ARMENIE
Les tentatives génocidaires de la Turquie contre les Arméniens du Karabagh
20 mai 2011
Par Hayk Demoyan
Directeur de l'Institut du Génocide Arménien
A au moins à trois reprises dans l'histoire, la Turquie a commis sur
la région arménienne du Karabagh des actes de nature génocidaires qui
relèvent d'une politique d'extermination et de déportation de sa
population arménienne. Sa posture actuelle qui conditionne tout
processus de normalisation de ses relations avec l'Arménie à des
préalables relatifs à des concessions sur le Karabagh, procède de
cette même logique qui plonge ses racines dans l'histoire.
La première tentative
L'expansion des frontières de l'Empire Ottoman dans le Caucase remonte
au 16ème siècle. Sur le chemin des côtes de la Mer Caspienne, les
armées turques se sont heurtées à une forte résistance des Arméniens
de l'Artsakh (Karabagh) et ont eu à subir de nombreuses défaites face
à la résistance des Arméniens du Karabagh. En 1725, le sultan Ahmet
III (1703-1730) a prononcé une fatwa spéciale pour exterminer les
Arméniens du fait de leur résistance effective contre les Ottomans, en
ordonnant de les tuer tous, pour avoir attiré les Russes dans le
Caucase et barrer ainsi la route aux Turcs qui voulaient accéder à
Bakou. La confession du général turc Saleh, qui avait été capturé par
les Arméniens au Karabagh, confirme que le projet du Sultan était
l'extermination totale des Arméniens. Il disait : 'le sultan a donné
l'ordre d'exterminer les Arméniens et les Perses (les Shia's, note de
HD), après que les troupes du Tsar russe aient occupé ces côtes de la
mer (la Mer Caspienne), et c'est ainsi que nous devions les attaquer.
Nous devions éliminer les Arméniens, enfoncés entre nous comme un
coin. Nous devrions détruire tout obstacle se trouvant sur notre
chemin et ouvrir la route. Si ce n'était à cause de vous (les
Arméniens), nous serions déjà entrés à Derbend et à Bakou qui sont à
nous depuis les temps anciens.` - Relations Arméniens-Russes, Erevan,
1967, vol. II, partie II, document 315 (n russe).
Ce document du 18ème siècle révèle l'approche turque de la
'non-obédience' des Arméniens, lesquels, selon les propres termes des
Turcs, étaient comme un coin enfoncé entre Istanbul et les régions
turcophones de l'est. Ayant subi au Karabagh des pertes par milliers,
soldats et officiers, les tentatives du sultan d'annexer ela région et
d'y maintenir les troupes turques se sont soldés par un échec. Il
s'agissait de la première tentative de génocide contre les Arméniens
du Karabagh. Elle n'a pas réussi, mais ce n'était qu'un début...
La Deuxième Tentative
La deuxième tentative de destruction de la population arménienne du
Karabagh s'est déroulée lorsque les troupes ottomanes envahirent le
Caucase pendant la Première Guerre Mondiale, puis créèrent
artificiellement un état qu'elles baptisèrent 'Azerbaidjan' du nom
d'une province du nord de l'Iran, avec le projet d'annexer cette
dernière à la Républiqe d'Azerbaidjan nouvellement créée. Mais cela
n'aura pas été le seul exemple des manoeuvres turques pour construire
cet état.
La proclamation de la 'République d'Araz' et de la 'République du
Caucase du Sud-Est' a suivi la création de l'Azerbaidjan avec
l'intention de soutenir l'expansionnisme turc (Il existe un exemple
moderne de cette politique avec la création de la République de Chypre
du Nord turque après l'invasion de Chypre en 1974). La campagne
caucasienne de l'armée ottomane a eu pour résultat la prise de Bakou
et l'horrible massacre de la population arménienne en septembre 1918.
Ayant pris Bakou, les forces ottomanes lancèrent une nouvelle campagne
militaire contre la cette fois 'facile' résistance arménienne au
Karabagh. Le ministre de la défense Enver, qui était l'un des
architectes du génocide des Arméniens en 1915, donna l'ordre à son
cousin Nouri, commandant des forces en Azerbaidjan, `de nettoyer
l'Azerbaidjan des Russes et des Arméniens, de façon à assurer la
continuité des territoires Turcs-turcophones` ( !) - FO 371/3388,
dossier 1396, n° 173495, le Directeur du Renseignement militaire n° B.
