L'Orient-Le Jour, Liban
17 dec 2011
Les dernières notes de musique de maître Boghos Gelalian
Par Edgar DAVIDIAN | 17/12/2011
Disparition À 84 ans, après plus d'un long mois de souffrances dues à
la maladie, appelé « ousta » (maître) avec déférence et chaleureuse
amitié par ses proches et élèves, Boghos Gelalian, intransigeant
pédagogue et fin compositeur de musique, s'est éteint. Un homme d'une
discrétion et d'une modestie absolues, qui a servi avec un zèle
incomparable la vie culturelle et musicale au Liban.
Né à Alexandrette en 1927, Boghos Gelalian, de la Syrie au Liban, a
connu les errements et les affres des survivants du génocide arménien.
Mais il a vite compris que sa vie était placée sous le signe des sons,
des partitions et des instruments de musique. La flûte, le piccolo, la
mandoline, l'harmonica et la clarinette étaient ses premiers
compagnons avant de donner plus avantageuse préférence à l'orgue et au
piano.
Des chants religieux, de ses études sous la férule de Bertrand
Robillard et de ses heures passées aux claviers des orgues de la
cathédrale Saint-Louis des capucins à Beyrouth dans les années
d'avant-guerre, il acquiert graduellement la maturité pour se lancer
dans l'harmonie, le contrepoint et l'art de la fugue avec padre
Gerardo, supérieur de l'École des carmélites italiens à Tripoli. Autre
expérience marquante, même si elle est sporadique: celle du travail
avec baron Erhart Belling, autrefois chef d'orchestre à la cour
impériale russe.
Compositeur, arrangeur, pianiste et professeur - il a enseigné de
longues années au Conservatoire national supérieur de musique de
Beyrouth et à l'école Tekeyan - Boghos Gelalian est une figure de
proue pour la qualité de la musique aux festivals de Baalbeck qui
venaient juste de prendre leur envol international. Sa part de
contribution est léonine pour les succès des opus des frères Rahbani
(dont il fut un conseiller, instructeur et collaborateur avisé et très
écouté), de même que pour certains spectacles de Roméo Lahoud.
Sa collaboration avec des cantatrices notoires, telles Fayrouz ou
Arpiné Pehlevanian, aussi bien pour le chant arabe, arménien ou
classique, reste légendaire. Et du meilleur aloi.
Voix gutturale, silhouette filiforme, visage austère avec un regard
perçant, accent arménien marquant tout aussi bien dans ses phrases en
français qu'en arabe, homme de l'ombre avec un talent tranchant et
parfois un caractère bien trempé, Boghos Gelalian portait en lui non
seulement le souci de la carrière et du talent de ses élèves, mais
aussi de ses `uvres propres. Il travaillait dans la solitude, de
préférence la nuit, jusqu'aux premières lueurs.
Sans être prolifique, cette `uvre dense, d'une écriture raffinée et
élégante, teintée d'une certaine spiritualité, concilie mélodies
arméno-orientales et rigueurs classiques qui n'ont rien à envier à
l'avant-garde moderne. Un style «orientalisant», à la fois nerveux et
fluide, qui pique la curiosité des mélomanes et accroche tout auditeur
en quête d'innovation.
De nombreux prix ont couronné sa longue carrière: Saïd Akl (1969),
catholicossat arménien (1973, 1977), chevalier de l'ordre des Arts et
des Lettres du ministère de la Culture français (1985) et une
décoration papale en 1986. Mais brillant absent sur le pupitre du
musicien, l'État libanais. Un État qui a toujours tout ignoré de la
valeur de ses citoyens. Surtout intellectuels ou artistes. Une
reconnaissance ou récompense posthume n'est pas à dédaigner, ne
serait-ce que pour réparer un oubli impensable.
Pour violoncelle, piano, violon, hautbois, flûte, orchestre et ch`urs,
l'inspiration de Boghos Gelalian a jeté de multiples et sinueux
embranchements. Une toccata, une sonate, et les souvenirs du musicien
vibrent dans l'air comme une présence vivace.
Ses élèves, toutes générations confondues, s'échelonnant sur plus d'un
demi -siècle de fervent enseignement, lui ont toujours rendu hommage à
travers le monde (France, Allemagne, Canada) en programmant dans leurs
concerts ses `uvres. ?uvres interprétées avec sentiment et dévotion.
En se rappelant toujours les précieuses et furibardes indications du
«maître» concernant tempo, respiration, rythme, cadence, nuance.
