Les Etats fantemes au royaume des tenebres
Source/Lien : The New York Times
Publie le : 23-08-2011
Info Collectif VAN - www.collectifvan.org - La guerre de 2008
Georgie/Russie demontre le potentiel explosif cree par la presence
d'Etats fantômes : des endroits abritant des forces armees, tenant des
elections, bâtissant des economies locales et eduquant les enfants,
et qui vivent pourtant dans un brumeux royaume des tenèbres, entre
une existence de facto et une legitimite internationale. Avec une
population d'environ 70°000 personnes, l'Ossetie du Sud est l'une
des plus petites bizarreries de la politique internationale. La
Republique secessionniste voisine d'Abkhazie, a environ 250°000
habitants (ces chiffres sont contestes). Le Nagorno-Karabakh et la
Transnistrie en sont deux autres dans l'ex-Union Sovietique. Les Etats
fantômes entretiennent des guerres, favorisent le crime et rendent
les Etats faibles encore plus faibles. Le Haut-Karabagh est glorifie
par l'Armenie et deteste par l'Azerbaïdjan, ce qui mène toutes les
parties a stocker des armes en cas de reprise de la violence. Le
Collectif VAN vous livre la traduction de cet article paru en anglais
dans The New York Times le 16 août 2011.
La menace fantôme
De DANIEL L. BYMAN et CHARLES KING
Il y a trois ans ce mois-ci, la Russie et la Georgie se sont livrees
une guerre brève et brutale pour un obscure territoire montagneux
appele Ossetie du Sud, qui avait proclame son independance, vis-a-vis
de la Georgie. Se moquant du droit international, la Russie est
intervenue pour defendre l'Ossetie du Sud et a ensuite reconnu les
secessionnistes en tant que gouvernement legitime. Il y a eu des
centaines de morts et des milliers de refugies ont fui la region
controversee.
La guerre de 2008 demontre le potentiel explosif cree par la presence
d'Etats fantômes : des endroits abritant des forces armees, tenant des
elections, bâtissant des economies locales et eduquant les enfants,
et qui vivent pourtant dans un brumeux royaume des tenèbres, entre
une existence de facto et une legitimite internationale.
Avec une population d'environ 70°000 personnes, l'Ossetie du Sud est
l'une des plus petites bizarreries de la politique internationale. La
Republique secessionniste voisine d'Abkhazie, a environ 250°000
habitants (ces chiffres sont contestes). Le Nagorno-Karabakh et la
Transnistrie en sont deux autres dans l'ex-Union Sovietique. Plus au
sud, il y a la Republique turque de Chypre du Nord ; les territoires
palestiniens de Cisjordanie et la bande de Gaza ; et le territoire
autogere du Somaliland. Une demi-douzaine d'autres morceaux de
territoires pourraient etre ajoutes a cette liste ; au total, ces
pays comptabilisent une population de 40 millions de personnes.
Les Etats fantômes entretiennent des guerres, favorisent le crime
et rendent les Etats faibles encore plus faibles. Le Haut-Karabagh
est glorifie par l'Armenie et deteste par l'Azerbaïdjan, ce qui
mène toutes les parties a stocker des armes en cas de reprise
de la violence. Le statut instable de Chypre du Nord affaiblit
les perspectives economiques de tous les Chypriotes et cree des
tensions dans les relations entre l'Union europeenne et la Turquie,
le soutien en chef de Chypre du Nord. Et bien que le Somaliland ait
ete un îlot de gouvernance efficace dans une Somalie anarchique,
son statut non-reconnu a decourage l'aide et l'investissement.
Les pays fantômes apparaissent frequemment suite a des guerres et
sont soutenus par la menace de nouveaux combats. À Gaza, le Hamas a
mene une guerre sporadique contre Israël, meme s'il a sevi contre le
crime local et balaye devant sa porte.
Les dirigeants des pays fantômes se font le champion du droit a
l'autodetermination nationale, alors que les pays dont ils cherchent a
etre independants soulignent le besoin de frontières stables. Coinces
entre ces principes incompatibles, les gouvernements fantômes ont
tendance a pointer des precedents inconfortables et les doubles
standards utilises, et ils s'accrochent a des patrons etrangers. En
effet, la plupart des pays fantômes survivent en partie grâce a un
soutien exterieur. Moscou est celui qui detient les cles du pouvoir
en Ossetie du Sud et en Abkhazie, tandis que l'Armenie exerce une
emprise sur le Haut-Karabagh.
