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Obama et la Negation du Genocide

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    OBAMA ET LA NEGATION DU GENOCIDE
    par Jean Eckian

    armenews
    Revue de Presse
    jeudi18 mars 2010

    Stephen Zunes fait manifestement partie de ces specialistes qui ont
    du Genocide Armenien une vision fondee sur des elements historiques.

    Lorsqu'il dit qu'il y a des preuves incontournables, on sait qu'il
    les a regardees.

    En consequence, le bref historique qu'il trace dans cet article sur
    la reconnaissance toujours attendue du Genocide Armenien par les
    Etats-Unis comporte quelques revelations interessantes.

    Lorsqu'il aborde les motivations des negationnistes, par contre,
    on peut ne pas etre d'accord lorsqu'il dit que ce sont les memes
    dans le cas de la Shoah et du Genocide Armenien. Contrairement aux
    negationnistes du Genocide des Juifs, qui sont des antisemites
    sectaires, les negationnistes du Genocide Armenien ne sont pas
    necessairement des anti-armeniens visceraux. Ils le font quelquefois
    au nom d'interets politiques alambiques, comme l'executif americain,
    mais le plus souvent pour de l'argent.

    Obama et la Negation du Genocide

    Publie le lundi 15 mars par Foreign Policy in Focus (Le Point sur la
    Politique Etrangère, FPIF)

    Par Stephen Zunes

    L'administration Obama, citant ses relations avec la Turquie, s'est
    engagee a bloquer le vote par la Chambre des Representants de la
    resolution a laquelle la Commission des Affaires Etrangères a donne son
    feu vert jeudi passe, reconnaissant en cela le Genocide en 1915 de 1,5
    millions d'Armeniens par l'Empire Ottoman. Meme si l'administration
    Obama avait precedemment refuse et meme man~uvre pour que soit
    escamotee la preuve documentee de crimes recents de guerre commis
    par Israël, un autre allie clef du Moyen Orient, peu pensaient que
    l'administration irait jusqu'a nier effectivement le genocide.

    [...]

    En depit du soutien etendu de la resolution par les Democrates,
    Clinton s'est declaree confiante que l'administration trouvera les
    moyens de bloquer le projet, declarant "nous croyons a present que
    le Congrès des USA ne prendra aucune decision sur ce sujet." [...]

    Clinton a reconnu que c'etait une volte face, mais a dit que les
    circonstances avaient change "de facon très significative." Le
    Departement d'Etat a cependant ete dans l'incapacite de ne citer
    aucune preuve qui pourrait s'opposer au large consensus qu'un genocide
    a effectivement eu lieu. [...]

    L'excuse officielle est que cela pourrait nuire a un rapprochement
    important entre l'Armenie et la Turquie. Il n'y a cependant aucune
    indication que le gouvernement armenien ne soit inquiet d'aucune
    retombee negative dans ses relations bilaterales venant d'une
    resolution votee par le corps legislatif d'un pays tiers... Plus
    probablement, c'est la cooperation de la Turquie pour les sanctions
    a venir contre l'Iran qui est consideree.

    Entre 1915 et 1918, sous les ordres des gouvernants de l'Empire
    Ottoman, on estime a deux millions le nombre d'Armeniens forces
    de quitter leur maison dans une region où se trouvait la nation
    armenienne depuis plus de 2 500 ans. Les trois quarts d'entre eux
    sont morts assassines, prives de nourriture ou pour d'autres raisons
    liees a ces evenements.

    Selon H. Morgenthau, alors ambassadeur des USA dans l'Empire Ottoman,
    "quand les autorites turques ont donne l'ordre de ces deportations,
    ils ont en fait emis l'arret de mort de toute un peuple ; ils
    comprenaient bien cela, et, au cours des conversations que nous
    avions, ils ne faisaient une quelconque tentative pour dissimuler cette
    realite." Alors qu'un ordre valant "arret de mort pour tout un peuple"
    serait normalement considere comme un genocide qu'elle qu'en soit
    la definition, cela n'est apparemment pas l'avis de l'administration
    Obama. La Convention sur la Prevention du Crime de Genocide, signee
    et ratifiee par les Etats-Unis, definit officiellement le genocide
    comme toute action "pour detruire, en tout ou en partie, un groupe
    national, ethnique, racial ou religieux, en tant que tel." Le premier
    a proposer une telle convention internationale a ete Raphaël Lemkin,
    un juriste juif polonais, qui a a l'origine cree le mot "genocide"
    et identifie le cas des Armeniens comme exemple de reference [...]

    [...] reconnu le Genocide Armenien. L'administration Obama, cependant,
    ne l'a pas fait et est apparemment determinee a empecher que le
    Congrès ne le fasse.

