OBAMA ET LA NEGATION DU GENOCIDE
par Jean Eckian
armenews
Revue de Presse
jeudi18 mars 2010
Stephen Zunes fait manifestement partie de ces specialistes qui ont
du Genocide Armenien une vision fondee sur des elements historiques.
Lorsqu'il dit qu'il y a des preuves incontournables, on sait qu'il
les a regardees.
En consequence, le bref historique qu'il trace dans cet article sur
la reconnaissance toujours attendue du Genocide Armenien par les
Etats-Unis comporte quelques revelations interessantes.
Lorsqu'il aborde les motivations des negationnistes, par contre,
on peut ne pas etre d'accord lorsqu'il dit que ce sont les memes
dans le cas de la Shoah et du Genocide Armenien. Contrairement aux
negationnistes du Genocide des Juifs, qui sont des antisemites
sectaires, les negationnistes du Genocide Armenien ne sont pas
necessairement des anti-armeniens visceraux. Ils le font quelquefois
au nom d'interets politiques alambiques, comme l'executif americain,
mais le plus souvent pour de l'argent.
Obama et la Negation du Genocide
Publie le lundi 15 mars par Foreign Policy in Focus (Le Point sur la
Politique Etrangère, FPIF)
Par Stephen Zunes
L'administration Obama, citant ses relations avec la Turquie, s'est
engagee a bloquer le vote par la Chambre des Representants de la
resolution a laquelle la Commission des Affaires Etrangères a donne son
feu vert jeudi passe, reconnaissant en cela le Genocide en 1915 de 1,5
millions d'Armeniens par l'Empire Ottoman. Meme si l'administration
Obama avait precedemment refuse et meme man~uvre pour que soit
escamotee la preuve documentee de crimes recents de guerre commis
par Israël, un autre allie clef du Moyen Orient, peu pensaient que
l'administration irait jusqu'a nier effectivement le genocide.
[...]
En depit du soutien etendu de la resolution par les Democrates,
Clinton s'est declaree confiante que l'administration trouvera les
moyens de bloquer le projet, declarant "nous croyons a present que
le Congrès des USA ne prendra aucune decision sur ce sujet." [...]
Clinton a reconnu que c'etait une volte face, mais a dit que les
circonstances avaient change "de facon très significative." Le
Departement d'Etat a cependant ete dans l'incapacite de ne citer
aucune preuve qui pourrait s'opposer au large consensus qu'un genocide
a effectivement eu lieu. [...]
L'excuse officielle est que cela pourrait nuire a un rapprochement
important entre l'Armenie et la Turquie. Il n'y a cependant aucune
indication que le gouvernement armenien ne soit inquiet d'aucune
retombee negative dans ses relations bilaterales venant d'une
resolution votee par le corps legislatif d'un pays tiers... Plus
probablement, c'est la cooperation de la Turquie pour les sanctions
a venir contre l'Iran qui est consideree.
Entre 1915 et 1918, sous les ordres des gouvernants de l'Empire
Ottoman, on estime a deux millions le nombre d'Armeniens forces
de quitter leur maison dans une region où se trouvait la nation
armenienne depuis plus de 2 500 ans. Les trois quarts d'entre eux
sont morts assassines, prives de nourriture ou pour d'autres raisons
liees a ces evenements.
Selon H. Morgenthau, alors ambassadeur des USA dans l'Empire Ottoman,
"quand les autorites turques ont donne l'ordre de ces deportations,
ils ont en fait emis l'arret de mort de toute un peuple ; ils
comprenaient bien cela, et, au cours des conversations que nous
avions, ils ne faisaient une quelconque tentative pour dissimuler cette
realite." Alors qu'un ordre valant "arret de mort pour tout un peuple"
serait normalement considere comme un genocide qu'elle qu'en soit
la definition, cela n'est apparemment pas l'avis de l'administration
Obama. La Convention sur la Prevention du Crime de Genocide, signee
et ratifiee par les Etats-Unis, definit officiellement le genocide
comme toute action "pour detruire, en tout ou en partie, un groupe
national, ethnique, racial ou religieux, en tant que tel." Le premier
a proposer une telle convention internationale a ete Raphaël Lemkin,
un juriste juif polonais, qui a a l'origine cree le mot "genocide"
et identifie le cas des Armeniens comme exemple de reference [...]
