TENTATIVES GENOCIDAIRES DE LA TURQUIE AU KARABAGH
Stephane
armenews.com
mercredi 7 decembre 2011
Par Hayk Demoyan
Directeur de l'Institut du Genocide Armenien
A au moins a trois reprises dans l'histoire, la Turquie a commis sur
la region armenienne du Karabagh des actes de nature genocidaires
qui relèvent d'une politique d'extermination et de deportation de
sa population armenienne. Sa posture actuelle qui conditionne tout
processus de normalisation de ses relations avec l'Armenie a des
prealables relatifs a des concessions sur le Karabagh, procède de
cette meme logique qui plonge ses racines dans l'histoire.
La première tentative
L'expansion des frontières de l'Empire Ottoman dans le Caucase remonte
au 16ème siècle. Sur le chemin des côtes de la Mer Caspienne, les
armees turques se sont heurtees a une forte resistance des Armeniens
de l'Artsakh (Karabagh) et ont eu a subir de nombreuses defaites face
a la resistance des Armeniens du Karabagh. En 1725, le sultan Ahmet
III (1703-1730) a prononce une fatwa speciale pour exterminer les
Armeniens du fait de leur resistance effective contre les Ottomans,
en ordonnant de les tuer tous, pour avoir attire les Russes dans le
Caucase et barrer ainsi la route aux Turcs qui voulaient acceder a
Bakou. La confession du general turc Saleh, qui avait ete capture
par les Armeniens au Karabagh, confirme que le projet du Sultan etait
l'extermination totale des Armeniens. Il disait : 'le sultan a donne
l'ordre d'exterminer les Armeniens et les Perses (les Shia's, note de
HD), après que les troupes du Tsar russe aient occupe ces côtes de la
mer (la Mer Caspienne), et c'est ainsi que nous devions les attaquer.
Nous devions eliminer les Armeniens, enfonces entre nous comme un
coin. Nous devrions detruire tout obstacle se trouvant sur notre chemin
et ouvrir la route. Si ce n'etait a cause de vous (les Armeniens),
nous serions deja entres a Derbend et a Bakou qui sont a nous depuis
les temps anciens." - Relations Armeniens-Russes, Erevan, 1967,
vol. II, partie II, document 315 (n russe).
Ce document du 18ème siècle revèle l'approche turque de la
'non-obedience' des Armeniens, lesquels, selon les propres termes des
Turcs, etaient comme un coin enfonce entre Istanbul et les regions
turcophones de l'est. Ayant subi au Karabagh des pertes par milliers,
soldats et officiers, les tentatives du sultan d'annexer ela region
et d'y maintenir les troupes turques se sont soldes par un echec. Il
s'agissait de la première tentative de genocide contre les Armeniens
du Karabagh. Elle n'a pas reussi, mais ce n'etait qu'un debut...
La Deuxième Tentative
La deuxième tentative de destruction de la population armenienne du
Karabagh s'est deroulee lorsque les troupes ottomanes envahirent
le Caucase pendant la Première Guerre Mondiale, puis creèrent
artificiellement un etat qu'elles baptisèrent 'Azerbaidjan' du nom
d'une province du nord de l'Iran, avec le projet d'annexer cette
dernière a la Republiqe d'Azerbaidjan nouvellement creee. Mais cela
n'aura pas ete le seul exemple des manoeuvres turques pour construire
cet etat.
La proclamation de la 'Republique d'Araz' et de la 'Republique
du Caucase du Sud-Est' a suivi la creation de l'Azerbaidjan avec
l'intention de soutenir l'expansionnisme turc (Il existe un exemple
moderne de cette politique avec la creation de la Republique de
Chypre du Nord turque après l'invasion de Chypre en 1974). La campagne
caucasienne de l'armee ottomane a eu pour resultat la prise de Bakou
et l'horrible massacre de la population armenienne en septembre 1918.
Ayant pris Bakou, les forces ottomanes lancèrent une nouvelle campagne
militaire contre la cette fois 'facile' resistance armenienne
au Karabagh. Le ministre de la defense Enver, qui etait l'un des
architectes du genocide des Armeniens en 1915, donna l'ordre a son
cousin Nouri, commandant des forces en Azerbaidjan, "de nettoyer
l'Azerbaidjan des Russes et des Armeniens, de facon a assurer la
continuite des territoires Turcs-turcophones" ( !) - FO 371/3388,
dossier 1396, n° 173495, le Directeur du Renseignement militaire n° B.
