ISRAEL
Histoires des Patriarches Arméniens de Jérusalem par Arthur Agopian
Une histoire réellement complète, fondée sur les annales des Arméniens
de Jérusalem, attend toujours d'être écrite. C'est tout à fait injuste
quand on sait l'intérêt que les chercheurs pourraient y trouver.
Les Arméniens vivent à Jérusalem sans interruption depuis deux mille
ans, ils s'y trouvaient avant même leur conversion à la Chrétienté.
Quel que soit le point de vue duquel on se place, cette présence est
déjà en elle-même toute une histoire.
Et si l'histoire de cette communauté n'est toujours pas écrite,
l'histoire d'une colonie vivace d'artistes, d'artisans et autres
esprits novateurs reconnus, même si la plupart de ses membres est
dispersée aux quatre coins du monde, ce n'est pas faute d'avoir le
savoir-faire ou les compétences nécessaires. La liste de leurs talents
est longue et recouvre tous les aspects de l'activité humaine.
L'inertie des littérateurs arméniens n'est pas en cause non plus.
Cette histoire n'est toujours pas écrite parce que les ancêtres des
Arméniens de Jérusalem n'ont laissé à leurs successeurs qu'un aperçu
de leur histoire, constitué de peu de documents et de ressources
fiables pour les exploiter.
N'oublions pas que l'ensemble du Moyen-Orient a subi au cours des
siècles beaucoup d'événements, et que la première préoccupation des
Arméniens de la ville a toujours été de lutter pour survivre.
Mais tout n'a pas été perdu.
Tournant nos regards vers l'histoire, avec gravité, nous pouvons
discerner dans l'ombre, de place en place, quelques sources
prometteuses de lumière, que le devoir d'historien a inspiré à des
auteurs comme Ormanian et Savalaniantz.
Leurs livres sont presque devenus des objets de vénération dans la
mesure où ils préservent pour la postérité des segments de l'histoire
des Arméniens de Jérusalem.
Il y a quelques années, le chercheur natif de Jérusalem Kévork
Hintlian s'était attché à combler les vides de l'histoire de son
peuple dans un livre pas très épais mais incisif "Histoire des
Arméniensde la Terre Sainte".
Cet ouvrage n'est malheureusement pas considéré et apprécié comme il
le devrait -il mériterait beaucoup mieux. Hintlian a été sollicité à
plusieurs reprises pour le compléter et en élargir la période.
Espérons que nous aurons à y revenir dans quelques temps.
Contrastant fortement avec l'ouvrage d'Hintlian de 80 pages, Haig
Krikorian résidant aux USA, vient juste de célébrer l'aboutissement
d'un travail de dix années en un gros pavé de 800 pages, paru sous le
titre "Vies et Epoques des Patriarches Arméniens de Jérusalem".
L'`uvre de Krikorian est un trésor achevé en temps opportun, plongée
dans les niches et les caves presque inacessibles d'archives
disparates pour encapsuler pour toujours les vicissitudes de l'Eglise
Arménienne de Jérusalem.
La nation arménienne a envers ce bénédictin de l'histoire une dette
incalculable de gratitude pour avoir sauvé de l'obscurité l'histoire
épique des dirigeants de l'Egilise Arménienne, à travers une chronique
détaillée qui couvre plus d'un millénaire et demi de la vie des
Pariarches Arméniens de Jérusalem.
Krikorian a la bonne fortune d'être un ami proche du Patriarche en
exercice Torkom Manoogian, ce qui lui a valu, en plus du soutien sans
faille du Patriarche Arménien, de voir s'ouvrir plusieurs portes et
avoir accès le premier à des enregistrements et des documents privés.
En dépit de nombreuses relectures, il ne lui a pas été possible d'en
diminuer le nombre de pages. Le style d'écriture fluide de Krikorian,
ses choix méticuleux de diction et de paraphrases, et l'absence de
tout maniérisme littéraire ou d'ostentation, fait de la lecture de ce
livre un délice.
