Paris Match, France
23 dec 2011
France-Turquie: Le divorce
La France et la Turquie ont scellé leur rupture à cause de leur
différend persistant sur le génocide arménien. Le Premier ministre
turc, Recep Tayyip Erdogan, a rappelé son ambassadeur à Paris, estimé
que la France avait commis «un génocide» en Algérie, et n'exclut pas
des sanctions économique pour protester contre l'adoption, par
l'Assemblée, d'une loi sanctionnant le négationnisme.
Marie Desnos - Parismatch.com
6 Réactions Tweet
Soulignant qu'«on estime que 15% de la population algérienne a été
massacrée par les Français à partir de 1945», le Premier ministre turc
Recep Tayyip Erdogan, Sarkozy a estimé vendredi que la France avait
commis «un génocide» en Algérie. Cette phrase, prononcée en
représailles à l'adoption, jeudi, d'une proposition de loi visant à
pénaliser la négation des génocides, a sonné le glas de ce qu'il
restait des liens franco-turcs. La rupture est officielle. Jeudi,
Ankara avait déjà rappelé son ambassadeur à Paris. Tahsin Burcuoglu a
quitté l'Hexagone ce vendredi matin. Il est rentré «pour
consultations», a précisé le porte-parole de la représentation
diplomatique Engin Solakoglu. «Il a pris avec sa famille le vol de
07h40», et sera en Turquie dans l'après-midi. Erdogan a en outre
ordonné la suspension des visites bilatérales, et ajouté que «les
exercices militaires communs avec la France et toutes les activités
militaires avec ce pays avaient été annulés» en signe de protestation,
rapporte Reuters. Les autorités turques menacent aussi la France de
sanctions économiques. Paris «regrette» les décisions de la Turquie, a
déclaré dans la soirée le ministre des Affaires étrangères. Alain
Juppé a appelé Ankara à ne pas «surréagir».
Mais le sujet est plus que sensible, et la discorde ne date pas d'hier
entre les deux pays. Depuis 2001, la France reconnaît légalement le
génocide arménien. Le président français a prévenu plusieurs fois
Ankara, sur le fait que si elle n'en faisait pas autant, il ferait
adopter une loi sanctionnant le négationnisme. Ce à quoi les Turcs ont
à chaque fois rétorqué qu'une telle mesure aurait des conséquences
irréversibles sur leurs relations, et ce quel que soit le domaine -
politique, économique, culturel etc. Malgré tout, Paris est allé plus
loin hier. Par un vote à main levée, l'Assemblée nationale a adopté
jeudi en première lecture, par un vote à main levée, la proposition de
loi déposée par la députée UMP des Bouches-du-Rhône Valérie Boyer
(vice-présidente du groupe d'amitié France-Arménie), sanctionnant le
négationnisme. «Seront punis des peines prévues par le sixième alinéa
de l'article 24 - (jusqu'à un an d'emprisonnement et 45 000 euros,
Ndlr) - ceux qui auront fait l'apologie, la négation ou la
banalisation grossière publiques des crimes de génocide, crimes contre
l'humanité et crimes de guerre, tels qu'ils sont définis de façon non
exclusive (...) et qui auront fait l'objet d'une reconnaissance par la
loi, une convention internationale signée et ratifiée par la France
(...), ou qualifiés comme tels par une juridiction française, rendue
exécutoire en France», dispose le texte. La proposition de loi, qui
visait dans une première version la négation du seul génocide
arménien, a donc été élargie pour s'appliquer à tous les génocides
reconnus par la loi. A noter qu'il doit encore être validé par le
Sénat. Ce qui n'est pas chose faite.