Taïwan montre une voie de sortie a ce problème ; bien que le pays soit
dans un etat d'incertitude juridique, il a prospere. De 1949 a 1971
le gouvernement nationaliste a Taïwan avait le siège de la Chine aux
Nations Unies et il a ete reconnu par la plupart des gouvernements
mondiaux.
Depuis les annees 1970, cependant, aucune puissance majeure n'a
formellement reconnu Taïwan et il reste une source de tension
entre les Etats-Unis et la Chine. Pourtant, au cours de ces quatre
dernières decennies, Taïwan est devenu un acteur dynamique economique,
un modèle de transition democratique d'un regime autoritaire et un
membre responsable de la communaute internationale - tout cela sans
avoir de siège aux Nations Unies.
La cle, c'etait l'engagement. L'importance economique et strategique de
Taïwan a pousse les Etats-Unis, la Chine et d'autres super puissances
a prendre des gants quant a son statut juridique instable - et parfois
meme a embrasser sa cause. Legitime, mais non reconnu, un vrai pays,
mais non independant, Taïwan a demontre la puissance positive de
l'ambiguïte creative.
Une approche similaire pourrait fonctionner ailleurs. Les gouvernements
fantômes sont souvent corrompus, diriges par des seigneurs de la
guerre et infestes par le trafic de drogue et autres commerces
illicites. Mais, un gouvernement transparent, des elections libres
et une politique etrangère pacifique sont essentiels pour les Etats
fantômes tout autant que pour les vrais. Si les gouvernements fantômes
se comportent bien, les grandes puissances du monde devraient leur
offrir une voie vers la legitimite. Des reformes economiques et
politiques peuvent intervenir parallèlement voire meme renforcer des
discussions sur la souverainete.
En insistant sur l'integrite territoriale, les Etats-Unis et d'autres
pays renoncent a la chance de transformer les Etats fantômes en acteurs
responsables. Tant que les fantômes sont denonces comme etant des
separatistes ou les avant-postes du commerce illicite, la communaute
internationale ne peu guère tenir leurs leaders pour responsables. Et
les traiter comme de simples excentricites signifie que les Etats
fantômes ont peu de raisons de se soucier de l'ordre mondial.
Meme quand un Etat fantôme devient un veritable Etat, les problèmes
ne cessent pas necessairement. L'Erythree, qui s'est separee de
l'Ethiopie en 1993 après des annees de guerre, est un avertissement.
Elle est depuis tombee dans la tyrannie, a mene une guerre de
frontière avec l'Ethiopie, qui a fait des milliers de morts, et elle
a soutenu la brutale milice Shabab en Somalie. Bien que l'Erythree
soit independante, elle reste une source d'instabilite.
Pour eviter une autre Erythree, la communaute internationale devrait
pousser les fantômes a faire des reformes plutôt que de se focaliser
exclusivement sur la recherche d'un statut d'independance. Autrement,
des millions de citoyens du monde traineront dans des limbes juridiques
et politiques - des rebelles avec une cause et des soldats avec un
grief tout fait - tandis que leurs voisins resteront menaces de guerre.
©Traduction de l'anglais C.Gardon pour le Collectif VAN 23 août 2011 -
07:20 - www.collectifvan.org
Daniel L. Byman est directeur de recherche au Centre Saban pour la
Politique du Moyen-Orient a la Brookings Institution. Charles King
est l'auteur de : Odessa : genie et mort dans une ville de reves. Ils
sont professeurs a l'Universite de Georgetown.
Cet article a ete revu pour les corrections suivantes :
Corrections : 16 août 2011
En raison d'une erreur de redaction, une version precedente de cet
article citait des evaluations inferieures pour les populations
de l'Ossetie du Sud et de l'Abkhazie, annoncees dans la version
originale. Comme l'indique correctement la version actuelle, les
chiffres originaux - cites par plusieurs organisations - sont un
sujet de controverse.
Une version de cet article a ete publiee le 16 août 2011, a la page
A21 de l'edition du New York Times sous le titre : La menace fantôme.