Il y a plein de choses à raconter au lecteur. Quelques uns des faits
qu'il a découvert n'ont probablement jamais été révélés auparavant.
Combien d'Arméniens savent qu'Abraham (638-669), considéré par
beaucoup comme le premier Patriarche Arménien de Jérusalem, avait
parcouru à pied la route jusqu'à la Mecque, pour demander au prophète
Mahomet, protection pour ses ouailles ?
[bien qu'il soit impossible de déterminer le nombre exact des
Patriarches Arméniensd e Jérusalemen, leur nmbre varie de 75 à 100].
Krikorian s'est donné beaucoup de mal pour retracer les origines de la
présence arménienne en Terre Sainte, et en particulier à Jérusalem, et
tout en lisant, on réalise que l'histoire des Arméniens de Jérusalem
est en fait l'histoire de leur église, enchssée dans le Patriarcat de
Saint Jacques, avec sa grande cathédrale, et que leur histoire est
inévitablement liée à leur appartenance à la religion chrétienne.
Tandis qu'il passait en revue sa chronique, portant une atention
particulière pour les détails, l'auteur examinait les faits et méfaits
des membres sacerdotaux de la Fraternité de Saint Jacques, un épisode
qui provoquera sans aucun doute des haussements de sourcils : peu
d'Arméniens seront heureux d'assister au déballage de linge sale en
public.
Krikorian n'a aucune prédilection pour le camoufflage. Il insiste sur
le fait que l'Eglise Arménienne a survécu aux ravages du temps malgré
la menace permanente représentée par les querelles internes et la
corruption présentée par des ecclésiastiques inconscients qui
plaçaient leurs ambitions au-dessus des intérêts de l'Eglise.
Inévitablement, il y a le triste épisode des 25 manuscrits dérobés à
la fin des années 1940 et le combat pour leur restitution. La totalité
des 25 n'a pu être retrouvée. Trois manquent encore, attendant
peut-être dans le coffre-fort d'un collectionneur millionnaire. Nul ne
sait si il ou elle serait capable d'apprécier ces objets, ne serait-ce
qu'à la moitié de leur valeur.
Krikorian n'hésite pas non plus à pointer du doigt les tentatives
venues d'autres Chrétiens, en particulier les Grecs et les Latins,
pour exproprier les Arméniens hors de leur propriétés et soumettre
l'Eglise Arménienne.
On a dit des Arméniens qu'au cours de l'histoire, ils avaient
construit 500 monastères à l'intérieur et autour de Jérusalem.
Beaucoup sont à présent perdus - soit détruits, soit dépossédés, au
cours de guerres ou de man`uvres, et quelquefois par pure chicanerie
ou incompétence.
Ironiquement, tandis que les compagnons Chrétiens persécutaient les
Arméniens, leurs seigneurs non-chrétiens, en particulier musulmans,
semblent avoir vu cela d'un bon `il, leur prodigant droits et
privilèges dont ils ont bénéficié jusqu'à ce jour. Krikorian relève
que tout cela était fondé sur des considérations politiques, pour
nuire à leurs ennemis, loyaux et favorables à Byzance.
Krikorian, formé au séminaire théologique du Patriarcat de Jérusalem,
nous conduit dans son récit de voyage à travers les administrations
byzantines, arabes, croisées, mameloukes, turques, britanniques et
jordaniennes, jusqu'à la période actuelle du conflit
israèlo-palestinien.
A travers cette époque, grêlée de fréquentes violences et de
corruption endémique, les Arméniens ont continué à survivre et
prospérer, affinant leur savoir-faire dans le domaine des man`uvres
diplomatiques et politiciennes, parallèlement à leurs `uvres d'art et
d'artisanat.
C'est leur présence qui donne à Jérusalem son parfum unique et
contribue à l'idée que la ville est le centre du monde.
