"JE DEMANDE PARDON A TOUS LES ARMENIENS" PAR ORHAN KEMAL CENGIZ
Stephane
armenews
5 mai 2010
Quand j'etais enfant, nous allions d'habitude a Cesme pour les grandes
vacances. Cesme est a l'extreme ouest de la Turquie, a 100 km d'Izmir
sur la côte ouest.
Elle est situee juste en face de l'île grecque de Chio. Aussitôt que
vous entrez dans la ville, vous en percevez l'aura grecque. Les rues
etroites, l'architecture des edifices anciens, tous grecs. Mais il n'y
a plus aucun Grec dans cette ville. Il n'y reste que leurs affaires.
Je me souviens que ma mère nous avait raconte deux ou trois
fois la meme histoire. J'avais compris que cette histoire l'avait
beaucoup emue. Elle avait vu un jour a Cesme une 'touriste' grecque
embrassant les colonnes d'une maison, et caressant les murs. Ma mère
a immediatement compris que cette vieille dame etait l'ancienne
proprietaire de la maison qu'elle essayait d'entourer de ses deux
bras. Ma mère nous a raconte cette histoire les larmes aux yeux. Je
ne comprenais pas alors tout ce que signifiait cette histoire.
Tandis que je redigeais cette anecdote, je me suis rappele les lignes
suivantes ecrites par Nazim Hickmet : "Du Bosphore un bateau commence
son voyage / Nazim caresse doucement le bateau/ Et ses mains brûlent.
Ayant ete declare traître a sa patrie a cause de ses opinions
politiques, Nazim avait dû quitter la Turquie et souffrait d'un mal du
pays desespere a Varna, en Bulgarie. S'il avait pu toucher ce navire,
ses mains auraient vraiment brûle par l'indicible nostalgie pour son
pays qu'il eprouvait.
Je ne pense pas qu'on puisse exprimer mieux que ne l'a fait Hickmet,
les sentiments de cette femme grecque tandis qu'elle caressait les murs
de sa maison. Ce genre de chose ne peut etre dit qu'avec le langage
de l'art, qui peut depasser notre indifference et atteindre notre âme.
Dans les Balkans, en Turquie, dans notre region, les tragedies sont
trop nombreuses,
et les tristesses sont trop nombreuses. Il y a trio d'histoires
qui attendent d'etre racontees. J'ecris tout cela après avoir lu un
article très court dans le quotidien Taraf de lundi. J'en suis emu.
C'est très court, très honnete et très humain. Son titre est " Je
demande pardon a tous les Armeniens."
Lisons-le :
"J'ai horreur de me raconter, mais je suis originaire d'Antakya
[il est semble-il très content de se dire Antakyan , antakien]. Nous
aimons notre cuisine, qui est influencee par Alep, et nous nous aimons
nous-memes. Toutes ces discussions a propos d'Armeniens m'ont fait
remonter le fil de ma memoire, celui de mes souvenirs d'enfance.
Permettez-moi de les partager :
Sur la route de Samandagi, Hatay, se trouve un vieux village armenien
appele Bityas. Son nom a ensuite ete change en Batiayaz. Par village
armenien, j'entends que des Armeniens y vivaient. Ils ont ete ensuite
forces d'emigrer. Le mari de la fille de mon oncle etait le chauffeur
du gouverneur. Je ne sais pas si c'etait du favoritisme ou non,
mais il avait achete une maison de ce village. Je prefère l'appeler
maison du village ; cela convient mieux que la maison de la ville
dans laquelle nous vivions.
Les deux familles, celle de mon oncle et la mienne, avec tous les
enfants, ont passe un ete dans cette maison. Ce furent des vacances
uniques et divertissantes. J'eprouve un chaleureux sentiment chaque
fois que je me rappelle cet ete la. Bien sûr, cela se passait il y
a 65 ans environ. Mes calculs me diraient que nombre d'employes de
Taraf n'etaient pas nes encore.
A present quand j'y pense, les habitants de cette maison ont ete
forces de la quitter a leur corps defendant, dans de telles conditions
difficiles...
Je voudrais demander pardon a tous les Armeniens, a commencer par
mon frère Hrant et les Armeniens que je connais par Taraf, [Etyen]
Mahcupian et [Markar] Esayan.
Necat Yardimci
Ex Gouverneur du district de Dicle.
Je voudrais terminer cet article avec un autre poème de Nazim Hikmet
"Les lumières de l'epicier sont allumees.
Ce citoyen armenien n'a pas pardonne
Le massacre de son père dans les montagnes kurdes.
Mais il t'aime,
Parce que toi non plus ne veut pardonner
Ceux qui ont noirci le nom du peuple turc."