I/565 (MI2), secret, au Secretaire d'Etat aux Affaires Etrangères, date
du 18 octobre 1918, voir Jacob Landau, Pan-Turquisme, de l'Irredentisme
a la Cooperation, Londres, 1995. P.55.
Une semaine après cet ordre, la Turquie reconnaissait avoir perdu
la Première Guerre Mondiale. Une defaite qu'elle a precisement subi
au Karabagh, quand un detachement de l'armee ottomane chargee d'une
expedition punitive vers des villages du sud de cette zone tombèrent
dans une embuscade de villageois armeniens qui coûta la vie a 400
de ses soldats. La fin de la Grande Guerre et le retrait des Turcs
ont donc empeche le deuxième acte du Genocide. Plus tard, grâce a
l'entente entre Bolcheviques et Kemalistes, le Karabagh fut annexe
a l'Azerbaïdjan sovietique en 1921.
La Troisième Tentative
Nous ne soutiendrons pas que la troisième tentative etait le resultat
direct d'une politique d'extermination des Armeniens du Karabagh. Mais
le fort soutien des Turcs a l'Azerbaïdjan dans ses actes de deportation
et de crime contre l'humanite nous autorise a soutenir qu'Ankara
s'est directement impliquee dans une nouvelle tentative de genocide
contre les Armeniens du Karabagh. Elle n'a pu cependant cette fois
que prendre acte des defaites humiliantes de Bakou de 1992-1994.
L'ingerence de la Turquie dans le conflit du Karabagh, son soutien
ouvert a la guerre menee par l'Azerbaïdjan, a positionner ce pays comme
partie au conflit plutôt qu'a sa solution. L'implication turque dans
le conflit comprend les elements suivants : menaces d'intervention
militaire, pression par la demonstration de ses forces armees,
blocus des transports et de l'energie impose a l'Armenie ; soutien
militaire fourni a l'Azerbaïdjan ; developpement d'initiatives tendant
a former une coalition anti-armenienne et isolement de l'Armenie au
plan de l'information ; action des groupes de pression en faveur
de l'Azerbaïdjan auprès des organismes internationaux. (Voir Hayk
Demoyan : Turkey and Karabagh Conflict. Erevan 1995).
La permanence des menaces militaires et des tentatives d'extension
du conflit, le blocus de l'Armenie et les actes pour l'isoler des
politiques regionales et internationales ont engendre un danger reel
pour elle comme pour le Karabagh. Faisons un bilan. Il ressort des
faits historiques rappeles ci-avant que le Karabagh a donc constitue
a plusieurs reprises le receptacle et la cible d'une politique
genocidaire poursuivie successivement par les Sultans, les Jeunes
Turcs et les Kemalistes-Republicains. De plus, il apparaît que l'etat
azerbaïdjanais, cree de toutes pièces par la Turquie ottomane, a fait
sien le modèle turc de gestion demographique. Celui-ci consiste a
resoudre les problèmes des minorites par les deportations, les tueries
de masse. Des methodes susceptibles d'apporter l'homogeneisation
ethnique necessaire a la formation d'Etat-nation juge "plus sûrs". Les
etats nations turcs et Azerbaïdjanais se sont selon cette doctrine
construits sur l'extermination d'autres nations, les minorites ayant
toujours ete apprehendee comme une menaces pour le futur de ces
deux etats.
Des realites decrites dans ce qui precède il ressort que 1. La Turquie
est a l'origine de l'apparition de la question du Karabagh par ses
tentatives de creer un etat azerbaïdjanais tout en s'efforcant d'y
inclure cette region peuplee d'Armeniens 2. La Turquie est l'une des
parties au conflit et soutient ouvertement l'Azerbaïdjan.
Les actes genocidaires a trois reprises et l'echec de la Turquie
au Karabagh face aux Armeniens qui le peuplent constituent un messge
clair a Ankara : la Turquie doit reconnaître le Genocide commis contre
les Armeniens et beaucoup d'autres nations avec sa "pax ottomanica",
et donc la reecriture de l'histoire est necessaire si l'on veut
'zero problème' avec sa propre histoire et sa memoire, la realpolitk
n'etant d'aucune aide dans la crise d'identite nationale actuelle.
