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Génocide Arménien: Les politiques dictent l'Histoire

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    L'Expression, France
    23 dec 2011

    GÉNOCIDE ARMÉNIEN: Les politiques dictent l'Histoire


    «Ces guerres. Un moment dans l'histoire des hommes où la bêtise se
    fait plus grande, où une partie de l'humanité refait son plein de
    vertus guerrières pendant que l'autre dénonce les génocides.» Paul Ohl

    Jeudi 22 décembre 2011, dix ans après une première loi initiée par la
    gauche française, les députés de droite criminalisent le déni de
    génocide arménien. Le texte initial visait à sanctionner «la
    contestation du génocide arménien». Il a été modifié le 7 décembre
    pour s'étendre à «la contestation de l'existence des génocides
    reconnus par la loi». Il prévoit de punir la négation d'un génocide
    d'un an d'emprisonnement, d'une amende de 45 000 euros ou des deux. Il
    ne désigne pas nommément le génocide turc, mais l'autre génocide
    reconnu par la France est déjà protégé par la loi Gayssot, véritable
    chape de plomb qui sacralise les crimes de masse nazis à l'endroit des
    juifs. La gauche a voté pour mais a dénoncé, hypocritement une
    instrumentalisation du vote de la droite pour s'attirer les faveurs
    des 600.000 Arméniens, étant entendu que les 500.000 Français
    d'origine turque ne sont pas logés à la même enseigne, malgré leurs
    protestations. Pour Sinan, jeune Normand d'origine turque: «Ce qui
    nous choque, c'est qu'on veuille interdire la liberté d'expression. La
    Turquie est prête à discuter de ce génocide, mais en France, on ne
    laisse plus sa place au dialogue. Avec cette loi, on crée de la
    division entre les Turcs et les Arméniens qui, en France comme
    ailleurs, «s'entendent très bien. L'histoire ne doit pas servir la
    politique».