    Le Congrès a precedemment fait savoir officiellement qu'il condamnait
    le President Mahmoud Ahmadinejad pour son refus de condamner le
    Genocide des Juifs par l'Allemagne. Le Congrès ne semble pas vouloir
    defier, apparemment, le refus d'Obama de reconnaître le Genocide
    des Armeniens par les Ottomans. Tandis que la veille contre l'anti-
    semitisme est heureusement suffisamment repandue pour marginaliser
    ceux qui refusent de reconnaître l'Holocauste, la tolerance a la
    doctrine anti-armenienne apparaît encore politiquement acceptable au
    point de permettre la negation de leur genocide.

    Le Facteur Turquie

    Les opposants a la resolution se disent etre inquiets de la degradation
    des relations avec la Turquie, etat successeur de l'Empire Ottoman et
    allie important des USA. Les Etats-Unis ont de toute facon beaucoup
    degrade leurs relations avec la Turquie par leur action politique plus
    significative qu'une resolution symbolique reconnaissant une tragique
    periode de l'histoire. Les Etats-Unis ont soutenu clandestinement une
    tentative de coup d'etat militaire par des officiers turcs en 2003,
    armant des Kurdes iraniens et irakiens proches des Kurdes rebelles de
    Turquie qui ont ete responsables de la mort de centaines de citoyens
    turcs. Les Etats-Unis ont aussi envahi l'Irak voisin. Il en a resulte
    la chute du pourcentage de Turcs qui voient positivement les Etats-Unis
    de 52 pourcent a seulement 9 pourcent.

    Des generations de Turcs ont appris qu'il n'y avait aucun genocide des
    Armeniens, mais qu'il y a eu des atrocites dans les deux camps. De
    fait, la plupart des Turcs croient que leur pays a servi de bouc
    emissaire, en particulier quand les Etats-Unis refusent d'appeler
    Genocide le traitement qu'ils ont inflige aux Indiens ou reconnu des
    crimes plus recents. Il en resulte que certains qu'une facon plus
    appropriee d'aborder la negation de faits historiques averes actuelle
    de la Turquie, serait le dialogue ou une sorte de reeducation,
    evitant les effets politiques patents d'une resolution du Congrès
    aui mettrait les Turcs sur la defensive.

    Ne pas reconnaître le genocide, cependant, est un affront tragique
    au nombre rapidement decroissant des survivants et a leurs descendants.

    C'est aussi un mauvais service rendu aux Turcs nombreux qui se sont
    opposes a la politique de l'Empire Ottoman et essaye d'arreter le
    Genocide, ainsi qu'au nombre croissant de Turcs aujourd'hui, qui
    risquent l'emprisonnement ordonne par le regime soutenu par les USA,
    qui denoncent publiquement les crimes de leurs ascendants. C'est ainsi
    qu'Orhan Pamuk, auteur de nouvelles turc et prix Nobel de litterature
    2006, a ete poursuivi et s'est expatrie pour fuir les menaces de mort
    recues a la suite de plusieurs references publiques au genocide.

    Certains opposants a la resolution soutiennent que voter des
    resolutions liees a des evenements historiques n'a pas de sens. Il
    n'y eut cependant aucune reserve de ce genre lors de l'adoption
    de resolutions sur l'Holocauste, ou pour des resolutions votees ces
    dernières annees depuis la commemoration du 65e anniversaire de la mort
    du leader politique et musicien Ignace Jan Paderewski jusqu'a marquer
    le 150e anniversaire de la première reunion du Parti Republicain dans
    le Wisconsin.

    L'administration Obama insiste sur le fait que le moment est mal choisi
    pour contrarier le gouvernement turc. Le moment etait tout autant mal
    choisi lors du vote de la resolution en 2007, parce qu'il ne fallait
    pas compromettre les accès aux bases turques des forces US engagees
    dans une contre-offensive d'insurges lors de la guerre d'Irak. Ce
    n'etait pas le moment non plus lorsqu'une resolution similaire avait
    ete proposee en 2000, parce que les Etats Unis utilisaient leur
    base en Turquie pour contrôler une zone interdite de vol au nord de
    l'Irak. Et le moment etait encore mal choisi en 1985 et 1987, quand
    des resolutions similaires etaient deposees parce que les bases US
    en Turquie etaient considerees comme d'importantes bases d'ecoute de
    l'Union Sovietique au cours de la guerre froide.

    Pour les negationnistes du Genocide Armenien, le moment est toujours
    "mal choisi".

    Alors que l'adoption de la resolution conduirait certainement a
    une vigoureuse protestation diplomatique turque, on peut douter que
    cela n'aille jusqu'a la rupture entre Ankara et Washington. Quand
    le president Ronald Reagan, soutien majeur de la dictature de droite
    turque alors au pouvoir en Turquie, avait use une fois du mot genocide
    a l'egard des Armeniens et les relations USA-Turquie n'en avaient
    pas souffert.

