Libération, France
Jeudi 15 Décembre 2011
Liberation.Fr Edition
Risque de nouvelle crise franco-turque sur le génocide arménien
La possible adoption au Parlement français d'une proposition de loi
liée au génocide arménien est sur le point de provoquer une nouvelle
crise majeure dans les relations entre la France et la Turquie, pays
clé pour la résolution de la question syrienne.
Au cours des dernières semaines, Ankara a mis en garde la France
contre ce projet qui sera débattu jeudi prochain à l'Assemblée
nationale et qui propose de sanctionner d'une peine de prison et d'une
amende la négation du génocide arménien de 1915, qu'Ankara refuse de
reconnaître.
La tension est montée d'un cran jeudi. Le ministre turc des Affaires
étrangères Ahmet Davutoglu a stigmatisé la "mentalité moyengeuse" de
la France. Et l'ambassade de Turquie a averti qu'un vote favorable
aurait des "conséquences irréparables dans tous les domaines des
relations bilatérales", à commencer par le rappel pour consultations
de l'ambassadeur en France et le gel de toute coopération avec Paris.
Le porte-parole de l'ambassade turque Engin Solakoglu a évoqué les
discussions en cours sur la construction d'une deuxième centrale
nucléaire en Turquie: "Il n'y avait rien d'acquis (...) mais il serait
inimaginable que la France soit choisie" si le texte était adopté,
a-t-il dit.
La proposition de loi a été déposée par une députée de l'UMP, le parti
présidentiel, ce que n'a pas manqué de relever Ankara y voyant "un
acte hostile de l'exécutif français" et une démarche "liée au
calendrier politique français" pour séduire le demi-million de membres
de la communauté arménienne avant la présidentielle du printemps
prochain.
Devant les associations arméniennes, Nicolas Sarkozy, avant son
élection en 2007, s'était engagé à soutenir un tel texte au Parlement.
En visite en octobre à Erevan, il avait à nouveau jugé la négation du
génocide arménien "pas acceptable" et appelé la Turquie à "revisiter
son histoire", déclenchant à nouveau les foudres d'Ankara, comme lors
de la reconnaissance du génocide par la France en 2001.
La Turquie reconnaît que 300.000 à 500.000 Arméniens ont péri dans
l'Anatolie ottomane en 1915, dans le chaos des dernières années de
l'Empire ottoman, mais elle nie l'existence d'une campagne
d'extermination d'un million et demi de personnes.
Le chef de la diplomatie française Alain Juppé a effectué en novembre
une visite à Ankara et parlé à l'unisson de son homologue turc pour
accentuer la pression sur le régime syrien et faire cesser la
répression féroce de l'opposition.
Cette visite a été perçue comme un signe d'apaisement dans les
relations avec Ankara. "La Turquie est aux avant-postes sur la
question syrienne" et la France cherche à jouer un rôle central sur ce
dossier, note l'universitaire Jean Marcou qui a dirigé de 2006 à 2010
à Istanbul l'Observatoire de la vie politique turque.
Mais après "une sorte d'éclaircie" lors de la visite de M. Juppé, il
prédit "une vive réaction" turque dans la foulée du débat
parlementaire.
Une délégation pour éviter «l'irréparable»
La diplomatie française est d'autant plus embarrassée que les
relations franco-turques sont dans une phase délicate depuis l'arrivée
au pouvoir de Nicolas Sarkozy qui s'oppose à l'entrée de la Turquie
dans l'Union européenne.
Pour éviter "l'irréparable", une délégation de parlementaires turcs
est attendue lundi à Paris où elle rencontrera Axel Poniatowski,
président UMP de la Commission des Affaires étrangères de l'Assemblée
et probablement Alain Juppé.
M. Poniatowski admet que la situation est "compliquée". "Autant la
reconnaissance du génocide n'est pas négociable, autant la nouvelle
proposition de loi n'est pas indispensable aujourd'hui. Cela va bien
au-delà de la question arménienne", estime-t-il, ajoutant que "la
Turquie est un acteur incontournable" pour la gestion de la question
syrienne.
