Présidentielle 2012
23 dec 2011
Loi "mémorielle" : Alain Juppé exprime ouvertement son désaccord avec
Nicolas Sarkozy
Olivier Biffaud
La crise diplomatique franco-turque provoquée par le vote d'un texte
de loi réprimant la négation du génocide arménien a entraîné les
premières crispations publiques au sein du gouvernement. Alain Juppé a
pris ses distances avec Nicolas Sarkozy.
Le feu couvait depuis deux jours. Depuis plus longtemps, sans doute,
sans que personne ne le remarque. Il s'est déclaré, ouvertement,
vendredi 23 décembre. Au point, peut-être, de gcher les fêtes de fin
d'année de Nicolas Sarkozy.
De quoi s'agit-il ? Du coup de sang, froid et mesuré, du ministre des
Affaires étrangères sur l'affaire de la loi réprimant la négation des
génocides. Et, en particulier, le génocide des Arméniens perpétré par
les Turcs en 1915. Un massacre dont la réalité et l'existence ont
toujours été niées par les autorités d'Ankara.
Cette proposition de loi présentée par la députée (UMP,
Bouches-du-Rhône) Valérie Boyer a été votée, à mains levée, jeudi 22
décembre, par les députés. Son adoption a immédiatement provoqué l'ire
du premier ministre, Recep Erdogan. Rappel de l'ambassadeur de Turquie
à Paris, gel des relations militaires, menaces de rétorsions
économiques n'ont été que le hors d'oeuvre de cette fureur.
Le "génocide" commis par la France en Algérie
M. Erdogan s'en est pris directement à M. Sarkozy lui signifiant qu'il
ferait mieux de s'occuper de ses affaires et, en particulier, du
"génocide" commis, selon lui, par La France en Algérie entre 1945 et
1962. "Si le président français, M. Sarkozy, ne sait pas qu'il y a eu
un génocide, il peut demander à son père Pal Sarkozy (...) qui a été
légionnaire en Algérie dans les années 1940", a-t-il lancé.
"Je ne suis jamais allé en Algérie, je n'ai pas dépassé Marseille. Et
j'étais pendant quatre mois à la légion!", a rétorqué Pal Sarkozy sur
BFMTV.
De Prague, où il assistait aux obsèques de Vaclav Havel, le président
de la République a tenté de calmer le jeu.
"Je respecte les convictions de nos amis Turcs, c'est un grand pays,
une grande civilisation, ils doivent respecter les nôtres", a déclaré
M. Sarkozy. "La France ne donne de leçons à personne, mais la France
n'entend pas en recevoir", a-t-il dit également.
"Cette initiative n'était pas opportune"
Son de cloche très différent à Bordeaux où se trouvait, vendredi, M.
Juppé. "Je pense que cette initiative [dépôt et vote de la loi
réprimant la négation des génocides] n'était pas opportune, mais le
Parlement a voté. (...) Essayons maintenant de reprendre des relations
apaisées. Ce sera difficile, j'en ai conscience, mais le temps fera
son oeuvre", a déclaré, un tantinet agacé, le chef de la diplomatie
française.
La position de M. Juppé est donc diamétralement opposée à celle de M.
Sarkozy qui a mis toute son autorité dans la balance pour que ce texte
- c'était un de ses engagements de la campagne présidentielle de 2007
à l'égard de la communauté arménienne de France, réitéré plus tard à
Erevan, capitale de l'Arménie - soit adopté par les députés.
En effet, s'agissant d'une proposition de loi, elle aurait pu
normalement être examinée dans la plage hebdomadaire dont l'ordre du
jour dépend de l'Assemblée nationale.
"Useless and counterproductive"
Or, elle a été reprise à son compte par le gouvernement qui l'a
inscrite dans l'ordre du jour dont il a la maîtrise deux semaines par
mois.
