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Paix armee dans les Hauts-de-Seine entre Sarkozy et P. Devedjian

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  • Paix armee dans les Hauts-de-Seine entre Sarkozy et P. Devedjian

    Le Monde, France
    26 décembre 2009 samedi


    Paix armée dans les Hauts-de-Seine entre Jean Sarkozy et Patrick Devedjian

    par Béatrice Jéròme

    Le fils du président capitalise sur la défiance qu'inspire l'ami du
    président dans ce département

    Jean Sarkozy voulait devenir patron des Hauts-de-Seine en 2011. Après
    le fiasco de sa candidature à la présidence de l'Etablissement public
    pour l'aménagement de la Défense (EPAD), en octobre, il hésite,
    inquiet du risque d'un nouveau procès en népotisme qui aurait pu gà?ªner
    son père, un an avant l'élection présidentielle. Mais son retrait de
    l'avant-scène politique a tout du repli tactique. Le jeune conseiller
    du canton sud de Neuilly veut incarner le leadership de la droite dans
    l'ancien fief paternel.

    Le 15 décembre, Jean Sarkozy a étrenné un rendez-vous avec les élus :
    les " brainstormings du 92. " Chaque mois, il réunira une partie de
    ses troupes autour d'un expert. La première réunion s'est tenue sur
    l'emploi autour du politologue Dominique Reynié. " Nous allons
    préparer ensemble le projet qui nous permettra de construire les
    Hauts-de-Seine de demain ", écrit-il dans le dossier d'invitation
    adressé aux élus. La formule a été conà?§ue avec le communicant
    Christophe Lambert.

    Lundi 14 décembre, c'est une brochette de grands élus des Hauts-
    de-Seine qu'il réunissait au restaurant Le Petit Poucet sur l'à?®le de
    la Jatte, au coeur de la circonscription UMP Neuilly-Puteaux, dont il
    est le délégué. En présence de Charles Pasqua, Valérie Pécresse et
    Rama Yade. Mais sans Patrick Devedjian, le patron du conseil général.

    Entre l'ami et le fils du président, la guéguerre dure depuis près de
    deux ans. Un conflit entre deux ambitions, deux générations avec
    feinte complicité en public mais vraie rivalité en coulisse. Tous les
    élus UMP ont en mémoire leurs passes d'armes à fleurets à peine
    mouchetés et leurs franches engueulades.

    Tous ont été témoins de la colère de M. Devedjian, le 16 juin 2008. Ce
    jour-là, Jean Sarkozy vient d'à?ªtre porté par un vote unanime à la tà?ªte
    du groupe UMP. " Mon petit Jean, puisque tu veux devenir président, il
    va falloir que tu apprennes à parler aux journalistes ! ", lance M.
    Devedjian, l'index pointé sur le jeune élu qui vient d'à?ªtre adoubé par
    ses pairs. Le patron des Hauts-de-Seine lui reproche d'avoir ourdi son
    élection dans son dos avec le soutien de ses ennemis jurés, les
    Balkany et Charles Pasqua. Il veut le convaincre de venir s'expliquer
    avec lui devant la presse. Jean refuse. " Petit con ! C'est une faute
    politique que tu viens de commettre ! ", s'étrangle Patrick Devedjian,
    en découvrant le communiqué triomphateur que le fils du président
    distribue aux journalistes.

    Jean Sarkozy se garde de faire le procès de Patrick Devedjian, devant
    les journalistes. Au contraire. " Une engueulade ne dit pas le fond
    d'une relation, confiait-il, en novembre, dans un café près de la
    mairie de Neuilly. Mon premier sentiment en arrivant au conseil
    général a été la fierté d'avoir à travailler avec Patrick Devedjian,
    poursuivait-il. Je l'ai d'abord considéré comme un ami de mon père et
    de ma mère avant de le connètre comme personnalité politique. Je me
    souviens de notre premier échange, Patrick m'avait longuement parlé de
    sa passion pour un roman de Giono, "Un roi sans divertissement", un
    chef-d'oeuvre. "

    Le conseiller général de Neuilly qui cherche à reconstruire son image
    d'élu de terrain après l'échec de sa prise de l'EPAD n'a guère intérà?ªt
    à s'aliéner le patron du département. Mais il sait que, dans les rangs
    de la droite UMP, les critiques pleuvent sur la gestion Devedjian.

    Sous couvert d'anonymat, nombre de conseillers généraux UMP reprochent
    au président du conseil général son mode de gestion " solitaire ", "
    autoritaire " parfois, mais surtout " austère ". Eux qui s'étaient
    habitués à ce que l'argent coule à flots du temps des années Pasqua
    acceptent mal de se voir soudain refuser des subventions
    départementales. Ils admettent difficilement les explications parfois
    cassantes du nouveau président.

