COMMENT LA TURQUIE ET L'ARMENIE ONT LAISSE S'ENVOLER UNE CHANCE DE PAIX
Jean Eckian
armenews
lundi19 avril 2010
L'auteur de cet article, selon une habitude très repandue parmi
les journalistes politiques ou specialistes de la region, renvoie
dos a dos Armeniens et Turcs sur la "tragedie" de 1915. Il ecrit :
"il a semble pendant une courte periode qu'Erevan et Ankara defiaient
le determinisme historique obscur de la region." Erevan n'a rien a
defier, a cacher ou a nier sur aucun des aspects des massacres commis
par les Turcs. Les Armeniens ne cessent de le repeter. Pourquoi alors
la plupart des journalistes presentent-ils les choses de cette facon
insidieuse ? Au mieux par habitude ou au pire, par complaisance avec
les autorites turques...la meme complaisance qui anime les Lewis,
McCarthy et autres Veinstein. Thomas Van de Waal ecrit explicitement
que ce sont les turcs qui retardent la ratification des protocoles. Il
fait sur le Karabagh, une analyse originale et fondee : il est clair
que l'Azerbaïdjan est en fait encourage a preparer la guerre.
Malheureusement, a la fin, sur la question de la reconnaissance du
Genocide, il retombe dans les memes astuces complaisantes envers
les Turcs. Au lieu de "tragedie", "massacres" 'catastrophe" ou tout
simplement genocide, il ecrit... holocauste armenien.
Comment la Turquie et l'Armenie ont laisse s'envoler une chance de paix
par THOMAS DE WAAL | 15 avril 2010, Foreign Policy
Peu de frontières sont fermees sur cette terre mondialisee, mais la
frontière entre l'Armenie et la Turquie est encore une zone interdite
où s'arrete la voie ferree. La frontière fermee est une anomalie
etrange dans une Europe nouvelle, et cette anomalie resulte de deux
tragedies anciennes : le conflit toujours non resolu du debut des
annees 1990 entre l'Armenie et l"Azerbaïdjan allie de la Turquie,
et la catastrophe de 1915 au cours de laquelle la population entière
de l'Anatolie de l'Est a ete deportee ou tuee aux derniers jours de
l'Empire Ottoman.
Les habitants de chaque côte de la frontière veulent qu'elle soit
ouverte. Le mois passe, je me suis envole de la capitale armenienne
Erevan a Istanbul - les deux pays au moins ont une liaison aerienne.
L'allure des hommes d'affaire armeniens qui remplissaient l'avion
etait vaguement menacante a première vue. Ils portaient tous des
vestes de cuir de couleur sombre et les cheveux coupes a ras, ce qui
n'indiquait aucune amitie particulière en direction des Turcs. Les
deux hommes assis a mes côtes recherchaient les possibilites de
transport de tapis, de portes et de fenetres en cours d'achat en
Turquie, pour les livrer en Armenie, par une navette via la Georgie
dont la frontière est ouverte.
A Istanbul, l'imaginatif universitaire Cengiz Aktar m'a dit pourquoi
il pensait que la Turquie se libererait si elle faisait face a
la verite sur ce qui est arrive aux Armeniens disparus. Aktar est
a l'origine d'une petition sur Internet demandant pardon pour la
"Grande Catastrophe" de 1915 (adoptant l'expression des Armeniens
pour la tragedie) et exprimant de la sympathie pour "mes frères et
soeurs armeniens." Plus de 30 000 Turcs l'ont signee - ce qui est
remarquable dans un pays dont les manuels scolaires disaient, jusqu'a
tout recemment, que les Armeniens ont tue des Turcs aux derniers jours
de l'Empire Ottoman et non l'inverse. Ce n'etait pas une operation
aisee, mais le tabou interdisant de parler de la disparition des
Armeniens est a present leve.
Pendant un court moment, il a semble que les gouvernements d'Erevan et
d'Ankara defiaient le determinisme historique obscur de la region. En
octobre dernier, les presidents Armenien et Turc Serge Sarkissian
et Abdullah Gul ont avance dans la signature de deux protocoles sur
la normalisation des relations, s'engageant a ce qu'une fois les
documents ratifies par les parlements de chaque pays, la frontière
fermee serait ouverte dans les deux mois qui suivent. Six mois après,
les sentiments d'insecurite et les politiques locales ont pris le
dessus, et les protocoles sont remis en cause. Les dirigeants turcs
retardent la ratification des accords. Dans une rencontre le 12
avril entre Sarkissian et le puissant premier ministre turc Recep
Erdogan, a Washington, en marge du Sommet sur la Securite Nucleaire,
constituait une dernière chance de transiger sur un sauvetage, mais
les premiers presages qui en decoulent ne sont pas bons.
