Le Croix, France
Sept 19 2010
Les Arméniens turcs retrouvent l'église d'Aghtamar
Près de 2000 citoyens turcs d'origine arménienne ont assisté pour la
première fois dimanche 19 septembre à une messe célébrée dans une
région marquée par le génocide de 1915
Hayk est venu spécialement des Pays-Bas. Ce septuagénaire au front
dégarni ne voulait rater « pour rien au monde » l'office religieux
célébré dimanche 19 septembre en l'église Sainte-Croix de l'île
d'Aghtamar, située dans un site exceptionnel, entre le bleu azur du
lac de Van et le mordoré des montagnes environnantes.
C'était la première fois depuis un siècle qu'un office religieux y
était célébré. « C'est un moment extrêmement important », explique
Hayk, au milieu de plusieurs centaines de pèlerins, parfois les larmes
aux yeux, venus suivre l'office sur grand écran, dans la cour de ce
monument du Xe siècle : « Après tant de temps, assister à une messe
ici, dans une région où il y avait tant d'Arméniens avant 1915, est
très émouvant. »
L'opinion est aussi partagée par Vergin Yagan, citoyenne turque
d'origine arménienne venue d'Istanbul. « Pour nous qui vivons ici,
cette messe est importante car elle permettra de renforcer la
fraternité entre Arméniens et Turcs. »
«Inconcevable qu'une croix n'ait pas été posée sur le dôme de l'église»
L'émotion était d'autant plus forte pour Vergin Yagan qu'elle se
rendait pour la première fois dans la région d'origine de son
grand-père, qui a fui durant le génocide. « Je vais ramener un peu de
terre d'Aghtamar et la déposer sur sa tombe », explique-t-elle, émue.
La majorité des 2000 Arméniens présents hier étaient des citoyens de
Turquie. Très peu avaient fait le déplacement de l'Arménie voisine,
répondant ainsi à l'appel au boycottage lancé par l'Église apostolique
à Erevan. « C'est inconcevable qu'une croix n'ait pas été posée sur le
dôme de l'église », lance Irene Aloyan Yerevan, journaliste venue
couvrir l'événement.
Une polémique sur l'absence de croix a en effet alimenté les semaines
qui ont précédé l'office, entraînant l'annulation de plusieurs
centaines de personnes. La pose tardive d'une croix dans la cour de
l'église n'aura pas calmé les esprits.
«Une ouverture importante au sein de la Turquie»
Ces critiques sont aussi relayées par la communauté arménienne de
Turquie, forte de 60 000 membres. « C'est une opération de marketing
destinée à redorer le blason de la Turquie envers l'Union européenne
», critique Sarkis, joaillier à Istanbul. « Le gouvernement aurait dû
rendre cette église au Patriarcat arménien. Pourquoi en a-t-il fait un
musée ? » L'église, laissée en ruines durant des décennies, a en effet
été ouverte au public en 2007 après plusieurs années de restauration.
« Ne soyons pas trop impatients », répond Aziz Aykaç, directeur du
journal local Van Times, qui a sorti pour l'occasion des numéros en
langue arménienne. « Nos amis arméniens veulent tout, tout de suite,
mais c'est impossible. La messe d'hier est un premier pas. Laissons au
peuple le temps de s'habituer. Vous verrez, nous rénoverons petit à
petit les multiples monastères qui se trouvent autour du lac. Turcs et
Arméniens doivent de nouveau faire connaissance sans que la politique
nous en empêche. »
Après la visite du président turc à Erevan en 2008, les deux pays ont
signé une série de protocoles, en octobre dernier, destinés notamment
à ouvrir la frontière terrestre. Mais ces textes, non ratifiés, sont
restés lettre morte depuis bientôt un an.
Il n'empêche, pour l'historien britannique Ara Sarafian, la messe
d'hier « représente une ouverture importante au sein de la Turquie ».