    L'administration Obama, comme d'autres avant elle, refuse tout
    simplement de reconnaître qu'un genocide armenien ait eu lieu. Comme
    recemment dans les annees 1980, le Bulletin du Departement d'Etat
    soutenait que "parce que les annales historiques des evenements de
    1915 en Asie Mineure sont ambigues, le Departement d'Etat ne souscrit
    pas aux allegations selon lesquelles le gouvernement turc a commis
    un genocide contre le peuple armenien." Encore plus recemment, Paul
    Wolfowitz, qui tenait lieu de Secretaire de la Defense de George W.

    Bush, declara en 2002 que 'l'une des choses qui m'impressionne dans
    l'histoire turque, ce sont les egards avec lesquels la Turquie traite
    ses propres minorites.'

    La clause d'application de la resolution appelle simplement Obama "a
    s'assurer que la politique exterieure des USA reflète de correctes
    appreciation et sensibilite sur les questions liees aux droits
    de l'homme, au nettoyage ethnique et au genocide documente dans
    les annales des Etats-Unis relatives au Genocide Armenien et les
    consequences d'un refus d'adopter une juste resolution." Si donc
    Obama ne veut vraiment pas que le Congrès vote une telle resolution,
    il ne lui reste plus qu'a exprimer la reconnaissance du genocide
    au nom de l'executif. Quelle que soient les excuses qu'on invoque,
    ne pas le faire equivaut a nier le genocide.

    Negation du Genocide

    Etant donnees les annales indiscutables sur le Genocide Armenien,
    beaucoup de ceux qui refusent de reconnaître le genocide des Armeniens
    par les Turcs, tout comme ceux qui refusent de reconnaître le genocide
    des Juifs d'Europe par l'Allemagne, sont motives par l'ignorance et
    le sectarisme. Le specialiste du Moyen Orient cite le plus souvent
    par les membres du Congrès comme influant sur leur comprehension
    de la region est Bernard Lewis, negationniste notoire du genocide,
    est membre de l'Institut d'Etudes Turques de Washington.

    Tous les opposants sur la resolution en cours ne nient pas
    explicitement qu'il y ait eu un genocide. Certains reconnaissent qu'un
    genocide a eu lieu en effet, mais ont ete apparemment convaincus qu'il
    est contraire a la securite des USA de le dire publiquement. Cela
    est tout autant inexcusable. Une telle faiblesse morale n'est pas
    moins reprehensible que le refus de reconnaître que l'Holocauste
    ait eu lieu si l'on pensait que cela pourrait blesser l'Allemagne,
    qui accueille aussi des bases US.

    Obama n'est pas le premier president democrate a nier effectivement le
    Genocide Armenien. Le president Bill Clinton avait reussi a persuader
    le president de la Chambre Dennis Hastert de supprimer un tel projet
    de resolution, après qu'il ait eu le feu vert de la Commission des
    Affaires Etrangères par un vote a 40-7 et etait sur le point d'etre
    facilement adopte par la Chambre dans son ensemble. Le president Jimmy
    Carter avait lui aussi supprime une action conduite au Senat par Bob
    Dole, dont le sauvetage miraculeux de ses blessures de la Deuxième
    Guerre mondiale etait dû a un docteur Americain armenien survivant
    du genocide.

    Il est interessant de constater que les neo- conservateurs, prompts a
    pourfendre les crimes contre l'humanite de l'administration Bush, du
    gouvernement israelien et d'autres, utilisent opportunement la volte
    face d'Obama sur ce sujet comme preuve du laxisme des Democrates sur
    les questions des droits de l'homme.

    Adolf Hitler, repondant a des soucis sur l'heritage du crime, avait
    demande un jour : "qui, après tout, parle aujourd'hui de la destruction
    des Armeniens ? " Obama adresse aux futurs tyrans le message qu'ils
    peuvent commettre un genocide sans reconnaissance par le pays le plus
    puissant du monde.

    Bien sûr, refuser de reconnaître un genocide et ceux qui en sont
    responsables rend plus facile la negation du genocide aujourd'hui. En
    1994, l'administration Clinton a egalement refuse d'employer le mot
    "genocide" pour les massacres par le gouvernement Rwandais de plus
    de la moitie de la population Tutsi, une decision qui a contribue a
    retarder le deploiement de forces de paix internationales après le
    massacre de 800 000 personnes.

    La position de l'administration Obama sur le Genocide Armenien ne
    concerne pas simplement commemoration d'une tragedie qui s'est passee
    il y a 95 ans. Elle concerne notre position en tant que nation en
    face du plus horrible des crimes. Elle se rapporte a notre volonte de
    se dresser pour la verite en face de mensonges. Elle se rapporte a la
    vision que nous avons de notre nation apaisant nos allies strategiques
    ou respectant nos principes anciens.

    Stephen Zunes est Redacteur a Foreign Policy In Focus (Le Point
    Politique Etrangère pour le Moyen Orient). Il est professeur de
    Politique a l'Universite de San Francisco et auteur de Tinderbox :
    U.S. Middle East Policy and the Roots of Terrorism (Poudrière :
    la politique des USA au Moyen Orient et les Racines du Terrorisme)
    Common Courage Press, 2003.
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