LA GUERRE EN GEORGIE ET SES CONSEQUENCES
Le Reporter
Samedi, 20 Septembre 2008 09:14 Patrice Zehr
Morocco
Il est évident que l'intervention militaire russe en Géorgie est un
tournant dans les relations internationales comme nous avons tenté de
l'analyser ici. Les conséquences restent difficiles a évaluer. Mais
certaines sont déja évidentes.
Guerre en Géorgie L'Ukraine est en crise politique latente mais
permanente. Les pro-occidentaux tentent de renforcer au plus vite
leurs liens avec l'UE. Les pro-russes reprennent confiance et les
Russes de Crimée encore plus. Kiev par prudence se contente d'un
rapprochement sans faire allusion a une future union. L'Union et
l'Ukraine signeront un accord dit d'association dans le courant de
l'année prochaine. A l'issue du sommet qui réunissait le mardi 9
septembre l'UE et l'ancienne république soviétique, le Président
francais Nicolas Sarkozy, qui tient actuellement les rênes de l'Union,
a insisté sur la volonté de rapprochement, sans toutefois préjuger
d'une future adhésion, aussi lointaine puisse-t-elle être. Le coup
d'arrêt de Moscou a été pris en compte, même si ce n'est pas avoué
bien sÃ"r. Le président Viktor Iouchtchenko a, lui, brièvement
évoqué la crise russo-géorgienne et insisté sur l'intégrité
territoriale de son pays. Avec la Crimée (qui pourrait menacer de
suivre l'exemple du Kosovo et de l'Ossétie) et son poids politique,
Moscou a de quoi peser, sans parler de la pression énergétique sur
les orientations ukrainiennes.
La tentative de rapprochement a l'occasion d'un match aller de
qualification de la coupe du monde de football entre la Turquie et
l'Arménie a pris une toute autre dimension. Au dela de l'affaire du
Â" génocide Â" et de l'affrontement de deux mémoires, le dossier
du haut Karabakh a été évoqué par les deux présidents. Le
conflit gelé entre Azerbaïdjan et l'Arménie depuis 1994 pourrait
reprendre. Le président turc, Abdullah Gul, est revenu de sa visite
historique en Arménie avec des espoirs de normalisation des relations
tumultueuses entre les deux nations. M. Gul est le premier président
turc a s'être rendu en Arménie depuis l'indépendance en 1991 de
cette ex-république soviétique. Dans cette optique, les chefs de la
diplomatie arménienne et turque, Edouard Nalbandian et Ali Babacan,
se rencontreront fin septembre a New York, a l'occasion de l'Assemblée
génér ale des Nations Unies.
Mais les deux pays ont de lourds contentieux. L'Arménie estime que
les massacres commis sous l'empire ottoman ont fait jusqu'a 1,5 million
de morts et constituent un Â" génocide Â", une position adoptée par
plusieurs pays, dont la France, mais catégoriquement rejetée par la
Turquie. La Turquie a fermé sa frontière avec l'Arménie en 1993 pour
soutenir l'Azerbaïdjan turcophone dans son conflit avec l'Arménie
sur la région du Nagorny-Karabakh, enclave peuplée d'Arméniens
en territoire azerbaïdjanais, dont la sécession a conduit a une
guerre entre les deux pays. Les turcs sont les protecteurs naturels
des azéris et la Russie de l'Arménie. Moscou soupconne une pression
américaine derrière la visite du président turc. Â" Gul ne s'est
certainement pas rendu a Erevan pour résoudre la question du génocide
arménien Â", affirme un diplomate russe. D'un point de vue historique,
l'Arménie est le pays le plus pro-russe du Caucase.
L'armée russe ne dispose pas seulement de bases militaires en
Arménie, mais également sur les frontières entre l'Arménie
et la Turquie. L'enclave du Haut-Karabakh, contrôlée de facto
par l'Arménie, vit depuis plus de dix ans dans un contexte de ni
guerre, ni paix. Les pourparlers entre Bakou et Erevan se font par
intermittence, sous la médiation du Groupe de Minsk - co-présidé
par la France, les Etats-Unis et la Russie et opérant sous le
mandat de l'OSCE. Mais les négociations butent toujours sur la
définition du statut de l'enclave. Le cessez-le-feu signé en mai
1994 a mis un terme officiel aux hostilités ayant fait 30.000 morts
des deux côtés et près d'un million de réfugiés/déplac&# xC3;©s
côté azerbaïdjanais. Latent, le conflit continue a déstabiliser
la région, l'Arménie et l'Azerbaïdjan refusant mutuellement des
concessions mettant en cause leur intégrité territoriale. En
Arménie, l'offensive géorgienne contre l'Ossétie du Sud
séparatiste a ravivé les craintes d'une récupération manu
militari par Bakou. Le président Mikhaïl Saakachvili a fait ce que
le président azerbaïdjanais Ilham Aliev menace d'entreprendre depuis
longtemps. L'intervention russe devrait cependant le faire réfléchir.
