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Calouste Sarkis Gulbenkian Le musee foisonnant de "Monsieur 5%"

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  • Calouste Sarkis Gulbenkian Le musee foisonnant de "Monsieur 5%"

    Les Echos, France
    Vendredi 21 Août 2009

    Calouste Sarkis Gulbenkian Le musée foisonnant de « Monsieur 5 % »


    ENCART: La fortune amassée grce au pétrole a permis à Calouste Sarkis
    Gulbenkian d'assouvir une passion obsessionnelle : celle des choses
    précieuses et belles. Les collections constituées par cet amateur
    cosmopolite, visibles aujourd'hui à Lisbonne, comptent 6.000 oeuvres
    d'art oriental et occidental, de l'Antiquité au début du XX e siècle.


    Que collectionne un Arménien né en Turquie, éduqué dans l'Angleterre
    victorienne, vivant à Paris dans l'entre-deux-guerres et installé par
    la suite au Portugal ? Tout. Car sa nature cosmopolite lui donne une
    curiosité universelle. Mais, si, en plus, il est très fortuné et
    éduqué, ses acquisitions ne trouveront pas de limites.

    C'est bien le cas, unique, de Calouste Sarkis Gulbenkian (1869-1955),
    un homme d'affaires d'une clairvoyance remarquable. Celui qui sera
    surnommé par la suite « Monsieur 5 % » avait compris, dès 1891, alors
    qu'il avait à peine vingt-deux ans, que l'extraction pétrolière serait
    un enjeu majeur du XX siècle. Après des études au King's College de
    Londres, le jeune Arménien, qui a aussi beaucoup appris de ses voyages
    au Moyen-Orient, va devenir un coordinateur hors pair dans le cadre
    d'une vision mondiale de l'exploitation du pétrole. Malgré les
    tourments de l'histoire de la première partie du XX siècle, il réussit
    à mettre en relation les industries pétrolières des différentes
    puissances occidentales afin de rationaliser la production de l'or
    noir. Et parvient finalement à un accord. En échange, il obtient une
    participation à peine imaginable : 5 % du revenu de la production des
    principales compagnies pétrolières mondiales. Dans les
    années 1950, cette seule activité rapporte annuellement 10 millions
    de livres.

    Soif d'exception

    Calouste Gulbenkian est né dans une famille aisée de commerçants et il
    a toujours été passionné par la collection, par l'envie de posséder
    des choses précieuses. Comme souvent chez ce genre de personnalités
    obsessionnelles, cette tendance a commencé dès l'enfance. Petit
    garçon, il consacre tout son argent de poche, malgré les réprimandes
    paternelles, aux pièces de monnaie anciennes. A la fin de sa vie, il
    en possède 6.000. Mais pas n'importe lesquelles. Calouste est un homme
    hanté par l'idée d'exception, d'absolu. Il déclarait : « Mon but est
    de constituer une collection de monnaies grecques très belle d'un
    point de vue purement artistique. A cette fin, je veux m'en tenir à
    des spécimens qui soient dans un état de conservation impeccable et
    d'une exceptionnelle beauté. » D'ailleurs, les citations qui sont
    données de lui dans ses différentes biographies ou celles qu'on trouve
    dans le musée qui porte aujourd'hui son nom à
    Lisbonne sont toujours à ce sujet d'une grandiloquence, d'un lyrisme,
    un peu indigeste. Il disait par exemple : « Il n'y a que le meilleur
    pour moi » ou, à propos de miniatures qu'il désirait ardemment et qui
    étaient proposées aux enchères : « Quoi donc ? Aucun prix ne me
    dépasse ! Je veux ces miniatures. Je les ferai donc prendre ce soir. »

    « Les femmes de mon harem »

    Cela dit, à la visite de ses collections à Lisbonne, on doit admettre
    que les superlatifs lui conviennent bien. Elles sont composées
    d'environ 6.000 oeuvres d'art, qui vont de l'Antiquité au début du XXe
    siècle. Au début des années 1920, ses acquisitions sont tellement
    massives qu'il achète un hôtel particulier avenue d'Iéna pour les
    abriter (1). Quelques-unes sont aussi disposées dans le manoir de sa
    propriété de Normandie, Les Enclos, à Deauville (2), un parc de 24
    hectares où il cultive son amour de la nature. Ce qui fera dire au
    poète Saint-John Perse, ami du milliardaire, que Les Enclos sont « la
    pièce maîtresse de [ses] oeuvres, parce que la plus vivante, la plus
    intime et la plus sensible » . Lorsqu'une personne inconnue demande à
    Gulbenkian de visiter ses collections, la plupart du temps, il refuse
    en rétorquant dans un genre oriental : « Dévoilerais-je les femmes de
    mon harem à un étranger ? » Mais la collection
    continue à se développer et, en 1936, par mesure de sécurité, il
    négocie avec le British Museum l'accueil de l'ensemble d'art égyptien
    et avec la National Gallery celui de ses meilleurs tableaux. En 1948
    et 1950, ces mêmes pièces seront transférées, toujours en dépôt, à la
    National Gallery of Art de Washington. Pour le collectionneur,
    l'objectif est d'arriver à assurer une pérennité et à négocier une
    exonération fiscale pour l'ensemble amassé.

    Une pinacothèque impressionnante

    Les démarches sont vaines auprès de la Grande-Bretagne comme des
    Etats-Unis. Gulbenkian écrit à une de ses relations anglaises : « Mes
    oeuvres d'art sont les amis de toute ma vie et mon inquiétude relative
    à leur futur domicile est, je le pense, un sentiment très naturel. »
    C'est finalement le Portugal du dictateur Salazar qui saura accueillir
    ses « amis de toute une vie ».

    Gulbenkian meurt en juillet 1955, et la fondation qui porte son nom
    est inaugurée seulement quatorze ans plus tard. La moitié de
    l'établissement est consacrée aux arts orientaux, l'autre aux
    expressions occidentales. Des trésors de tapis islamiques du XVI
    siècle, des verreries arabes et des céramiques ottomanes hors du
    commun L'amateur n'a pas renié ses origines. Mais il a aussi réuni un
    ensemble d'inrô du Japon, ces délicates boîtes placées à la ceinture
    dans la tenue traditionnelle nippone. Le versant européen comprend un
    ensemble rare de mobilier du XVIII siècle français, souvent d'origine
    royale, présenté dans les salles comme des oeuvres d'art. Quant aux
    tableaux, ils vont du Moyen Age au XX siècle. Il y a plusieurs
    chefs-d'oeuvre comme les portraits de sainte Catherine et saint Joseph
    par le peintre flamand du XV siècle Rogier Van der Weyden ou les deux
    Rembrandt et le Rubens en provenance du musée de l'Ermitage à
    Saint-Pétersbourg, que Gulbenkian avait négocié avec le régime
    communiste dans les années 1920. On a cependant bien du mal à
    distinguer un fil directeur esthétique dans les choix du
    collectionneur. Lui-même disait avec l'assurance qui le caractérisait
    : « Pour moi, un tableau doit être une chose aimable, joyeuse, jolie,
    oui, jolie ! Il y a assez de choses embêtantes dans la vie pour que
    nous n'en fabriquions pas encore d'autres. » Mais le générique de sa
    pinacothèque donne plus qu'une impression de joliesse : Rembrandt, La
    Tour, Turner, Manet, Degas ou Burne-Jones Une recherche du « bon
    plaisir » qui l'a inscrit dans la postérité.
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