FIN DE PARTIE POUR L'ARMEE TURQUE
Source/Lien : France Inter
Publie le : 02-08-2011
Info Collectif VAN - www.collectifvan.org - Le Collectif VAN vous
invite a lire cette information publiee sur le site France Inter le
1er août 2011.
France Inter
l'emission du lundi 1 août 2011
Nous avons choisi ce matin de vous parler de l'armee turque et de
son bras de fer avec le parti au pouvoir a Ankara. Mais, cela n'est
pas très nouveau.
En effet, voila meme une quinzaine d'annees que l'institution
structurante de la Turquie moderne est a couteaux tires avec le
mouvement islamo-conservateur. Deja en 1997, fidèle a sa tradition
d'intervention musclee, l'armee avait deloge le premier ministre
islamiste Necmettin Erbakan, pourtant elu democratiquement deux ans
plus tôt. L'armee turque, prestigieuse aux yeux de la nation, se veut
alors la garante de l'heritage laïc, republicain et nationaliste de
Kemal Ataturk, fondateur de la republique de Turquie en 1923 et mort
en 1938.
Seulement les temps ont change. En 2002, l'armee doit admettre qu'une
fois de plus le peuple a librement choisi le parti islamo-conservateur
AKP, le Parti de la justice et du developpement. Signe evident de
faiblesse ; cette fois les generaux laissent faire. Puis, en avril
2007, c'est le chant du cygne : l'etat-major militaire dit s'opposer a
l'arrivee au pouvoir de Recep Tayyip Erdogan, mais par e-mail. Alors
remarquez, Bruno, c'est très tendance, et puis c'est moins coûteux
que des chars dans la rue et moins dangereux ; mais l'inconvenient,
c'est que ca ne fait peur a personne. Resultat ; il ne se passe rien
et l'armee est discreditee.
Justement, cette spectaculaire demission collective des chefs
d'etat-major, intervenue vendredi dernier, illustre-t-elle ce
discredit ?
Sans aucun doute. Naguère les generaux turcs " demissionnaient "
les gouvernements qui ne leur plaisaient pas - 4 fois en 30 ans - ;
aujourd'hui ils demissionnent tous seuls.
Et pour quelle raison le font-ils ? Officiellement, pour protester
contre le blocage de l'avancement en grade des dizaines de leurs
camarades qui croupissent en prison. Mais en realite, il s'agit
infiniment moins de questions de pensions ou de points de retraite que
de peur et de perte de prestige. Car les procès pour complot suivis
de condamnations se sont multiplies ces dernières annees a l'encontre
des officiers superieurs. Devant cette purge, la crainte a change de
camp ; ce sont les generaux qui tremblent desormais devant les juges
et les ministres et non plus l'inverse.
On aurait tort de croire a une pantalonnade interne a la Turquie, car
tout ce qui la touche geopolitiquement depasse bien sûr ses frontières.
Ainsi, un membre de l'OTAN dont le // chef d'etat-major et ses
commandants des trois armes terre, aviation et marine prennent le
large - vous en conviendrez -, ca fait desordre. Voila qui n'arrangera
pas les rapports entre Ankara et les Occidentaux - deja passablement
tendus sur les dossiers iranien et libyen - si le nouvel etat-major
est tout acquis au gouvernement AKP.
Et dans ce cas, plusieurs questions se posent : quelle influence aura
ce coup de tonnerre sur une rebellion kurde en plein renouveau dans
l'est-anatolien ? Quelles consequences techniques sur des echanges
militaires avec Israël deja très fortement ralentis depuis trois ans ?
Quelle gestion des refugies syriens fuyant la repression feroce de
l'encombrant ami Bashar el Assad ? Quelle implication sur le blocus
frontalier impose a l'Armenie depuis 1993 et sur l'aide militaire
a son ennemi, l'Azerbaïdjan ? Une chose est sure, les reponses ne
tarderont pas.
Et l'Union europeenne dans tout cela ?
La, le problème est plus politique que militaire, qui renvoie au
dossier d'adhesion. Soyons très honnetes : l'UE n'a guère brille
par sa franchise vis-a-vis de la Turquie depuis au moins l'accord
d'association de 1963. On negocie mais sans promettre tout en
promettant, a moins qu'on ne promette plus. Et il a fallu attendre le
" non " très ferme du tandem Merkel/Sarkozy, en 2009, pour que les
choses se clarifient un peu.
De toute facon, de tendance nationaliste ou islamo-conservatrice, les
gouvernements turcs ne pourront echapper a deux problèmes majeurs s'ils
s'interessent toujours a une future adhesion : l'occupation turque
du nord de Chypre, et la reconnaissance du genocide armenien de 1915.