Traduction Gilbert Beguian
http://www.armenianlife.com/2011/05/20/karabakh-and-turkeys-genocidal-attempts/
Stephane
armenews.com
mercredi 7 decembre 2011
Par Hayk Demoyan
Directeur de l'Institut du Genocide Armenien
A au moins a trois reprises dans l'histoire, la Turquie a commis sur
la region armenienne du Karabagh des actes de nature genocidaires
qui relèvent d'une politique d'extermination et de deportation de
sa population armenienne. Sa posture actuelle qui conditionne tout
processus de normalisation de ses relations avec l'Armenie a des
prealables relatifs a des concessions sur le Karabagh, procède de
cette meme logique qui plonge ses racines dans l'histoire.
La première tentative
L'expansion des frontières de l'Empire Ottoman dans le Caucase remonte
au 16ème siècle. Sur le chemin des côtes de la Mer Caspienne, les
armees turques se sont heurtees a une forte resistance des Armeniens
de l'Artsakh (Karabagh) et ont eu a subir de nombreuses defaites face
a la resistance des Armeniens du Karabagh. En 1725, le sultan Ahmet
III (1703-1730) a prononce une fatwa speciale pour exterminer les
Armeniens du fait de leur resistance effective contre les Ottomans,
en ordonnant de les tuer tous, pour avoir attire les Russes dans le
Caucase et barrer ainsi la route aux Turcs qui voulaient acceder a
Bakou. La confession du general turc Saleh, qui avait ete capture
par les Armeniens au Karabagh, confirme que le projet du Sultan etait
l'extermination totale des Armeniens. Il disait : 'le sultan a donne
l'ordre d'exterminer les Armeniens et les Perses (les Shia's, note de
HD), après que les troupes du Tsar russe aient occupe ces côtes de la
mer (la Mer Caspienne), et c'est ainsi que nous devions les attaquer.
Nous devions eliminer les Armeniens, enfonces entre nous comme un
coin. Nous devrions detruire tout obstacle se trouvant sur notre chemin
et ouvrir la route. Si ce n'etait a cause de vous (les Armeniens),
nous serions deja entres a Derbend et a Bakou qui sont a nous depuis
les temps anciens." - Relations Armeniens-Russes, Erevan, 1967,
vol. II, partie II, document 315 (n russe).
Ce document du 18ème siècle revèle l'approche turque de la
'non-obedience' des Armeniens, lesquels, selon les propres termes des
Turcs, etaient comme un coin enfonce entre Istanbul et les regions
turcophones de l'est. Ayant subi au Karabagh des pertes par milliers,
soldats et officiers, les tentatives du sultan d'annexer ela region
et d'y maintenir les troupes turques se sont soldes par un echec. Il
s'agissait de la première tentative de genocide contre les Armeniens
du Karabagh. Elle n'a pas reussi, mais ce n'etait qu'un debut...
La Deuxième Tentative
La deuxième tentative de destruction de la population armenienne du
Karabagh s'est deroulee lorsque les troupes ottomanes envahirent
le Caucase pendant la Première Guerre Mondiale, puis creèrent
artificiellement un etat qu'elles baptisèrent 'Azerbaidjan' du nom
d'une province du nord de l'Iran, avec le projet d'annexer cette
dernière a la Republiqe d'Azerbaidjan nouvellement creee. Mais cela
n'aura pas ete le seul exemple des manoeuvres turques pour construire
cet etat.
La proclamation de la 'Republique d'Araz' et de la 'Republique
du Caucase du Sud-Est' a suivi la creation de l'Azerbaidjan avec
l'intention de soutenir l'expansionnisme turc (Il existe un exemple
moderne de cette politique avec la creation de la Republique de
Chypre du Nord turque après l'invasion de Chypre en 1974). La campagne
caucasienne de l'armee ottomane a eu pour resultat la prise de Bakou
et l'horrible massacre de la population armenienne en septembre 1918.
Ayant pris Bakou, les forces ottomanes lancèrent une nouvelle campagne
militaire contre la cette fois 'facile' resistance armenienne
au Karabagh. Le ministre de la defense Enver, qui etait l'un des
architectes du genocide des Armeniens en 1915, donna l'ordre a son
cousin Nouri, commandant des forces en Azerbaidjan, "de nettoyer
l'Azerbaidjan des Russes et des Armeniens, de facon a assurer la
continuite des territoires Turcs-turcophones" ( !) - FO 371/3388,
dossier 1396, n° 173495, le Directeur du Renseignement militaire n° B.