    Quelques petits rappels sur ce qui s'est passé en 1916
    Interrogé par les journalistes du Monde, sur son refus de reconnaître
    le génocide arménien, Bernard Lewis, professeur à Princeton, déclare:
    «(..) Vous voulez dire reconnaître la version arménienne de cette
    histoire? Il y avait un problème arménien pour les Turcs à cause de
    l'avance des Russes et d'une population anti-ottomane en Turquie, qui
    cherchait l'indépendance et qui sympathisait ouvertement avec les
    Russes venus du Caucase. Il y avait aussi des bandes arméniennes - les
    Arméniens se vantent des exploits héroïques de la résistance -, et les
    Turcs avaient certainement des problèmes de maintien de l'ordre en
    état de guerre. Pour les Turcs, il s'agissait de prendre des mesures
    punitives et préventives contre une population peu sûre dans une
    région menacée par une invasion étrangère. Pour les Arméniens, il
    s'agissait de libérer leur pays. Mais les deux camps s'accordent à
    reconnaître que la répression fut limitée géographiquement. Par
    exemple, elle n'affecta guère les Arméniens vivant ailleurs dans
    l'Empire ottoman. Nul doute que des choses terribles ont eu lieu, que
    de nombreux Arméniens - et aussi des Turcs - ont péri. Mais on ne
    connaîtra sans doute jamais les circonstances précises et les bilans
    des victimes. (...) Pendant leur déportation vers la Syrie, des
    centaines de milliers d'Arméniens sont morts de faim, de froid... Mais
    si l'on parle de génocide, cela implique qu'il y ait eu politique
    délibérée, une décision d'anéantir systématiquement la nation
    arménienne. Cela est fort douteux. Des documents turcs prouvent une
    volonté de déportation, pas d'extermination.(1)
    Pour Bernard Lewis, la vérité historique, l'honnêteté intellectuelle,
    et le devoir de mémoire auraient voulu que le souvenir des populations
    musulmanes d'Anatolie orientale massacrées par les Brigades de
    Volontaires Arméniens engagées dans les rangs des troupes tsaristes,
    soit également évoqué dans ce débat. Mais force est de constater que
    les Arméniens se gardent bien de parler des atrocités qu'ils ont
    commises à l'encontre des Turcs, et passent sous silence leur alliance
    avec la Russie contre l'Empire ottoman. Sur ce point précis, l'ouvrage
    de référence de la Turcologie française, «Histoire de l'Empire
    ottoman», est catégorique: «Il importe cependant de souligner que les
    communautés arméniennes ne sont pas les seules à avoir été laminées
    par le fléau de la guerre. Au printemps de 1915, l'armée tsariste
    s'est avancée dans la région du lac de Van, entraînant dans son
    sillage des bataillons de volontaires constitués d'Arméniens du
    Caucase et de Turquie. (...) Les statistiques de l'après-guerre font
    apparaître, pour chacune des provinces soumises à l'occupation russe
    et aux actes de vengeance des milices arméniennes, un important
    déficit démographique -totalisant plusieurs centaines de milliers
    d'mes- dû pour une bonne part aux massacres perpétrés par l'ennemi»
    («Histoire de l'Empire Ottoman» page 625). Mais si l'on parle de
    génocide, cela implique qu'il y ait eu politique délibérée, une
    décision d'anéantir systématiquement la nation arménienne. Cela est
    fort douteux. Des documents turcs prouvent une volonté de déportation,
    pas d'extermination.(2)
    Les Arméniens ne furent pas l'objet d'une campagne de haine comparable
    à ce que fut l'antisémitisme en Europe. La déportation, «quoique de
    grande ampleur», n'affecta pas les communautés d'Izmir et d'Istanbul.
    Les Ottomans avaient de solides raisons de se méfier des Arméniens qui
    voyaient dans les Russes «leurs libérateurs» et dont bon nombre
    s'enrôlèrent dans l'armée tsariste. La déportation était une pratique
    courante dans le système de répression ottoman. Sans doute ces
    massacres furent-ils «une horrible tragédie humaine», mais que dire
    des exactions commises par «des unités de volontaires arméniens» à
    l'encontre des populations musulmanes dans l'Est de la Turquie? «Il
    n'existe aucune preuve sérieuse d'une décision et d'un plan du
    gouvernement ottoman visant à exterminer la nation arménienne.» (sic)
    (3)
    Sur cette question de la planification, il a été établi, selon les
    turcologues français, que des historiens arméniens ont produit des
    faux documents pour étayer la thèse de l'intention préméditée et
    délibérée des massacres de 1915. Dans la très sérieuse «Histoire de
    l'Empire ottoman», il est fait état de ces faux documents (dits
    «d'Andonian»). Force est de constater, par ailleurs, que le terme
    «génocide» n'est pas une seule fois mentionné dans les pages de ce
    recueil consacrées aux événements de 1915-1916. (3)

