Laurent Galandon et le génocide arménien
REVUE DE PRESSE
dimanche9 mai 2010, par Stéphane/armenews
En une poignée d'années, Laurent Galandon s'est imposé comme un
scénariste exigeant et habile, auteur d'oeuvres poignantes souvent
basées sur des drames historiques. Après la Shoah dans L'Envolée
sauvage ou la guerre d'Algérie dans Tahya El-Djazaïr, il explore le
génocide arménien par l'armée turque en 1915. Dans Le Cahier à fleurs,
un diptyque dessiné par Viviane Nicaise, cet ancien photographe et
patron de salle de cinéma revient sur le premier génocide du XXe
siècle, avec retenue et émotion, et un vrai sens du romanesque.
Rencontre avec un auteur engagé, qui ne cesse d'explorer les
traumatismes de l'Histoire.
Comment vous êtes-vous intéressé au génocide arménien ?
Lors de mes recherches documentaires sur L'Envolée sauvage, qui évoque
la Shoah, je suis tombé sur cette phrase d'Hitler : « Qui se souvient
du génocide arménien ? » J'ai été frappé par cette sentence, qui
induit que chaque génocide porterait en lui la genèse du suivant... Je
connaissais vaguement l'histoire du génocide arménien de 1915, et je
me suis plongé dans des livres pour en savoir plus.
Quelles ont été les principales difficultés pour composer ce récit ?
Les faits étant établis, c'est l'iconographie qui manque le plus sur
un tel sujet. Heureusement, il existe deux ou trois films qui
permettent de mettre des images sur cette époque. Mais les détails des
décors ou des costumes importent finalement assez peu sur Le Cahier à
fleurs : je ne cherche pas l'exhaustivité, je veux avant tout raconter
l'histoire de mes personnages. Je m'inscris dans une veine romanesque,
mon décor à moi, c'est l'Histoire.
Comment montrer l'horreur du génocide ?
Dans L'Envolée sauvage, j'avais pu me permettre de ne pas montrer en
détails les camps, car ce sont des images bien connues du public. Il
était possible d'établir une certaine distance. Or, pour le génocide
arménien, qui est moins familier pour la plupart des gens, j'ai choisi
d'être plus cru, de placer quelques images violentes pour créer un
choc. Mais attention, dans le premier tome, il n'y a pas plus de cinq
ou six pages de massacres. Je pense que ça suffit.
Paolo Cossi a également traité du sujet dans Medz Yeghern - Le Grand
Mal. Que pensez-vous de sa BD ?
C'est un livre qui donne beaucoup plus de détails sur les événements
que moi dans Le Cahier à fleurs. Sur les séquences de massacre, il a
choisir d'y aller franco, de montrer frontalement certaines atrocités.
Je trouve que cela fait perdre un peu de vue les personnages, mais
c'est un choix courageux et intéressant.
La plupart de vos albums ont un important fond historique, on y
apprend plein de choses. Faites-vous de la bande dessinée pédagogique
?
Non, pas vraiment. L'Histoire des XIXe et XXe siècles m'interpelle et
me sert de terreau pour mes histoires. Car j'ai plein d'envies, mais
j'ai besoin d'avoir une base solide pour me lancer dans l'écriture.
Quand je me documente, j'apprends énormément et j'ai envie de faire
connaître ces découvertes à mon tour. Mais je pense que le côté
pédagogique de mes BD disparaît assez vite derrière le romanesque.
Parce que j'ai besoin de vivre avec mes personnages, d'être ému avec
eux.
Ne craignez-vous pas que le romanesque prime trop et que les decteurs
qui ignoreraient l'existence du génocide arménien imaginent que tous
les événements décrits relèvent de la fiction ?
Je ne me suis pas vraiment posé la question comme cela... Je pense que
l'ouvrage sera suffisamment bien présenté pour qu'aucun doute ne soit
pas permis.
La guerre d'Algérie dans Tahya El-Djazaïr, les grèves de mineurs dans
Quand souffle le vent, Mai 68 dans L'Enfant maudit... Vous abordez des
moments difficiles de l'Histoire, de France notamment. Vous
considérez-vous comme un auteur militant ?
Oh non ! Je passe mes journées assis dans mon canapé, à lire et à
écrire : c'est un militantisme bien relatif ! Je ne fais qu'apporter
ma petite pierre, très humblement.
Quels sont vos projets ?
Outre les suites du Cahier à fleurs, de Shahidas, de L'Enfant maudit
et de Tahya El-Djazaïr, j'ai écrit Les Innocents coupables : une
trilogie qui se déroule dans les bagnes pour enfants au début du XXe
siècle. Elle paraîtra chez Bamboo et sera dessinée par AnLor, dont
c'est la première BD. Au Lombard, avec Kas au dessin, je prépare La
Reine Apache, un diptyque autour du personnage d'Amélie Elie, plus
connue sous le surnom Casque d'or. Je scénarise aussi La Vénus du
Dahomey, un récit sur les zoos humains à la fin du XIXe siècle en deux
parties, dessiné par Stefano Casini à paraître chez Dargaud. Et enfin
un diptyque chez Bamboo, sur le retour d'une gueule cassée dans son
village : un récit intimiste intitulé Pour un peu de bonheur, dessiné
par A.Dan, avec qui j'ai travaillé sur Tahya El-Djazaïr.
Propos recueillis par Benjamin Roure
Le Cahier à fleurs #1. Par Viviane Nicaise et Laurent Galandon.
Bamboo/Grand Angle, 12,90 , le 7 avril 2010.