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From: Emil Lazarian | Ararat NewsPress
Source/Lien : The New York Times
Publie le : 23-08-2011
Info Collectif VAN - www.collectifvan.org - La guerre de 2008
Georgie/Russie demontre le potentiel explosif cree par la presence
d'Etats fantômes : des endroits abritant des forces armees, tenant des
elections, bâtissant des economies locales et eduquant les enfants,
et qui vivent pourtant dans un brumeux royaume des tenèbres, entre
une existence de facto et une legitimite internationale. Avec une
population d'environ 70°000 personnes, l'Ossetie du Sud est l'une
des plus petites bizarreries de la politique internationale. La
Republique secessionniste voisine d'Abkhazie, a environ 250°000
habitants (ces chiffres sont contestes). Le Nagorno-Karabakh et la
Transnistrie en sont deux autres dans l'ex-Union Sovietique. Les Etats
fantômes entretiennent des guerres, favorisent le crime et rendent
les Etats faibles encore plus faibles. Le Haut-Karabagh est glorifie
par l'Armenie et deteste par l'Azerbaïdjan, ce qui mène toutes les
parties a stocker des armes en cas de reprise de la violence. Le
Collectif VAN vous livre la traduction de cet article paru en anglais
dans The New York Times le 16 août 2011.
La menace fantôme
De DANIEL L. BYMAN et CHARLES KING
Il y a trois ans ce mois-ci, la Russie et la Georgie se sont livrees
une guerre brève et brutale pour un obscure territoire montagneux
appele Ossetie du Sud, qui avait proclame son independance, vis-a-vis
de la Georgie. Se moquant du droit international, la Russie est
intervenue pour defendre l'Ossetie du Sud et a ensuite reconnu les
secessionnistes en tant que gouvernement legitime. Il y a eu des
centaines de morts et des milliers de refugies ont fui la region
controversee.
La guerre de 2008 demontre le potentiel explosif cree par la presence
d'Etats fantômes : des endroits abritant des forces armees, tenant des
elections, bâtissant des economies locales et eduquant les enfants,
et qui vivent pourtant dans un brumeux royaume des tenèbres, entre
une existence de facto et une legitimite internationale.
Avec une population d'environ 70°000 personnes, l'Ossetie du Sud est
l'une des plus petites bizarreries de la politique internationale. La
Republique secessionniste voisine d'Abkhazie, a environ 250°000
habitants (ces chiffres sont contestes). Le Nagorno-Karabakh et la
Transnistrie en sont deux autres dans l'ex-Union Sovietique. Plus au
sud, il y a la Republique turque de Chypre du Nord ; les territoires
palestiniens de Cisjordanie et la bande de Gaza ; et le territoire
autogere du Somaliland. Une demi-douzaine d'autres morceaux de
territoires pourraient etre ajoutes a cette liste ; au total, ces
pays comptabilisent une population de 40 millions de personnes.
Les Etats fantômes entretiennent des guerres, favorisent le crime
et rendent les Etats faibles encore plus faibles. Le Haut-Karabagh
est glorifie par l'Armenie et deteste par l'Azerbaïdjan, ce qui
mène toutes les parties a stocker des armes en cas de reprise
de la violence. Le statut instable de Chypre du Nord affaiblit
les perspectives economiques de tous les Chypriotes et cree des
tensions dans les relations entre l'Union europeenne et la Turquie,
le soutien en chef de Chypre du Nord. Et bien que le Somaliland ait
ete un îlot de gouvernance efficace dans une Somalie anarchique,
son statut non-reconnu a decourage l'aide et l'investissement.
Les pays fantômes apparaissent frequemment suite a des guerres et
sont soutenus par la menace de nouveaux combats. À Gaza, le Hamas a
mene une guerre sporadique contre Israël, meme s'il a sevi contre le
crime local et balaye devant sa porte.
Les dirigeants des pays fantômes se font le champion du droit a
l'autodetermination nationale, alors que les pays dont ils cherchent a
etre independants soulignent le besoin de frontières stables. Coinces
entre ces principes incompatibles, les gouvernements fantômes ont
tendance a pointer des precedents inconfortables et les doubles
standards utilises, et ils s'accrochent a des patrons etrangers. En
effet, la plupart des pays fantômes survivent en partie grâce a un
soutien exterieur. Moscou est celui qui detient les cles du pouvoir
en Ossetie du Sud et en Abkhazie, tandis que l'Armenie exerce une
emprise sur le Haut-Karabagh.
