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Turquie : La Liberte De l'Historien

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    TURQUIE : LA LIBERTE DE L'HISTORIEN
    Stephane

    armenews
    http://www.armenews .com/article.php3?id_article=60293
    21 avril 2010
    TURQUIE

    Info Collectif VAN - www.collectifvan.org - L'historien turc Halil
    Berktay a signe le 13 mars dans Taraf un article revelateur de la
    schizophrenie qui tourmente une grande majorite d'intellectuels
    de Turquie. Il est interessant de constater qu'un historien, un
    intellectuel suppose reflechir au destin des hommes, peut affirmer
    que " Non, l'acceptation du genocide n'est pas un but plus grand
    plus haut et au-dessus de la democratisation de la Turquie. Non,
    la reconnaissance du genocide 1915 n'a aucun avantage urgent ou
    pratique pour le monde. " Halil Berktay ne peut pourtant ignorer que
    l'acceptation du genocide armenien porte en elle cette democratisation
    qu'il appelle de ses v~ux pour son pays. Selon lui, les demandes
    internationales de reconnaissance du genocide, portees par la diaspora
    armenienne sont " un pretexte pour chercher la vengeance a tout prix,
    justifier l'etroitesse d'esprit pour faire passer un sale moment
    a la Turquie. " Helas, sans le vouloir, l'historien a prouve - si
    on en doutait encore - que sa generation n'a pas echappe au système
    educatif turc qu'il critique ici fort a propos. Le Collectif VAN vous
    propose la traduction de cet article.

    La liberte de l'historien

    Halil Berktay

    Taraf

    13.03.2010

    En reponse a la question d'un etudiant doctorant : "Que devrait etre
    le but de l'enseignement d'histoire," j'avais dit que, plutôt que
    de fournir un modèle ou une sorte d'utopie en tant qu'historien ou
    professeur d'histoire, j'avais toujours defendu le fait de partir
    d'une critique de ce qui existe, ce qui me mène a repenser ma propre
    pratique. J'avais indique qu'au premier niveau, le plus bas, nous
    trouvons quelques valeurs ideo-politiques. Et parmi celles-ci, la
    liberte, c'est-a-dire la liberte directe de l'historien, vient en
    premier. Alors, aujourd'hui, est-ce que l'histoire et l'historien
    sont libres dans ce pays ?

    Comme dans n'importe quel domaine, oui et non. Ou c'est une liberte a
    moitie cuite, comme notre democratie. En l'etat des choses, l'ideologie
    officielle est vivante et se porte bien. La plupart des institutions
    d'enseignement superieur sont plutôt prussiennes. À chaque niveau,
    du plus haut au plus bas, l'obeissance et le conformisme sont d'une
    importance primordiale. L'habitude de toujours marcher deux pas
    derrière "le Grand Professeur" qui porte son porte-documents, est
    arrivee de la province a la capitale sous la forme qui consiste a
    suivre l'Etat deux pas derrière lui, et de le defendre.

    La hierarchie et les grades/rangs faconnes sur le modèle de la
    hierarchie militaire - aggraves par les pratiques d'humiliation,
    d'intimidation et d'assimilation - ne laissent aucune place a
    l'intelligence, l'honnetete ou la lucidite, chez l'etudiant ou le
    jeune universitaire. On n'enseigne pas, on forme ; en formant, on
    moud. On ecrase l'esprit, la possibilite de passer au-dela des lignes
    rouges. Et le ciment de tout cela, c'est le nationalisme.

    Quand vous dites "cause nationale", le monde entier s'immobilise. Le
    vrai ou le faux s'evaporent ; "notre thèse" et "la thèse armenienne"
    (ou "le côte armenien") entrent en action. Et il ne reste plus de
    verite, d'integrite scientifique, ou de suprematie de la loi (comme
    l'ont prouve maintes et maintes fois nos tribunaux). Il n'est pas
    facile de resister, ou de resister aux courants "des valeurs nationales
    et spirituelles" redefinies par le nationalisme au cours des trente,
    vingt et particulièrement, dix dernières annees. Dans les pays
    capitalistes developpes, c'est peut-etre l'argent, mais en Turquie,
    l'Etat, la nation, l'obeissance, la tutelle, plutôt que l'argent,
    l'emportent sur le namus (l'honneur) et la conscience.

