cafebabel.fr, France
23 dec 2011
Négation du génocide arménien : tête de Turc ?
Cocorico! L'Assemblée nationale française a voté hier une loi visant à
pénaliser la négation des génocides. Mais jusqu'à quel point cette loi
est-elle pavée de bonnes intentions?
OPINION
Partager .En fouillant dans son programme de campagne 2007, Nicolas
Sarkozy y a retrouvé une promesse bien embarrassante: reconnaitre
pénalement le génocide arménien de 1915. A quelques mois de la
présidentielle 2012, pas question de faire l'impasse sur le vote de la
communauté arménienne, estimée à 500 000 personnes, quitte à provoquer
l'ire du partenaire turc.
A quel point cette loi est-elle électoraliste?
Par négation de génocide, l'Assemblée compte indirectement viser les
héritiers de l'Empire Ottoman. L'autre génocide reconnu par l'État
français est celui perpétré contre les juifs durant la 2GM, et mis à
part Le Pen père, bien rares sont les voix niant l'existence d'un
génocide nazi. Depuis plusieurs jours, les hauts responsables turcs se
relayaient par voie de presse en vue d'amorcer un important lobbying
afin de suspendre la promulgation d'une telle loi, jugée
électoraliste. C'est raté : l'Assemblée nationale française a hier
approuvé à l'immense majorité la pénalisation du négationnisme de
génocide (le vote a été soutenu par tous les groupes parlementaires).
En guise de « représailles », la Turquie a déjà rappelé son
ambassadeur à Paris.
A quel point cette loi est-elle électoraliste ? Quel est l'intérêt de
la France, d'envenimer les tensions avec la Turquie dont le
partenariat économique, d'après le quotidien Libération daté du jeudi
22 décembre, se chiffre à 11,7 milliards d'euros en termes d'échanges
commerciaux ? Quelle est la stratégie de Paris vis-à-vis d'un allié de
poids dans la résolution du conflit syrien ?
Lors d'une commémoration du génocide en Arménie. | 2007J'entends déjà
les ardents défenseurs des droits de l'Homme crier au scandale. Il
faut certes mettre l'AKP (parti au pouvoir) face à ses responsabilités
devant l'Histoire, mais est-ce vraiment du ressort de l'État français
? En 2001, le Parlement français a déjà voté une loi reconnaissant le
génocide arménien, puis plus rien. D'après un cble diplomatique
révélé par Wikileaks en 2010, Jean David Levitte, le conseiller
diplomatique de Nicolas Sarkozy a, lors d'une visite à Ankara, indiqué
à ses interlocuteurs : « Sarkozy s'assurera que le projet de loi du
génocidie arménien meure au Sénat français. vComment, alors, ne pas
voir ce durcissement comme une man`uvre électoraliste?
Ah...pardon
Aux rares voix s'élevant pour dénoncer la politisation de l'Histoire,
on a répondu que la France se devait de s'élever contre le
négationnisme. Mais l'Histoire parlons-en justement. La Turquie n'est
pas le seul pays au passé chargé de crimes. En témoigne le refus d'une
majeure partie de la classe politique française de reconnaitre le
massacre des Algériens durant la guerre d'indépendance que ce soit en
France (commémoration des 50 ans du massacre du métro Charonne) ou en
Algérie (refus de reconnaitre les crimes de guerre de l'Armée
française). 50 ans plus tard, le sujet est toujours sensible, et
l'opinion publique divisée, sur la reconnaissance d'une faute de
l'État français. Là où les Historiens sont pourtant catégoriques. Et
l'Algérie n'est qu'un exemple
Le député UMP Michel Diefenbacher (également président du groupe
d'amitié Franco-Turque) dénonce l'ingérence d'un ton railleur: « Que
dirions-nous, nous Français, si un autre pays venait nous dire ce
qu'il faut penser du massacre des Vendéens sous la Convention et nous
menacer de sanctions si nous pensions autrement ? » Peut-être prend-il
le problème sous le mauvais angle. La France, en reconnaissant son
rôle dans certains épisodes sombres de son passé acquerrait la
légitimité nécessaire pour dénoncer les atteintes aux droits de
l'Homme.
Alors, chers défenseurs des droits de l'Homme, faisons pression pour
dénoncer le génocide arménien, quitte à être redondant. Mais faisons
pression pour dénoncer aussi le rôle de l'État français en Algérie
pour reprendre une place de choix parmi les pays pourfendeur de la
tyrannie. Comment? Ça ne rapporte pas de voix? Ah, pardon...
http://www.cafebabel.fr/article/39804/negation-des-genocides-tete-de-turc.html
23 dec 2011
Négation du génocide arménien : tête de Turc ?