Taïwan montre une voie de sortie a ce problème ; bien que le pays soit
dans un etat d'incertitude juridique, il a prospere. De 1949 a 1971
le gouvernement nationaliste a Taïwan avait le siège de la Chine aux
Nations Unies et il a ete reconnu par la plupart des gouvernements
mondiaux.
Depuis les annees 1970, cependant, aucune puissance majeure n'a
formellement reconnu Taïwan et il reste une source de tension
entre les Etats-Unis et la Chine. Pourtant, au cours de ces quatre
dernières decennies, Taïwan est devenu un acteur dynamique economique,
un modèle de transition democratique d'un regime autoritaire et un
membre responsable de la communaute internationale - tout cela sans
avoir de siège aux Nations Unies.
La cle, c'etait l'engagement. L'importance economique et strategique de
Taïwan a pousse les Etats-Unis, la Chine et d'autres super puissances
a prendre des gants quant a son statut juridique instable - et parfois
meme a embrasser sa cause. Legitime, mais non reconnu, un vrai pays,
mais non independant, Taïwan a demontre la puissance positive de
l'ambiguïte creative.
Une approche similaire pourrait fonctionner ailleurs. Les gouvernements
fantômes sont souvent corrompus, diriges par des seigneurs de la
guerre et infestes par le trafic de drogue et autres commerces
illicites. Mais, un gouvernement transparent, des elections libres
et une politique etrangère pacifique sont essentiels pour les Etats
fantômes tout autant que pour les vrais. Si les gouvernements fantômes
se comportent bien, les grandes puissances du monde devraient leur
offrir une voie vers la legitimite. Des reformes economiques et
politiques peuvent intervenir parallèlement voire meme renforcer des
discussions sur la souverainete.
En insistant sur l'integrite territoriale, les Etats-Unis et d'autres
pays renoncent a la chance de transformer les Etats fantômes en acteurs
responsables. Tant que les fantômes sont denonces comme etant des
separatistes ou les avant-postes du commerce illicite, la communaute
internationale ne peu guère tenir leurs leaders pour responsables. Et
les traiter comme de simples excentricites signifie que les Etats
fantômes ont peu de raisons de se soucier de l'ordre mondial.
Meme quand un Etat fantôme devient un veritable Etat, les problèmes
ne cessent pas necessairement. L'Erythree, qui s'est separee de
l'Ethiopie en 1993 après des annees de guerre, est un avertissement.
Elle est depuis tombee dans la tyrannie, a mene une guerre de
frontière avec l'Ethiopie, qui a fait des milliers de morts, et elle
a soutenu la brutale milice Shabab en Somalie. Bien que l'Erythree
soit independante, elle reste une source d'instabilite.
Pour eviter une autre Erythree, la communaute internationale devrait
pousser les fantômes a faire des reformes plutôt que de se focaliser
exclusivement sur la recherche d'un statut d'independance. Autrement,
des millions de citoyens du monde traineront dans des limbes juridiques
et politiques - des rebelles avec une cause et des soldats avec un
grief tout fait - tandis que leurs voisins resteront menaces de guerre.
©Traduction de l'anglais C.Gardon pour le Collectif VAN 23 août 2011 -
07:20 - www.collectifvan.org
Daniel L. Byman est directeur de recherche au Centre Saban pour la
Politique du Moyen-Orient a la Brookings Institution. Charles King
est l'auteur de : Odessa : genie et mort dans une ville de reves. Ils
sont professeurs a l'Universite de Georgetown.
Cet article a ete revu pour les corrections suivantes :
Corrections : 16 août 2011
En raison d'une erreur de redaction, une version precedente de cet
article citait des evaluations inferieures pour les populations
de l'Ossetie du Sud et de l'Abkhazie, annoncees dans la version
originale. Comme l'indique correctement la version actuelle, les
chiffres originaux - cites par plusieurs organisations - sont un
sujet de controverse.
Une version de cet article a ete publiee le 16 août 2011, a la page
A21 de l'edition du New York Times sous le titre : La menace fantôme.
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