Selon certaines indiscrétions, cette inscription a donné lieu à un
débat informel un peu rugueux lors du conseil des ministres du 14
décembre. M. Juppé a marqué son désaccord avec le chef de l'Etat qui
se faisait l'ardent défenseur de ce texte pour qu'il soit examiné au
plus vite par les députés.
Le ministre des Affaires étrangères préssentait que ce vote allait
ouvrir une crise diplomatique entre la France et la Turquie. Il s'en
était même indirectement ouvert à des correspondants de la presse
étrangère lors d'un petit-déjeuner, le jour même du vote à
l'Assemblée. Il parlait alors de loi "inutile et contre-productive".
La "démagogie électoraliste"
Mais la préoccupation du chef de l'Etat était toute autre : ménager,
pour ne pas dire plus, la communauté arménienne de France - un
demi-million de personnes - dont les voix ne seront peut-être pas
inutiles lors de l'élection présidentielle.
Beaucoup le pensent mais peu ont osé l'exprimer publiquement comme les
centristes Dominique Paillé et Hervé de Charette, qui ont dénoncé la
"démagogie électoraliste" entretenue, via ce texte, par l'Elysée.
Cette sortie, à peine diplomatique, de M. Juppé jette une ombre sur le
tableau des relations idyliques "vendu" à la presse par les
conseillers du "Chateau", via des confidences savamment distillées.
Ce couac entre le chef de l'Etat et le n°2 du gouvernement - le
premier ministre étant particulièrement transparent dans cette affaire
- met en évidence, un nouvelle fois, la méthode de gouvernement très
personnelle qui est celle de M. Sarkozy.
Dans l'affaire libyenne déjà, le ministre des Affaires étrangères
avait pris ombrage du rôle joué auprès du président par le philosophe
Bernard-Henri Levy. Il rongeait son frein. Cette fois, il a lché les
chevaux.
Interview France 2 Bordeaux, 23 décembre2011
http://www.francetv.fr/2012/crise-franco-turque-juppe-soppose-a-sarkozy-24361
From: Baghdasarian
23 dec 2011
Loi "mémorielle" : Alain Juppé exprime ouvertement son désaccord avec
Nicolas Sarkozy
Olivier Biffaud
La crise diplomatique franco-turque provoquée par le vote d'un texte
de loi réprimant la négation du génocide arménien a entraîné les
premières crispations publiques au sein du gouvernement. Alain Juppé a
pris ses distances avec Nicolas Sarkozy.
Le feu couvait depuis deux jours. Depuis plus longtemps, sans doute,
sans que personne ne le remarque. Il s'est déclaré, ouvertement,
vendredi 23 décembre. Au point, peut-être, de gcher les fêtes de fin
d'année de Nicolas Sarkozy.
De quoi s'agit-il ? Du coup de sang, froid et mesuré, du ministre des
Affaires étrangères sur l'affaire de la loi réprimant la négation des
génocides. Et, en particulier, le génocide des Arméniens perpétré par
les Turcs en 1915. Un massacre dont la réalité et l'existence ont
toujours été niées par les autorités d'Ankara.
Cette proposition de loi présentée par la députée (UMP,
Bouches-du-Rhône) Valérie Boyer a été votée, à mains levée, jeudi 22
décembre, par les députés. Son adoption a immédiatement provoqué l'ire
du premier ministre, Recep Erdogan. Rappel de l'ambassadeur de Turquie
à Paris, gel des relations militaires, menaces de rétorsions
économiques n'ont été que le hors d'oeuvre de cette fureur.
Le "génocide" commis par la France en Algérie
M. Erdogan s'en est pris directement à M. Sarkozy lui signifiant qu'il
ferait mieux de s'occuper de ses affaires et, en particulier, du
"génocide" commis, selon lui, par La France en Algérie entre 1945 et
1962. "Si le président français, M. Sarkozy, ne sait pas qu'il y a eu
un génocide, il peut demander à son père Pal Sarkozy (...) qui a été
légionnaire en Algérie dans les années 1940", a-t-il lancé.