Cocorico! L'Assemblée nationale française a voté hier une loi visant à
pénaliser la négation des génocides. Mais jusqu'à quel point cette loi
est-elle pavée de bonnes intentions?
OPINION
Partager .En fouillant dans son programme de campagne 2007, Nicolas
Sarkozy y a retrouvé une promesse bien embarrassante: reconnaitre
pénalement le génocide arménien de 1915. A quelques mois de la
présidentielle 2012, pas question de faire l'impasse sur le vote de la
communauté arménienne, estimée à 500 000 personnes, quitte à provoquer
l'ire du partenaire turc.
A quel point cette loi est-elle électoraliste?
Par négation de génocide, l'Assemblée compte indirectement viser les
héritiers de l'Empire Ottoman. L'autre génocide reconnu par l'État
français est celui perpétré contre les juifs durant la 2GM, et mis à
part Le Pen père, bien rares sont les voix niant l'existence d'un
génocide nazi. Depuis plusieurs jours, les hauts responsables turcs se
relayaient par voie de presse en vue d'amorcer un important lobbying
afin de suspendre la promulgation d'une telle loi, jugée
électoraliste. C'est raté : l'Assemblée nationale française a hier
approuvé à l'immense majorité la pénalisation du négationnisme de
génocide (le vote a été soutenu par tous les groupes parlementaires).
En guise de « représailles », la Turquie a déjà rappelé son
ambassadeur à Paris.
A quel point cette loi est-elle électoraliste ? Quel est l'intérêt de
la France, d'envenimer les tensions avec la Turquie dont le
partenariat économique, d'après le quotidien Libération daté du jeudi
22 décembre, se chiffre à 11,7 milliards d'euros en termes d'échanges
commerciaux ? Quelle est la stratégie de Paris vis-à-vis d'un allié de
poids dans la résolution du conflit syrien ?
Lors d'une commémoration du génocide en Arménie. | 2007J'entends déjà
les ardents défenseurs des droits de l'Homme crier au scandale. Il
faut certes mettre l'AKP (parti au pouvoir) face à ses responsabilités
devant l'Histoire, mais est-ce vraiment du ressort de l'État français
? En 2001, le Parlement français a déjà voté une loi reconnaissant le
génocide arménien, puis plus rien. D'après un cble diplomatique
révélé par Wikileaks en 2010, Jean David Levitte, le conseiller
diplomatique de Nicolas Sarkozy a, lors d'une visite à Ankara, indiqué
à ses interlocuteurs : « Sarkozy s'assurera que le projet de loi du
génocidie arménien meure au Sénat français. vComment, alors, ne pas
voir ce durcissement comme une man`uvre électoraliste?
Ah...pardon
Aux rares voix s'élevant pour dénoncer la politisation de l'Histoire,
on a répondu que la France se devait de s'élever contre le
négationnisme. Mais l'Histoire parlons-en justement. La Turquie n'est
pas le seul pays au passé chargé de crimes. En témoigne le refus d'une
majeure partie de la classe politique française de reconnaitre le
massacre des Algériens durant la guerre d'indépendance que ce soit en
France (commémoration des 50 ans du massacre du métro Charonne) ou en
Algérie (refus de reconnaitre les crimes de guerre de l'Armée
française). 50 ans plus tard, le sujet est toujours sensible, et
l'opinion publique divisée, sur la reconnaissance d'une faute de
l'État français. Là où les Historiens sont pourtant catégoriques. Et
l'Algérie n'est qu'un exemple
Le député UMP Michel Diefenbacher (également président du groupe
d'amitié Franco-Turque) dénonce l'ingérence d'un ton railleur: « Que
dirions-nous, nous Français, si un autre pays venait nous dire ce
qu'il faut penser du massacre des Vendéens sous la Convention et nous
menacer de sanctions si nous pensions autrement ? » Peut-être prend-il
le problème sous le mauvais angle. La France, en reconnaissant son
rôle dans certains épisodes sombres de son passé acquerrait la
légitimité nécessaire pour dénoncer les atteintes aux droits de
l'Homme.
Alors, chers défenseurs des droits de l'Homme, faisons pression pour
dénoncer le génocide arménien, quitte à être redondant. Mais faisons
pression pour dénoncer aussi le rôle de l'État français en Algérie
pour reprendre une place de choix parmi les pays pourfendeur de la
tyrannie. Comment? Ça ne rapporte pas de voix? Ah, pardon...
http://www.cafebabel.fr/article/39804/negation-des-genocides-tete-de-turc.html