Mais cela, Bruno, ce n'est pas du ressort de l'armee.
Lire aussi :
France-Inter : "La chronique internationale" de Frederic Encel
Retour a la rubrique
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Nous avons choisi ce matin de vous parler de l'armee turque et de
son bras de fer avec le parti au pouvoir a Ankara. Mais, cela n'est
pas très nouveau.
En effet, voila meme une quinzaine d'annees que l'institution
structurante de la Turquie moderne est a couteaux tires avec le
mouvement islamo-conservateur. Deja en 1997, fidèle a sa tradition
d'intervention musclee, l'armee avait deloge le premier ministre
islamiste Necmettin Erbakan, pourtant elu democratiquement deux ans
plus tôt. L'armee turque, prestigieuse aux yeux de la nation, se veut
alors la garante de l'heritage laïc, republicain et nationaliste de
Kemal Ataturk, fondateur de la republique de Turquie en 1923 et mort
en 1938.
Seulement les temps ont change. En 2002, l'armee doit admettre qu'une
fois de plus le peuple a librement choisi le parti islamo-conservateur
AKP, le Parti de la justice et du developpement. Signe evident de
faiblesse ; cette fois les generaux laissent faire. Puis, en avril
2007, c'est le chant du cygne : l'etat-major militaire dit s'opposer a
l'arrivee au pouvoir de Recep Tayyip Erdogan, mais par e-mail. Alors
remarquez, Bruno, c'est très tendance, et puis c'est moins coûteux
que des chars dans la rue et moins dangereux ; mais l'inconvenient,
c'est que ca ne fait peur a personne. Resultat ; il ne se passe rien
et l'armee est discreditee.
Justement, cette spectaculaire demission collective des chefs
d'etat-major, intervenue vendredi dernier, illustre-t-elle ce
discredit ?
Sans aucun doute. Naguère les generaux turcs " demissionnaient "
les gouvernements qui ne leur plaisaient pas - 4 fois en 30 ans - ;
aujourd'hui ils demissionnent tous seuls.
Et pour quelle raison le font-ils ? Officiellement, pour protester
contre le blocage de l'avancement en grade des dizaines de leurs
camarades qui croupissent en prison. Mais en realite, il s'agit
infiniment moins de questions de pensions ou de points de retraite que
de peur et de perte de prestige. Car les procès pour complot suivis
de condamnations se sont multiplies ces dernières annees a l'encontre
des officiers superieurs. Devant cette purge, la crainte a change de
camp ; ce sont les generaux qui tremblent desormais devant les juges
et les ministres et non plus l'inverse.
On aurait tort de croire a une pantalonnade interne a la Turquie, car
tout ce qui la touche geopolitiquement depasse bien sûr ses frontières.
Ainsi, un membre de l'OTAN dont le // chef d'etat-major et ses
commandants des trois armes terre, aviation et marine prennent le
large - vous en conviendrez -, ca fait desordre. Voila qui n'arrangera
pas les rapports entre Ankara et les Occidentaux - deja passablement
tendus sur les dossiers iranien et libyen - si le nouvel etat-major
est tout acquis au gouvernement AKP.
Et dans ce cas, plusieurs questions se posent : quelle influence aura
ce coup de tonnerre sur une rebellion kurde en plein renouveau dans
l'est-anatolien ? Quelles consequences techniques sur des echanges
militaires avec Israël deja très fortement ralentis depuis trois ans ?
Quelle gestion des refugies syriens fuyant la repression feroce de
l'encombrant ami Bashar el Assad ? Quelle implication sur le blocus
frontalier impose a l'Armenie depuis 1993 et sur l'aide militaire
a son ennemi, l'Azerbaïdjan ? Une chose est sure, les reponses ne
tarderont pas.
Et l'Union europeenne dans tout cela ?
La, le problème est plus politique que militaire, qui renvoie au
dossier d'adhesion. Soyons très honnetes : l'UE n'a guère brille
par sa franchise vis-a-vis de la Turquie depuis au moins l'accord
d'association de 1963. On negocie mais sans promettre tout en
promettant, a moins qu'on ne promette plus. Et il a fallu attendre le
" non " très ferme du tandem Merkel/Sarkozy, en 2009, pour que les
choses se clarifient un peu.
De toute facon, de tendance nationaliste ou islamo-conservatrice, les
gouvernements turcs ne pourront echapper a deux problèmes majeurs s'ils
s'interessent toujours a une future adhesion : l'occupation turque
du nord de Chypre, et la reconnaissance du genocide armenien de 1915.
Mais cela, Bruno, ce n'est pas du ressort de l'armee.
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