INDEPENDANCE DE LA PRESSE
Ara
amenews.com
jeudi 30 juin 2011
Camus ecrivait dans Combat du 31 août 1944, " Notre desir, d'autant
plus profond qu'il etait souvent muet, etait de liberer les journaux de
l'argent et de leur donner un ton et une verite qui mettent le public
a la hauteur de ce qu'il y a de meilleurs en lui. Nous pensions alors
qu'un pays vaut souvent ce que vaut sa presse. "
Cet editorial, publie dans un journal de la resistance au moment où
la France se liberait de l'occupation allemande, n'a rien perdu de
son actualite, ni de son universalite. A quelques encablures du 21
septembre 2011, où l'Armenie va celebrer avec faste sa renaissance,
il nous invite bien sûr a reflechir sur le concept d'independance,
a un moment où celle de la presse reste visiblement a conquerir. Au
pays tout d'abord, avec une serie de procès intentes par les oligarques
contre differents titres, depuis Haygagan Jamanak, jusqu'a Yerkir.
Cette guerilla judiciaire, menee a la faveur de la nouvelle loi sur la
diffamation vise clairement a etouffer financièrement les journaux. En
attestent les dommages reclames par les plaignants.
Apparemment, l'idee qu'ils se font du prix de leur honneur bafoue par
quelques vilaines plumes est plus en rapport avec leur propre compte
en banque qu'avec les maigres recettes de nos quotidiens. Le dram
symbolique qui laverait l'affront ne semble visiblement pas pour eux
de rigueur. Il leur faut la peau de ceux qui ont ose les braver. Cette
morgue pourrait s'averer fatale aux petits titres de notre presse,
qui, pour etre parfois maladroits au point de preter le flanc a ce
type de menaces, n'en constituent pas moins un rouage indispensable
de la vie democratique. Leur liberte est un paramètre de celle du pays.
En la fragilisant, c'est l'ensemble de la nation qu'on affaiblit. Les
juges devraient y reflechir avant de cogner.
Cette zone de turbulence ne se limite helas pas a l'Armenie. Le fleau
contamine la diaspora, et meme la France. Le tropisme de tout pouvoir
qui pense naturellement que la defense de ses interets passe par le
contrôle des medias s'alimente a loisir des phenomènes de cour. La
capacite d'influence, la promotion de l'image font parti de la
panoplie des postulants aux faveurs de l'Etat et autres papillons
de nuit attires par sa lumière. Et la presse constitue le terrain
de chasse privilegie de ces impetrants. L'affaire Yezeguelian est
archetypale de cette situation. Cet homme d'"affaires" en quete
apparente de notoriete multiplie les achats d'espaces dans les medias.
A ce titre, il apparaît pour ce secteur d'activite en recherche
permanente de fonds, en particulier en periode de crise, comme un bon
client. Les journaux ont besoin de pub et il prodigue ses largesses.
Jusque-la tout va bien. Et d'ailleurs, NAM a egalement en son temps
profite de cette offre. Le problème se corse quand se pose la question
politique du retour sur investissement de ce type de recettes. En
refusant un publi-reportage visant a assurer la promotion d'une
association de juristes presidee par ce personnage, alors que cette
structure, la FFAPJ, etait en conflit avec l'AFAJA, une association
d'avocats historique et legitime, NAM a prefere mecontenter un
annonceur plutôt que de se faire instrumentaliser. Rien d'heroïque a
cela. Simple respect de la deontologie minimum de la profession. Il
s'en est suivi une veritable declaration de guerre qui a pris la
forme d'une campagne de calomnies sur le net, d'une tentative de
corrompre ses societaires et de deux procès. Un pour expulser NAM de
ses locaux, dont Yezeguelian est actionnaire, l'autre en diffamation,
au motif d'un message diffuse sur le forum d'Armenews, en reparation
duquel le plaignant s'estimant vise reclame 50 000 euros de dommages.