Un enjeu électoral
En effet, l'Assemblée nationale avait déjà voté une proposition de loi
PS identique à celle d'aujourd'hui en octobre 2006 -sous la précédente
législature. Mais cinq ans plus tard, en mai dernier, le Sénat, alors
majoritairement à droite, l'a rejetée. Pour le Premier ministre turc,
comme pour certains politiques français, notamment François Hollande,
ce n'est toutefois pas un hasard si Nicolas Sarkozy se saisit de
nouveau du dossier maintenant. «Pourquoi a-t-on perdu cinq ans et
pourquoi le président de la République se réveille-t-il à la fin de
son mandat? Poser la question c'est y répondre», a déclaré le candidat
socialiste à la présidentielle de 2012. «C'est une opération
électorale et je pense que c'est dommage, car ça ne satisfera pas les
Arméniens (...) et ça amène une crise avec la Turquie qui arrive à un
moment qui n'est pas forcément opportun», a-t-il ajouté en marge de la
visite d'une librairie à Paris. «Il y a une compétition, entre la
droite et la gauche pour savoir qui va récupérer les voix des
Arméniens», a également reconnu le député UMP de Paris Bernard Debré
sur Europe 1 ce vendredi. Gérard Larcher, ancien président UMP du
Sénat, avait pour sa part prévenu mercredi qu'il ne voterait pas,
jugeant que ce domaine «mémoriel» ne retournait pas des politiques.
«Laissons aux historiens le soin de déterminer ce qu'a été la réalité
de l'histoire», a lancé le sénateur des Yvelines. La diaspora
arménienne, qui compte quelque 500 000 personnes en France, aura en
tout cas un poids non négligeable au prochain scrutin.
Selon les Nations unies, les massacres d'Arméniens par les Ottomans
-sur le territoire actuel de la Turquie-, au début de la Première
Guerre mondiale, ont fait environ 1,5 million de victimes, soit plus
des deux tiers de la population arménienne qui y vivaient à l'époque.
Si Ankara reconnaît le massacre de chrétiens arméniens par les
Ottomans, elle dément le nombre de victimes, surévalué selon elle. En
outre, elle estime que de nombreux Turcs musulmans et Kurdes ont
également été tués lors de l'invasion des troupes russes en Anatolie
orientale, parfois avec l'aide de milices arméniennes.
http://www.parismatch.com/Actu-Match/Politique/Actu/France-Turquie-Le-divorce-367198/
23 dec 2011
France-Turquie: Le divorce
La France et la Turquie ont scellé leur rupture à cause de leur
différend persistant sur le génocide arménien. Le Premier ministre
turc, Recep Tayyip Erdogan, a rappelé son ambassadeur à Paris, estimé
que la France avait commis «un génocide» en Algérie, et n'exclut pas
des sanctions économique pour protester contre l'adoption, par
l'Assemblée, d'une loi sanctionnant le négationnisme.
Marie Desnos - Parismatch.com
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Soulignant qu'«on estime que 15% de la population algérienne a été
massacrée par les Français à partir de 1945», le Premier ministre turc
Recep Tayyip Erdogan, Sarkozy a estimé vendredi que la France avait
commis «un génocide» en Algérie. Cette phrase, prononcée en
représailles à l'adoption, jeudi, d'une proposition de loi visant à
pénaliser la négation des génocides, a sonné le glas de ce qu'il
restait des liens franco-turcs. La rupture est officielle. Jeudi,
Ankara avait déjà rappelé son ambassadeur à Paris. Tahsin Burcuoglu a
quitté l'Hexagone ce vendredi matin. Il est rentré «pour
consultations», a précisé le porte-parole de la représentation
diplomatique Engin Solakoglu. «Il a pris avec sa famille le vol de
07h40», et sera en Turquie dans l'après-midi. Erdogan a en outre
ordonné la suspension des visites bilatérales, et ajouté que «les
exercices militaires communs avec la France et toutes les activités
militaires avec ce pays avaient été annulés» en signe de protestation,
rapporte Reuters. Les autorités turques menacent aussi la France de
sanctions économiques. Paris «regrette» les décisions de la Turquie, a
déclaré dans la soirée le ministre des Affaires étrangères. Alain
Juppé a appelé Ankara à ne pas «surréagir».