I/565 (MI2), secret, au Secrétaire d'Etat aux Affaires Etrangères,
daté du 18 octobre 1918, voir Jacob Landau, Pan-Turquisme, de
l'Irrédentisme à la Coopération, Londres, 1995. P.55.
Une semaine après cet ordre, la Turquie reconnaissait avoir perdu la
Première Guerre Mondiale. Une défaite qu'elle a précisément subi au
Karabagh, quand un détachement de l'armée ottomane chargée d'une
expédition punitive vers des villages du sud de cette zone tombèrent
dans une embuscade de villageois arméniens qui coûta la vie à 400 de
ses soldats. La fin de la Grande Guerre et le retrait des Turcs ont
donc empêché le deuxième acte du Génocide. Plus tard, grce à
l'entente entre Bolchéviques et Kémalistes, le Karabagh fut annexé à
l'Azerbaïdjan soviétique en 1921.
La Troisième Tentative
Nous ne soutiendrons pas que la troisième tentative était le résultat
direct d'une politique d'extermination des Arméniens du Karabagh. Mais
le fort soutien des Turcs à l'Azerbaïdjan dans ses actes de
déportation et de crime contre l'humanité nous autorise à soutenir
qu'Ankara s'est directement impliquée dans une nouvelle tentative de
génocide contre les Arméniens du Karabagh. Elle n'a pu cependant cette
fois que prendre acte des défaites humiliantes de Bakou de 1992-1994.
L'ingérence de la Turquie dans le conflit du Karabagh, son soutien
ouvert à la guerre menée par l'Azerbaïdjan, a positionner ce pays
comme partie au conflit plutôt qu'à sa solution. L'implication turque
dans le conflit comprend les éléments suivants : menaces
d'intervention militaire, pression par la démonstration de ses forces
armées, blocus des transports et de l'énergie imposé à l'Arménie ;
soutien militaire fourni à l'Azerbaïdjan ; développement d'initiatives
tendant à former une coalition anti-arménienne et isolement de
l'Arménie au plan de l'information ; action des groupes de pression en
faveur de l'Azerbaïdjan auprès des organismes internationaux. (Voir
Hayk Demoyan : Turkey and Karabagh Conflict. Erevan 1995).
La permanence des menaces militaires et des tentatives d'extension du
conflit, le blocus de l'Arménie et les actes pour l'isoler des
politiques régionales et internationales ont engendré un danger réel
pour elle comme pour le Karabagh. Faisons un bilan. Il ressort des
faits historiques rappelés ci-avant que le Karabagh a donc constitué à
plusieurs reprises le réceptacle et la cible d'une politique
génocidaire poursuivie successivement par les Sultans, les Jeunes
Turcs et les Kémalistes-Républicains. De plus, il apparaît que l'état
azerbaïdjanais, créé de toutes pièces par la Turquie ottomane, a fait
sien le modèle turc de gestion démographique. Celui-ci consiste à
résoudre les problèmes des minorités par les déportations, les tueries
de masse. Des méthodes susceptibles d'apporter l'homogénéisation
ethnique nécessaire à la formation d'Etat-nation jugé `plus sûrs`. Les
états nations turcs et Azerbaïdjanais se sont selon cette doctrine
construits sur l'extermination d'autres nations, les minorités ayant
toujours été appréhendée comme une menaces pour le futur de ces deux
états.
Des réalités décrites dans ce qui précède il ressort que 1. La Turquie
est à l'origine de l'apparition de la question du Karabagh par ses
tentatives de créer un état azerbaïdjanais tout en s'efforçant d'y
inclure cette région peuplée d'Arméniens 2. La Turquie est l'une des
parties au conflit et soutient ouvertement l'Azerbaïdjan.
Les actes génocidaires à trois reprises et l'échec de la Turquie au
Karabagh face aux Arméniens qui le peuplent constituent un messge
clair à Ankara : la Turquie doit reconnaître le Génocide commis contre
les Arméniens et beaucoup d'autres nations avec sa `pax ottomanica`,
et donc la réécriture de l'histoire est nécessaire si l'on veut 'zéro
problème' avec sa propre histoire et sa mémoire, la realpolitk n'étant
d'aucune aide dans la crise d'identité nationale actuelle.