Qu'est ce qui n'a pas marche ? Ankara a souffle le froid sur ce
processus, disant qu'elle voulait voir des progrès dans le conflit
Armeno-Azerbaïdjanais sur le Karabagh-meme si le conflit n'est pas
mentionne dans le protocole. Les Turcs clairement n'avaient pas prevu
la reaction furieuse de l'Azerbaïdjan, la partie vaincue lors du
conflit sur la province disputee au debut des annees 1990. Un septième
du territoire de jure de l'Azerbaïdjan est encore sous le contrôle
armenien, et en 1993, la Turquie a ferme sa frontière avec l'Armenie
en solidarite avec son allie du groupe des peuples turcophones.
L'Azerbaïdjan a fait pression fortement et efficacement contre
les protocoles, et ses menaces sont comprehensibles - elle craint
que si la frontière entre l'Armenie et la Turquie est ouverte, un
levier essentiel d'influence sur les Armeniens pour les forcer a des
concessions sur le Karabagh sera perdu.
Ce qui pourrait etre vrai sur le court terme, mais a longue echeance,
l'ouverture de la frontière transformerait forcement le Sud Caucase
et aurait un effet possible sur le difficile conflit du Karabagh. Les
Turcs deviendraient un acteur neutre dans le Caucase et pourraient
y avoir pour la première fois un impact positif. Malheureusement,
cette vision a long terme n'est pas dans les habitudes de la region.
Une autre complication est l'approche de la date du 24 avril,
la date indiquee comme Jour du Genocide Armenien. Comme toujours,
l'anniversaire prochain rend nerveux, les Armeniens exercant chaque
annee leur pression auprès du president des Etats-Unis e du Congrès
pour nommer les massacres de 1915 "genocide", provocant la fureur de
la Turquie. Sarkissian a subi beaucoup de critiques de la part des
Armeniens de la diaspora sur son rapprochement avec la Turquie. Il est
a present sous la pression pour retirer sa signature des protocoles
et faire face aux critiques en Armenie et dans la diaspora d'avoir
laisse les turcs le mener en bateau.
Une solution rapide doit etre trouvee pour eviter un danger immediat
de rupture du processus, et l'administration americaine n'a plus que
quelques jours pour la trouver. Mais il y a aussi un defi a long
terme -comment sortir le Sud Caucase dans son ensemble d'un cycle
historique de suspicion et d'impasse. Les acteurs locaux semblent
etre pris dans un piège, effrayes a l'idee de rompre une dynamique
negative tenant les frontières et les esprits fermes. Une strategie
a long terme plus large comme celle qui a reussi dans les Balkans au
bout d'une quinzaine d'annees est ici necessaire.
Ce qui suppose un engagement beaucoup plus grand pour denouer le
problème le plus important dans la region entre la mer Noire et la mer
Caspienne, le conflit sur le Karabagh. Actuellement, les ressources
internationales investies dans la region pour la paix au Karabagh sont
beaucoup trop modestes pour faire la difference. Le conflit est en
sommeil, mais il n'y a pas de lieu de s'en satisfaire. L'Azerbaïdjan
riche de son petrole depense plus de deux milliards pour son budget
militaire, plus que la totalite du budget de l'Armenie. Encore
quelques annees, et l'Azerbaïdjan pourrait etre tentee de reconquerir
le Karabagh par la force, provoquant un conflit regional qui pourrait
enflammer la region entre la Russie, la Turquie et l'Iran.
Les Etats-Unis pourraient aussi investir dans une reflexion a long
terme sur la question Armeno-Turque, faisant de la reconciliation
l'un de ses buts strategiques et non un feu clignotant une fois par
an a l'approche de la Journee du Genocide Armenien. Dans les annees
recentes, la question qui consiste a se demander si le president des
USA usera du "mot G" - genocide - dans sa declaration du 24 avril,
s'est deviee de ce qui devrait etre la commemoration d'une tragedie
historique en un obscur marchandage politique. Une date clef, le
centenaire de l'holocauste armenien de 2015, se presente a l'horizon
et peut servir de repère aux Turcs, aux Armeniens- et au president
Barak Obama. Le gouvernement turc devrait realiser qu'il ne lui
reste plus que cinq ans pour en arriver a une meilleure reponse a la
question armenienne avant que le monde entier ne commemore le 100ème
anniversaire de l'holocauste armenien. En repoussant la question
encore cinq ans, Obama devrait donner respectueusement mais gravement
a la Turquie une chance de se joindre au debat qui gagne dans sa
propre societe. S'il dit le 24 avril, "dans cinq ans, je marquerai
le centenaire de la Grande Catastrophe de 1015. J'espère que je le
marquerai avec nos amis turcs et non sans eux, " il commencera a agir
pour la reconciliation plutôt qu'un simple acteur dans la perpetuelle
querelle Armeno-Turque.
