Le Temps, Suisse
Vendredi 09 Octobre 2009
La Suisse achève sa délicate mission de rapprocher Erevan et Ankara
Un accord entre la Turquie et l'Arménie sera signé samedi Zurich. La
Suisse a oeuvré comme médiatrice. Sceptique, la diaspora arménienne
craint une remise en question du génocide de 1915
par Valérie de Graffenried
Le pas est historique mais fragile. Sauf surprise de dernière minute,
la Turquie et l'Arménie signeront samedi Zurich un accord scellant
leur rapprochement. Deux protocoles prévoient la réouverture de la
frontière commune et la création d'une commission d'historiens qui se
penchera sur la question controversée du génocide arménien. La Suisse
a oeuvré comme médiatrice.
Conscient de marcher sur des oeufs, le Département fédéral des
Affaires étrangères reste très prudent: jeudi soir, il n'était
toujours pas en mesure de confirmer officiellement que la signature de
l'accord aurait lieu samedi Zurich. Il a pourtant envoyé une
information aux médias en ce sens. Et le Ministère russe des Affaires
étrangères avait assuré quelques heures plus t´t que l'accord serait
bel et bien signé samedi. La présence de la secrétaire d'Etat
américaine, Hillary Clinton, Zurich a par ailleurs été confirmée.
Une certaine nervosité est palpable depuis plusieurs jours dans les
deux camps. L'accord a été conclu le 31 ao»t. Les parties disposaient
partir de cette date de six semaines pour mener des consultations
politiques avant la signature du texte. Les parlements des deux pays
devront ensuite le ratifier pour qu'il entre en vigueur. La diaspora
arménienne est particulièrement remontée. En tournée en France, aux
Etats-Unis et au Liban, le président Serge Sarkissian a d» faire face
la colère de manifestants. A Paris, près de 500 Arméniens l'ont
traité de tra®tre alors qu'il déposait une gerbe de fleurs devant un
monument la mémoire des Arméniens massacrés en 1915.
Les protocoles prévoient la réouverture de la frontière commune dans
un délai de deux mois après l'entrée en force de l'accord. Elle avait
été fermée en 1993 par la Turquie qui soutenait l'Azerba¯djan dans son
conflit avec l'Arménie propos de l'enclave du Nagorny Karabakh,
peuplée d'Arméniens. L'Azerba¯djan, qui voit le rapprochement entre
Ankara et Erevan d'un mauvais oeil, menace aujourd'hui la Turquie de
lui couper ses livraisons de gaz. Ce qui corse la donne. Sur
l'épineuse question du génocide, que les Turcs n'ont jamais reconnu
comme tel, les protocoles prévoient la mise sur pied d'une commission
d'experts qui lancera un dialogue historique dans le but de restaurer
la confiance mutuelle entre les deux nations, incluant un examen
scientifique impartial des archives et documents historiques pour
définir les problèmes existants et fournir des recommandations.
Une formulation qui laisse Sarkis Shahinian, le président de
l'Association Suisse-Arménie (ASA), plus que songeur. L'Arménie ferait
une gravissime erreur en signant ces protocoles, dit-il. Il a
récemment rencontré le président arménien Paris et lui a demandé de
prendre une pause de réflexion, le document n'étant politiquement pas
m»r.
S'il salue la volonté de l'Arménie et de la Turquie de normaliser
leurs relations, Sarkis Shahinian se dit très blessé par l'attitude du
DFAE, qui a permis la Turquie de sortir indemne de la question du
génocide. Les conclusions de la commission d'historiens, laquelle
participera la Suisse, ne lieront pas la Turquie puisque seules des
recommandations, sont prévues, insiste-t-il.
L'ASA s'était déj fendue d'un communiqué le 9 septembre. Elle disait
percevoir dans l'accord le risque de remettre en question la
reconnaissance du génocide des Arméniens et le droit
l'autodétermination du Karabakh, sachant que derrière ce
rapprochement, facilité par la Suisse, se profile l'intention des
Etats-Unis, de l'UE et de la Russie de disposer au mieux des réserves
de gaz et de pétrole dans la région. Les conseillers nationaux Ueli
Leuenberger (Verts/GE) et Dominique de Buman (PDC/FR), qui président
le groupe parlementaire Suisse-Arménie, expriment des doutes
similaires.
Du c´té turc, des remontrances envers la Suisse ont aussi été
soulevées. Les relations entre Berne et Ankara n'ont pas toujours été
au beau fixe, précisément cause du dossier du génocide. Le Conseil
fédéral ne l'a pas reconnu, mais le National, si, en 2003, ce qui a
provoqué l'ire de la Turquie. Ankara a depuis mis beaucoup d'eau dans
son vin car elle espère qu'une réconciliation avec Erevan fera avancer
ses négociations d'adhésion l'UE. Ce rapprochement passe aussi par
le sport. Le président turc Abdullah G¼l a fait une visite historique
Erevan en septembre 2008, pour le match aller de qualification au
mondial 2010 entre les équipes nationales. Le match retour aura lieu
le 14 octobre en Turquie. Invité, le président arménien n'a pour
l'instant pas confirmé sa venue.
La Suisse oeuvre comme médiatrice entre les deux parties depuis deux
ans. Dans la plus grande discrétion. C'est le président américain qui
l'avait annoncé publiquement sur son blog le 7 avril dernier. Barack
Obama et la secrétaire d'Etat Hillary Clinton ont aussi multiplié les
actions pour amener la Turquie et l'Arménie surmonter leurs
réticences. Tout comme l'UE.