Delphine NERBOLLIER, sur l'île d'Aghtamar (sud-est de la Turquie)
Photo : les célébrations devant l'église de la Sainte-Croix, sur l'île
d'Aghtamar (sud-est de la Turquie), dimanche 19 septembre (AP/Burhan
Ozbilici).
http://www.la-croix.com/photo2/index.jsp?docId=2439775&rubId=4085
From: A. Papazian
Sept 19 2010
Les Arméniens turcs retrouvent l'église d'Aghtamar
Près de 2000 citoyens turcs d'origine arménienne ont assisté pour la
première fois dimanche 19 septembre à une messe célébrée dans une
région marquée par le génocide de 1915
Hayk est venu spécialement des Pays-Bas. Ce septuagénaire au front
dégarni ne voulait rater « pour rien au monde » l'office religieux
célébré dimanche 19 septembre en l'église Sainte-Croix de l'île
d'Aghtamar, située dans un site exceptionnel, entre le bleu azur du
lac de Van et le mordoré des montagnes environnantes.
C'était la première fois depuis un siècle qu'un office religieux y
était célébré. « C'est un moment extrêmement important », explique
Hayk, au milieu de plusieurs centaines de pèlerins, parfois les larmes
aux yeux, venus suivre l'office sur grand écran, dans la cour de ce
monument du Xe siècle : « Après tant de temps, assister à une messe
ici, dans une région où il y avait tant d'Arméniens avant 1915, est
très émouvant. »
L'opinion est aussi partagée par Vergin Yagan, citoyenne turque
d'origine arménienne venue d'Istanbul. « Pour nous qui vivons ici,
cette messe est importante car elle permettra de renforcer la
fraternité entre Arméniens et Turcs. »
«Inconcevable qu'une croix n'ait pas été posée sur le dôme de l'église»
L'émotion était d'autant plus forte pour Vergin Yagan qu'elle se
rendait pour la première fois dans la région d'origine de son
grand-père, qui a fui durant le génocide. « Je vais ramener un peu de
terre d'Aghtamar et la déposer sur sa tombe », explique-t-elle, émue.
La majorité des 2000 Arméniens présents hier étaient des citoyens de
Turquie. Très peu avaient fait le déplacement de l'Arménie voisine,
répondant ainsi à l'appel au boycottage lancé par l'Église apostolique
à Erevan. « C'est inconcevable qu'une croix n'ait pas été posée sur le
dôme de l'église », lance Irene Aloyan Yerevan, journaliste venue
couvrir l'événement.
Une polémique sur l'absence de croix a en effet alimenté les semaines
qui ont précédé l'office, entraînant l'annulation de plusieurs
centaines de personnes. La pose tardive d'une croix dans la cour de
l'église n'aura pas calmé les esprits.
«Une ouverture importante au sein de la Turquie»
Ces critiques sont aussi relayées par la communauté arménienne de
Turquie, forte de 60 000 membres. « C'est une opération de marketing
destinée à redorer le blason de la Turquie envers l'Union européenne
», critique Sarkis, joaillier à Istanbul. « Le gouvernement aurait dû
rendre cette église au Patriarcat arménien. Pourquoi en a-t-il fait un
musée ? » L'église, laissée en ruines durant des décennies, a en effet
été ouverte au public en 2007 après plusieurs années de restauration.
« Ne soyons pas trop impatients », répond Aziz Aykaç, directeur du
journal local Van Times, qui a sorti pour l'occasion des numéros en
langue arménienne. « Nos amis arméniens veulent tout, tout de suite,
mais c'est impossible. La messe d'hier est un premier pas. Laissons au
peuple le temps de s'habituer. Vous verrez, nous rénoverons petit à
petit les multiples monastères qui se trouvent autour du lac. Turcs et
Arméniens doivent de nouveau faire connaissance sans que la politique
nous en empêche. »
Après la visite du président turc à Erevan en 2008, les deux pays ont
signé une série de protocoles, en octobre dernier, destinés notamment
à ouvrir la frontière terrestre. Mais ces textes, non ratifiés, sont
restés lettre morte depuis bientôt un an.
Il n'empêche, pour l'historien britannique Ara Sarafian, la messe
d'hier « représente une ouverture importante au sein de la Turquie ».
Delphine NERBOLLIER, sur l'île d'Aghtamar (sud-est de la Turquie)
Photo : les célébrations devant l'église de la Sainte-Croix, sur l'île
d'Aghtamar (sud-est de la Turquie), dimanche 19 septembre (AP/Burhan
Ozbilici).
http://www.la-croix.com/photo2/index.jsp?docId=2439775&rubId=4085
From: A. Papazian