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Armenie-Turquie: un fragile accord

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    Le Temps, Suisse
    Mercredi 02 Septembre 2009

    Arménie-Turquie: un fragile accord


    La médiation suisse a permis la publication de deux protocoles qui
    prévoient l'ouverture de la frontière commune et la création d'une
    commission historique qui se penchera sur la question controversée du
    génocide arménien.

    par Jean-Claude Péclet


    «C'est un grand succès pour la diplomatie helvétique»: Daniel Warner,
    directeur du Centre pour la gouvernance internationale à l'Institut de
    hautes études internationales et du développement (IHEID), salue
    l'accord entre l'Arménie et la Turquie, conclu lundi grâce à la
    médiation suisse, visant à normaliser les relations entre les deux
    pays. L'Union européenne, les Etats-Unis, la France et la Grèce se
    sont félicités de ce «pas positif» qui «contribue à la paix et à la
    stabilité dans le Sud-Caucase», selon les mots de la commissaire
    européenne aux Affaires extérieures, Benita Ferrero-Waldner.

    L'accord tient en deux protocoles que chaque partie soumettra à des
    consultations politiques pendant six semaines. Si tout se passe bien,
    ils seront ensuite signés et soumis aux parlements respectifs.

    Par ces textes, l'Arménie et la Turquie s'engagent à établir des
    relations diplomatiques, à reconnaître la frontière existante et Ã
    l'ouvrir «dans un délai de deux mois» après l'entrée en force de
    l'accord. Celle-ci avait été fermée en 1993 par la Turquie, qui
    soutenait l'Azerbaïdjan dans son conflit avec l'Arménie à propos de
    l'enclave du Nagorny-Karabakh, peuplée d'Arméniens mais située en
    territoire azéri.

    Le second protocole contient un paragraphe particulièrement alambiqué
    sur la question hautement sensible du génocide arménien de 1915-1916,
    que les Turcs n'ont jamais reconnu. Selon le texte, une commission
    «lancera un dialogue historique dans le but de restaurer la confiance
    mutuelle entre les deux nations, incluant un examen scientifique
    impartial des archives et documents historiques pour définir les
    problèmes existants et fournir des recommandations».

    Le choix des mots, pesés au milligramme, souligne bien les obstacles
    qui se dressent encore sur la voie de la concrétisation de
    l'accord. Le conseiller national vert Ueli Leuenberger, membre du
    groupe parlementaire Suisse-Arménie, craint que la diaspora arménienne
    ressente «comme un nouveau coup de poing» un texte qui l'implique
    indirectement par l'usage non anodin du mot «nation», et qui semble
    présenter le génocide comme une hypothèse restant à démontrer.

    Côté turc, des réactions de la droite nationaliste ne sont pas Ã
    exclure, même si une pétition demandant une attitude plus ouverte face
    au passé du pays a récolté quelque 40 000 signatures sur Internet en
    début d'année.

    La reconnaissance des frontières actuelles constitue un deuxième
    obstacle à la normalisation des relations. «Beaucoup d'Arméniens ne
    les acceptent pas, ne voulant pas renoncer à de futures revendications
    territoriales», écrit Harut Sassounian sur le site de l'association
    Hairenik. Pour lui, la question est de savoir quelle partie osera
    renier la première ses frêles engagements, au risque de s'attirer la
    colère de la communauté internationale.

    Car celle-ci s'est beaucoup impliquée pour arriver aux deux protocoles
    publiés lundi. Si la Suisse est le médiateur officiel, le président
    Barack Obama et sa secrétaire d'Etat Hillary Clinton, ainsi que
    l'Union européenne ont multiplié les pressions ces dernières semaines
    pour amener la Turquie et l'Arménie à surmonter leurs réticences.

    Même ainsi, on devine les tensions qui parcourent chacune des deux
    parties. «Pour l'heure, une ouverture de la frontière n'est pas
    envisagée et n'est pas la priorité», a par exemple déclaré mardi Ahmet
    Davutoglu, chef de la diplomatie turque, relativisant la portée d'une
    des clauses centrales des protocoles. La Turquie n'envisagera pas
    d'action «qui blesserait les intérêts de l'Azerbaïdjan», a-t-il
    ajouté.

    L'Azerbaïdjan, qui est toujours en guerre larvée avec son enclave
    indépendantiste du Nagorny-Karabakh, a menacé de couper ses livraisons
    de gaz à la Turquie si Ankara n'inclut pas cet enjeu dans les
    discussions. L'Arménie a des troupes au Nagorny-Karabakh, tout en
    accueillant 35 000 soldats russes sur son territoire.

    Si les discussions entre la Turquie et l'Arménie aboutissent à un
    accord, celui-ci pourrait être signé en Suisse, glisse-t-on au
    Département fédéral des affaires étrangères. Notre pays pourrait aussi
    jouer un rôle dans la commission historique sur le génocide.
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