EILIAN WILLIAMS : " LA LEGITIMITE DES FRONTIERES ACTUELLES DE LA TURQUIE NE TIENT QU'A LA REUSSITE DU GENOCIDE DES POPULATIONSARMENIENNES ET SYRIAQUES, ET LE TRAITE DE LAUSANNE A CONDAMNE QUATRE GENERATIONS DE "CRYPTO-ARMENIENS" AUX SOUFFRANCES HUMAINES D'UN GENOCIDE CULTUREL
Stephane
armenews
vendredi18 juin 2010
Dans cette conference tenue a Londres le 8 juin sont intervenus
Sait Cetinoglu militant des droits de l'homme et ecrivain, Desmond
Fernandez, ecrivain, et Eilian Williams.
Sait Cetinoglu denonce cette loi creee dans le prolongement du genocide
pour parfaire le nettoyage ethnique a Istanbul, par le gouvernement
turc, dans le tumulte de la Guerre Mondiale (pas la Première, la
Seconde !).
Il finit son expose en montrant les ravages que provoquent le
negationnisme turc et le laxisme de l'Occident vis a vis du genocide
impuni de 1915.
Gilbert Beguian
Le lien entre negation du Genocide et les abus actuels vis a vis des
droits de l'homme en Turquie discute au Parlement du Royaume-Uni
Une conference s'est deroulee la semaine passee a Portculis House, une
annexe du Parlement, au cours de laquelle le chercheur universitaire,
auteur et organisateur de la Conference sur le Genocide du 24 avril
a Ankara, Said Cenitoglu, a montre dans son expose la continuite des
politiques genocidaires de la Turquie. Il avait deja publie un livre
"The Malta Documents" (Les Documents de Malte), dans lequel il a
montre que ceux qui furent juges devant une cour martiale, après la
Première Guerre Mondiale pour leur responsabilite dans les tueries de
masse d'Armeniens en 1915, furent liberes de leur detention par les
britanniques et ont fini par devenir des personnages de premier plan
de la nouvelle republique turque. Il s'est consacre cette fois sur un
impôt, l'Impôt sur la Fortune ou Impôt sur le Capital, qui visait et
terrorisait, au cours de la Deuxième Guerre Mondiale, les minorites
restantes, et qui eut pour resultat des deportes et des morts.
La legitimite des frontières de la Turquie contestee
Eilian Williams a ensuite poursuivi en analysant la situation de
l'Armenie "turque" a la lumière des evenements de la semaine passee
en Mediterranee. Il a condamne l'hypocrisie du gouvernement turc a
propos de Gaza et de la Palestine, alors meme qu'il est responsable
d'un blocus de la Republique d'Armenie depuis 19 ans, et de l'
"Occupation Legale" de l'Armenie de l'Ouest.
Il a dit : "La legitimite des frontières actuelles de la Turquie,
comme c'est aussi le cas des frontières de plusieurs autres pays, est
contestable. Mais parmi tous ces autres cas, le point d'interrogation
qui se pose a propos des frontières de la Turquie est tout a fait
unique. Cette "legitimite" semble ne dependre que du succès du
Genocide de 1915 des populations armeniennes et syriaques, et pour
les Nations-Unies et d'autres organisations internationales, continuer
de vouloir ignorer ce fait est un serieux handicap pour leur autorite
morale. L'ONU et les autres organisations ont ainsi une responsabilite
envers les Armeniens islamises de Turquie (dont les grands parents
ont ete convertis de force au cours du genocide) pour assurer
leur bien-etre. Le Traite de Lausanne, signe par les Britanniques
et quelques uns de ses allies, a condamne quatre generations de
"Crypto-Armeniens" aux souffrances humaines d'un genocide culturel. Au
moins les Palestiniens peuvent-ils vivre ouvertement sans avoir a nier
leur identite. Quels que soient les raisons et torts reciproques dans
la question arabo-israeliennes, il n'est pas raisonnable de voir dans
la Palestine un territoire occupe tout en niant que la meme realite
s'applique a l'Armenie de l'Ouest (ou "turque").
Il a ete note que le gouvernement turc tient les informations sur
les crypto-Armeniens secrètes craignant qu'elles nuisent a l'etat.