BoDoï
REVUE DE PRESSE
dimanche9 mai 2010, par Stéphane/armenews
En une poignée d'années, Laurent Galandon s'est imposé comme un
scénariste exigeant et habile, auteur d'oeuvres poignantes souvent
basées sur des drames historiques. Après la Shoah dans L'Envolée
sauvage ou la guerre d'Algérie dans Tahya El-Djazaïr, il explore le
génocide arménien par l'armée turque en 1915. Dans Le Cahier à fleurs,
un diptyque dessiné par Viviane Nicaise, cet ancien photographe et
patron de salle de cinéma revient sur le premier génocide du XXe
siècle, avec retenue et émotion, et un vrai sens du romanesque.
Rencontre avec un auteur engagé, qui ne cesse d'explorer les
traumatismes de l'Histoire.
Comment vous êtes-vous intéressé au génocide arménien ?
Lors de mes recherches documentaires sur L'Envolée sauvage, qui évoque
la Shoah, je suis tombé sur cette phrase d'Hitler : « Qui se souvient
du génocide arménien ? » J'ai été frappé par cette sentence, qui
induit que chaque génocide porterait en lui la genèse du suivant... Je
connaissais vaguement l'histoire du génocide arménien de 1915, et je
me suis plongé dans des livres pour en savoir plus.
Quelles ont été les principales difficultés pour composer ce récit ?
Les faits étant établis, c'est l'iconographie qui manque le plus sur
un tel sujet. Heureusement, il existe deux ou trois films qui
permettent de mettre des images sur cette époque. Mais les détails des
décors ou des costumes importent finalement assez peu sur Le Cahier à
fleurs : je ne cherche pas l'exhaustivité, je veux avant tout raconter
l'histoire de mes personnages. Je m'inscris dans une veine romanesque,
mon décor à moi, c'est l'Histoire.
Comment montrer l'horreur du génocide ?
Dans L'Envolée sauvage, j'avais pu me permettre de ne pas montrer en
détails les camps, car ce sont des images bien connues du public. Il
était possible d'établir une certaine distance. Or, pour le génocide
arménien, qui est moins familier pour la plupart des gens, j'ai choisi
d'être plus cru, de placer quelques images violentes pour créer un
choc. Mais attention, dans le premier tome, il n'y a pas plus de cinq
ou six pages de massacres. Je pense que ça suffit.
Paolo Cossi a également traité du sujet dans Medz Yeghern - Le Grand
Mal. Que pensez-vous de sa BD ?
C'est un livre qui donne beaucoup plus de détails sur les événements
que moi dans Le Cahier à fleurs. Sur les séquences de massacre, il a
choisir d'y aller franco, de montrer frontalement certaines atrocités.
Je trouve que cela fait perdre un peu de vue les personnages, mais
c'est un choix courageux et intéressant.
La plupart de vos albums ont un important fond historique, on y
apprend plein de choses. Faites-vous de la bande dessinée pédagogique
?
Non, pas vraiment. L'Histoire des XIXe et XXe siècles m'interpelle et
me sert de terreau pour mes histoires. Car j'ai plein d'envies, mais
j'ai besoin d'avoir une base solide pour me lancer dans l'écriture.
Quand je me documente, j'apprends énormément et j'ai envie de faire
connaître ces découvertes à mon tour. Mais je pense que le côté
pédagogique de mes BD disparaît assez vite derrière le romanesque.
Parce que j'ai besoin de vivre avec mes personnages, d'être ému avec
eux.
Ne craignez-vous pas que le romanesque prime trop et que les decteurs
qui ignoreraient l'existence du génocide arménien imaginent que tous
les événements décrits relèvent de la fiction ?
Je ne me suis pas vraiment posé la question comme cela... Je pense que
l'ouvrage sera suffisamment bien présenté pour qu'aucun doute ne soit
pas permis.
La guerre d'Algérie dans Tahya El-Djazaïr, les grèves de mineurs dans
Quand souffle le vent, Mai 68 dans L'Enfant maudit... Vous abordez des
moments difficiles de l'Histoire, de France notamment. Vous
considérez-vous comme un auteur militant ?
Oh non ! Je passe mes journées assis dans mon canapé, à lire et à
écrire : c'est un militantisme bien relatif ! Je ne fais qu'apporter
ma petite pierre, très humblement.
Quels sont vos projets ?
Outre les suites du Cahier à fleurs, de Shahidas, de L'Enfant maudit
et de Tahya El-Djazaïr, j'ai écrit Les Innocents coupables : une
trilogie qui se déroule dans les bagnes pour enfants au début du XXe
siècle. Elle paraîtra chez Bamboo et sera dessinée par AnLor, dont
c'est la première BD. Au Lombard, avec Kas au dessin, je prépare La
Reine Apache, un diptyque autour du personnage d'Amélie Elie, plus
connue sous le surnom Casque d'or. Je scénarise aussi La Vénus du
Dahomey, un récit sur les zoos humains à la fin du XIXe siècle en deux
parties, dessiné par Stefano Casini à paraître chez Dargaud. Et enfin
un diptyque chez Bamboo, sur le retour d'une gueule cassée dans son
village : un récit intimiste intitulé Pour un peu de bonheur, dessiné
par A.Dan, avec qui j'ai travaillé sur Tahya El-Djazaïr.
Propos recueillis par Benjamin Roure
Le Cahier à fleurs #1. Par Viviane Nicaise et Laurent Galandon.
Bamboo/Grand Angle, 12,90 , le 7 avril 2010.
BoDoï