ARMENIE : UN CAS DE VIOLENCE SEXUELLE PROVOQUE UN DEBAT SUR LA CASTRATION CHIMIQUE
Stephane
armenews.com
samedi 10 decembre 2011
La condamnation d'un homme d'affaire, armenien d'Amerique, a quinze ans
de prison pour violence sexuelle sur des mineurs a mis fin en Armenie a
un vieux tabou interdisant que la pedophilie soit discutee ouvertement.
Le septuagenaire Serop Der Boghossian, coproprietaire d'une
exploitation minière prospère, Metal Prince Ltd. Corporation, dans la
region de Lori du nord, avait la reputation d'un genereux philanthrope
et homme d'affaires influent, ayant des liens avec l'elite politique
armenienne. Il a ete un temps conseiller economique du Premier
Ministre Tigran Sarkissian et membre du conseil consultatif national
de la police.
Lorsque Der-Boghossian, ex-administrateur du trafic et du transport
de Pasadena, Californie, a ete ecroue en fevrier sur les accusations
d'avoir commis par la force des actes sexuels sur des jeunes garcons,
beaucoup de residents d'Akhtala, le village où est basee Metal Prince,
pensaient qu'il etait possible que l'affaire ne soit au fond qu'une
tentative du gouvernement de s'approprier la societe d'exploitation
minière qu'il contrôlait depuis une decennie. Der-Boghossian,
cependant, a admis devant le tribunal avoir eu des relations sexuelles
avec des garcons mineurs, d'âges compris entre dix ans et seize ans ;
son incarceration avait apparemment fait suite a la decouverte chez
lui d'un film video. L'accusation avait invoque le versement estime
a 120 000 dollars par Der-Boghossian aux garcons, tous de familles
pauvres, pour obtenir leur participation.
Dans sa decision du 18 novembre, la cour regionale de Lori a inflige
au vieil homme d'affaire la peine maximale pour violences sexuelles
sous la contrainte a des enfants, ayant retenu que les 10 garcons
sont des "futurs soldats" dont la vie a ete ruinee car "la societe
est intolerante vis-a-vis des victimes de tels actes commis sous
la contrainte". Selon Der-Boghossian, les enfants n'ont jamais ete
forces a avoir avec lui des relations sexuelles, et il envisage de
faire appel ; une infirmation pourrait ramener a trois ans la peine
de quinze annees de prison.
L'affaire, avec celle de l'enseignant d'ecole privee Levon Avagyan en
2010, a marque un tournant dans l'opinion, où beaucoup disaient que
de tels crimes etaient impossibles dans un pays a ce point centre sur
la famille qu'est l'Armenie, qui place les enfants parmi les valeurs
culturelles les plus profondes.
Petros Movsisian, un resident d'Akhtala âge de soixante-huit-ans,
qui doutait auparavant de la realite des accusations portees contre
Der-Boghossian, s'est dit decontenance par l'issue du procès. 'Rien
de la sorte n'aurait jamais dû se produire pour personne', a affirme
Movsisian. 'Mais s'il admet etre coupable, c'est une vraie honte pour
notre nation, c'est tout ce que je peux dire".
Un psychologue qui travaille sur les cas de violences sexuelles sur
les enfants soutient que le tolle contre Der-Boghossian signale
la fin du tabou du silence sur ce problème. "Des cas semblables
s'etaient produits auparavant, mais tout avait ete garde au sein de
la famille", a commente le psychologue Ruben Poghosian du Centre de
Services Psychologiques Armenien d'Erevan. Poghosian a ajoute que
les psychologues connaissent d'autres cas semblables, y compris des
cas de violences sexuelles commis par des membres de la famille ;
il attribue de tels abus a "l'influence de programmes de television,
sagas familiales, de films violents".
La police n'enregistre qu'une legère augmentation du nombre de ces cas,
de 63 a 80, entre 2008 et 2010.
Le depute non-inscrit Victor Dallakian soutient que les cas connus "ne
constituent evidemment que la partie emergee de l'iceberg". Très irrite
par l'affaire Der-Boghossian, Dallakian a prepare des amendements
a l'Article 142 du code penal, selon lesquels la condamnation pour
violence sexuelle sur des mineurs devrait etre soit a dix annees de
prison soit a la castration chimique. Actuellement, la loi prevoit
une peine maximale de trois ans de prison et une amende de 7 millions
de drams (18 000 dollars). Le parlement devrait mettre l'amendement
en discussion sous quelques semaines.