L'attitude paranoïaque de la Turquie envers ses minorites ne peut
etre mieux illustree. Ceux dont le seul crime est d'avoir des grands
parents qui n'ont pas ete massacree pendant le genocide, sont suspectes
de constituer une menace pour l'etat turc. Cela en dit long sur la
culpabilite de la Turquie et les craintes que lui inspire la justice."
Une importante exposition a ete annoncee sur le Genocide Culturel
en Armenie de l'Ouest, a Cardiff, au Pays de Galles, du 24 au 30
septembre.
L'ecrivain Desmond Fernandes a ensuite parcouru les continuels
abus contre les droits de l'homme en Turquie, en particulier contre
la population kurde. Le texte de son intervention sera communique
prochainement.
La conference etait accueillie par Nia Griffith, Membre du Parlement.
Les Mecanismes de Terreur contre les Minorites : les Bataillons
de Travail et l'Impôt sur le Capital - Varlik Vergisi - en Turquie
pendant la Seconde Guerre Mondiale.
par Sait Cetinoglu
Historien, Universite Libre d'Histoire, Ankara, Turquie
L'impôt sur le Capital, connu sous le nom de Varlik Vergisi [cree en
1942], constitue une page noire dans l'histoire de la Turquie moderne.
Au lieu de lutter contre le developpement du marche parallèle et
des profits illegaux, le gouvernement turc l'instaura sous pretexte
de contrôler le prix des marchandises et de prevenir l'accumulation
de capital. Il accedait ainsi a une demande populaire de taxer les
profits excessifs, en imposant lourdement, derrière cette denomination
"innocente", les minorites non-musulmanes. Le but etait d'exterminer
leur existence economique et culturelle, piller leurs biens et
revenus, et en parallèle turquifier l'economie du pays. Cet impôt
est une continuation de la tradition du Comite Union et Progrès
(CUP) ; c'est un aspect du nettoyage ethnique. La loi d'impôt sur
le capital Varlik Vegisi est totalement politique et constitue une
methode pre-capitaliste de transformation sociale.
Le gouvernement de cette epoque, de facon très retorse, est parvenu
a devier les critiques dirigees contre lui vers les citoyens
non-musulmans et au moyen de cette loi, finir de detruire les
minorites pour etablir l'homogeneite ethnique. Une autre raison
est que l'homogeneisation ethnique avait ete realisee dans le pays
mais Istanbul etait une exception dans la mesure où des Grecs, des
Armeniens et des Juifs n'etaient toujours pas "dilues".
Par la mise en ~\uvre de la loi de facon très inegale entre musulmans
et non musulmans, les minorites etaient "visees" a un point tel
que lorsque le president Ismet Inonu lui-meme paya l'impôt, il en
fut contrarie, tandis que Feyzi Cakmak (Chef des forces armees),
incapable de cacher sa rage et sa colère, se demanda "Suis-je un
Giaour-infidèle ?". Faik Okte, l'un des architectes concepteurs
et developpeurs de l'Impôt sur le Capital, indique a qui cet impôt
etait destine. A l'epoque de cet impôt, Feyzi Cakmak a dit : " L'un de
mes collaborateurs entra dans mon bureau et exprima sa desapprobation
parce qu'il etait oblige de payer l'impôt avec les membres de minorites
commercants et marchands au noir".
Ferit Melen, l'un des ex-premiers ministres, qui avait ete un acteur
inconteste de ces periodes particulières, disait que "par le Varlik
Vergisi, ce sont tous les objectifs anti-minorites qui etaient vises
simultanement". Varlik Vergisi, comme heritage d'Union et Progrès, a
ete l'une des pratiques les plus sevères après les pogroms anti-juifs
de Thrace en 1934, la campagne "les citoyens parlent turc", et la
mobilisation des minorites dans les bataillons de travail en 1941-42.
Ces pratiques politiques avaient pour but de montrer aux minorites
qu'elles n'avaient pas leur place dans ces terres pour y vivre. Pour
ceux qui ne l'avaient pas compris, cet acte fut applique avec plus
de rigueur les 6 et le 7 septembre pour que le message soit mieux
entendu. Le seul choix offert aux minorites etait de quitter le pays
en abandonnant leurs biens. Les Juifs qui voulurent emigrer dans le
nouvel etat d'Israël, en obtenant leur permis de s'en aller, durent
abandonner la totalite de leurs biens. Les citoyens grecs qui etaient
"etablis" selon le traite de Lausanne, lorsqu'ils furent deportes en
1964, durent abandonner tout leur mobilier et leurs biens immobiliers.