Traduction Gilbert Béguian
http://www.armenianlife.com/2011/05/20/karabakh-and-turkeys-genocidal-attempts/
dimanche 4 décembre 2011,
Stéphane ©armenews.com
Les tentatives génocidaires de la Turquie contre les Arméniens du Karabagh
20 mai 2011
Par Hayk Demoyan
Directeur de l'Institut du Génocide Arménien
A au moins à trois reprises dans l'histoire, la Turquie a commis sur
la région arménienne du Karabagh des actes de nature génocidaires qui
relèvent d'une politique d'extermination et de déportation de sa
population arménienne. Sa posture actuelle qui conditionne tout
processus de normalisation de ses relations avec l'Arménie à des
préalables relatifs à des concessions sur le Karabagh, procède de
cette même logique qui plonge ses racines dans l'histoire.
La première tentative
L'expansion des frontières de l'Empire Ottoman dans le Caucase remonte
au 16ème siècle. Sur le chemin des côtes de la Mer Caspienne, les
armées turques se sont heurtées à une forte résistance des Arméniens
de l'Artsakh (Karabagh) et ont eu à subir de nombreuses défaites face
à la résistance des Arméniens du Karabagh. En 1725, le sultan Ahmet
III (1703-1730) a prononcé une fatwa spéciale pour exterminer les
Arméniens du fait de leur résistance effective contre les Ottomans, en
ordonnant de les tuer tous, pour avoir attiré les Russes dans le
Caucase et barrer ainsi la route aux Turcs qui voulaient accéder à
Bakou. La confession du général turc Saleh, qui avait été capturé par
les Arméniens au Karabagh, confirme que le projet du Sultan était
l'extermination totale des Arméniens. Il disait : 'le sultan a donné
l'ordre d'exterminer les Arméniens et les Perses (les Shia's, note de
HD), après que les troupes du Tsar russe aient occupé ces côtes de la
mer (la Mer Caspienne), et c'est ainsi que nous devions les attaquer.
Nous devions éliminer les Arméniens, enfoncés entre nous comme un
coin. Nous devrions détruire tout obstacle se trouvant sur notre
chemin et ouvrir la route. Si ce n'était à cause de vous (les
Arméniens), nous serions déjà entrés à Derbend et à Bakou qui sont à
nous depuis les temps anciens.` - Relations Arméniens-Russes, Erevan,
1967, vol. II, partie II, document 315 (n russe).
Ce document du 18ème siècle révèle l'approche turque de la
'non-obédience' des Arméniens, lesquels, selon les propres termes des
Turcs, étaient comme un coin enfoncé entre Istanbul et les régions
turcophones de l'est. Ayant subi au Karabagh des pertes par milliers,
soldats et officiers, les tentatives du sultan d'annexer ela région et
d'y maintenir les troupes turques se sont soldés par un échec. Il
s'agissait de la première tentative de génocide contre les Arméniens
du Karabagh. Elle n'a pas réussi, mais ce n'était qu'un début...
La Deuxième Tentative
La deuxième tentative de destruction de la population arménienne du
Karabagh s'est déroulée lorsque les troupes ottomanes envahirent le
Caucase pendant la Première Guerre Mondiale, puis créèrent
artificiellement un état qu'elles baptisèrent 'Azerbaidjan' du nom
d'une province du nord de l'Iran, avec le projet d'annexer cette
dernière à la Républiqe d'Azerbaidjan nouvellement créée. Mais cela
n'aura pas été le seul exemple des manoeuvres turques pour construire
cet état.
La proclamation de la 'République d'Araz' et de la 'République du
Caucase du Sud-Est' a suivi la création de l'Azerbaidjan avec
l'intention de soutenir l'expansionnisme turc (Il existe un exemple
moderne de cette politique avec la création de la République de Chypre
du Nord turque après l'invasion de Chypre en 1974). La campagne
caucasienne de l'armée ottomane a eu pour résultat la prise de Bakou
et l'horrible massacre de la population arménienne en septembre 1918.
Ayant pris Bakou, les forces ottomanes lancèrent une nouvelle campagne
militaire contre la cette fois 'facile' résistance arménienne au
Karabagh. Le ministre de la défense Enver, qui était l'un des
architectes du génocide des Arméniens en 1915, donna l'ordre à son
cousin Nouri, commandant des forces en Azerbaidjan, `de nettoyer
l'Azerbaidjan des Russes et des Arméniens, de façon à assurer la
continuité des territoires Turcs-turcophones` ( !) - FO 371/3388,
dossier 1396, n° 173495, le Directeur du Renseignement militaire n° B.