Cette agression nous a valu de nombreux temoignages de solidarite,
tant de la part du bureau national du CCAF que de nombre de nos
confrères. Qu'il soit ici permis de souligner en particulier l'attitude
exemplaire d'Achrakh et d'Azad magazine, qui non seulement nous ont
exprime chaleureusement leur soutien, mais qui ont egalement resiste
aux tentatives de Yezeguelian d'acheter des espaces dans leur support,
estimant que ce type de propositions, pour benefique qu'elle puisse
etre a leur survie financière, pouvait dans ce contexte attenter a
leur... independance. Chapeau bas !
D'aucuns se sont montres moins scrupuleux, mais du moins ont-il eu
la pudeur de se taire sur cette affaire, afin d'eviter tout conflit
d'interets. Soit. Mais dans la dialectique du " souteneur " et des "
soutenus " d'autres se sont visiblement ranges dans la categorie de
ceux qui pensent qu'il faut se courber pour ramasser. On n'evoquera
pas ici les gesticulations hypocrites des responsables stipendies de
Noyan Tapan, un hebdo fait en Armenie et dont Yezeguelian assure les
frais de parution en France.
Mais que dire de l'attitude de Nor Haratch, piètre successeur de
son venerable modèle, qui s'est pique de traiter de ce conflit dans
des articles faisant le jeux de Yezegelian et ce tout en publiant
en parallèle ses annonces publicitaires. Quel que soit le jugement
qu'on peut porter sur ce coup de pied de l'âne a l'egard de Nouvelles
d'Armenie, l'absence d'ethique dont fait montre ce journal en armenien
laisse sans voix, quand bien meme ne faudrait-il l'imputer qu'a
l'inexperience de son redacteur en chef...
Mais le mal est helas plus profond. Il temoigne d'une lente derive
vers la diaspora des turpitudes les plus detestables du pouvoir de
l'argent dont on mesure avec effroi les ravages en Armenie. En France
la vie communautaire armenienne a connu bien des divisions et des
polemiques. Mais du moins jusqu'a il y a peu, les lignes de partage
se dessinaient-elles autour des convictions. On pouvait s'affronter,
parfois sterilement, mais c'etait toujours au nom d'ideaux. Les
activites pouvaient etre financees par des mecènes, mais ce sont eux
qui se mettaient au service des associations et non le contraire. Ce
code moral a-t-il vecu ?
From: A. Papazian
Ara
amenews.com
jeudi 30 juin 2011
Camus ecrivait dans Combat du 31 août 1944, " Notre desir, d'autant
plus profond qu'il etait souvent muet, etait de liberer les journaux de
l'argent et de leur donner un ton et une verite qui mettent le public
a la hauteur de ce qu'il y a de meilleurs en lui. Nous pensions alors
qu'un pays vaut souvent ce que vaut sa presse. "
Cet editorial, publie dans un journal de la resistance au moment où
la France se liberait de l'occupation allemande, n'a rien perdu de
son actualite, ni de son universalite. A quelques encablures du 21
septembre 2011, où l'Armenie va celebrer avec faste sa renaissance,
il nous invite bien sûr a reflechir sur le concept d'independance,
a un moment où celle de la presse reste visiblement a conquerir. Au
pays tout d'abord, avec une serie de procès intentes par les oligarques
contre differents titres, depuis Haygagan Jamanak, jusqu'a Yerkir.
Cette guerilla judiciaire, menee a la faveur de la nouvelle loi sur la
diffamation vise clairement a etouffer financièrement les journaux. En
attestent les dommages reclames par les plaignants.
Apparemment, l'idee qu'ils se font du prix de leur honneur bafoue par
quelques vilaines plumes est plus en rapport avec leur propre compte
en banque qu'avec les maigres recettes de nos quotidiens. Le dram
symbolique qui laverait l'affront ne semble visiblement pas pour eux
de rigueur. Il leur faut la peau de ceux qui ont ose les braver. Cette
morgue pourrait s'averer fatale aux petits titres de notre presse,
qui, pour etre parfois maladroits au point de preter le flanc a ce
type de menaces, n'en constituent pas moins un rouage indispensable
de la vie democratique. Leur liberte est un paramètre de celle du pays.
En la fragilisant, c'est l'ensemble de la nation qu'on affaiblit. Les
juges devraient y reflechir avant de cogner.