Les citoyens grecs dont le maintien en Turquie etait garanti par
le Traite de Lausanne, quand ils furent deportes, ne purent rien
emporter de leur propriete avec eux. Ils rendirent grâce a Dieu de
pouvoir passer la frontière vivants.
On peut lire les terribles ecrits de Fazil Ahmet Aykac dans le journal
semi-officiel Ulus dans le contexte de l'epoque : " Nous devrions
savoir que cet impôt est plus qu'une punition pour ceux qui n'ont pas
conscience de leurs limites, que c'est un formidable avertissement
pour ceux qui osent les oublier". Les evenements de la nuit du 6 au
7 septembre 1955 peuvent etre interpretes comme l'expression de cette
mentalite. Akcaz relève que l'Impôt sur le Capital etait le but fixe
en 1915.
Sergati ne pouvait se resoudre aux conditions de l'exil a Askale
et tenta de se suicider et dans la lettre adressee a son epouse, il
decrivait clairement la condition des minorites en Turquie : " Je en
sais pas si nous pourrons retourner chez nous, la mort rode tout le
temps au-dessus de nos tetes, prend soin je te prie de nos enfants
et rends toi dans un pays libre, ici ils ne seront que des esclaves".
Les stigmates de l'Impôt sur le Capital Varlik Vergisi sont profonds
encore de nos jours. Après tant d'annees, les victimes ne veulent
pas parler de cet impôt. Ils n'ont pu se defaire de la peur qu'il
inspirait. A cause de cela, aucun travail de recherche ne peut
decrire la barbarie que constitue cet impôt. Aucune statistique
ni aucune analyse ne peut exprimer entièrement la souffrance des
victimes. J'en suis venu a la conclusion qu'aucune analyse ne peut
suffire. Ce travail ne visait qu'a decrire les aspects politiques de
l'impôt independamment de son analyse statistique.
L'impôt sur le Capital est le point final du genocide de 1915. Comme
pour le genocide de 1915, les conditions du temps de guerre furent
exploitees pour faciliter sa mise en place.
L'autre facteur important sur lequel il faut insister est que le
genocide de 1915 est reste impuni. Si Malte avait ete un Nuremberg en
1915, il n'aurait pu y avoir ni l'Holocauste des Juifs ni l'Impôt sur
le Capital. Malheureusement, le fait que l'etat qui a mis en place
l'Impôt sur le Capital en ait tire profit et soit reste impuni, par
egard pour la real politik, a encourage et promu les pogroms du 6 et
7 septembre. Les documents d'archives recemment decouverts indiquent
que les fonctionnaires du consulat du Royaume Uni ont suscite les
evenements des 6 et 7 septembre.
Les politiques de discrimination et de nettoyage ethnique contre
les sujets non-Turcs dans l'empire ottoman et son successeur, la
republique turque, etaient mises en ~\uvre avec l'encouragement
de l'Occident pour des real politiques. De ce fait, l'Occident et
le Royaume-Uni qui etait la puissance hegemonique dans la periode
doivent demander pardon pour ces politiques contre les Armeniens,
les Grecs et d'autres peuples. L'Occident ne doit pas oublier qu'il a
accueilli ces peuples qui etaient chasses de leurs terres comme main
d'~\uvre bon marche et soumise, et a cree des richesses en capital
par l'exploitation de ces gens forces de rompre avec leur destin.
L'Occident et le Royaume-Uni n'ont pas encore paye leurs dettes.
Les souffrances et les misères de ces peuples chasses de leurs terres
historiques ont ete oubliees pendant longtemps mais ils ont ouvert une
discussion en 1965. Le genocide que la Turquie a fait oublier devait
commencer a etre discute dans les annees 1980. De ces discussions, je
veux insister sur la contribution de Belge International Publication,
a laquelle j'ai pris part comme editeur en depit des poursuites qui
ont ete engagees et continuent, et qui a ete très importante.
"La conference "Que c'est-il passe en 1915 : Negation et Confrontation
" que nous avons organisee a Ankara a l'initiative de Ankara Freedom
to Thought Initiative (Initiative d'Ankara de Liberte de Pensee) et
avec le soutien de cercles socialistes de Turquie a montre a quel
point il est difficile et dangereux de discuter sur ce sujet. En
depit du fait que nous avons eu a franchir d'enormes obstacles, nous,
les socialistes de Turquie, avons discute cette question pendant deux
jours avec des personnes opprimees, socialistes et pauvres de Turquie
et avec des chercheurs de Turquie et du monde.