    " Devedjian est convaincu qu'une bonne dépense n'est pas forcément une
    grosse dépense, explique Philippe Juvin, conseiller général (UMP) de
    La Garenne-Colombes. C'est mal vécu ! " " Devedjian est un avocat,
    habitué à travailler seul, il est beaucoup plus attaquant que
    conciliateur ", remarque Jean-Pierre Fourcade, sénateur des
    Hauts-de-Seine, marié à Odile Fourcade, conseillère générale (UMP) de
    Boulogne-Billancourt.

    Ces derniers mois, une bonne part des élus ont poussé la porte du
    bureau du fils du président pour se plaindre de l'attitude
    intransigeante de Patrick Devedjian. Ils ont trouvé une oreille
    attentive. " Si Devedjian faisait mieux le boulot, Jean n'aurait pas
    autant d'espace. Il est devenu son meilleur agent commercial ",
    constate l'un d'eux.

    En retour, Jean Sarkozy s'est assuré du soutien sans faille des élus.
    " Jean dorlote ses troupes. Il n'oublie jamais un anniversaire ",
    s'exclame Thierry Solère, conseiller (UMP) de Boulogne-Billancourt.
    Capable de les emmener voir Barack Obama sur les plages de Normandie
    comme de les entrèner au Palais de Chaillot visiter l'exposition des
    architectes sur le Grand Paris, il les associe à ses décisions, " non
    sans une petite part de cinéma ", reconnèt l'un d'eux.

    " à?a va vous parètre galvaudé, mais j'aime les gens, expliquait, en
    novembre, Jean Sarkozy. En politique, il y a ceux qui considèrent que
    pour à?ªtre un chef, il faut inspirer la crainte. Je pense au contraire
    que pour à?ªtre compris, il faut se mettre à la place des élus, intégrer
    leur raisonnement et s'efforcer, ce n'est pas toujours simple, de
    regarder les choses avec leurs yeux. "

    Une pierre gratuite dans le jardin du patron du département ? Les
    proches de Patrick Devedjian prennent sa défense. " Devedjian joue les
    méchants parfois, mais, au fond, c'est un tendre. N'oubliez pas que
    son héros, c'est Cyrano, un homme qui se damnerait pour une formule et
    qui hait la courtisanerie. "

    Malgré ses gages de totale loyauté envers le chef de l'Etat et ses
    efforts pour relancer le quartier de la Défense, M. Devedjian a pris
    la mesure, au printemps, de sa perte d'autorité face aux Sarkozy, père
    et fils. Pour remplacer Philippe Juvin, élu député européen, le chef
    de l'Etat a souhaité qu'Isabelle Caullery soit candidate, au printemps
    2010 dans le canton de La Garenne-Colombes. Conseillère municipale à
    Neuilly, quand Nicolas Sarkozy en était le maire, elle est directrice
    de la publication du journal, " Neuilly 92 " que Jean Sarkozy fait
    parètre dans son canton. C'est aussi une fidèle de Charles Pasqua.

    Pour toutes ses raisons, Patrick Devedjian a tenté de faire barrage à
    la candidature de Mme Caullery. En vain. Lundi 6 juillet, au déjeuner
    du bureau départemental de l'UMP, ils sont tous là, Charles Pasqua,
    Patrick Balkany, Jean Sarkozy, Patrick Devedjian. Quand le nom
    d'Isabelle Caullery arrive sur la table, le patron des Hauts-de-Seine
    déclare qu'il en a " parlé au président ", que sa candidature n'est
    pas " encore certaine ". " J'ai vu le président dimanche, il m'a dit
    que ce serait Isabelle Caullery ", a répliqué froidement Jean Sarkozy.
    Quand vient le moment du vote, tous les convives posent leurs
    couverts. " Là?¢che au moins ton couteau pour lever la main ! ", lance
    M. Balkany à M. Devedjian.

    M. Devedjian a essuyé cet été un nouveau revers : l'Elysée refuse le
    décret qui, en allongeant la limite d'à?¢ge fixée à 65 ans, lui aurait
    permis de rester président de l'EPAD, Amer, meurtri mà?ªme, M. Devedjian
    considère pourtant que l'assaut raté de Jean Sarkozy sur la présidence
    de la Défense lui redonne des chances de rester en place en 2011. " Je
    n'ai pas déposé mon bilan. Je me battrai pour conserver mon fauteuil,
    " confie-t-il. Si certains doutent de ses capacités de résistance, il
    rappelle, bravache, qu'il est " issu d'un peuple de survivants ", lui,
    le fils d'ingénieur arménien. Si leur duel devait avoir lieu dans le
    fief présidentiel, en 2011, il serait meurtrier. Nicolas Sarkozy le
    sait et préférerait l'éviter.

    Mais que faire de Patrick Devedjian ? Le nommer au Conseil
    constitutionnel en février 2010 ? La porte de sortie serait honorable
    pour un avocat qui rà?ªvait de devenir garde des sceaux. Mais risquée.
    Ne dira-t-on pas que le chef de l'Etat a ouvert la voie à son fils ? A
    tout prendre, le jeune conseiller général du canton sud de Neuilly
    préférerait un affrontement à la loyale.
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