From: Emil Lazarian | Ararat NewsPress
Stephane
armenews
5 mai 2010
Quand j'etais enfant, nous allions d'habitude a Cesme pour les grandes
vacances. Cesme est a l'extreme ouest de la Turquie, a 100 km d'Izmir
sur la côte ouest.
Elle est situee juste en face de l'île grecque de Chio. Aussitôt que
vous entrez dans la ville, vous en percevez l'aura grecque. Les rues
etroites, l'architecture des edifices anciens, tous grecs. Mais il n'y
a plus aucun Grec dans cette ville. Il n'y reste que leurs affaires.
Je me souviens que ma mère nous avait raconte deux ou trois
fois la meme histoire. J'avais compris que cette histoire l'avait
beaucoup emue. Elle avait vu un jour a Cesme une 'touriste' grecque
embrassant les colonnes d'une maison, et caressant les murs. Ma mère
a immediatement compris que cette vieille dame etait l'ancienne
proprietaire de la maison qu'elle essayait d'entourer de ses deux
bras. Ma mère nous a raconte cette histoire les larmes aux yeux. Je
ne comprenais pas alors tout ce que signifiait cette histoire.
Tandis que je redigeais cette anecdote, je me suis rappele les lignes
suivantes ecrites par Nazim Hickmet : "Du Bosphore un bateau commence
son voyage / Nazim caresse doucement le bateau/ Et ses mains brûlent.
Ayant ete declare traître a sa patrie a cause de ses opinions
politiques, Nazim avait dû quitter la Turquie et souffrait d'un mal du
pays desespere a Varna, en Bulgarie. S'il avait pu toucher ce navire,
ses mains auraient vraiment brûle par l'indicible nostalgie pour son
pays qu'il eprouvait.
Je ne pense pas qu'on puisse exprimer mieux que ne l'a fait Hickmet,
les sentiments de cette femme grecque tandis qu'elle caressait les murs
de sa maison. Ce genre de chose ne peut etre dit qu'avec le langage
de l'art, qui peut depasser notre indifference et atteindre notre âme.
Dans les Balkans, en Turquie, dans notre region, les tragedies sont
trop nombreuses,
et les tristesses sont trop nombreuses. Il y a trio d'histoires
qui attendent d'etre racontees. J'ecris tout cela après avoir lu un
article très court dans le quotidien Taraf de lundi. J'en suis emu.
C'est très court, très honnete et très humain. Son titre est " Je
demande pardon a tous les Armeniens."
Lisons-le :
"J'ai horreur de me raconter, mais je suis originaire d'Antakya
[il est semble-il très content de se dire Antakyan , antakien]. Nous
aimons notre cuisine, qui est influencee par Alep, et nous nous aimons
nous-memes. Toutes ces discussions a propos d'Armeniens m'ont fait
remonter le fil de ma memoire, celui de mes souvenirs d'enfance.
Permettez-moi de les partager :
Sur la route de Samandagi, Hatay, se trouve un vieux village armenien
appele Bityas. Son nom a ensuite ete change en Batiayaz. Par village
armenien, j'entends que des Armeniens y vivaient. Ils ont ete ensuite
forces d'emigrer. Le mari de la fille de mon oncle etait le chauffeur
du gouverneur. Je ne sais pas si c'etait du favoritisme ou non,
mais il avait achete une maison de ce village. Je prefère l'appeler
maison du village ; cela convient mieux que la maison de la ville
dans laquelle nous vivions.
Les deux familles, celle de mon oncle et la mienne, avec tous les
enfants, ont passe un ete dans cette maison. Ce furent des vacances
uniques et divertissantes. J'eprouve un chaleureux sentiment chaque
fois que je me rappelle cet ete la. Bien sûr, cela se passait il y
a 65 ans environ. Mes calculs me diraient que nombre d'employes de
Taraf n'etaient pas nes encore.
A present quand j'y pense, les habitants de cette maison ont ete
forces de la quitter a leur corps defendant, dans de telles conditions
difficiles...
Je voudrais demander pardon a tous les Armeniens, a commencer par
mon frère Hrant et les Armeniens que je connais par Taraf, [Etyen]
Mahcupian et [Markar] Esayan.
Necat Yardimci
Ex Gouverneur du district de Dicle.
Je voudrais terminer cet article avec un autre poème de Nazim Hikmet
"Les lumières de l'epicier sont allumees.
Ce citoyen armenien n'a pas pardonne
Le massacre de son père dans les montagnes kurdes.
Mais il t'aime,
Parce que toi non plus ne veut pardonner
Ceux qui ont noirci le nom du peuple turc."
From: Emil Lazarian | Ararat NewsPress