"Beaucoup de parents gardent purement et simplement le silence",
a poursuivi Dallakian. "La realite est beaucoup plus horrible et la
loi n'est pas parfaite".
Dallakian a evoque les statistiques de police Eurasia.net, indiquant
que 10% seulement des individus convaincus de violence sexuelle sur
des mineurs entre 2000 et 2010 ont ete mis derrière les barreaux. Dans
les autres cas, le coupable a paye l'amende, mais a ete laisse libre.
Dallakian soutient que l'abandon de l'amende et son remplacement par la
castration chimique sera une mesure dissuasive efficace. "La castration
chimique est en usage dans un certain nombre de pays europeens, tels
l'Allemagne et la Republique Tchèque. Elle se justifie, la pedophilie
etant, du point de vue medical, une maladie qu'une ou deux annees de
prison ne traiteront pas".
Quelques Armeniens, militants des droits de l'homme s'opposent a
cette idee, "parce qu'il reste toujours une possibilite que la
castration chimique soit prononcee a l'encontre d'une personne
innocente". "Nous ne devrions pas oublier le nombre de personnes
innocentes qui ont ete victimes d'une erreur judiciaire. Une telle
loi est prematuree. Nous n'y sommes pas prets, nous n'avons pas un
système judiciaire independant et cela pourrait etre utilise comme un
outil de persecution" contre des opposants au gouvernement, a commente
Michael Danielian, president de l'Association Helsinki d'Armenie.
Le psychologue Poghosian croit que l'ombre d'un debat sur ces
amendements marque un pas en avant significatif pour aborder le
problème de la violence sexuelle sur les enfants. "Ce qu'il y a de
plus important, c'est la volonte de rompre le tabou", a-t-il dit. "Ces
discussions sont essentielles si l'on veut que les coupables qui
restent impunis du fait de la honte et du silence des familles des
victimes, soient identifies et punis."
Gayane Abrahamyan est journaliste a Armenia.com a Erevan.
From: Emil Lazarian | Ararat NewsPress
Stephane
armenews.com
samedi 10 decembre 2011
La condamnation d'un homme d'affaire, armenien d'Amerique, a quinze ans
de prison pour violence sexuelle sur des mineurs a mis fin en Armenie a
un vieux tabou interdisant que la pedophilie soit discutee ouvertement.
Le septuagenaire Serop Der Boghossian, coproprietaire d'une
exploitation minière prospère, Metal Prince Ltd. Corporation, dans la
region de Lori du nord, avait la reputation d'un genereux philanthrope
et homme d'affaires influent, ayant des liens avec l'elite politique
armenienne. Il a ete un temps conseiller economique du Premier
Ministre Tigran Sarkissian et membre du conseil consultatif national
de la police.
Lorsque Der-Boghossian, ex-administrateur du trafic et du transport
de Pasadena, Californie, a ete ecroue en fevrier sur les accusations
d'avoir commis par la force des actes sexuels sur des jeunes garcons,
beaucoup de residents d'Akhtala, le village où est basee Metal Prince,
pensaient qu'il etait possible que l'affaire ne soit au fond qu'une
tentative du gouvernement de s'approprier la societe d'exploitation
minière qu'il contrôlait depuis une decennie. Der-Boghossian,
cependant, a admis devant le tribunal avoir eu des relations sexuelles
avec des garcons mineurs, d'âges compris entre dix ans et seize ans ;
son incarceration avait apparemment fait suite a la decouverte chez
lui d'un film video. L'accusation avait invoque le versement estime
a 120 000 dollars par Der-Boghossian aux garcons, tous de familles
pauvres, pour obtenir leur participation.
Dans sa decision du 18 novembre, la cour regionale de Lori a inflige
au vieil homme d'affaire la peine maximale pour violences sexuelles
sous la contrainte a des enfants, ayant retenu que les 10 garcons
sont des "futurs soldats" dont la vie a ete ruinee car "la societe
est intolerante vis-a-vis des victimes de tels actes commis sous
la contrainte". Selon Der-Boghossian, les enfants n'ont jamais ete
forces a avoir avec lui des relations sexuelles, et il envisage de
faire appel ; une infirmation pourrait ramener a trois ans la peine
de quinze annees de prison.