Pour L'Iran, le retour militaire russe est une excellente nouvelle, une
très mauvaise pour IsraÃ"l impliqué en Géorgie comme nous l'avons
déja expliqué. L'intervention russe rend le dossier iranien bien
plus compliqué et finalement moins prioritaire. L'option militaire
s'éloigne même si certains hommes politiques israéliens y restent
attachés. Pour eux, Ehud Barak comme Benjamin Netanyahu pensent
qu'IsraÃ"l va être lâché sur ce dossier par la communauté
internationale. Il faudra donc fatalement frapper seul comme en 81
lors de l'opération aérienne contre une centrale irakienne.
Crise politique en IsraÃ"l, crise en Géorgie, élections américaines
pour l'Iran - allié de la Russie -, l'horizon s'est un peu dégagé
même si tout reste envisageable, même parfois l'incroyable. Dans
une lettre adressée au secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon,
l'ambassadeur iranien Mohammed Khazaee a écrit que les commentaires
formulés par un ministre israélien représentent, a ses yeux,
une Â" menace violente Â" ainsi qu'Â" une violation flagrante des
principes les plus fondamentaux du droit international Â". Mohammed
Khazaee faisait référence aux propos attribués en début de
semaine par le magazine allemand Der Spiegel au ministre israélien
chargé des retraites, Rafi Eitan. Ce dernier avait en effet laissé
entendre que Jérusalem pourrait chercher, après avoir enlevé et
séquestré le président iranien, a le faire comparaître devant la
justice internationale. Une déclaration qui révèle une nervosité
extrême provoquée par une menace jugée sérieuse et aggravée par
le changement de situation internationale.
Nous sommes entrés dans une période dangereuse.
--Boundary_(ID_Q4bKIfkwQvUJF2gUwm2Zxg )--
Le Reporter
Samedi, 20 Septembre 2008 09:14 Patrice Zehr
Morocco
Il est évident que l'intervention militaire russe en Géorgie est un
tournant dans les relations internationales comme nous avons tenté de
l'analyser ici. Les conséquences restent difficiles a évaluer. Mais
certaines sont déja évidentes.
Guerre en Géorgie L'Ukraine est en crise politique latente mais
permanente. Les pro-occidentaux tentent de renforcer au plus vite
leurs liens avec l'UE. Les pro-russes reprennent confiance et les
Russes de Crimée encore plus. Kiev par prudence se contente d'un
rapprochement sans faire allusion a une future union. L'Union et
l'Ukraine signeront un accord dit d'association dans le courant de
l'année prochaine. A l'issue du sommet qui réunissait le mardi 9
septembre l'UE et l'ancienne république soviétique, le Président
francais Nicolas Sarkozy, qui tient actuellement les rênes de l'Union,
a insisté sur la volonté de rapprochement, sans toutefois préjuger
d'une future adhésion, aussi lointaine puisse-t-elle être. Le coup
d'arrêt de Moscou a été pris en compte, même si ce n'est pas avoué
bien sÃ"r. Le président Viktor Iouchtchenko a, lui, brièvement
évoqué la crise russo-géorgienne et insisté sur l'intégrité
territoriale de son pays. Avec la Crimée (qui pourrait menacer de
suivre l'exemple du Kosovo et de l'Ossétie) et son poids politique,
Moscou a de quoi peser, sans parler de la pression énergétique sur
les orientations ukrainiennes.
La tentative de rapprochement a l'occasion d'un match aller de
qualification de la coupe du monde de football entre la Turquie et
l'Arménie a pris une toute autre dimension. Au dela de l'affaire du
Â" génocide Â" et de l'affrontement de deux mémoires, le dossier
du haut Karabakh a été évoqué par les deux présidents. Le
conflit gelé entre Azerbaïdjan et l'Arménie depuis 1994 pourrait
reprendre. Le président turc, Abdullah Gul, est revenu de sa visite
historique en Arménie avec des espoirs de normalisation des relations
tumultueuses entre les deux nations. M. Gul est le premier président
turc a s'être rendu en Arménie depuis l'indépendance en 1991 de
cette ex-république soviétique. Dans cette optique, les chefs de la
diplomatie arménienne et turque, Edouard Nalbandian et Ali Babacan,
se rencontreront fin septembre a New York, a l'occasion de l'Assemblée
génér ale des Nations Unies.