[...] reconnu le Genocide Armenien. L'administration Obama, cependant,
ne l'a pas fait et est apparemment determinee a empecher que le
Congrès ne le fasse.
Le Congrès a precedemment fait savoir officiellement qu'il condamnait
le President Mahmoud Ahmadinejad pour son refus de condamner le
Genocide des Juifs par l'Allemagne. Le Congrès ne semble pas vouloir
defier, apparemment, le refus d'Obama de reconnaître le Genocide
des Armeniens par les Ottomans. Tandis que la veille contre l'anti-
semitisme est heureusement suffisamment repandue pour marginaliser
ceux qui refusent de reconnaître l'Holocauste, la tolerance a la
doctrine anti-armenienne apparaît encore politiquement acceptable au
point de permettre la negation de leur genocide.
Le Facteur Turquie
Les opposants a la resolution se disent etre inquiets de la degradation
des relations avec la Turquie, etat successeur de l'Empire Ottoman et
allie important des USA. Les Etats-Unis ont de toute facon beaucoup
degrade leurs relations avec la Turquie par leur action politique plus
significative qu'une resolution symbolique reconnaissant une tragique
periode de l'histoire. Les Etats-Unis ont soutenu clandestinement une
tentative de coup d'etat militaire par des officiers turcs en 2003,
armant des Kurdes iraniens et irakiens proches des Kurdes rebelles de
Turquie qui ont ete responsables de la mort de centaines de citoyens
turcs. Les Etats-Unis ont aussi envahi l'Irak voisin. Il en a resulte
la chute du pourcentage de Turcs qui voient positivement les Etats-Unis
de 52 pourcent a seulement 9 pourcent.
Des generations de Turcs ont appris qu'il n'y avait aucun genocide des
Armeniens, mais qu'il y a eu des atrocites dans les deux camps. De
fait, la plupart des Turcs croient que leur pays a servi de bouc
emissaire, en particulier quand les Etats-Unis refusent d'appeler
Genocide le traitement qu'ils ont inflige aux Indiens ou reconnu des
crimes plus recents. Il en resulte que certains qu'une facon plus
appropriee d'aborder la negation de faits historiques averes actuelle
de la Turquie, serait le dialogue ou une sorte de reeducation,
evitant les effets politiques patents d'une resolution du Congrès
aui mettrait les Turcs sur la defensive.
Ne pas reconnaître le genocide, cependant, est un affront tragique
au nombre rapidement decroissant des survivants et a leurs descendants.
C'est aussi un mauvais service rendu aux Turcs nombreux qui se sont
opposes a la politique de l'Empire Ottoman et essaye d'arreter le
Genocide, ainsi qu'au nombre croissant de Turcs aujourd'hui, qui
risquent l'emprisonnement ordonne par le regime soutenu par les USA,
qui denoncent publiquement les crimes de leurs ascendants. C'est ainsi
qu'Orhan Pamuk, auteur de nouvelles turc et prix Nobel de litterature
2006, a ete poursuivi et s'est expatrie pour fuir les menaces de mort
recues a la suite de plusieurs references publiques au genocide.
Certains opposants a la resolution soutiennent que voter des
resolutions liees a des evenements historiques n'a pas de sens. Il
n'y eut cependant aucune reserve de ce genre lors de l'adoption
de resolutions sur l'Holocauste, ou pour des resolutions votees ces
dernières annees depuis la commemoration du 65e anniversaire de la mort
du leader politique et musicien Ignace Jan Paderewski jusqu'a marquer
le 150e anniversaire de la première reunion du Parti Republicain dans
le Wisconsin.