L'affaire, avec celle de l'enseignant d'ecole privee Levon Avagyan en
2010, a marque un tournant dans l'opinion, où beaucoup disaient que
de tels crimes etaient impossibles dans un pays a ce point centre sur
la famille qu'est l'Armenie, qui place les enfants parmi les valeurs
culturelles les plus profondes.
Petros Movsisian, un resident d'Akhtala âge de soixante-huit-ans,
qui doutait auparavant de la realite des accusations portees contre
Der-Boghossian, s'est dit decontenance par l'issue du procès. 'Rien
de la sorte n'aurait jamais dû se produire pour personne', a affirme
Movsisian. 'Mais s'il admet etre coupable, c'est une vraie honte pour
notre nation, c'est tout ce que je peux dire".
Un psychologue qui travaille sur les cas de violences sexuelles sur
les enfants soutient que le tolle contre Der-Boghossian signale
la fin du tabou du silence sur ce problème. "Des cas semblables
s'etaient produits auparavant, mais tout avait ete garde au sein de
la famille", a commente le psychologue Ruben Poghosian du Centre de
Services Psychologiques Armenien d'Erevan. Poghosian a ajoute que
les psychologues connaissent d'autres cas semblables, y compris des
cas de violences sexuelles commis par des membres de la famille ;
il attribue de tels abus a "l'influence de programmes de television,
sagas familiales, de films violents".
La police n'enregistre qu'une legère augmentation du nombre de ces cas,
de 63 a 80, entre 2008 et 2010.
Le depute non-inscrit Victor Dallakian soutient que les cas connus "ne
constituent evidemment que la partie emergee de l'iceberg". Très irrite
par l'affaire Der-Boghossian, Dallakian a prepare des amendements
a l'Article 142 du code penal, selon lesquels la condamnation pour
violence sexuelle sur des mineurs devrait etre soit a dix annees de
prison soit a la castration chimique. Actuellement, la loi prevoit
une peine maximale de trois ans de prison et une amende de 7 millions
de drams (18 000 dollars). Le parlement devrait mettre l'amendement
en discussion sous quelques semaines.
"Beaucoup de parents gardent purement et simplement le silence",
a poursuivi Dallakian. "La realite est beaucoup plus horrible et la
loi n'est pas parfaite".
Dallakian a evoque les statistiques de police Eurasia.net, indiquant
que 10% seulement des individus convaincus de violence sexuelle sur
des mineurs entre 2000 et 2010 ont ete mis derrière les barreaux. Dans
les autres cas, le coupable a paye l'amende, mais a ete laisse libre.
Dallakian soutient que l'abandon de l'amende et son remplacement par la
castration chimique sera une mesure dissuasive efficace. "La castration
chimique est en usage dans un certain nombre de pays europeens, tels
l'Allemagne et la Republique Tchèque. Elle se justifie, la pedophilie
etant, du point de vue medical, une maladie qu'une ou deux annees de
prison ne traiteront pas".
Quelques Armeniens, militants des droits de l'homme s'opposent a
cette idee, "parce qu'il reste toujours une possibilite que la
castration chimique soit prononcee a l'encontre d'une personne
innocente". "Nous ne devrions pas oublier le nombre de personnes
innocentes qui ont ete victimes d'une erreur judiciaire. Une telle
loi est prematuree. Nous n'y sommes pas prets, nous n'avons pas un
système judiciaire independant et cela pourrait etre utilise comme un
outil de persecution" contre des opposants au gouvernement, a commente
Michael Danielian, president de l'Association Helsinki d'Armenie.
Le psychologue Poghosian croit que l'ombre d'un debat sur ces
amendements marque un pas en avant significatif pour aborder le
problème de la violence sexuelle sur les enfants. "Ce qu'il y a de
plus important, c'est la volonte de rompre le tabou", a-t-il dit. "Ces
discussions sont essentielles si l'on veut que les coupables qui
restent impunis du fait de la honte et du silence des familles des
victimes, soient identifies et punis."
Gayane Abrahamyan est journaliste a Armenia.com a Erevan.
From: Emil Lazarian | Ararat NewsPress