Le Cinema, Canada
Sept 10 2010
Tête de Turc frappe fort
par Martin Gignac
Critique du film Tête de Turc
Film coup de poing, «Tête de Turc» de Pascal Elbé est un drame social
magnifiquement interprété qui ne lésine pas sur l'émotion. Quiconque
s'intéresse de près ou de loin au septième art français passera un
très bon moment de cinéma.
Dans une cité, des adolescents s'en prennent au médecin Simon (Pascal
Elbé) avec une rare violence. Lorsqu'un cocktail Molotov explose sur
sa voiture, cet incident scellera à jamais le sort de son frère
policier Atom (Roschdy Zem), du jeune Bora (Samir Makhlouf), de sa
mère Sibel (Ronit Elkabetz) et d'un monsieur sans histoire (Simon
Abkarian).
Acteur habitué aux seconds rôles («3 amis», «Romaine par moins 30»,
««Les insoumis» et la liste est longue), Pascal Elbé se tourne vers la
réalisation d'une brillante façon. En reprenant les codes du film
choral, le voilà offrir un crochet en plein visage qui laissera peu de
gens indifférents. C'est que son essai s'intéresse à un sujet chaud en
France : la criminalité dans les banlieues. L'injustice fait rage, les
gens se sentent opprimés et la violence ne fait que commencer.
Bien que le sujet ne soit pas nouveau (Mathieu Kassovitz était passé
par là de façon encore plus éclatante dans le culte «La haine»), le
traitement ne manque pas de style. La réalisation est nerveuse,
parsemée d'intrigants flashs visuels et d'une subtile musique de Bruno
Coulais. Le scénario, écrit par le cinéaste lui-même, explore en
profondeur les différents enjeux, tout en livrant de forts dialogues
qui ne lésinent pas sur l'humour. La subtilité n'est pas toujours au
rendez-vous, ce qui n'empêche pas le message de fonctionner
parfaitement. La pauvreté amène à la criminalité, et ces gens, souvent
des immigrés et leurs enfants, sont confrontés au rouleau compresseur
d'une société souvent raciste et intolérante.
Sans jamais trop manipuler son public, le metteur en scène dessine des
personnages forts, campés par des acteurs en pleine possession de
leurs moyens. Comme à son habitude, Roschdy Zem en impose avec son
flegme naturel et son charisme d'enfer, incarnant un policier qui sent
son existence se dérober à lui. Pascal Elbé s'est accordé un beau rôle
qu'il défend avec justesse. C'est également le cas du jeune Samir
Makhlouf qui est confronté à de douloureux cas de conscience, et à
Ronit Eklabetz qui semble toujours parfaite dans tout ce qu'elle
touche. Il n'y a que l'être peu développé que donne vie le bouillant
Simon Abkarian qui ne sert pas à grand-chose, si ce n'est pimenter la
conclusion. Ces différentes figures rappellent la fragilité de l'être
humain, et des liens qu'ils tissent autours d'eux, autant face à leur
famille qu'aux étrangers, des thèmes qui font échos à ceux de James
Gray.
Charge à la fois sociale (sur la communauté) et politique (il est
question de Turcs et d'Arméniens, d'immigration et d'un système qui ne
valorise pas tout le monde) sur les origines, l'identité et la
culture, «Tête de Turc» ne laisse pratiquement aucun répit dans sa
façon de traiter avec urgence une problématique grave. Après son
introduction endiablée, différents destins se croiseront au fil de
situations tendues (comme chez Iñárritu), où l'émotion en apparence si
lointaine se rapproche peu à peu, avant d'exploser au visage du
spectateur et de lui éveiller, du même coup, la conscience.
http://www.lecinema.ca/critique/1908/
From: A. Papazian
Sept 10 2010
Tête de Turc frappe fort
par Martin Gignac
Critique du film Tête de Turc
Film coup de poing, «Tête de Turc» de Pascal Elbé est un drame social
magnifiquement interprété qui ne lésine pas sur l'émotion. Quiconque
s'intéresse de près ou de loin au septième art français passera un
très bon moment de cinéma.
Dans une cité, des adolescents s'en prennent au médecin Simon (Pascal
Elbé) avec une rare violence. Lorsqu'un cocktail Molotov explose sur
sa voiture, cet incident scellera à jamais le sort de son frère
policier Atom (Roschdy Zem), du jeune Bora (Samir Makhlouf), de sa
mère Sibel (Ronit Elkabetz) et d'un monsieur sans histoire (Simon
Abkarian).
Acteur habitué aux seconds rôles («3 amis», «Romaine par moins 30»,
««Les insoumis» et la liste est longue), Pascal Elbé se tourne vers la
réalisation d'une brillante façon. En reprenant les codes du film
choral, le voilà offrir un crochet en plein visage qui laissera peu de
gens indifférents. C'est que son essai s'intéresse à un sujet chaud en
France : la criminalité dans les banlieues. L'injustice fait rage, les
gens se sentent opprimés et la violence ne fait que commencer.
Bien que le sujet ne soit pas nouveau (Mathieu Kassovitz était passé
par là de façon encore plus éclatante dans le culte «La haine»), le
traitement ne manque pas de style. La réalisation est nerveuse,
parsemée d'intrigants flashs visuels et d'une subtile musique de Bruno
Coulais. Le scénario, écrit par le cinéaste lui-même, explore en
profondeur les différents enjeux, tout en livrant de forts dialogues
qui ne lésinent pas sur l'humour. La subtilité n'est pas toujours au
rendez-vous, ce qui n'empêche pas le message de fonctionner
parfaitement. La pauvreté amène à la criminalité, et ces gens, souvent
des immigrés et leurs enfants, sont confrontés au rouleau compresseur
d'une société souvent raciste et intolérante.
Sans jamais trop manipuler son public, le metteur en scène dessine des
personnages forts, campés par des acteurs en pleine possession de
leurs moyens. Comme à son habitude, Roschdy Zem en impose avec son
flegme naturel et son charisme d'enfer, incarnant un policier qui sent
son existence se dérober à lui. Pascal Elbé s'est accordé un beau rôle
qu'il défend avec justesse. C'est également le cas du jeune Samir
Makhlouf qui est confronté à de douloureux cas de conscience, et à
Ronit Eklabetz qui semble toujours parfaite dans tout ce qu'elle
touche. Il n'y a que l'être peu développé que donne vie le bouillant
Simon Abkarian qui ne sert pas à grand-chose, si ce n'est pimenter la
conclusion. Ces différentes figures rappellent la fragilité de l'être
humain, et des liens qu'ils tissent autours d'eux, autant face à leur
famille qu'aux étrangers, des thèmes qui font échos à ceux de James
Gray.
Charge à la fois sociale (sur la communauté) et politique (il est
question de Turcs et d'Arméniens, d'immigration et d'un système qui ne
valorise pas tout le monde) sur les origines, l'identité et la
culture, «Tête de Turc» ne laisse pratiquement aucun répit dans sa
façon de traiter avec urgence une problématique grave. Après son
introduction endiablée, différents destins se croiseront au fil de
situations tendues (comme chez Iñárritu), où l'émotion en apparence si
lointaine se rapproche peu à peu, avant d'exploser au visage du
spectateur et de lui éveiller, du même coup, la conscience.
http://www.lecinema.ca/critique/1908/
From: A. Papazian