L'administration Obama insiste sur le fait que le moment est mal choisi
pour contrarier le gouvernement turc. Le moment etait tout autant mal
choisi lors du vote de la resolution en 2007, parce qu'il ne fallait
pas compromettre les accès aux bases turques des forces US engagees
dans une contre-offensive d'insurges lors de la guerre d'Irak. Ce
n'etait pas le moment non plus lorsqu'une resolution similaire avait
ete proposee en 2000, parce que les Etats Unis utilisaient leur
base en Turquie pour contrôler une zone interdite de vol au nord de
l'Irak. Et le moment etait encore mal choisi en 1985 et 1987, quand
des resolutions similaires etaient deposees parce que les bases US
en Turquie etaient considerees comme d'importantes bases d'ecoute de
l'Union Sovietique au cours de la guerre froide.
Pour les negationnistes du Genocide Armenien, le moment est toujours
"mal choisi".
Alors que l'adoption de la resolution conduirait certainement a
une vigoureuse protestation diplomatique turque, on peut douter que
cela n'aille jusqu'a la rupture entre Ankara et Washington. Quand
le president Ronald Reagan, soutien majeur de la dictature de droite
turque alors au pouvoir en Turquie, avait use une fois du mot genocide
a l'egard des Armeniens et les relations USA-Turquie n'en avaient
pas souffert.
L'administration Obama, comme d'autres avant elle, refuse tout
simplement de reconnaître qu'un genocide armenien ait eu lieu. Comme
recemment dans les annees 1980, le Bulletin du Departement d'Etat
soutenait que "parce que les annales historiques des evenements de
1915 en Asie Mineure sont ambigues, le Departement d'Etat ne souscrit
pas aux allegations selon lesquelles le gouvernement turc a commis
un genocide contre le peuple armenien." Encore plus recemment, Paul
Wolfowitz, qui tenait lieu de Secretaire de la Defense de George W.
Bush, declara en 2002 que 'l'une des choses qui m'impressionne dans
l'histoire turque, ce sont les egards avec lesquels la Turquie traite
ses propres minorites.'
La clause d'application de la resolution appelle simplement Obama "a
s'assurer que la politique exterieure des USA reflète de correctes
appreciation et sensibilite sur les questions liees aux droits
de l'homme, au nettoyage ethnique et au genocide documente dans
les annales des Etats-Unis relatives au Genocide Armenien et les
consequences d'un refus d'adopter une juste resolution." Si donc
Obama ne veut vraiment pas que le Congrès vote une telle resolution,
il ne lui reste plus qu'a exprimer la reconnaissance du genocide
au nom de l'executif. Quelle que soient les excuses qu'on invoque,
ne pas le faire equivaut a nier le genocide.
Negation du Genocide
Etant donnees les annales indiscutables sur le Genocide Armenien,
beaucoup de ceux qui refusent de reconnaître le genocide des Armeniens
par les Turcs, tout comme ceux qui refusent de reconnaître le genocide
des Juifs d'Europe par l'Allemagne, sont motives par l'ignorance et
le sectarisme. Le specialiste du Moyen Orient cite le plus souvent
par les membres du Congrès comme influant sur leur comprehension
de la region est Bernard Lewis, negationniste notoire du genocide,
est membre de l'Institut d'Etudes Turques de Washington.
Tous les opposants sur la resolution en cours ne nient pas
explicitement qu'il y ait eu un genocide. Certains reconnaissent qu'un
genocide a eu lieu en effet, mais ont ete apparemment convaincus qu'il
est contraire a la securite des USA de le dire publiquement. Cela
est tout autant inexcusable. Une telle faiblesse morale n'est pas
moins reprehensible que le refus de reconnaître que l'Holocauste
ait eu lieu si l'on pensait que cela pourrait blesser l'Allemagne,
qui accueille aussi des bases US.
Obama n'est pas le premier president democrate a nier effectivement le
Genocide Armenien. Le president Bill Clinton avait reussi a persuader
le president de la Chambre Dennis Hastert de supprimer un tel projet
de resolution, après qu'il ait eu le feu vert de la Commission des
Affaires Etrangères par un vote a 40-7 et etait sur le point d'etre
facilement adopte par la Chambre dans son ensemble. Le president Jimmy
Carter avait lui aussi supprime une action conduite au Senat par Bob
Dole, dont le sauvetage miraculeux de ses blessures de la Deuxième
Guerre mondiale etait dû a un docteur Americain armenien survivant
du genocide.