From: A. Papazian
Stephane
armenews
vendredi18 juin 2010
Dans cette conference tenue a Londres le 8 juin sont intervenus
Sait Cetinoglu militant des droits de l'homme et ecrivain, Desmond
Fernandez, ecrivain, et Eilian Williams.
Sait Cetinoglu denonce cette loi creee dans le prolongement du genocide
pour parfaire le nettoyage ethnique a Istanbul, par le gouvernement
turc, dans le tumulte de la Guerre Mondiale (pas la Première, la
Seconde !).
Il finit son expose en montrant les ravages que provoquent le
negationnisme turc et le laxisme de l'Occident vis a vis du genocide
impuni de 1915.
Gilbert Beguian
Le lien entre negation du Genocide et les abus actuels vis a vis des
droits de l'homme en Turquie discute au Parlement du Royaume-Uni
Une conference s'est deroulee la semaine passee a Portculis House, une
annexe du Parlement, au cours de laquelle le chercheur universitaire,
auteur et organisateur de la Conference sur le Genocide du 24 avril
a Ankara, Said Cenitoglu, a montre dans son expose la continuite des
politiques genocidaires de la Turquie. Il avait deja publie un livre
"The Malta Documents" (Les Documents de Malte), dans lequel il a
montre que ceux qui furent juges devant une cour martiale, après la
Première Guerre Mondiale pour leur responsabilite dans les tueries de
masse d'Armeniens en 1915, furent liberes de leur detention par les
britanniques et ont fini par devenir des personnages de premier plan
de la nouvelle republique turque. Il s'est consacre cette fois sur un
impôt, l'Impôt sur la Fortune ou Impôt sur le Capital, qui visait et
terrorisait, au cours de la Deuxième Guerre Mondiale, les minorites
restantes, et qui eut pour resultat des deportes et des morts.
La legitimite des frontières de la Turquie contestee
Eilian Williams a ensuite poursuivi en analysant la situation de
l'Armenie "turque" a la lumière des evenements de la semaine passee
en Mediterranee. Il a condamne l'hypocrisie du gouvernement turc a
propos de Gaza et de la Palestine, alors meme qu'il est responsable
d'un blocus de la Republique d'Armenie depuis 19 ans, et de l'
"Occupation Legale" de l'Armenie de l'Ouest.
Il a dit : "La legitimite des frontières actuelles de la Turquie,
comme c'est aussi le cas des frontières de plusieurs autres pays, est
contestable. Mais parmi tous ces autres cas, le point d'interrogation
qui se pose a propos des frontières de la Turquie est tout a fait
unique. Cette "legitimite" semble ne dependre que du succès du
Genocide de 1915 des populations armeniennes et syriaques, et pour
les Nations-Unies et d'autres organisations internationales, continuer
de vouloir ignorer ce fait est un serieux handicap pour leur autorite
morale. L'ONU et les autres organisations ont ainsi une responsabilite
envers les Armeniens islamises de Turquie (dont les grands parents
ont ete convertis de force au cours du genocide) pour assurer
leur bien-etre. Le Traite de Lausanne, signe par les Britanniques
et quelques uns de ses allies, a condamne quatre generations de
"Crypto-Armeniens" aux souffrances humaines d'un genocide culturel. Au
moins les Palestiniens peuvent-ils vivre ouvertement sans avoir a nier
leur identite. Quels que soient les raisons et torts reciproques dans
la question arabo-israeliennes, il n'est pas raisonnable de voir dans
la Palestine un territoire occupe tout en niant que la meme realite
s'applique a l'Armenie de l'Ouest (ou "turque").
Il a ete note que le gouvernement turc tient les informations sur
les crypto-Armeniens secrètes craignant qu'elles nuisent a l'etat.
L'attitude paranoïaque de la Turquie envers ses minorites ne peut
etre mieux illustree. Ceux dont le seul crime est d'avoir des grands
parents qui n'ont pas ete massacree pendant le genocide, sont suspectes
de constituer une menace pour l'etat turc. Cela en dit long sur la
culpabilite de la Turquie et les craintes que lui inspire la justice."