I/565 (MI2), secret, au Secrétaire d'Etat aux Affaires Etrangères,
daté du 18 octobre 1918, voir Jacob Landau, Pan-Turquisme, de
l'Irrédentisme à la Coopération, Londres, 1995. P.55.
Une semaine après cet ordre, la Turquie reconnaissait avoir perdu la
Première Guerre Mondiale. Une défaite qu'elle a précisément subi au
Karabagh, quand un détachement de l'armée ottomane chargée d'une
expédition punitive vers des villages du sud de cette zone tombèrent
dans une embuscade de villageois arméniens qui coûta la vie à 400 de
ses soldats. La fin de la Grande Guerre et le retrait des Turcs ont
donc empêché le deuxième acte du Génocide. Plus tard, grce à
l'entente entre Bolchéviques et Kémalistes, le Karabagh fut annexé à
l'Azerbaïdjan soviétique en 1921.
La Troisième Tentative
Nous ne soutiendrons pas que la troisième tentative était le résultat
direct d'une politique d'extermination des Arméniens du Karabagh. Mais
le fort soutien des Turcs à l'Azerbaïdjan dans ses actes de
déportation et de crime contre l'humanité nous autorise à soutenir
qu'Ankara s'est directement impliquée dans une nouvelle tentative de
génocide contre les Arméniens du Karabagh. Elle n'a pu cependant cette
fois que prendre acte des défaites humiliantes de Bakou de 1992-1994.
L'ingérence de la Turquie dans le conflit du Karabagh, son soutien
ouvert à la guerre menée par l'Azerbaïdjan, a positionner ce pays
comme partie au conflit plutôt qu'à sa solution. L'implication turque
dans le conflit comprend les éléments suivants : menaces
d'intervention militaire, pression par la démonstration de ses forces
armées, blocus des transports et de l'énergie imposé à l'Arménie ;
soutien militaire fourni à l'Azerbaïdjan ; développement d'initiatives
tendant à former une coalition anti-arménienne et isolement de
l'Arménie au plan de l'information ; action des groupes de pression en
faveur de l'Azerbaïdjan auprès des organismes internationaux. (Voir
Hayk Demoyan : Turkey and Karabagh Conflict. Erevan 1995).
La permanence des menaces militaires et des tentatives d'extension du
conflit, le blocus de l'Arménie et les actes pour l'isoler des
politiques régionales et internationales ont engendré un danger réel
pour elle comme pour le Karabagh. Faisons un bilan. Il ressort des
faits historiques rappelés ci-avant que le Karabagh a donc constitué à
plusieurs reprises le réceptacle et la cible d'une politique
génocidaire poursuivie successivement par les Sultans, les Jeunes
Turcs et les Kémalistes-Républicains. De plus, il apparaît que l'état
azerbaïdjanais, créé de toutes pièces par la Turquie ottomane, a fait
sien le modèle turc de gestion démographique. Celui-ci consiste à
résoudre les problèmes des minorités par les déportations, les tueries
de masse. Des méthodes susceptibles d'apporter l'homogénéisation
ethnique nécessaire à la formation d'Etat-nation jugé `plus sûrs`. Les
états nations turcs et Azerbaïdjanais se sont selon cette doctrine
construits sur l'extermination d'autres nations, les minorités ayant
toujours été appréhendée comme une menaces pour le futur de ces deux
états.
Des réalités décrites dans ce qui précède il ressort que 1. La Turquie
est à l'origine de l'apparition de la question du Karabagh par ses
tentatives de créer un état azerbaïdjanais tout en s'efforçant d'y
inclure cette région peuplée d'Arméniens 2. La Turquie est l'une des
parties au conflit et soutient ouvertement l'Azerbaïdjan.
Les actes génocidaires à trois reprises et l'échec de la Turquie au
Karabagh face aux Arméniens qui le peuplent constituent un messge
clair à Ankara : la Turquie doit reconnaître le Génocide commis contre
les Arméniens et beaucoup d'autres nations avec sa `pax ottomanica`,
et donc la réécriture de l'histoire est nécessaire si l'on veut 'zéro
problème' avec sa propre histoire et sa mémoire, la realpolitk n'étant
d'aucune aide dans la crise d'identité nationale actuelle.
Traduction Gilbert Béguian
http://www.armenianlife.com/2011/05/20/karabakh-and-turkeys-genocidal-attempts/
dimanche 4 décembre 2011,
Stéphane ©armenews.com