Arthur Agopian
Traduction Gilbert Béguian
dimanche 24 juillet 2011,
Sté[email protected]
Histoires des Patriarches Arméniens de Jérusalem par Arthur Agopian
Une histoire réellement complète, fondée sur les annales des Arméniens
de Jérusalem, attend toujours d'être écrite. C'est tout à fait injuste
quand on sait l'intérêt que les chercheurs pourraient y trouver.
Les Arméniens vivent à Jérusalem sans interruption depuis deux mille
ans, ils s'y trouvaient avant même leur conversion à la Chrétienté.
Quel que soit le point de vue duquel on se place, cette présence est
déjà en elle-même toute une histoire.
Et si l'histoire de cette communauté n'est toujours pas écrite,
l'histoire d'une colonie vivace d'artistes, d'artisans et autres
esprits novateurs reconnus, même si la plupart de ses membres est
dispersée aux quatre coins du monde, ce n'est pas faute d'avoir le
savoir-faire ou les compétences nécessaires. La liste de leurs talents
est longue et recouvre tous les aspects de l'activité humaine.
L'inertie des littérateurs arméniens n'est pas en cause non plus.
Cette histoire n'est toujours pas écrite parce que les ancêtres des
Arméniens de Jérusalem n'ont laissé à leurs successeurs qu'un aperçu
de leur histoire, constitué de peu de documents et de ressources
fiables pour les exploiter.
N'oublions pas que l'ensemble du Moyen-Orient a subi au cours des
siècles beaucoup d'événements, et que la première préoccupation des
Arméniens de la ville a toujours été de lutter pour survivre.
Mais tout n'a pas été perdu.
Tournant nos regards vers l'histoire, avec gravité, nous pouvons
discerner dans l'ombre, de place en place, quelques sources
prometteuses de lumière, que le devoir d'historien a inspiré à des
auteurs comme Ormanian et Savalaniantz.
Leurs livres sont presque devenus des objets de vénération dans la
mesure où ils préservent pour la postérité des segments de l'histoire
des Arméniens de Jérusalem.
Il y a quelques années, le chercheur natif de Jérusalem Kévork
Hintlian s'était attché à combler les vides de l'histoire de son
peuple dans un livre pas très épais mais incisif "Histoire des
Arméniensde la Terre Sainte".
Cet ouvrage n'est malheureusement pas considéré et apprécié comme il
le devrait -il mériterait beaucoup mieux. Hintlian a été sollicité à
plusieurs reprises pour le compléter et en élargir la période.
Espérons que nous aurons à y revenir dans quelques temps.
Contrastant fortement avec l'ouvrage d'Hintlian de 80 pages, Haig
Krikorian résidant aux USA, vient juste de célébrer l'aboutissement
d'un travail de dix années en un gros pavé de 800 pages, paru sous le
titre "Vies et Epoques des Patriarches Arméniens de Jérusalem".
L'`uvre de Krikorian est un trésor achevé en temps opportun, plongée
dans les niches et les caves presque inacessibles d'archives
disparates pour encapsuler pour toujours les vicissitudes de l'Eglise
Arménienne de Jérusalem.
La nation arménienne a envers ce bénédictin de l'histoire une dette
incalculable de gratitude pour avoir sauvé de l'obscurité l'histoire
épique des dirigeants de l'Egilise Arménienne, à travers une chronique
détaillée qui couvre plus d'un millénaire et demi de la vie des
Pariarches Arméniens de Jérusalem.
Krikorian a la bonne fortune d'être un ami proche du Patriarche en
exercice Torkom Manoogian, ce qui lui a valu, en plus du soutien sans
faille du Patriarche Arménien, de voir s'ouvrir plusieurs portes et
avoir accès le premier à des enregistrements et des documents privés.
En dépit de nombreuses relectures, il ne lui a pas été possible d'en
diminuer le nombre de pages. Le style d'écriture fluide de Krikorian,
ses choix méticuleux de diction et de paraphrases, et l'absence de
tout maniérisme littéraire ou d'ostentation, fait de la lecture de ce
livre un délice.