I/565 (MI2), secret, au Secretaire d'Etat aux Affaires Etrangères, date
du 18 octobre 1918, voir Jacob Landau, Pan-Turquisme, de l'Irredentisme
a la Cooperation, Londres, 1995. P.55.
Une semaine après cet ordre, la Turquie reconnaissait avoir perdu
la Première Guerre Mondiale. Une defaite qu'elle a precisement subi
au Karabagh, quand un detachement de l'armee ottomane chargee d'une
expedition punitive vers des villages du sud de cette zone tombèrent
dans une embuscade de villageois armeniens qui coûta la vie a 400
de ses soldats. La fin de la Grande Guerre et le retrait des Turcs
ont donc empeche le deuxième acte du Genocide. Plus tard, grâce a
l'entente entre Bolcheviques et Kemalistes, le Karabagh fut annexe
a l'Azerbaïdjan sovietique en 1921.
La Troisième Tentative
Nous ne soutiendrons pas que la troisième tentative etait le resultat
direct d'une politique d'extermination des Armeniens du Karabagh. Mais
le fort soutien des Turcs a l'Azerbaïdjan dans ses actes de deportation
et de crime contre l'humanite nous autorise a soutenir qu'Ankara
s'est directement impliquee dans une nouvelle tentative de genocide
contre les Armeniens du Karabagh. Elle n'a pu cependant cette fois
que prendre acte des defaites humiliantes de Bakou de 1992-1994.
L'ingerence de la Turquie dans le conflit du Karabagh, son soutien
ouvert a la guerre menee par l'Azerbaïdjan, a positionner ce pays comme
partie au conflit plutôt qu'a sa solution. L'implication turque dans
le conflit comprend les elements suivants : menaces d'intervention
militaire, pression par la demonstration de ses forces armees,
blocus des transports et de l'energie impose a l'Armenie ; soutien
militaire fourni a l'Azerbaïdjan ; developpement d'initiatives tendant
a former une coalition anti-armenienne et isolement de l'Armenie au
plan de l'information ; action des groupes de pression en faveur
de l'Azerbaïdjan auprès des organismes internationaux. (Voir Hayk
Demoyan : Turkey and Karabagh Conflict. Erevan 1995).
La permanence des menaces militaires et des tentatives d'extension
du conflit, le blocus de l'Armenie et les actes pour l'isoler des
politiques regionales et internationales ont engendre un danger reel
pour elle comme pour le Karabagh. Faisons un bilan. Il ressort des
faits historiques rappeles ci-avant que le Karabagh a donc constitue
a plusieurs reprises le receptacle et la cible d'une politique
genocidaire poursuivie successivement par les Sultans, les Jeunes
Turcs et les Kemalistes-Republicains. De plus, il apparaît que l'etat
azerbaïdjanais, cree de toutes pièces par la Turquie ottomane, a fait
sien le modèle turc de gestion demographique. Celui-ci consiste a
resoudre les problèmes des minorites par les deportations, les tueries
de masse. Des methodes susceptibles d'apporter l'homogeneisation
ethnique necessaire a la formation d'Etat-nation juge "plus sûrs". Les
etats nations turcs et Azerbaïdjanais se sont selon cette doctrine
construits sur l'extermination d'autres nations, les minorites ayant
toujours ete apprehendee comme une menaces pour le futur de ces
deux etats.
Des realites decrites dans ce qui precède il ressort que 1. La Turquie
est a l'origine de l'apparition de la question du Karabagh par ses
tentatives de creer un etat azerbaïdjanais tout en s'efforcant d'y
inclure cette region peuplee d'Armeniens 2. La Turquie est l'une des
parties au conflit et soutient ouvertement l'Azerbaïdjan.
Les actes genocidaires a trois reprises et l'echec de la Turquie
au Karabagh face aux Armeniens qui le peuplent constituent un messge
clair a Ankara : la Turquie doit reconnaître le Genocide commis contre
les Armeniens et beaucoup d'autres nations avec sa "pax ottomanica",
et donc la reecriture de l'histoire est necessaire si l'on veut
'zero problème' avec sa propre histoire et sa memoire, la realpolitk
n'etant d'aucune aide dans la crise d'identite nationale actuelle.
Traduction Gilbert Beguian
http://www.armenianlife.com/2011/05/20/karabakh-and-turkeys-genocidal-attempts/