TURCS ET ARMENIENS : LE POIDS DU SOUVENIR
Le Monde
22 mars 2009 dimanche
France
ARTE 23.00 DOCUMENTAIRE UNE THEMA SUR L'ACTUALITE D'UN CONFLIT
SECULAIRE
Qui a tue Hrant Dink, le 19 janvier 2007, ce journaliste armenien
de Turquie qui oeuvrait pour le dialogue entre les communautes ? A
l'approche de la reouverture a Istanbul du procès des assassins
presumes, le 20 avril, Arte consacre une soiree aux relations entre
Turcs et Armeniens.
L'Assassinat de Hrant Dink retrace brièvement la carrière du
journaliste et souligne les anomalies qui entourent l'enquete sur
ce meurtre politique. Très respecte en Turquie, Hrant Dink voulait
trouver une issue pacifique au conflit qui pèse sur la vie politique
depuis le genocide des Armeniens en 1915 et sa non-reconnaissance par
Ankara : " Le remède, c'est le dialogue et une empathie mutuelle ",
affirmait-il inlassablement, au risque de s'aliener une partie de la
diaspora et des pretres armeniens.
Signe d'une evolution de la societe civile turque sur le sujet,
sa mort provoqua une immense vague d'indignation. Quelque 200 000
personnes defilèrent en hommage, scandant " Nous sommes tous des
Armeniens " et exigeant que justice soit faite. Depuis, l'enquete
n'a cesse d'accumuler les irregularites. Si les soupcons se sont
aussitôt portes vers les milieux ultranationalistes, des documents
ont ete falsifies ou retires du dossier. " En Turquie, quand les
commanditaires d'un meurtre politique ne sont pas retrouves, vous
pouvez etre sûr que l'Etat est directement implique ", affirme le
redacteur en chef du quotidien liberal Taraf.
TURCS ET ARMENIENS À LA MÊME ECOLE
Loin d'Istanbul, la realisatrice Berke Bas est allee recueillir les
traces de Nahide, sa grand-mère armenienne dans le village d'Ordou,
près de Trebizonde, au nord-est du pays. Dans son film, La Chanson de
Nahide, elle donne la parole aux villageois d'aujourd'hui. En 1915,
lors de " la deportation ", Nahide a ete recueillie par des voisins
turcs. Sur les photos des vieux albums d'Ordou, la presence armenienne
est partout : l'eglise, les ecoles, les pretres, les ceremonies
chretiennes sont visibles, signes de la longue cohabitation entre
Turcs et Armeniens. Les anciens se souviennent que les enfants turcs
frequentaient l'ecole armenienne.
Aujourd'hui, l'eglise a ete transformee en mosquee. Les villageois
ne parlent pas du traumatisme de 1915. Les Armeniens les plus âges
expliquent : " Quand nos parents nous parlaient de la deportation,
des morts, nous ne voulions pas ecouter, c'etait trop triste. " Un
vieux chaudronnier a le courage de nommer les faits : " S'il n'y a pas
eu de genocide, alors où sont nos ancetres ? C'etait une guerre et,
dans une guerre, tout peut arriver. Pourquoi le nier ? "
Catherine Bedarida
Osman Okkan et Simone SitteL'Assassinat de Hrant Dink, (All., 2008)
a 23 heures. Berke Bas :La Chanson de Nahide (Fr., 2009) a 23 h 55.
Le Monde
22 mars 2009 dimanche
France
ARTE 23.00 DOCUMENTAIRE UNE THEMA SUR L'ACTUALITE D'UN CONFLIT
SECULAIRE
Qui a tue Hrant Dink, le 19 janvier 2007, ce journaliste armenien
de Turquie qui oeuvrait pour le dialogue entre les communautes ? A
l'approche de la reouverture a Istanbul du procès des assassins
presumes, le 20 avril, Arte consacre une soiree aux relations entre
Turcs et Armeniens.
L'Assassinat de Hrant Dink retrace brièvement la carrière du
journaliste et souligne les anomalies qui entourent l'enquete sur
ce meurtre politique. Très respecte en Turquie, Hrant Dink voulait
trouver une issue pacifique au conflit qui pèse sur la vie politique
depuis le genocide des Armeniens en 1915 et sa non-reconnaissance par
Ankara : " Le remède, c'est le dialogue et une empathie mutuelle ",
affirmait-il inlassablement, au risque de s'aliener une partie de la
diaspora et des pretres armeniens.
Signe d'une evolution de la societe civile turque sur le sujet,
sa mort provoqua une immense vague d'indignation. Quelque 200 000
personnes defilèrent en hommage, scandant " Nous sommes tous des
Armeniens " et exigeant que justice soit faite. Depuis, l'enquete
n'a cesse d'accumuler les irregularites. Si les soupcons se sont
aussitôt portes vers les milieux ultranationalistes, des documents
ont ete falsifies ou retires du dossier. " En Turquie, quand les
commanditaires d'un meurtre politique ne sont pas retrouves, vous
pouvez etre sûr que l'Etat est directement implique ", affirme le
redacteur en chef du quotidien liberal Taraf.
TURCS ET ARMENIENS À LA MÊME ECOLE
Loin d'Istanbul, la realisatrice Berke Bas est allee recueillir les
traces de Nahide, sa grand-mère armenienne dans le village d'Ordou,
près de Trebizonde, au nord-est du pays. Dans son film, La Chanson de
Nahide, elle donne la parole aux villageois d'aujourd'hui. En 1915,
lors de " la deportation ", Nahide a ete recueillie par des voisins
turcs. Sur les photos des vieux albums d'Ordou, la presence armenienne
est partout : l'eglise, les ecoles, les pretres, les ceremonies
chretiennes sont visibles, signes de la longue cohabitation entre
Turcs et Armeniens. Les anciens se souviennent que les enfants turcs
frequentaient l'ecole armenienne.
Aujourd'hui, l'eglise a ete transformee en mosquee. Les villageois
ne parlent pas du traumatisme de 1915. Les Armeniens les plus âges
expliquent : " Quand nos parents nous parlaient de la deportation,
des morts, nous ne voulions pas ecouter, c'etait trop triste. " Un
vieux chaudronnier a le courage de nommer les faits : " S'il n'y a pas
eu de genocide, alors où sont nos ancetres ? C'etait une guerre et,
dans une guerre, tout peut arriver. Pourquoi le nier ? "
Catherine Bedarida
Osman Okkan et Simone SitteL'Assassinat de Hrant Dink, (All., 2008)
a 23 heures. Berke Bas :La Chanson de Nahide (Fr., 2009) a 23 h 55.