Il est interessant de constater que les neo- conservateurs, prompts a
pourfendre les crimes contre l'humanite de l'administration Bush, du
gouvernement israelien et d'autres, utilisent opportunement la volte
face d'Obama sur ce sujet comme preuve du laxisme des Democrates sur
les questions des droits de l'homme.
Adolf Hitler, repondant a des soucis sur l'heritage du crime, avait
demande un jour : "qui, après tout, parle aujourd'hui de la destruction
des Armeniens ? " Obama adresse aux futurs tyrans le message qu'ils
peuvent commettre un genocide sans reconnaissance par le pays le plus
puissant du monde.
Bien sûr, refuser de reconnaître un genocide et ceux qui en sont
responsables rend plus facile la negation du genocide aujourd'hui. En
1994, l'administration Clinton a egalement refuse d'employer le mot
"genocide" pour les massacres par le gouvernement Rwandais de plus
de la moitie de la population Tutsi, une decision qui a contribue a
retarder le deploiement de forces de paix internationales après le
massacre de 800 000 personnes.
La position de l'administration Obama sur le Genocide Armenien ne
concerne pas simplement commemoration d'une tragedie qui s'est passee
il y a 95 ans. Elle concerne notre position en tant que nation en
face du plus horrible des crimes. Elle se rapporte a notre volonte de
se dresser pour la verite en face de mensonges. Elle se rapporte a la
vision que nous avons de notre nation apaisant nos allies strategiques
ou respectant nos principes anciens.
Stephen Zunes est Redacteur a Foreign Policy In Focus (Le Point
Politique Etrangère pour le Moyen Orient). Il est professeur de
Politique a l'Universite de San Francisco et auteur de Tinderbox :
U.S. Middle East Policy and the Roots of Terrorism (Poudrière :
la politique des USA au Moyen Orient et les Racines du Terrorisme)
Common Courage Press, 2003.
par Jean Eckian
armenews
Revue de Presse
jeudi18 mars 2010
Stephen Zunes fait manifestement partie de ces specialistes qui ont
du Genocide Armenien une vision fondee sur des elements historiques.
Lorsqu'il dit qu'il y a des preuves incontournables, on sait qu'il
les a regardees.
En consequence, le bref historique qu'il trace dans cet article sur
la reconnaissance toujours attendue du Genocide Armenien par les
Etats-Unis comporte quelques revelations interessantes.
Lorsqu'il aborde les motivations des negationnistes, par contre,
on peut ne pas etre d'accord lorsqu'il dit que ce sont les memes
dans le cas de la Shoah et du Genocide Armenien. Contrairement aux
negationnistes du Genocide des Juifs, qui sont des antisemites
sectaires, les negationnistes du Genocide Armenien ne sont pas
necessairement des anti-armeniens visceraux. Ils le font quelquefois
au nom d'interets politiques alambiques, comme l'executif americain,
mais le plus souvent pour de l'argent.
Obama et la Negation du Genocide
Publie le lundi 15 mars par Foreign Policy in Focus (Le Point sur la
Politique Etrangère, FPIF)
Par Stephen Zunes
L'administration Obama, citant ses relations avec la Turquie, s'est
engagee a bloquer le vote par la Chambre des Representants de la
resolution a laquelle la Commission des Affaires Etrangères a donne son
feu vert jeudi passe, reconnaissant en cela le Genocide en 1915 de 1,5
millions d'Armeniens par l'Empire Ottoman. Meme si l'administration
Obama avait precedemment refuse et meme man~uvre pour que soit
escamotee la preuve documentee de crimes recents de guerre commis
par Israël, un autre allie clef du Moyen Orient, peu pensaient que
l'administration irait jusqu'a nier effectivement le genocide.
[...]
En depit du soutien etendu de la resolution par les Democrates,
Clinton s'est declaree confiante que l'administration trouvera les
moyens de bloquer le projet, declarant "nous croyons a present que
le Congrès des USA ne prendra aucune decision sur ce sujet." [...]