    La protestation turque
    La Turquie, qui juge le texte inacceptable, a rappelé son ambassadeur
    en poste à Paris. Dans une lettre adressée la semaine dernière à
    Nicolas Sarkozy, le Premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan,
    prévenait des graves conséquences d'une telle législation sur les
    relations entre les deux pays, déjà compliquées par la candidature
    turque d'adhésion à l'Union européenne. ««Je veux dire clairement que
    de telles mesures auront de graves conséquences pour les relations
    futures entre la Turquie et la France sur les plans politique,
    économique, culturel et dans tous les autres domaines, et que la
    responsabilité en incomberait à ceux qui ont pris cette initiative»,
    poursuivait-il. «Ceux qui veulent étudier un génocide feraient mieux
    de se retourner sur leur passé et de se pencher sur leur propre
    histoire, sale et sanglante». «Si l'Assemblée nationale française veut
    s'intéresser à l'Histoire, qu'elle prenne la peine de s'enquérir sur
    les événements en Afrique, au Rwanda et en Algérie. «Qu'elle fasse des
    recherches pour savoir combien de personnes les soldats français ont
    tuées, comment ils les ont tuées et avec quelles méthodes inhumaines»,
    a ajouté le chef du gouvernement turc.
    On se souvient que ce sont les socialistes qui ont initié la
    proposition de loi «tendant à réprimer la contestation de l´existence
    du génocide arménien», repoussée le 18 mai 2001, a finalement été
    adoptée à une très large majorité des...129 (sur 577) députés
    présents. Le président de la République, le Premier ministre, le
    président de l´UDF, ont condamné cette initiative des députés sur le
    génocide arménien. La Convention européenne des droits de l´homme a
    jugé cette loi comme faisant «d´énormes dégts aux relations
    UE-Turquie et, au passage, aux relations turques avec l´Arménie».
    Pour rappel, dix-neuf personnalités, (notamment Alain Decaux, Marc
    Ferro, Jacques Julliard, Pierre Nora, Pierre Vidal-Naquet, Michel
    Winock) avaient demandé publiquement, le 13 décembre 2005, dans
    l´appel paru dans Libération, l´abrogation de la loi Gayssot qui punit
    ceux qui remettent en cause la Shoah. Les lois sur l'esclavage.
    «Toutes ces lois ont restreint la liberté de l´historien, lui ont dit,
    sous peine de sanctions, ce qu´il doit chercher et ce qu´il doit
    trouver, lui ont prescrit des méthodes et posé des limites. Ces lois
    sont indignes d´un régime démocratique.» (...) La France, n´est pas
    arménienne, il est vrai qu´elle n´était pas impliquée directement dans
    les massacres de 1915, bien que par sa politique impérialiste, elle a
    contribué au dépeçage de l´Empire ottoman et à l´exacerbation des
    tensions.(...)
    Pour les Arméniens de Turquie, premiers concernés: l´initiative
    française est une «imbécilité». «Ceux qui nuisent à la liberté
    d´expression en Turquie et ceux qui cherchent à lui nuire en France
    ont la même mentalité». Par réciprocité, des députés turcs ont
    débattu, sans conclure, d´un projet de loi visant à reconnaître un
    «génocide algérien» perpétré par la France, à l´époque de la
    colonisation. (...) Même le patriarche arménien de Turquie, Mesrob II,
    a critiqué l´adoption de la proposition de loi. Il a estimé que
    l´attitude de la France «sabotait» les efforts de dialogue entre les
    Turcs et les Arméniens. «Les Français, qui ont, dans le passé, placé
    divers obstacles sur la voie de la Turquie vers l´adhésion à l´Union
    européenne, ont, à présent, porté un coup sérieux au dialogue déjà
    limité entre la Turquie et l´Arménie.» (4)
    (...) Les Occidentaux ont souvent du mal à appréhender la complexité
    turque, c´est un pays véritablement revenu de loin, qui a failli
    disparaître, après avoir été au centre d´une des plus brillantes
    civilisations. En même temps, l´identité turque moderne, laïque et
    républicaine se double d´une mémoire orientale à la fois vantée et
    refoulée. La République turque refuse de reconnaître l´existence d´un
    «sözde ermeni soykýrýmý» (prétendu génocide arménien). Ce n´est pas à
    la Loi d´écrire l´Histoire.
    C´est une dérive que l´on constate dans les États soumis à des
    tentations totalitaires Alors que, selon Pierre Nora, «l´heure est à
    une dangereuse radicalisation de la mémoire et de son utilisation
    intéressée, abusive et perverse», «notre responsabilité de
    parlementaires est de ne pas alimenter dans les hémicycles et les
    prétoires, une guerre des mémoires déclenchée par des associations
    communautaristes qui se servent des lois mémorielles». (4)

