L'AZERBAIDJAN S'APPRETE A ELIRE LE PRESIDENT SORTANT
Le Monde
14.10.08
France
BAKOU (AZERBAÃ~ODJAN) ENVOYÃ~IE SPÃ~ICIALE
Avec ses gratte-ciel, ses jardins tracés au cordeau, ses
embouteillages, Bakou, la capitale de l'Azerbaïdjan s'affiche comme
la ville la plus prospère du Caucase du sud, un petit Doubaï de la
Caspienne. Grâce au boom du secteur pétrolier, principale source
de revenus du pays, la ville a renoué avec ses fastes du début du
siècle, lorsque les frères Nobel et d'autres se lancèrent dans
l'exploitation de l'or noir. Devenu, grâce a l'argent du pétrole,
un véritable petit émirat, l'Azerbaïdjan s'apprête a élire son
président mercredi 15 octobre.
Sept candidats sont en lice, un seul est donné favori, le
président sortant Ilham Aliev, qui a succédé a son père en
2003. Dépourvue d'enjeux, de débats, de véritable concurrence,
l'élection apparaît comme une simple formalité. "Il s'agit plus
d'un référendum que d'une élection", confirme le politologue Rassim
Mussabaïov. Dépourvus de moyens financiers et de champ d'expression,
les grands partis d'opposition, ont appelé au boycott du scrutin,
qualifié de "pastiche démocratique".
La prospérité du pays, doté d'un des indices de croissance les
plus élevés au monde (25 % en 2007, 18 % en 2008), est largement
mise au compte du clan Aliev, objet d'un véritable culte dans
cette république turcophone, voisine de la Russie, de l'Iran et de
la Turquie.
Comme en Turquie, la république soeur, où les portraits d'Ataturk
trônent chez les commercants du bazar, ceux du président Ilham
Aliev sont affichés dans les boutiques de Bakou. "C'est a lui et
a Gueïdar, son père, que nous devons notre indépendance et notre
richesse", explique Ressoul, un antiquaire de la vieille ville. La
guerre russo-géorgienne de l'été 2008 n'a fait que renforcer
l'aura présidentielle. A l'inverse du remuant président géorgien
Mikheïl Saakachvili, Ilham Aliev mène, aux yeux de sa population,
une politique étrangère prudente, vouée a rapprocher le pays de
l'Occident tout en ménageant le grand voisin russe.
Tout comme la Géorgie, l'Azerbaïdjan voit 20 % de son territoire
échapper a son contrôle. Après une guerre (1988-1994)
avec l'Arménie, Bakou a perdu le contrôle de la région du
Haut-Karabakh, administré par les Arméniens, ainsi que de sept
régions azerbaïdjanaises voisines de l'enclave, convertie en
"zone de sécurité", après avoir été vidées de leurs habitants
(un million de personnes).
Un cessez-le-feu a bien été signé en 1994, mais les
escarmouches sont régulières entre soldats azerbaïdjanais et
Arméniens. Voisines, l'Arménie et l'Azerbaïdjan s'ignorent,
incapables de se mettre d'accord sur le statut de l'enclave. Les
Azerbaïdjanais défendent le principe de l'intégrité territoriale,
les Arméniens du Karabakh, le droit a l'autodétermination.
Ce conflit latent constitue une source majeure d'instabilité dans
cette région stratégique du Caucase du Sud, zone de passage des
hydrocarbures de la Caspienne en route vers les marchés européens. A
Bakou, on ne croit plus en la médiation du groupe de Minsk (Etats
unis, Russie, France) de l'Organisation pour la sécurité et la
coopération (OSCE). "Ils viennent ici, font des déclarations, puis
repartent et rien ne change", déplore Elnur Aslanov, chef du centre
d'analyses a l'administration présidentielle.
Avec un budget militaire en pleine expansion (1 milliard de dollars
en 2007), la tentation est grande de régler le conflit par les
armes. Mais la guerre russo-géorgienne d'aoÃ"t "a refroidi les
ardeurs des radicaux de l'entourage présidentiel qui se préparaient
au scénario d'une guerre au Haut-Karabakh", explique le politologue
Rassim Mussabaïov.
Selon lui, la Russie a plus que jamais intérêt a voir le conflit
se régler, ne serait-ce que parce que "depuis la guerre, Moscou est
coupé de son partenaire stratégique arménien". La base militaire
russe de Gioumri, située a la frontière avec la Turquie, fermée
depuis 1993 par solidarité avec l'Azerbaïdjan, est isolée.
Depuis le mois d'aoÃ"t, aucun équipement, aucun matériel ne peut
transiter par le territoire géorgien. L'espace aérien géorgien lui
étant fermé, Moscou ne peut envoyer ses avions en Arménie. Et en
vertu du blocus azerbaïdjanais de l'Arménie, aucune marchandise ne
peut traverser l'Azerbaïdjan vers ce pays.
Intéressée a dénouer le conflit du Haut-Karabakh, la Russie
encourage la médiation proposée récemment par la Turquie. En
échange de la restitution des régions occupées, la petite Asie
consentirait a rouvrir sa frontière avec l'Arménie et a créer
une commission mixte d'historiens chargés d'étudier la question du
génocide des Arméniens par les Ottomans en 1915.
Les liens entre les deux ennemis historiques se sont réchauffés ces
derniers temps, le président turc Abdullah Gul ayant été convié
a un match de football a Erevan, du jamais vu. Mais la "diplomatie
du football" a ses limites. A Bakou, le plan turc est percu avec
scepticisme. Pour la plupart des analystes, la clé du problème du
Haut-Karabakh se trouve a Moscou.