From: Emil Lazarian | Ararat NewsPress
Jean Eckian
armenews
lundi19 avril 2010
L'auteur de cet article, selon une habitude très repandue parmi
les journalistes politiques ou specialistes de la region, renvoie
dos a dos Armeniens et Turcs sur la "tragedie" de 1915. Il ecrit :
"il a semble pendant une courte periode qu'Erevan et Ankara defiaient
le determinisme historique obscur de la region." Erevan n'a rien a
defier, a cacher ou a nier sur aucun des aspects des massacres commis
par les Turcs. Les Armeniens ne cessent de le repeter. Pourquoi alors
la plupart des journalistes presentent-ils les choses de cette facon
insidieuse ? Au mieux par habitude ou au pire, par complaisance avec
les autorites turques...la meme complaisance qui anime les Lewis,
McCarthy et autres Veinstein. Thomas Van de Waal ecrit explicitement
que ce sont les turcs qui retardent la ratification des protocoles. Il
fait sur le Karabagh, une analyse originale et fondee : il est clair
que l'Azerbaïdjan est en fait encourage a preparer la guerre.
Malheureusement, a la fin, sur la question de la reconnaissance du
Genocide, il retombe dans les memes astuces complaisantes envers
les Turcs. Au lieu de "tragedie", "massacres" 'catastrophe" ou tout
simplement genocide, il ecrit... holocauste armenien.
Comment la Turquie et l'Armenie ont laisse s'envoler une chance de paix
par THOMAS DE WAAL | 15 avril 2010, Foreign Policy
Peu de frontières sont fermees sur cette terre mondialisee, mais la
frontière entre l'Armenie et la Turquie est encore une zone interdite
où s'arrete la voie ferree. La frontière fermee est une anomalie
etrange dans une Europe nouvelle, et cette anomalie resulte de deux
tragedies anciennes : le conflit toujours non resolu du debut des
annees 1990 entre l'Armenie et l"Azerbaïdjan allie de la Turquie,
et la catastrophe de 1915 au cours de laquelle la population entière
de l'Anatolie de l'Est a ete deportee ou tuee aux derniers jours de
l'Empire Ottoman.
Les habitants de chaque côte de la frontière veulent qu'elle soit
ouverte. Le mois passe, je me suis envole de la capitale armenienne
Erevan a Istanbul - les deux pays au moins ont une liaison aerienne.
L'allure des hommes d'affaire armeniens qui remplissaient l'avion
etait vaguement menacante a première vue. Ils portaient tous des
vestes de cuir de couleur sombre et les cheveux coupes a ras, ce qui
n'indiquait aucune amitie particulière en direction des Turcs. Les
deux hommes assis a mes côtes recherchaient les possibilites de
transport de tapis, de portes et de fenetres en cours d'achat en
Turquie, pour les livrer en Armenie, par une navette via la Georgie
dont la frontière est ouverte.
A Istanbul, l'imaginatif universitaire Cengiz Aktar m'a dit pourquoi
il pensait que la Turquie se libererait si elle faisait face a
la verite sur ce qui est arrive aux Armeniens disparus. Aktar est
a l'origine d'une petition sur Internet demandant pardon pour la
"Grande Catastrophe" de 1915 (adoptant l'expression des Armeniens
pour la tragedie) et exprimant de la sympathie pour "mes frères et
soeurs armeniens." Plus de 30 000 Turcs l'ont signee - ce qui est
remarquable dans un pays dont les manuels scolaires disaient, jusqu'a
tout recemment, que les Armeniens ont tue des Turcs aux derniers jours
de l'Empire Ottoman et non l'inverse. Ce n'etait pas une operation
aisee, mais le tabou interdisant de parler de la disparition des
Armeniens est a present leve.
Pendant un court moment, il a semble que les gouvernements d'Erevan et
d'Ankara defiaient le determinisme historique obscur de la region. En
octobre dernier, les presidents Armenien et Turc Serge Sarkissian
et Abdullah Gul ont avance dans la signature de deux protocoles sur
la normalisation des relations, s'engageant a ce qu'une fois les
documents ratifies par les parlements de chaque pays, la frontière
fermee serait ouverte dans les deux mois qui suivent. Six mois après,
les sentiments d'insecurite et les politiques locales ont pris le
dessus, et les protocoles sont remis en cause. Les dirigeants turcs
retardent la ratification des accords. Dans une rencontre le 12
avril entre Sarkissian et le puissant premier ministre turc Recep
Erdogan, a Washington, en marge du Sommet sur la Securite Nucleaire,
constituait une dernière chance de transiger sur un sauvetage, mais
les premiers presages qui en decoulent ne sont pas bons.