    De fait, je n'avais pas l'intention d'ecrire sur ce sujet aujourd'hui.

    Surtout juste après la discussion de la conference a Antalya (les
    deux côtes de la chaire, 18 fevrier), pour en finir avec cette
    idee de liberte, je voulais passer au point suivant, le deuxième
    but de l'enseignement de l'histoire que j'apprecie bien davantage
    -"la richesse culturelle" - puis terminer avec la question "penser
    historiquement" que je considère comme le but supreme. Si j'ai cede
    a ma colère, c'est en raison de l'etalage grotesque et mesquin dans
    les medias, après le vote sur le genocide armenien de la Commission
    des Affaires etrangères du Congrès [americain].

    J'ai ecrit et dit plusieurs fois que je suis contre ces sortes de
    decrets de "quatrièmes parties", les efforts pour faire appliquer
    la reconnaissance de genocide par des pressions externes. Si ce pays
    realise les conditions necessaires pour faire face a son histoire avec
    le temps, cela sera et devrait etre en tant que partie et derivee de
    son propre processus de developpement interne et de democratisation.

    Non, l'acceptation du genocide n'est pas un but plus grand plus haut et
    au-dessus de la democratisation de la Turquie. Non, la reconnaissance
    du genocide 1915 n'a aucun avantage urgent ou pratique pour le monde.

    Eh bien, il est dit que la reconnaissance du genocide armenien
    empechera d'autre genocides possibles sur terre (ou vice versa, que
    si le genocide armenien n'est pas reconnu, d'autres genocides auront
    lieu plus facilement). Je ne le crois pas du tout. C'est un pretexte
    invente pour la "soykirimi Kaboul ettirme siyasi" (la politique de
    reconnaissance de genocide) [voir originaux turc et anglais.] sur
    laquelle se fixent les extremistes au sein des nationalistes armeniens.

    C'est un pretexte pour chercher la vengeance a tout prix, justifier
    l'etroitesse d'esprit pour faire passer un sale moment a la
    Turquie.C'est une attitude si myope que, si on comptabilise comme
    echec la description concrète du deracinement et de l'extermination
    des Armeniens - sans utilisation du terme genocide - dans toutes les
    declarations des presidents americains le 24 avril, on pousse des cris
    de victoire, parce que la Commission a vote avec 23voix contre 22,
    pour inclure le mot genocide.

    Je suis en train de lire les declarations de l'ANCA : "Pourquoi nous
    avons gagne, comment nous avons gagne" et je suis degoûte. Mais en meme
    temps, a l'oppose polaire, je suis degoûte des medias nationalistes,
    etatistes turcs fixes sur la "soykirimi inkâr siyasasi" (la politique
    de dementi de genocide) [sic]. En fait, je suis d'autant plus degoûte,
    que ceux-ci mentent en toute connaissance de cause.

    Ils sont a present bien au courant de 1915. Au cours des dix dernières
    annees, ceux qui ne le savaient pas l'ont plus ou moins appris. Ils
    le mentionnent dans leurs conversations privees, ils declament leurs
    connaissances dans des interviews en "prime time" et ils expriment
    leur sympathie. Vous pourriez croire qu'ils ont appris quelque chose
    et sont devenus plus sages. Mais toutes ces convulsions hysteriques
    reviennent d'un coup, les mensonges "necessaires" et "libres" que
    Murat Belge mentionne. Tous ces rôles joues, cette hypocrisie, cette
    mise en scène. C'est dans cet environnement que la science libre
    (la liberte scientifique) se bat pour son existence.

    ©Traduction de l'anglais : C.Gardon pour le Collectif VAN - 16 avril
    2010 - 07:23 - www.collectifvan.org
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