Mais le sujet est plus que sensible, et la discorde ne date pas d'hier
entre les deux pays. Depuis 2001, la France reconnaît légalement le
génocide arménien. Le président français a prévenu plusieurs fois
Ankara, sur le fait que si elle n'en faisait pas autant, il ferait
adopter une loi sanctionnant le négationnisme. Ce à quoi les Turcs ont
à chaque fois rétorqué qu'une telle mesure aurait des conséquences
irréversibles sur leurs relations, et ce quel que soit le domaine -
politique, économique, culturel etc. Malgré tout, Paris est allé plus
loin hier. Par un vote à main levée, l'Assemblée nationale a adopté
jeudi en première lecture, par un vote à main levée, la proposition de
loi déposée par la députée UMP des Bouches-du-Rhône Valérie Boyer
(vice-présidente du groupe d'amitié France-Arménie), sanctionnant le
négationnisme. «Seront punis des peines prévues par le sixième alinéa
de l'article 24 - (jusqu'à un an d'emprisonnement et 45 000 euros,
Ndlr) - ceux qui auront fait l'apologie, la négation ou la
banalisation grossière publiques des crimes de génocide, crimes contre
l'humanité et crimes de guerre, tels qu'ils sont définis de façon non
exclusive (...) et qui auront fait l'objet d'une reconnaissance par la
loi, une convention internationale signée et ratifiée par la France
(...), ou qualifiés comme tels par une juridiction française, rendue
exécutoire en France», dispose le texte. La proposition de loi, qui
visait dans une première version la négation du seul génocide
arménien, a donc été élargie pour s'appliquer à tous les génocides
reconnus par la loi. A noter qu'il doit encore être validé par le
Sénat. Ce qui n'est pas chose faite.
Un enjeu électoral
En effet, l'Assemblée nationale avait déjà voté une proposition de loi
PS identique à celle d'aujourd'hui en octobre 2006 -sous la précédente
législature. Mais cinq ans plus tard, en mai dernier, le Sénat, alors
majoritairement à droite, l'a rejetée. Pour le Premier ministre turc,
comme pour certains politiques français, notamment François Hollande,
ce n'est toutefois pas un hasard si Nicolas Sarkozy se saisit de
nouveau du dossier maintenant. «Pourquoi a-t-on perdu cinq ans et
pourquoi le président de la République se réveille-t-il à la fin de
son mandat? Poser la question c'est y répondre», a déclaré le candidat
socialiste à la présidentielle de 2012. «C'est une opération
électorale et je pense que c'est dommage, car ça ne satisfera pas les
Arméniens (...) et ça amène une crise avec la Turquie qui arrive à un
moment qui n'est pas forcément opportun», a-t-il ajouté en marge de la
visite d'une librairie à Paris. «Il y a une compétition, entre la
droite et la gauche pour savoir qui va récupérer les voix des
Arméniens», a également reconnu le député UMP de Paris Bernard Debré
sur Europe 1 ce vendredi. Gérard Larcher, ancien président UMP du
Sénat, avait pour sa part prévenu mercredi qu'il ne voterait pas,
jugeant que ce domaine «mémoriel» ne retournait pas des politiques.
«Laissons aux historiens le soin de déterminer ce qu'a été la réalité
de l'histoire», a lancé le sénateur des Yvelines. La diaspora
arménienne, qui compte quelque 500 000 personnes en France, aura en
tout cas un poids non négligeable au prochain scrutin.
Selon les Nations unies, les massacres d'Arméniens par les Ottomans
-sur le territoire actuel de la Turquie-, au début de la Première
Guerre mondiale, ont fait environ 1,5 million de victimes, soit plus
des deux tiers de la population arménienne qui y vivaient à l'époque.
Si Ankara reconnaît le massacre de chrétiens arméniens par les
Ottomans, elle dément le nombre de victimes, surévalué selon elle. En
outre, elle estime que de nombreux Turcs musulmans et Kurdes ont
également été tués lors de l'invasion des troupes russes en Anatolie
orientale, parfois avec l'aide de milices arméniennes.
http://www.parismatch.com/Actu-Match/Politique/Actu/France-Turquie-Le-divorce-367198/