Clinton a reconnu que c'etait une volte face, mais a dit que les
circonstances avaient change "de facon très significative." Le
Departement d'Etat a cependant ete dans l'incapacite de ne citer
aucune preuve qui pourrait s'opposer au large consensus qu'un genocide
a effectivement eu lieu. [...]
L'excuse officielle est que cela pourrait nuire a un rapprochement
important entre l'Armenie et la Turquie. Il n'y a cependant aucune
indication que le gouvernement armenien ne soit inquiet d'aucune
retombee negative dans ses relations bilaterales venant d'une
resolution votee par le corps legislatif d'un pays tiers... Plus
probablement, c'est la cooperation de la Turquie pour les sanctions
a venir contre l'Iran qui est consideree.
Entre 1915 et 1918, sous les ordres des gouvernants de l'Empire
Ottoman, on estime a deux millions le nombre d'Armeniens forces
de quitter leur maison dans une region où se trouvait la nation
armenienne depuis plus de 2 500 ans. Les trois quarts d'entre eux
sont morts assassines, prives de nourriture ou pour d'autres raisons
liees a ces evenements.
Selon H. Morgenthau, alors ambassadeur des USA dans l'Empire Ottoman,
"quand les autorites turques ont donne l'ordre de ces deportations,
ils ont en fait emis l'arret de mort de toute un peuple ; ils
comprenaient bien cela, et, au cours des conversations que nous
avions, ils ne faisaient une quelconque tentative pour dissimuler cette
realite." Alors qu'un ordre valant "arret de mort pour tout un peuple"
serait normalement considere comme un genocide qu'elle qu'en soit
la definition, cela n'est apparemment pas l'avis de l'administration
Obama. La Convention sur la Prevention du Crime de Genocide, signee
et ratifiee par les Etats-Unis, definit officiellement le genocide
comme toute action "pour detruire, en tout ou en partie, un groupe
national, ethnique, racial ou religieux, en tant que tel." Le premier
a proposer une telle convention internationale a ete Raphaël Lemkin,
un juriste juif polonais, qui a a l'origine cree le mot "genocide"
et identifie le cas des Armeniens comme exemple de reference [...]
[...] reconnu le Genocide Armenien. L'administration Obama, cependant,
ne l'a pas fait et est apparemment determinee a empecher que le
Congrès ne le fasse.
Le Congrès a precedemment fait savoir officiellement qu'il condamnait
le President Mahmoud Ahmadinejad pour son refus de condamner le
Genocide des Juifs par l'Allemagne. Le Congrès ne semble pas vouloir
defier, apparemment, le refus d'Obama de reconnaître le Genocide
des Armeniens par les Ottomans. Tandis que la veille contre l'anti-
semitisme est heureusement suffisamment repandue pour marginaliser
ceux qui refusent de reconnaître l'Holocauste, la tolerance a la
doctrine anti-armenienne apparaît encore politiquement acceptable au
point de permettre la negation de leur genocide.
Le Facteur Turquie
Les opposants a la resolution se disent etre inquiets de la degradation
des relations avec la Turquie, etat successeur de l'Empire Ottoman et
allie important des USA. Les Etats-Unis ont de toute facon beaucoup
degrade leurs relations avec la Turquie par leur action politique plus
significative qu'une resolution symbolique reconnaissant une tragique
periode de l'histoire. Les Etats-Unis ont soutenu clandestinement une
tentative de coup d'etat militaire par des officiers turcs en 2003,
armant des Kurdes iraniens et irakiens proches des Kurdes rebelles de
Turquie qui ont ete responsables de la mort de centaines de citoyens
turcs. Les Etats-Unis ont aussi envahi l'Irak voisin. Il en a resulte
la chute du pourcentage de Turcs qui voient positivement les Etats-Unis
de 52 pourcent a seulement 9 pourcent.