Une importante exposition a ete annoncee sur le Genocide Culturel
en Armenie de l'Ouest, a Cardiff, au Pays de Galles, du 24 au 30
septembre.
L'ecrivain Desmond Fernandes a ensuite parcouru les continuels
abus contre les droits de l'homme en Turquie, en particulier contre
la population kurde. Le texte de son intervention sera communique
prochainement.
La conference etait accueillie par Nia Griffith, Membre du Parlement.
Les Mecanismes de Terreur contre les Minorites : les Bataillons
de Travail et l'Impôt sur le Capital - Varlik Vergisi - en Turquie
pendant la Seconde Guerre Mondiale.
par Sait Cetinoglu
Historien, Universite Libre d'Histoire, Ankara, Turquie
L'impôt sur le Capital, connu sous le nom de Varlik Vergisi [cree en
1942], constitue une page noire dans l'histoire de la Turquie moderne.
Au lieu de lutter contre le developpement du marche parallèle et
des profits illegaux, le gouvernement turc l'instaura sous pretexte
de contrôler le prix des marchandises et de prevenir l'accumulation
de capital. Il accedait ainsi a une demande populaire de taxer les
profits excessifs, en imposant lourdement, derrière cette denomination
"innocente", les minorites non-musulmanes. Le but etait d'exterminer
leur existence economique et culturelle, piller leurs biens et
revenus, et en parallèle turquifier l'economie du pays. Cet impôt
est une continuation de la tradition du Comite Union et Progrès
(CUP) ; c'est un aspect du nettoyage ethnique. La loi d'impôt sur
le capital Varlik Vegisi est totalement politique et constitue une
methode pre-capitaliste de transformation sociale.
Le gouvernement de cette epoque, de facon très retorse, est parvenu
a devier les critiques dirigees contre lui vers les citoyens
non-musulmans et au moyen de cette loi, finir de detruire les
minorites pour etablir l'homogeneite ethnique. Une autre raison
est que l'homogeneisation ethnique avait ete realisee dans le pays
mais Istanbul etait une exception dans la mesure où des Grecs, des
Armeniens et des Juifs n'etaient toujours pas "dilues".
Par la mise en ~\uvre de la loi de facon très inegale entre musulmans
et non musulmans, les minorites etaient "visees" a un point tel
que lorsque le president Ismet Inonu lui-meme paya l'impôt, il en
fut contrarie, tandis que Feyzi Cakmak (Chef des forces armees),
incapable de cacher sa rage et sa colère, se demanda "Suis-je un
Giaour-infidèle ?". Faik Okte, l'un des architectes concepteurs
et developpeurs de l'Impôt sur le Capital, indique a qui cet impôt
etait destine. A l'epoque de cet impôt, Feyzi Cakmak a dit : " L'un de
mes collaborateurs entra dans mon bureau et exprima sa desapprobation
parce qu'il etait oblige de payer l'impôt avec les membres de minorites
commercants et marchands au noir".
Ferit Melen, l'un des ex-premiers ministres, qui avait ete un acteur
inconteste de ces periodes particulières, disait que "par le Varlik
Vergisi, ce sont tous les objectifs anti-minorites qui etaient vises
simultanement". Varlik Vergisi, comme heritage d'Union et Progrès, a
ete l'une des pratiques les plus sevères après les pogroms anti-juifs
de Thrace en 1934, la campagne "les citoyens parlent turc", et la
mobilisation des minorites dans les bataillons de travail en 1941-42.
Ces pratiques politiques avaient pour but de montrer aux minorites
qu'elles n'avaient pas leur place dans ces terres pour y vivre. Pour
ceux qui ne l'avaient pas compris, cet acte fut applique avec plus
de rigueur les 6 et le 7 septembre pour que le message soit mieux
entendu. Le seul choix offert aux minorites etait de quitter le pays
en abandonnant leurs biens. Les Juifs qui voulurent emigrer dans le
nouvel etat d'Israël, en obtenant leur permis de s'en aller, durent
abandonner la totalite de leurs biens. Les citoyens grecs qui etaient
"etablis" selon le traite de Lausanne, lorsqu'ils furent deportes en
1964, durent abandonner tout leur mobilier et leurs biens immobiliers.
Les citoyens grecs dont le maintien en Turquie etait garanti par
le Traite de Lausanne, quand ils furent deportes, ne purent rien
emporter de leur propriete avec eux. Ils rendirent grâce a Dieu de
pouvoir passer la frontière vivants.