    Liberté pour l'Histoire
    Justement à l'époque du vote de la première loi de 2001, Pierre Nora,
    membre de l'Académie française, l'historien Pierre Nora mettait en
    garde contre le projet de loi du PS. «Si ce projet passait, un seuil
    serait franchi. Après toutes les mises en garde contre les dangers des
    lois sur l'histoire, venues de tous les côtés, ce serait la porte
    ouverte à toutes les dérives. Un vrai défi. La tempête déclenchée, il
    y a quelques années en France, autour de Bernard Lewis relève du
    terrorisme intellectuel. (...) Or j'y insiste: en défendant la
    «liberté pour l'histoire», ce n'est pas notre «boutique» que nous
    défendons. Notre démarche n'est ni mandarinale ni corporatiste. C'est
    une question de bon sens, de raison, de liberté intellectuelle et
    d'intérêt national. L'emballement du législateur en matière mémorielle
    n'existe qu'en France sous cette forme. La fuite en avant risque
    d'être irréversible. En fondant «Liberté pour l'histoire», nous avions
    cru mettre un coup d'arrêt à cet emballement législatif. S'il passe,
    le verrouillage ici sera complet. Et cela, au moment même où la
    Turquie s'est engagée à reconnaître les conclusions scientifiques
    d'une commission paritaire d'historiens turcs et arméniens.
    Conclusion: il serait plus facile de discuter la question arménienne à
    Istanbul qu'à Paris. C'est un comble!» (5)
    Les risques sont grands pour un texte inutile. C'est l'avis de Pierre
    Beylau du journal le Point: «(...) La Turquie, membre de l'Otan, est
    aussi un pays-clé à la charnière de l'Europe et du Proche-Orient. Elle
    va enregistrer une croissance autour de 10% en 2011. Son marché
    intérieur (73 millions d'habitants) est considérable. La diplomatie
    turque joue désormais un rôle crucial dans le Monde arabe. Toute
    solution en Syrie passe inévitablement par Ankara. (...) Les crimes de
    l'histoire ont été innombrables: l'Holocauste nazi, les Khmers rouges,
    le stalinisme, les grands massacres de la Chine rouge. Et à l'occasion
    du cinquantième anniversaire de l'indépendance de l'Algérie, en
    juillet 1962, il y a fort à parier que des voix s'élèveront du côté
    d'Alger pour mettre la France au banc des accusés. Belle opération!»
    (6)
    Les relations entre Ankara et Paris sont déjà très tendues en raison
    du refus de la France de voir la Turquie adhérer à l'Union européenne.
    Les négociations ont commencé en 2005, mais de nombreux chapitres sont
    actuellement bloqués par Paris. Ce vote va élargir durablement le
    fossé entre les Turcs de France et les Arméniens de France, plus
    largement c'est l'islam qui est visé. Et donc la communauté musulmane
    de France qui y verra encore une fois le deux poids, deux mesures.
    Pourtant, justement, des génocides, l'Algérie en a connus, en ces
    temps- là il n'y avait pas un Raphaël Lemkin pour forger le mot en
    1946, l'attribuer exclusivement au génocide juif et en faire une
    marque déposée. L'Algérie a connu durant 132 ans un génocide au
    ralenti, Imaginons que dans la définition du mot génocide, il y ait
    mention de la volonté permanente et assidue de l´oppresseur
    d´éradiquer le vaincu sur une grande période, alors rentreraient dans
    cette appellation de génocide tous les crimes coloniaux et notamment,
    ceux commis en Algérie, les enfumades, les famines, les maladies
    imputables à l´invasion. Les statistiques montrent que la population
    en 1875 atteignait à peine la population d'avant l'invasion de 1830.
    Les massacres du 8 Mai 1945, et naturellement ceux du 17 Octobre 1961.
    Il faudra bien aussi que l'on parle de la réalité de la mort violente
    de plus d'un million de personnes pendant la guerre de la révolution.
    Pour avoir absout des tortionnaires, voire les panthéoniser comme cela
    sera, dit-on, le cas de Bigeard, les Algériens ne pourront pas faire
    le deuil de leur passé à moins que la France - à la veille du 50e
    anniversaire de l'indépendance - à l'instar des Américains qui ont
    regardé leur histoire vietnamienne en face, fasse le geste de
    reconnaissance qui permettra un nouveau départ dans la dignité
    retrouvée pour chacun.

    1. Bernard Lewis interview par J.P. Langellier, J.P. Peroncel-Hugoz Le
    Monde, 16.11.1993
    2. http://www.tetedeturc.com/home/spip.php?article14#06
    3. «Arméniens: Les explications de Bernard Lewis» (Le Monde, 1er janvier 1994)
    4. Chems Eddine Chitour
    http://www.lexpressiondz.com/chroniques/analyses_du_professeur_
    chitour/37711-Deux-religions,-deux-mesures.html
    5. Frederic Fritscher, Alexis Lacroix Pierre Nora évoque un
    'terrorisme intellectuel' en France autour de la question arménienne
    Le Figaro, 17 mai 2006
    6. http://www.lepoint.fr/monde/ou-va-le-monde-pierre-beylau/turquie-armenie-genocide-armenien-vive-la-demagogie-22-12-2011-1411290_231.php

    http://www.lexpressiondz.com/chroniques/analyses_du_professeur_chitour/145022-les-politiques-dictent-l-histoire.html


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