. Quatre heures et demie de vie. Presente en competition,
    Che, portrait fleuve signe Steven Soderbergh multiplie en effet
    tous les ecueils: inutile et meme contestable pour toute personne
    qui s'interesse un peu a l'histoire et a l'engagement politique;
    et sans aucune ligne pour les cinephiles qui noteront, notamment,
    que le plan final de cette curee (un plan subjectif ridicule où la
    camera tombe et meurt avec son personnage) est le seul du film qui
    se met a la place de son personnage. Mais que ne ferait-on pas pour
    impressionner le spectateur quand on n'a rien a lui dire?

    Parmi les rares a avoir remporte la Palme d'or avec un premier film
    (Sexe, Mensonges et Video), Soderbergh surfe depuis deux decennies
    sur cet adoubement et signe, une nouvelle fois, un ouvrage surfait qui
    ressemble a sa filmographie truffee d'experimentations (Schizopolis,
    Bubble) et de superproductions (la trilogie Ocean's 11, 12 et 13):
    sans point de vue, mais qui veut bien faire. D'où ce film du non-choix
    qui perore doctement, s'attarde sur les scènes d'action et parvient
    par exemple a passer sous silence le fait, etabli, que l'execution
    du Che avait ete commandee par les Etats-Unis.

    En deux parties au cinema

    Interprete par un Benicio del Toro dont l'essentiel du jeu consiste a
    changer de coupe de cheveux, Che sortira cet automne en deux parties
    (The Argentine et Guerilla), espacees de deux mois. Cette cesure,
    destinee surtout a faire payer deux fois l'entree pour un film qui
    a coûte 70millions de dollars, casse l'unique interet du projet:
    alors que The Argentine raconte la victoire cubaine, Guerilla evoque
    la debâcle bolivienne et la fin des ideaux. Autant dire que les films
    ne fonctionnent qu'en echo direct, le positif et le negatif.

    Quant a savoir ce que retiendront les spectateurs, en particulier les
    jeunes, il vaut mieux ne pas s'y attarder: comme pour plaider coupable
    a son film Traffic deja soupconne d'etre le premier film pro-Bush,
    Soderbergh delivre un message qui ratatine tous les ideaux passes et
    a venir.

    Encadre: Garrel de père en fils

    "La Frontière de l'aube" de Philippe Garrel a divise les
    critiques. Comme prevu.

    Par Norbert Creutz

    Le cinema de Philippe Garrel, enfant de la Nouvelle Vague et de Mai
    68 (sans oublier du comedien Maurice Garrel) est affaire de flash
    ou d'accoutumance. Quintessence du "nombrilisme" francais selon ses
    detracteurs, scrutateur sans pareil de l'intime pour les autres,
    il passe mal la rampe en festival, sauf a Venise, où l'on a fini par
    s'y faire. Rien de tel a Cannes, où La Frontière de l'aube a donne
    lieu a un typique affrontement entre sifflets et applaudissements.

    Film intimiste

    En splendide noir et blanc de rigueur, l'auteur des Hautes solitudes
    et de Sauvage innocence y revient encore une fois sur sa propre
    experience, largement romancee. Cela donne l'histoire de Francois
    (Louis Garrel, fils du cineaste), jeune photographe qui vit une
    histoire d'amour avec Carole (Laura Smet), une actrice perturbee
    qui finit par se suicider peu de temps après leur rupture. Un an
    plus tard, alors qu'il vit en couple avec Eve (Clementine Poidatz)
    et attend d'elle un enfant, le fantôme de Carole vient le hanter,
    au point de lui faire perdre la tete...

    En pointilles, on reconnaîtra une manière pour l'auteur de digerer
    ses relations avec les tragiques Nico (deja au coeur de plusieurs
    films precedents) et Jean Seberg. Mais l'essentiel n'est bien sûr
    pas dans l'anecdote "people". Depuis Les Amants reguliers (2004),
    il reside sans doute dans l'idee un peu folle de vouloir revisiter sa
    jeunesse a travers son propre fils. Cela donne paradoxalement un film
    très doux (mais pas autant que Two Lovers de James Gray, l'autre film
    intimiste de la selection) malgre sa grande violence affective. Et,
    de manière plus previsible, un film hante par tout le passe, amours
    et cinema confondus, au point de flirter avec le fantastique.

    A Cannes, tout ceci aura fait paraître Garrel fatalement deconnecte du
    reel, de notre epoque. C'est indeniable, mais a l'arrivee, que vaut-il
    mieux: bâtir une oeuvre totalement sincère et unique en son genre,
    ou bien courir film après film après les signes d'un temps que l'on
    sait ephemère?

    Encadre: Les pronostics du "Temps" a J-3

    Par Le Temps

    Palme d'or:

    Clint Eastwood: L'Echange(The Exchange) (USA)

    Grand Prix:

    Jean-Pierre et Luc Dardenne: Le Silence de Lorna (Belgique, France)

    Prix de la mise en scène:

    Nuri Bilge Ceylan: Les Trois Singes (Turquie, France, Italie)

    Prix du scenario:

    Atom Egoyan pour Adoration d'Atom Egoyan (Canada)

    Prix d'interpretation feminine:

    Hatice Aslan dans Les Trois Singes de Nuri Bilge Ceylan (Turquie)

    Prix d'interpretation masculine:

    Joaquin Phoenix dans Two Lovers de James Gray (USA).

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    From: Emil Lazarian | Ararat NewsPress
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