(AFP)
Jeudi 15 Décembre 2011
Liberation.Fr Edition
Risque de nouvelle crise franco-turque sur le génocide arménien
La possible adoption au Parlement français d'une proposition de loi
liée au génocide arménien est sur le point de provoquer une nouvelle
crise majeure dans les relations entre la France et la Turquie, pays
clé pour la résolution de la question syrienne.
Au cours des dernières semaines, Ankara a mis en garde la France
contre ce projet qui sera débattu jeudi prochain à l'Assemblée
nationale et qui propose de sanctionner d'une peine de prison et d'une
amende la négation du génocide arménien de 1915, qu'Ankara refuse de
reconnaître.
La tension est montée d'un cran jeudi. Le ministre turc des Affaires
étrangères Ahmet Davutoglu a stigmatisé la "mentalité moyengeuse" de
la France. Et l'ambassade de Turquie a averti qu'un vote favorable
aurait des "conséquences irréparables dans tous les domaines des
relations bilatérales", à commencer par le rappel pour consultations
de l'ambassadeur en France et le gel de toute coopération avec Paris.
Le porte-parole de l'ambassade turque Engin Solakoglu a évoqué les
discussions en cours sur la construction d'une deuxième centrale
nucléaire en Turquie: "Il n'y avait rien d'acquis (...) mais il serait
inimaginable que la France soit choisie" si le texte était adopté,
a-t-il dit.
La proposition de loi a été déposée par une députée de l'UMP, le parti
présidentiel, ce que n'a pas manqué de relever Ankara y voyant "un
acte hostile de l'exécutif français" et une démarche "liée au
calendrier politique français" pour séduire le demi-million de membres
de la communauté arménienne avant la présidentielle du printemps
prochain.
Devant les associations arméniennes, Nicolas Sarkozy, avant son
élection en 2007, s'était engagé à soutenir un tel texte au Parlement.
En visite en octobre à Erevan, il avait à nouveau jugé la négation du
génocide arménien "pas acceptable" et appelé la Turquie à "revisiter
son histoire", déclenchant à nouveau les foudres d'Ankara, comme lors
de la reconnaissance du génocide par la France en 2001.
La Turquie reconnaît que 300.000 à 500.000 Arméniens ont péri dans
l'Anatolie ottomane en 1915, dans le chaos des dernières années de
l'Empire ottoman, mais elle nie l'existence d'une campagne
d'extermination d'un million et demi de personnes.
Le chef de la diplomatie française Alain Juppé a effectué en novembre
une visite à Ankara et parlé à l'unisson de son homologue turc pour
accentuer la pression sur le régime syrien et faire cesser la
répression féroce de l'opposition.
Cette visite a été perçue comme un signe d'apaisement dans les
relations avec Ankara. "La Turquie est aux avant-postes sur la
question syrienne" et la France cherche à jouer un rôle central sur ce
dossier, note l'universitaire Jean Marcou qui a dirigé de 2006 à 2010
à Istanbul l'Observatoire de la vie politique turque.
Mais après "une sorte d'éclaircie" lors de la visite de M. Juppé, il
prédit "une vive réaction" turque dans la foulée du débat
parlementaire.
Une délégation pour éviter «l'irréparable»
La diplomatie française est d'autant plus embarrassée que les
relations franco-turques sont dans une phase délicate depuis l'arrivée
au pouvoir de Nicolas Sarkozy qui s'oppose à l'entrée de la Turquie
dans l'Union européenne.
Pour éviter "l'irréparable", une délégation de parlementaires turcs
est attendue lundi à Paris où elle rencontrera Axel Poniatowski,
président UMP de la Commission des Affaires étrangères de l'Assemblée
et probablement Alain Juppé.
M. Poniatowski admet que la situation est "compliquée". "Autant la
reconnaissance du génocide n'est pas négociable, autant la nouvelle
proposition de loi n'est pas indispensable aujourd'hui. Cela va bien
au-delà de la question arménienne", estime-t-il, ajoutant que "la
Turquie est un acteur incontournable" pour la gestion de la question
syrienne.
(AFP)