Il y a plein de choses à raconter au lecteur. Quelques uns des faits
qu'il a découvert n'ont probablement jamais été révélés auparavant.
Combien d'Arméniens savent qu'Abraham (638-669), considéré par
beaucoup comme le premier Patriarche Arménien de Jérusalem, avait
parcouru à pied la route jusqu'à la Mecque, pour demander au prophète
Mahomet, protection pour ses ouailles ?
[bien qu'il soit impossible de déterminer le nombre exact des
Patriarches Arméniensd e Jérusalemen, leur nmbre varie de 75 à 100].
Krikorian s'est donné beaucoup de mal pour retracer les origines de la
présence arménienne en Terre Sainte, et en particulier à Jérusalem, et
tout en lisant, on réalise que l'histoire des Arméniens de Jérusalem
est en fait l'histoire de leur église, enchssée dans le Patriarcat de
Saint Jacques, avec sa grande cathédrale, et que leur histoire est
inévitablement liée à leur appartenance à la religion chrétienne.
Tandis qu'il passait en revue sa chronique, portant une atention
particulière pour les détails, l'auteur examinait les faits et méfaits
des membres sacerdotaux de la Fraternité de Saint Jacques, un épisode
qui provoquera sans aucun doute des haussements de sourcils : peu
d'Arméniens seront heureux d'assister au déballage de linge sale en
public.
Krikorian n'a aucune prédilection pour le camoufflage. Il insiste sur
le fait que l'Eglise Arménienne a survécu aux ravages du temps malgré
la menace permanente représentée par les querelles internes et la
corruption présentée par des ecclésiastiques inconscients qui
plaçaient leurs ambitions au-dessus des intérêts de l'Eglise.
Inévitablement, il y a le triste épisode des 25 manuscrits dérobés à
la fin des années 1940 et le combat pour leur restitution. La totalité
des 25 n'a pu être retrouvée. Trois manquent encore, attendant
peut-être dans le coffre-fort d'un collectionneur millionnaire. Nul ne
sait si il ou elle serait capable d'apprécier ces objets, ne serait-ce
qu'à la moitié de leur valeur.
Krikorian n'hésite pas non plus à pointer du doigt les tentatives
venues d'autres Chrétiens, en particulier les Grecs et les Latins,
pour exproprier les Arméniens hors de leur propriétés et soumettre
l'Eglise Arménienne.
On a dit des Arméniens qu'au cours de l'histoire, ils avaient
construit 500 monastères à l'intérieur et autour de Jérusalem.
Beaucoup sont à présent perdus - soit détruits, soit dépossédés, au
cours de guerres ou de man`uvres, et quelquefois par pure chicanerie
ou incompétence.
Ironiquement, tandis que les compagnons Chrétiens persécutaient les
Arméniens, leurs seigneurs non-chrétiens, en particulier musulmans,
semblent avoir vu cela d'un bon `il, leur prodigant droits et
privilèges dont ils ont bénéficié jusqu'à ce jour. Krikorian relève
que tout cela était fondé sur des considérations politiques, pour
nuire à leurs ennemis, loyaux et favorables à Byzance.
Krikorian, formé au séminaire théologique du Patriarcat de Jérusalem,
nous conduit dans son récit de voyage à travers les administrations
byzantines, arabes, croisées, mameloukes, turques, britanniques et
jordaniennes, jusqu'à la période actuelle du conflit
israèlo-palestinien.
A travers cette époque, grêlée de fréquentes violences et de
corruption endémique, les Arméniens ont continué à survivre et
prospérer, affinant leur savoir-faire dans le domaine des man`uvres
diplomatiques et politiciennes, parallèlement à leurs `uvres d'art et
d'artisanat.
C'est leur présence qui donne à Jérusalem son parfum unique et
contribue à l'idée que la ville est le centre du monde.
Arthur Agopian
Traduction Gilbert Béguian
dimanche 24 juillet 2011,
Sté[email protected]