Mais les deux pays ont de lourds contentieux. L'Arménie estime que
les massacres commis sous l'empire ottoman ont fait jusqu'a 1,5 million
de morts et constituent un Â" génocide Â", une position adoptée par
plusieurs pays, dont la France, mais catégoriquement rejetée par la
Turquie. La Turquie a fermé sa frontière avec l'Arménie en 1993 pour
soutenir l'Azerbaïdjan turcophone dans son conflit avec l'Arménie
sur la région du Nagorny-Karabakh, enclave peuplée d'Arméniens
en territoire azerbaïdjanais, dont la sécession a conduit a une
guerre entre les deux pays. Les turcs sont les protecteurs naturels
des azéris et la Russie de l'Arménie. Moscou soupconne une pression
américaine derrière la visite du président turc. Â" Gul ne s'est
certainement pas rendu a Erevan pour résoudre la question du génocide
arménien Â", affirme un diplomate russe. D'un point de vue historique,
l'Arménie est le pays le plus pro-russe du Caucase.
L'armée russe ne dispose pas seulement de bases militaires en
Arménie, mais également sur les frontières entre l'Arménie
et la Turquie. L'enclave du Haut-Karabakh, contrôlée de facto
par l'Arménie, vit depuis plus de dix ans dans un contexte de ni
guerre, ni paix. Les pourparlers entre Bakou et Erevan se font par
intermittence, sous la médiation du Groupe de Minsk - co-présidé
par la France, les Etats-Unis et la Russie et opérant sous le
mandat de l'OSCE. Mais les négociations butent toujours sur la
définition du statut de l'enclave. Le cessez-le-feu signé en mai
1994 a mis un terme officiel aux hostilités ayant fait 30.000 morts
des deux côtés et près d'un million de réfugiés/déplac&# xC3;©s
côté azerbaïdjanais. Latent, le conflit continue a déstabiliser
la région, l'Arménie et l'Azerbaïdjan refusant mutuellement des
concessions mettant en cause leur intégrité territoriale. En
Arménie, l'offensive géorgienne contre l'Ossétie du Sud
séparatiste a ravivé les craintes d'une récupération manu
militari par Bakou. Le président Mikhaïl Saakachvili a fait ce que
le président azerbaïdjanais Ilham Aliev menace d'entreprendre depuis
longtemps. L'intervention russe devrait cependant le faire réfléchir.
Pour L'Iran, le retour militaire russe est une excellente nouvelle, une
très mauvaise pour IsraÃ"l impliqué en Géorgie comme nous l'avons
déja expliqué. L'intervention russe rend le dossier iranien bien
plus compliqué et finalement moins prioritaire. L'option militaire
s'éloigne même si certains hommes politiques israéliens y restent
attachés. Pour eux, Ehud Barak comme Benjamin Netanyahu pensent
qu'IsraÃ"l va être lâché sur ce dossier par la communauté
internationale. Il faudra donc fatalement frapper seul comme en 81
lors de l'opération aérienne contre une centrale irakienne.
Crise politique en IsraÃ"l, crise en Géorgie, élections américaines
pour l'Iran - allié de la Russie -, l'horizon s'est un peu dégagé
même si tout reste envisageable, même parfois l'incroyable. Dans
une lettre adressée au secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon,
l'ambassadeur iranien Mohammed Khazaee a écrit que les commentaires
formulés par un ministre israélien représentent, a ses yeux,
une Â" menace violente Â" ainsi qu'Â" une violation flagrante des
principes les plus fondamentaux du droit international Â". Mohammed
Khazaee faisait référence aux propos attribués en début de
semaine par le magazine allemand Der Spiegel au ministre israélien
chargé des retraites, Rafi Eitan. Ce dernier avait en effet laissé
entendre que Jérusalem pourrait chercher, après avoir enlevé et
séquestré le président iranien, a le faire comparaître devant la
justice internationale. Une déclaration qui révèle une nervosité
extrême provoquée par une menace jugée sérieuse et aggravée par
le changement de situation internationale.
Nous sommes entrés dans une période dangereuse.
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