Vendredi 09 Octobre 2009
La Suisse achève sa délicate mission de rapprocher Erevan et Ankara
Un accord entre la Turquie et l'Arménie sera signé samedi Zurich. La
Suisse a oeuvré comme médiatrice. Sceptique, la diaspora arménienne
craint une remise en question du génocide de 1915
par Valérie de Graffenried
Le pas est historique mais fragile. Sauf surprise de dernière minute,
la Turquie et l'Arménie signeront samedi Zurich un accord scellant
leur rapprochement. Deux protocoles prévoient la réouverture de la
frontière commune et la création d'une commission d'historiens qui se
penchera sur la question controversée du génocide arménien. La Suisse
a oeuvré comme médiatrice.
Conscient de marcher sur des oeufs, le Département fédéral des
Affaires étrangères reste très prudent: jeudi soir, il n'était
toujours pas en mesure de confirmer officiellement que la signature de
l'accord aurait lieu samedi Zurich. Il a pourtant envoyé une
information aux médias en ce sens. Et le Ministère russe des Affaires
étrangères avait assuré quelques heures plus t´t que l'accord serait
bel et bien signé samedi. La présence de la secrétaire d'Etat
américaine, Hillary Clinton, Zurich a par ailleurs été confirmée.
Une certaine nervosité est palpable depuis plusieurs jours dans les
deux camps. L'accord a été conclu le 31 ao»t. Les parties disposaient
partir de cette date de six semaines pour mener des consultations
politiques avant la signature du texte. Les parlements des deux pays
devront ensuite le ratifier pour qu'il entre en vigueur. La diaspora
arménienne est particulièrement remontée. En tournée en France, aux
Etats-Unis et au Liban, le président Serge Sarkissian a d» faire face
la colère de manifestants. A Paris, près de 500 Arméniens l'ont
traité de tra®tre alors qu'il déposait une gerbe de fleurs devant un
monument la mémoire des Arméniens massacrés en 1915.
Les protocoles prévoient la réouverture de la frontière commune dans
un délai de deux mois après l'entrée en force de l'accord. Elle avait
été fermée en 1993 par la Turquie qui soutenait l'Azerba¯djan dans son
conflit avec l'Arménie propos de l'enclave du Nagorny Karabakh,
peuplée d'Arméniens. L'Azerba¯djan, qui voit le rapprochement entre
Ankara et Erevan d'un mauvais oeil, menace aujourd'hui la Turquie de
lui couper ses livraisons de gaz. Ce qui corse la donne. Sur
l'épineuse question du génocide, que les Turcs n'ont jamais reconnu
comme tel, les protocoles prévoient la mise sur pied d'une commission
d'experts qui lancera un dialogue historique dans le but de restaurer
la confiance mutuelle entre les deux nations, incluant un examen
scientifique impartial des archives et documents historiques pour
définir les problèmes existants et fournir des recommandations.
Une formulation qui laisse Sarkis Shahinian, le président de
l'Association Suisse-Arménie (ASA), plus que songeur. L'Arménie ferait
une gravissime erreur en signant ces protocoles, dit-il. Il a
récemment rencontré le président arménien Paris et lui a demandé de
prendre une pause de réflexion, le document n'étant politiquement pas
m»r.
S'il salue la volonté de l'Arménie et de la Turquie de normaliser
leurs relations, Sarkis Shahinian se dit très blessé par l'attitude du
DFAE, qui a permis la Turquie de sortir indemne de la question du
génocide. Les conclusions de la commission d'historiens, laquelle
participera la Suisse, ne lieront pas la Turquie puisque seules des
recommandations, sont prévues, insiste-t-il.
L'ASA s'était déj fendue d'un communiqué le 9 septembre. Elle disait
percevoir dans l'accord le risque de remettre en question la
reconnaissance du génocide des Arméniens et le droit
l'autodétermination du Karabakh, sachant que derrière ce
rapprochement, facilité par la Suisse, se profile l'intention des
Etats-Unis, de l'UE et de la Russie de disposer au mieux des réserves
de gaz et de pétrole dans la région. Les conseillers nationaux Ueli
Leuenberger (Verts/GE) et Dominique de Buman (PDC/FR), qui président
le groupe parlementaire Suisse-Arménie, expriment des doutes
similaires.
Du c´té turc, des remontrances envers la Suisse ont aussi été
soulevées. Les relations entre Berne et Ankara n'ont pas toujours été
au beau fixe, précisément cause du dossier du génocide. Le Conseil
fédéral ne l'a pas reconnu, mais le National, si, en 2003, ce qui a
provoqué l'ire de la Turquie. Ankara a depuis mis beaucoup d'eau dans
son vin car elle espère qu'une réconciliation avec Erevan fera avancer
ses négociations d'adhésion l'UE. Ce rapprochement passe aussi par
le sport. Le président turc Abdullah G¼l a fait une visite historique
Erevan en septembre 2008, pour le match aller de qualification au
mondial 2010 entre les équipes nationales. Le match retour aura lieu
le 14 octobre en Turquie. Invité, le président arménien n'a pour
l'instant pas confirmé sa venue.
La Suisse oeuvre comme médiatrice entre les deux parties depuis deux
ans. Dans la plus grande discrétion. C'est le président américain qui
l'avait annoncé publiquement sur son blog le 7 avril dernier. Barack
Obama et la secrétaire d'Etat Hillary Clinton ont aussi multiplié les
actions pour amener la Turquie et l'Arménie surmonter leurs
réticences. Tout comme l'UE.