Dans son enseignement comme dans ses compositions, loin de toute
facilité ou vulgarité, Boghos Gelalian tendait à la plus haute
précision et transparence.
http://www.lorientlejour.com/category/Culture/article/736549/Les_dernieres_notes_de_musique_de_maitre_Boghos_Ge lalian.html
17 dec 2011
Les dernières notes de musique de maître Boghos Gelalian
Par Edgar DAVIDIAN | 17/12/2011
Disparition À 84 ans, après plus d'un long mois de souffrances dues à
la maladie, appelé « ousta » (maître) avec déférence et chaleureuse
amitié par ses proches et élèves, Boghos Gelalian, intransigeant
pédagogue et fin compositeur de musique, s'est éteint. Un homme d'une
discrétion et d'une modestie absolues, qui a servi avec un zèle
incomparable la vie culturelle et musicale au Liban.
Né à Alexandrette en 1927, Boghos Gelalian, de la Syrie au Liban, a
connu les errements et les affres des survivants du génocide arménien.
Mais il a vite compris que sa vie était placée sous le signe des sons,
des partitions et des instruments de musique. La flûte, le piccolo, la
mandoline, l'harmonica et la clarinette étaient ses premiers
compagnons avant de donner plus avantageuse préférence à l'orgue et au
piano.
Des chants religieux, de ses études sous la férule de Bertrand
Robillard et de ses heures passées aux claviers des orgues de la
cathédrale Saint-Louis des capucins à Beyrouth dans les années
d'avant-guerre, il acquiert graduellement la maturité pour se lancer
dans l'harmonie, le contrepoint et l'art de la fugue avec padre
Gerardo, supérieur de l'École des carmélites italiens à Tripoli. Autre
expérience marquante, même si elle est sporadique: celle du travail
avec baron Erhart Belling, autrefois chef d'orchestre à la cour
impériale russe.
Compositeur, arrangeur, pianiste et professeur - il a enseigné de
longues années au Conservatoire national supérieur de musique de
Beyrouth et à l'école Tekeyan - Boghos Gelalian est une figure de
proue pour la qualité de la musique aux festivals de Baalbeck qui
venaient juste de prendre leur envol international. Sa part de
contribution est léonine pour les succès des opus des frères Rahbani
(dont il fut un conseiller, instructeur et collaborateur avisé et très
écouté), de même que pour certains spectacles de Roméo Lahoud.
Sa collaboration avec des cantatrices notoires, telles Fayrouz ou
Arpiné Pehlevanian, aussi bien pour le chant arabe, arménien ou
classique, reste légendaire. Et du meilleur aloi.
Voix gutturale, silhouette filiforme, visage austère avec un regard
perçant, accent arménien marquant tout aussi bien dans ses phrases en
français qu'en arabe, homme de l'ombre avec un talent tranchant et
parfois un caractère bien trempé, Boghos Gelalian portait en lui non
seulement le souci de la carrière et du talent de ses élèves, mais
aussi de ses `uvres propres. Il travaillait dans la solitude, de
préférence la nuit, jusqu'aux premières lueurs.
Sans être prolifique, cette `uvre dense, d'une écriture raffinée et
élégante, teintée d'une certaine spiritualité, concilie mélodies
arméno-orientales et rigueurs classiques qui n'ont rien à envier à
l'avant-garde moderne. Un style «orientalisant», à la fois nerveux et
fluide, qui pique la curiosité des mélomanes et accroche tout auditeur
en quête d'innovation.
De nombreux prix ont couronné sa longue carrière: Saïd Akl (1969),
catholicossat arménien (1973, 1977), chevalier de l'ordre des Arts et
des Lettres du ministère de la Culture français (1985) et une
décoration papale en 1986. Mais brillant absent sur le pupitre du
musicien, l'État libanais. Un État qui a toujours tout ignoré de la
valeur de ses citoyens. Surtout intellectuels ou artistes. Une
reconnaissance ou récompense posthume n'est pas à dédaigner, ne
serait-ce que pour réparer un oubli impensable.
Pour violoncelle, piano, violon, hautbois, flûte, orchestre et ch`urs,
l'inspiration de Boghos Gelalian a jeté de multiples et sinueux
embranchements. Une toccata, une sonate, et les souvenirs du musicien
vibrent dans l'air comme une présence vivace.
Ses élèves, toutes générations confondues, s'échelonnant sur plus d'un
demi -siècle de fervent enseignement, lui ont toujours rendu hommage à
travers le monde (France, Allemagne, Canada) en programmant dans leurs
concerts ses `uvres. ?uvres interprétées avec sentiment et dévotion.
En se rappelant toujours les précieuses et furibardes indications du
«maître» concernant tempo, respiration, rythme, cadence, nuance.
Dans son enseignement comme dans ses compositions, loin de toute
facilité ou vulgarité, Boghos Gelalian tendait à la plus haute
précision et transparence.
http://www.lorientlejour.com/category/Culture/article/736549/Les_dernieres_notes_de_musique_de_maitre_Boghos_Ge lalian.html