Des generations de Turcs ont appris qu'il n'y avait aucun genocide des
Armeniens, mais qu'il y a eu des atrocites dans les deux camps. De
fait, la plupart des Turcs croient que leur pays a servi de bouc
emissaire, en particulier quand les Etats-Unis refusent d'appeler
Genocide le traitement qu'ils ont inflige aux Indiens ou reconnu des
crimes plus recents. Il en resulte que certains qu'une facon plus
appropriee d'aborder la negation de faits historiques averes actuelle
de la Turquie, serait le dialogue ou une sorte de reeducation,
evitant les effets politiques patents d'une resolution du Congrès
aui mettrait les Turcs sur la defensive.
Ne pas reconnaître le genocide, cependant, est un affront tragique
au nombre rapidement decroissant des survivants et a leurs descendants.
C'est aussi un mauvais service rendu aux Turcs nombreux qui se sont
opposes a la politique de l'Empire Ottoman et essaye d'arreter le
Genocide, ainsi qu'au nombre croissant de Turcs aujourd'hui, qui
risquent l'emprisonnement ordonne par le regime soutenu par les USA,
qui denoncent publiquement les crimes de leurs ascendants. C'est ainsi
qu'Orhan Pamuk, auteur de nouvelles turc et prix Nobel de litterature
2006, a ete poursuivi et s'est expatrie pour fuir les menaces de mort
recues a la suite de plusieurs references publiques au genocide.
Certains opposants a la resolution soutiennent que voter des
resolutions liees a des evenements historiques n'a pas de sens. Il
n'y eut cependant aucune reserve de ce genre lors de l'adoption
de resolutions sur l'Holocauste, ou pour des resolutions votees ces
dernières annees depuis la commemoration du 65e anniversaire de la mort
du leader politique et musicien Ignace Jan Paderewski jusqu'a marquer
le 150e anniversaire de la première reunion du Parti Republicain dans
le Wisconsin.
L'administration Obama insiste sur le fait que le moment est mal choisi
pour contrarier le gouvernement turc. Le moment etait tout autant mal
choisi lors du vote de la resolution en 2007, parce qu'il ne fallait
pas compromettre les accès aux bases turques des forces US engagees
dans une contre-offensive d'insurges lors de la guerre d'Irak. Ce
n'etait pas le moment non plus lorsqu'une resolution similaire avait
ete proposee en 2000, parce que les Etats Unis utilisaient leur
base en Turquie pour contrôler une zone interdite de vol au nord de
l'Irak. Et le moment etait encore mal choisi en 1985 et 1987, quand
des resolutions similaires etaient deposees parce que les bases US
en Turquie etaient considerees comme d'importantes bases d'ecoute de
l'Union Sovietique au cours de la guerre froide.
Pour les negationnistes du Genocide Armenien, le moment est toujours
"mal choisi".
Alors que l'adoption de la resolution conduirait certainement a
une vigoureuse protestation diplomatique turque, on peut douter que
cela n'aille jusqu'a la rupture entre Ankara et Washington. Quand
le president Ronald Reagan, soutien majeur de la dictature de droite
turque alors au pouvoir en Turquie, avait use une fois du mot genocide
a l'egard des Armeniens et les relations USA-Turquie n'en avaient
pas souffert.
L'administration Obama, comme d'autres avant elle, refuse tout
simplement de reconnaître qu'un genocide armenien ait eu lieu. Comme
recemment dans les annees 1980, le Bulletin du Departement d'Etat
soutenait que "parce que les annales historiques des evenements de
1915 en Asie Mineure sont ambigues, le Departement d'Etat ne souscrit
pas aux allegations selon lesquelles le gouvernement turc a commis
un genocide contre le peuple armenien." Encore plus recemment, Paul
Wolfowitz, qui tenait lieu de Secretaire de la Defense de George W.
Bush, declara en 2002 que 'l'une des choses qui m'impressionne dans
l'histoire turque, ce sont les egards avec lesquels la Turquie traite
ses propres minorites.'