Cette zone de turbulence ne se limite helas pas a l'Armenie. Le fleau
contamine la diaspora, et meme la France. Le tropisme de tout pouvoir
qui pense naturellement que la defense de ses interets passe par le
contrôle des medias s'alimente a loisir des phenomènes de cour. La
capacite d'influence, la promotion de l'image font parti de la
panoplie des postulants aux faveurs de l'Etat et autres papillons
de nuit attires par sa lumière. Et la presse constitue le terrain
de chasse privilegie de ces impetrants. L'affaire Yezeguelian est
archetypale de cette situation. Cet homme d'"affaires" en quete
apparente de notoriete multiplie les achats d'espaces dans les medias.
A ce titre, il apparaît pour ce secteur d'activite en recherche
permanente de fonds, en particulier en periode de crise, comme un bon
client. Les journaux ont besoin de pub et il prodigue ses largesses.
Jusque-la tout va bien. Et d'ailleurs, NAM a egalement en son temps
profite de cette offre. Le problème se corse quand se pose la question
politique du retour sur investissement de ce type de recettes. En
refusant un publi-reportage visant a assurer la promotion d'une
association de juristes presidee par ce personnage, alors que cette
structure, la FFAPJ, etait en conflit avec l'AFAJA, une association
d'avocats historique et legitime, NAM a prefere mecontenter un
annonceur plutôt que de se faire instrumentaliser. Rien d'heroïque a
cela. Simple respect de la deontologie minimum de la profession. Il
s'en est suivi une veritable declaration de guerre qui a pris la
forme d'une campagne de calomnies sur le net, d'une tentative de
corrompre ses societaires et de deux procès. Un pour expulser NAM de
ses locaux, dont Yezeguelian est actionnaire, l'autre en diffamation,
au motif d'un message diffuse sur le forum d'Armenews, en reparation
duquel le plaignant s'estimant vise reclame 50 000 euros de dommages.
Cette agression nous a valu de nombreux temoignages de solidarite,
tant de la part du bureau national du CCAF que de nombre de nos
confrères. Qu'il soit ici permis de souligner en particulier l'attitude
exemplaire d'Achrakh et d'Azad magazine, qui non seulement nous ont
exprime chaleureusement leur soutien, mais qui ont egalement resiste
aux tentatives de Yezeguelian d'acheter des espaces dans leur support,
estimant que ce type de propositions, pour benefique qu'elle puisse
etre a leur survie financière, pouvait dans ce contexte attenter a
leur... independance. Chapeau bas !
D'aucuns se sont montres moins scrupuleux, mais du moins ont-il eu
la pudeur de se taire sur cette affaire, afin d'eviter tout conflit
d'interets. Soit. Mais dans la dialectique du " souteneur " et des "
soutenus " d'autres se sont visiblement ranges dans la categorie de
ceux qui pensent qu'il faut se courber pour ramasser. On n'evoquera
pas ici les gesticulations hypocrites des responsables stipendies de
Noyan Tapan, un hebdo fait en Armenie et dont Yezeguelian assure les
frais de parution en France.
Mais que dire de l'attitude de Nor Haratch, piètre successeur de
son venerable modèle, qui s'est pique de traiter de ce conflit dans
des articles faisant le jeux de Yezegelian et ce tout en publiant
en parallèle ses annonces publicitaires. Quel que soit le jugement
qu'on peut porter sur ce coup de pied de l'âne a l'egard de Nouvelles
d'Armenie, l'absence d'ethique dont fait montre ce journal en armenien
laisse sans voix, quand bien meme ne faudrait-il l'imputer qu'a
l'inexperience de son redacteur en chef...
Mais le mal est helas plus profond. Il temoigne d'une lente derive
vers la diaspora des turpitudes les plus detestables du pouvoir de
l'argent dont on mesure avec effroi les ravages en Armenie. En France
la vie communautaire armenienne a connu bien des divisions et des
polemiques. Mais du moins jusqu'a il y a peu, les lignes de partage
se dessinaient-elles autour des convictions. On pouvait s'affronter,
parfois sterilement, mais c'etait toujours au nom d'ideaux. Les
activites pouvaient etre financees par des mecènes, mais ce sont eux
qui se mettaient au service des associations et non le contraire. Ce
code moral a-t-il vecu ?
From: A. Papazian