On peut lire les terribles ecrits de Fazil Ahmet Aykac dans le journal
semi-officiel Ulus dans le contexte de l'epoque : " Nous devrions
savoir que cet impôt est plus qu'une punition pour ceux qui n'ont pas
conscience de leurs limites, que c'est un formidable avertissement
pour ceux qui osent les oublier". Les evenements de la nuit du 6 au
7 septembre 1955 peuvent etre interpretes comme l'expression de cette
mentalite. Akcaz relève que l'Impôt sur le Capital etait le but fixe
en 1915.
Sergati ne pouvait se resoudre aux conditions de l'exil a Askale
et tenta de se suicider et dans la lettre adressee a son epouse, il
decrivait clairement la condition des minorites en Turquie : " Je en
sais pas si nous pourrons retourner chez nous, la mort rode tout le
temps au-dessus de nos tetes, prend soin je te prie de nos enfants
et rends toi dans un pays libre, ici ils ne seront que des esclaves".
Les stigmates de l'Impôt sur le Capital Varlik Vergisi sont profonds
encore de nos jours. Après tant d'annees, les victimes ne veulent
pas parler de cet impôt. Ils n'ont pu se defaire de la peur qu'il
inspirait. A cause de cela, aucun travail de recherche ne peut
decrire la barbarie que constitue cet impôt. Aucune statistique
ni aucune analyse ne peut exprimer entièrement la souffrance des
victimes. J'en suis venu a la conclusion qu'aucune analyse ne peut
suffire. Ce travail ne visait qu'a decrire les aspects politiques de
l'impôt independamment de son analyse statistique.
L'impôt sur le Capital est le point final du genocide de 1915. Comme
pour le genocide de 1915, les conditions du temps de guerre furent
exploitees pour faciliter sa mise en place.
L'autre facteur important sur lequel il faut insister est que le
genocide de 1915 est reste impuni. Si Malte avait ete un Nuremberg en
1915, il n'aurait pu y avoir ni l'Holocauste des Juifs ni l'Impôt sur
le Capital. Malheureusement, le fait que l'etat qui a mis en place
l'Impôt sur le Capital en ait tire profit et soit reste impuni, par
egard pour la real politik, a encourage et promu les pogroms du 6 et
7 septembre. Les documents d'archives recemment decouverts indiquent
que les fonctionnaires du consulat du Royaume Uni ont suscite les
evenements des 6 et 7 septembre.
Les politiques de discrimination et de nettoyage ethnique contre
les sujets non-Turcs dans l'empire ottoman et son successeur, la
republique turque, etaient mises en ~\uvre avec l'encouragement
de l'Occident pour des real politiques. De ce fait, l'Occident et
le Royaume-Uni qui etait la puissance hegemonique dans la periode
doivent demander pardon pour ces politiques contre les Armeniens,
les Grecs et d'autres peuples. L'Occident ne doit pas oublier qu'il a
accueilli ces peuples qui etaient chasses de leurs terres comme main
d'~\uvre bon marche et soumise, et a cree des richesses en capital
par l'exploitation de ces gens forces de rompre avec leur destin.
L'Occident et le Royaume-Uni n'ont pas encore paye leurs dettes.
Les souffrances et les misères de ces peuples chasses de leurs terres
historiques ont ete oubliees pendant longtemps mais ils ont ouvert une
discussion en 1965. Le genocide que la Turquie a fait oublier devait
commencer a etre discute dans les annees 1980. De ces discussions, je
veux insister sur la contribution de Belge International Publication,
a laquelle j'ai pris part comme editeur en depit des poursuites qui
ont ete engagees et continuent, et qui a ete très importante.
"La conference "Que c'est-il passe en 1915 : Negation et Confrontation
" que nous avons organisee a Ankara a l'initiative de Ankara Freedom
to Thought Initiative (Initiative d'Ankara de Liberte de Pensee) et
avec le soutien de cercles socialistes de Turquie a montre a quel
point il est difficile et dangereux de discuter sur ce sujet. En
depit du fait que nous avons eu a franchir d'enormes obstacles, nous,
les socialistes de Turquie, avons discute cette question pendant deux
jours avec des personnes opprimees, socialistes et pauvres de Turquie
et avec des chercheurs de Turquie et du monde.
From: A. Papazian