--Boundary_(ID_kJcLLCX0lmYyj8cyqjctfg)--
Le Monde
14.10.08
France
BAKOU (AZERBAÃ~ODJAN) ENVOYÃ~IE SPÃ~ICIALE
Avec ses gratte-ciel, ses jardins tracés au cordeau, ses
embouteillages, Bakou, la capitale de l'Azerbaïdjan s'affiche comme
la ville la plus prospère du Caucase du sud, un petit Doubaï de la
Caspienne. Grâce au boom du secteur pétrolier, principale source
de revenus du pays, la ville a renoué avec ses fastes du début du
siècle, lorsque les frères Nobel et d'autres se lancèrent dans
l'exploitation de l'or noir. Devenu, grâce a l'argent du pétrole,
un véritable petit émirat, l'Azerbaïdjan s'apprête a élire son
président mercredi 15 octobre.
Sept candidats sont en lice, un seul est donné favori, le
président sortant Ilham Aliev, qui a succédé a son père en
2003. Dépourvue d'enjeux, de débats, de véritable concurrence,
l'élection apparaît comme une simple formalité. "Il s'agit plus
d'un référendum que d'une élection", confirme le politologue Rassim
Mussabaïov. Dépourvus de moyens financiers et de champ d'expression,
les grands partis d'opposition, ont appelé au boycott du scrutin,
qualifié de "pastiche démocratique".
La prospérité du pays, doté d'un des indices de croissance les
plus élevés au monde (25 % en 2007, 18 % en 2008), est largement
mise au compte du clan Aliev, objet d'un véritable culte dans
cette république turcophone, voisine de la Russie, de l'Iran et de
la Turquie.
Comme en Turquie, la république soeur, où les portraits d'Ataturk
trônent chez les commercants du bazar, ceux du président Ilham
Aliev sont affichés dans les boutiques de Bakou. "C'est a lui et
a Gueïdar, son père, que nous devons notre indépendance et notre
richesse", explique Ressoul, un antiquaire de la vieille ville. La
guerre russo-géorgienne de l'été 2008 n'a fait que renforcer
l'aura présidentielle. A l'inverse du remuant président géorgien
Mikheïl Saakachvili, Ilham Aliev mène, aux yeux de sa population,
une politique étrangère prudente, vouée a rapprocher le pays de
l'Occident tout en ménageant le grand voisin russe.
Tout comme la Géorgie, l'Azerbaïdjan voit 20 % de son territoire
échapper a son contrôle. Après une guerre (1988-1994)
avec l'Arménie, Bakou a perdu le contrôle de la région du
Haut-Karabakh, administré par les Arméniens, ainsi que de sept
régions azerbaïdjanaises voisines de l'enclave, convertie en
"zone de sécurité", après avoir été vidées de leurs habitants
(un million de personnes).
Un cessez-le-feu a bien été signé en 1994, mais les
escarmouches sont régulières entre soldats azerbaïdjanais et
Arméniens. Voisines, l'Arménie et l'Azerbaïdjan s'ignorent,
incapables de se mettre d'accord sur le statut de l'enclave. Les
Azerbaïdjanais défendent le principe de l'intégrité territoriale,
les Arméniens du Karabakh, le droit a l'autodétermination.
Ce conflit latent constitue une source majeure d'instabilité dans
cette région stratégique du Caucase du Sud, zone de passage des
hydrocarbures de la Caspienne en route vers les marchés européens. A
Bakou, on ne croit plus en la médiation du groupe de Minsk (Etats
unis, Russie, France) de l'Organisation pour la sécurité et la
coopération (OSCE). "Ils viennent ici, font des déclarations, puis
repartent et rien ne change", déplore Elnur Aslanov, chef du centre
d'analyses a l'administration présidentielle.
Avec un budget militaire en pleine expansion (1 milliard de dollars
en 2007), la tentation est grande de régler le conflit par les
armes. Mais la guerre russo-géorgienne d'aoÃ"t "a refroidi les
ardeurs des radicaux de l'entourage présidentiel qui se préparaient
au scénario d'une guerre au Haut-Karabakh", explique le politologue
Rassim Mussabaïov.
Selon lui, la Russie a plus que jamais intérêt a voir le conflit
se régler, ne serait-ce que parce que "depuis la guerre, Moscou est
coupé de son partenaire stratégique arménien". La base militaire
russe de Gioumri, située a la frontière avec la Turquie, fermée
depuis 1993 par solidarité avec l'Azerbaïdjan, est isolée.
Depuis le mois d'aoÃ"t, aucun équipement, aucun matériel ne peut
transiter par le territoire géorgien. L'espace aérien géorgien lui
étant fermé, Moscou ne peut envoyer ses avions en Arménie. Et en
vertu du blocus azerbaïdjanais de l'Arménie, aucune marchandise ne
peut traverser l'Azerbaïdjan vers ce pays.
Intéressée a dénouer le conflit du Haut-Karabakh, la Russie
encourage la médiation proposée récemment par la Turquie. En
échange de la restitution des régions occupées, la petite Asie
consentirait a rouvrir sa frontière avec l'Arménie et a créer
une commission mixte d'historiens chargés d'étudier la question du
génocide des Arméniens par les Ottomans en 1915.
Les liens entre les deux ennemis historiques se sont réchauffés ces
derniers temps, le président turc Abdullah Gul ayant été convié
a un match de football a Erevan, du jamais vu. Mais la "diplomatie
du football" a ses limites. A Bakou, le plan turc est percu avec
scepticisme. Pour la plupart des analystes, la clé du problème du
Haut-Karabakh se trouve a Moscou.
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