Qu'est ce qui n'a pas marche ? Ankara a souffle le froid sur ce
processus, disant qu'elle voulait voir des progrès dans le conflit
Armeno-Azerbaïdjanais sur le Karabagh-meme si le conflit n'est pas
mentionne dans le protocole. Les Turcs clairement n'avaient pas prevu
la reaction furieuse de l'Azerbaïdjan, la partie vaincue lors du
conflit sur la province disputee au debut des annees 1990. Un septième
du territoire de jure de l'Azerbaïdjan est encore sous le contrôle
armenien, et en 1993, la Turquie a ferme sa frontière avec l'Armenie
en solidarite avec son allie du groupe des peuples turcophones.
L'Azerbaïdjan a fait pression fortement et efficacement contre
les protocoles, et ses menaces sont comprehensibles - elle craint
que si la frontière entre l'Armenie et la Turquie est ouverte, un
levier essentiel d'influence sur les Armeniens pour les forcer a des
concessions sur le Karabagh sera perdu.
Ce qui pourrait etre vrai sur le court terme, mais a longue echeance,
l'ouverture de la frontière transformerait forcement le Sud Caucase
et aurait un effet possible sur le difficile conflit du Karabagh. Les
Turcs deviendraient un acteur neutre dans le Caucase et pourraient
y avoir pour la première fois un impact positif. Malheureusement,
cette vision a long terme n'est pas dans les habitudes de la region.
Une autre complication est l'approche de la date du 24 avril,
la date indiquee comme Jour du Genocide Armenien. Comme toujours,
l'anniversaire prochain rend nerveux, les Armeniens exercant chaque
annee leur pression auprès du president des Etats-Unis e du Congrès
pour nommer les massacres de 1915 "genocide", provocant la fureur de
la Turquie. Sarkissian a subi beaucoup de critiques de la part des
Armeniens de la diaspora sur son rapprochement avec la Turquie. Il est
a present sous la pression pour retirer sa signature des protocoles
et faire face aux critiques en Armenie et dans la diaspora d'avoir
laisse les turcs le mener en bateau.
Une solution rapide doit etre trouvee pour eviter un danger immediat
de rupture du processus, et l'administration americaine n'a plus que
quelques jours pour la trouver. Mais il y a aussi un defi a long
terme -comment sortir le Sud Caucase dans son ensemble d'un cycle
historique de suspicion et d'impasse. Les acteurs locaux semblent
etre pris dans un piège, effrayes a l'idee de rompre une dynamique
negative tenant les frontières et les esprits fermes. Une strategie
a long terme plus large comme celle qui a reussi dans les Balkans au
bout d'une quinzaine d'annees est ici necessaire.
Ce qui suppose un engagement beaucoup plus grand pour denouer le
problème le plus important dans la region entre la mer Noire et la mer
Caspienne, le conflit sur le Karabagh. Actuellement, les ressources
internationales investies dans la region pour la paix au Karabagh sont
beaucoup trop modestes pour faire la difference. Le conflit est en
sommeil, mais il n'y a pas de lieu de s'en satisfaire. L'Azerbaïdjan
riche de son petrole depense plus de deux milliards pour son budget
militaire, plus que la totalite du budget de l'Armenie. Encore
quelques annees, et l'Azerbaïdjan pourrait etre tentee de reconquerir
le Karabagh par la force, provoquant un conflit regional qui pourrait
enflammer la region entre la Russie, la Turquie et l'Iran.
Les Etats-Unis pourraient aussi investir dans une reflexion a long
terme sur la question Armeno-Turque, faisant de la reconciliation
l'un de ses buts strategiques et non un feu clignotant une fois par
an a l'approche de la Journee du Genocide Armenien. Dans les annees
recentes, la question qui consiste a se demander si le president des
USA usera du "mot G" - genocide - dans sa declaration du 24 avril,
s'est deviee de ce qui devrait etre la commemoration d'une tragedie
historique en un obscur marchandage politique. Une date clef, le
centenaire de l'holocauste armenien de 2015, se presente a l'horizon
et peut servir de repère aux Turcs, aux Armeniens- et au president
Barak Obama. Le gouvernement turc devrait realiser qu'il ne lui
reste plus que cinq ans pour en arriver a une meilleure reponse a la
question armenienne avant que le monde entier ne commemore le 100ème
anniversaire de l'holocauste armenien. En repoussant la question
encore cinq ans, Obama devrait donner respectueusement mais gravement
a la Turquie une chance de se joindre au debat qui gagne dans sa
propre societe. S'il dit le 24 avril, "dans cinq ans, je marquerai
le centenaire de la Grande Catastrophe de 1015. J'espère que je le
marquerai avec nos amis turcs et non sans eux, " il commencera a agir
pour la reconciliation plutôt qu'un simple acteur dans la perpetuelle
querelle Armeno-Turque.
From: Emil Lazarian | Ararat NewsPress