La clause d'application de la resolution appelle simplement Obama "a
s'assurer que la politique exterieure des USA reflète de correctes
appreciation et sensibilite sur les questions liees aux droits
de l'homme, au nettoyage ethnique et au genocide documente dans
les annales des Etats-Unis relatives au Genocide Armenien et les
consequences d'un refus d'adopter une juste resolution." Si donc
Obama ne veut vraiment pas que le Congrès vote une telle resolution,
il ne lui reste plus qu'a exprimer la reconnaissance du genocide
au nom de l'executif. Quelle que soient les excuses qu'on invoque,
ne pas le faire equivaut a nier le genocide.
Negation du Genocide
Etant donnees les annales indiscutables sur le Genocide Armenien,
beaucoup de ceux qui refusent de reconnaître le genocide des Armeniens
par les Turcs, tout comme ceux qui refusent de reconnaître le genocide
des Juifs d'Europe par l'Allemagne, sont motives par l'ignorance et
le sectarisme. Le specialiste du Moyen Orient cite le plus souvent
par les membres du Congrès comme influant sur leur comprehension
de la region est Bernard Lewis, negationniste notoire du genocide,
est membre de l'Institut d'Etudes Turques de Washington.
Tous les opposants sur la resolution en cours ne nient pas
explicitement qu'il y ait eu un genocide. Certains reconnaissent qu'un
genocide a eu lieu en effet, mais ont ete apparemment convaincus qu'il
est contraire a la securite des USA de le dire publiquement. Cela
est tout autant inexcusable. Une telle faiblesse morale n'est pas
moins reprehensible que le refus de reconnaître que l'Holocauste
ait eu lieu si l'on pensait que cela pourrait blesser l'Allemagne,
qui accueille aussi des bases US.
Obama n'est pas le premier president democrate a nier effectivement le
Genocide Armenien. Le president Bill Clinton avait reussi a persuader
le president de la Chambre Dennis Hastert de supprimer un tel projet
de resolution, après qu'il ait eu le feu vert de la Commission des
Affaires Etrangères par un vote a 40-7 et etait sur le point d'etre
facilement adopte par la Chambre dans son ensemble. Le president Jimmy
Carter avait lui aussi supprime une action conduite au Senat par Bob
Dole, dont le sauvetage miraculeux de ses blessures de la Deuxième
Guerre mondiale etait dû a un docteur Americain armenien survivant
du genocide.
Il est interessant de constater que les neo- conservateurs, prompts a
pourfendre les crimes contre l'humanite de l'administration Bush, du
gouvernement israelien et d'autres, utilisent opportunement la volte
face d'Obama sur ce sujet comme preuve du laxisme des Democrates sur
les questions des droits de l'homme.
Adolf Hitler, repondant a des soucis sur l'heritage du crime, avait
demande un jour : "qui, après tout, parle aujourd'hui de la destruction
des Armeniens ? " Obama adresse aux futurs tyrans le message qu'ils
peuvent commettre un genocide sans reconnaissance par le pays le plus
puissant du monde.
Bien sûr, refuser de reconnaître un genocide et ceux qui en sont
responsables rend plus facile la negation du genocide aujourd'hui. En
1994, l'administration Clinton a egalement refuse d'employer le mot
"genocide" pour les massacres par le gouvernement Rwandais de plus
de la moitie de la population Tutsi, une decision qui a contribue a
retarder le deploiement de forces de paix internationales après le
massacre de 800 000 personnes.
La position de l'administration Obama sur le Genocide Armenien ne
concerne pas simplement commemoration d'une tragedie qui s'est passee
il y a 95 ans. Elle concerne notre position en tant que nation en
face du plus horrible des crimes. Elle se rapporte a notre volonte de
se dresser pour la verite en face de mensonges. Elle se rapporte a la
vision que nous avons de notre nation apaisant nos allies strategiques
ou respectant nos principes anciens.
Stephen Zunes est Redacteur a Foreign Policy In Focus (Le Point
Politique Etrangère pour le Moyen Orient). Il est professeur de
Politique a l'Universite de San Francisco et auteur de Tinderbox :
U.S. Middle East Policy and the Roots of Terrorism (Poudrière :
la politique des USA au Moyen Orient et les Racines du Terrorisme)
Common Courage Press, 2003.