"Je ne suis jamais allé en Algérie, je n'ai pas dépassé Marseille. Et
j'étais pendant quatre mois à la légion!", a rétorqué Pal Sarkozy sur
BFMTV.
De Prague, où il assistait aux obsèques de Vaclav Havel, le président
de la République a tenté de calmer le jeu.
"Je respecte les convictions de nos amis Turcs, c'est un grand pays,
une grande civilisation, ils doivent respecter les nôtres", a déclaré
M. Sarkozy. "La France ne donne de leçons à personne, mais la France
n'entend pas en recevoir", a-t-il dit également.
"Cette initiative n'était pas opportune"
Son de cloche très différent à Bordeaux où se trouvait, vendredi, M.
Juppé. "Je pense que cette initiative [dépôt et vote de la loi
réprimant la négation des génocides] n'était pas opportune, mais le
Parlement a voté. (...) Essayons maintenant de reprendre des relations
apaisées. Ce sera difficile, j'en ai conscience, mais le temps fera
son oeuvre", a déclaré, un tantinet agacé, le chef de la diplomatie
française.
La position de M. Juppé est donc diamétralement opposée à celle de M.
Sarkozy qui a mis toute son autorité dans la balance pour que ce texte
- c'était un de ses engagements de la campagne présidentielle de 2007
à l'égard de la communauté arménienne de France, réitéré plus tard à
Erevan, capitale de l'Arménie - soit adopté par les députés.
En effet, s'agissant d'une proposition de loi, elle aurait pu
normalement être examinée dans la plage hebdomadaire dont l'ordre du
jour dépend de l'Assemblée nationale.
"Useless and counterproductive"
Or, elle a été reprise à son compte par le gouvernement qui l'a
inscrite dans l'ordre du jour dont il a la maîtrise deux semaines par
mois.
Selon certaines indiscrétions, cette inscription a donné lieu à un
débat informel un peu rugueux lors du conseil des ministres du 14
décembre. M. Juppé a marqué son désaccord avec le chef de l'Etat qui
se faisait l'ardent défenseur de ce texte pour qu'il soit examiné au
plus vite par les députés.
Le ministre des Affaires étrangères préssentait que ce vote allait
ouvrir une crise diplomatique entre la France et la Turquie. Il s'en
était même indirectement ouvert à des correspondants de la presse
étrangère lors d'un petit-déjeuner, le jour même du vote à
l'Assemblée. Il parlait alors de loi "inutile et contre-productive".
La "démagogie électoraliste"
Mais la préoccupation du chef de l'Etat était toute autre : ménager,
pour ne pas dire plus, la communauté arménienne de France - un
demi-million de personnes - dont les voix ne seront peut-être pas
inutiles lors de l'élection présidentielle.
Beaucoup le pensent mais peu ont osé l'exprimer publiquement comme les
centristes Dominique Paillé et Hervé de Charette, qui ont dénoncé la
"démagogie électoraliste" entretenue, via ce texte, par l'Elysée.
Cette sortie, à peine diplomatique, de M. Juppé jette une ombre sur le
tableau des relations idyliques "vendu" à la presse par les
conseillers du "Chateau", via des confidences savamment distillées.
Ce couac entre le chef de l'Etat et le n°2 du gouvernement - le
premier ministre étant particulièrement transparent dans cette affaire
- met en évidence, un nouvelle fois, la méthode de gouvernement très
personnelle qui est celle de M. Sarkozy.
Dans l'affaire libyenne déjà, le ministre des Affaires étrangères
avait pris ombrage du rôle joué auprès du président par le philosophe
Bernard-Henri Levy. Il rongeait son frein. Cette fois, il a lché les
chevaux.
Interview France 2 Bordeaux, 23 décembre2011
http://www.francetv.fr/2012/crise-franco-turque-juppe-soppose-a-sarkozy-24361
From: Baghdasarian