LE STATU-QUO EST POUR TOUS UNE SITUTATION GAGNANT-GAGNANT...
Jean Eckian
armenews.com
mardi 26 juillet 2011,
KARABAKH
Une analyse interessante d'un historien, directeur d'une organisation
independante apolitique et non-commerciale de Bakou, qui eclaire
la perception que se fait le peuple azerbaïdjanais de la situation
au Karabagh. Au moins dans la traduction de son propos en anglais,
son analyse de l'impact respectif des depenses militaires en Armenie
et en Azerbaïdjan n'est pas claire et c'est dommage : il commence en
declarant que personne n'est favorable a la reprise des hostilites,
mais signale par la suite un sondage selon lequel le pourcentage des
personnes favorables a une solution militaire du conflit est en très
nette augmentation (ah, les sondages...). Il n'est pas convaincant
lorsqu'il met a egalite la propagande azerie et celle du pouvoir
armenien. C'est un domaine où manifestement l'argent du petrole
donne a la partie azerie un monumental avantage. Les declarations a
la tribune du Senat en mai ou l'affaire de khatchkars de l'Unesco en
sont des indications recentes. On ne peut pas non plus laisser dire
que le monopole oligarchique et les violations des droits de l'homme
sont en Armenie au meme niveau qu'en Azerbaïdjan.
Il dit cependant qu'a Kazan, c'est l'Azerbaïdjan qui a torpille les
negociations. Mais il faut rendre tout de meme hommage a la liberte
de jugement dont fait preuve Arif Yunusov vis-a-vis du pouvoir de
l'Azerbaïdjan.
GB
Le Statu-quo est pour tous une situtation gagnant-gagnant, en
particulier pour les parties au conflit
Paru dans le n° 1265 d'Armenian Life Magazine
Interview de Arif Yunusov, Directeur du Departement des Conflits et
des Migrations a l'Institut pour la Paix et la Democratie (Bakou)
Par David Stepanian
Arminfo 14 juillet 2011
Dans l'une de vos recentes interview, vous exprimez votre desaccord
categorique avec les experts politique qui disent que le danger d'une
nouvelle guerre s'est accru après l'echec de la reunion de Kazan. Sur
quoi pensez vous que les parties pourront negocier alors que Bakou
refuse toute concession a propos des territoires ? Personne ne veut
la guerre pour le moment pour de nombreuses raisons objectives et
subjectives : ni les parties au conflit ni les pays mediateurs. Il
est difficile de dire ce qui se passera demain, mais personne ne veut
la guerre a present. En depit de la menace continuelle de guerre,
le statu quo est gagnant-gagnant pour tout le monde, specialement
pour les paries au conflit qui pensent que le temps joue en leur
faveur. La resolution du conflit doit etre basee sur l'idee d'un
compromis, mais il est necessaire de s'y resoudre.
En outre, l'idee d'un compromis est percue comme un moyen d'obtenir
le meilleur de l'autre partie, non comme une aspiration a faire
des concessions. Au cours des vingt dernières annees, a chaque
fois que les mediateurs ont propose un schema d'accord quel qu'il
soit (etape-par-etape, global, etat commun, principes de Paris,
et maintenant les principes de Madrid), l'une des parties s'y
est opposee et a rompu le processus des negociations. A Kazan,
c'est l'Azerbaïdjan qui a torpille les negociations. Il n'y a rien
d'etrange ou d'inhabituel dans le fait en lui-meme de la rupture
des negociations, ou plus precisement, dans le desaccord. Il n'est
pas exclu, a-t-il dit, que l'Armenie exprimera son desaccord la
prochaine fois.
Beaucoup, surtout en dehors de notre region, attendaient un progrès
decisif avant la reunion de Kazan et ont commence a predire la
signature d'un document important. De fait, ces personnes ont ressenti
a la suite de l'echec de Kazan une vive deception. Par contre,
ceux qui ont une approche plus realiste du processus de resolution
comprennent que ce qui s'est passe a Kazan n'est pas une tragedie.
C'est une situation normale et les negociations seront continuees
parce que la seule alternative aux negociations, c'est la guerre.
Il reste toujours deux options pour la resolution du conflit : si les
parties pensent que les principes actuels n'ont pas les vertus d'un
compromis et ne s'en satisfont pas (comme precedemment, pendant deux
decennies), alors s'amorce un nouveau processus. La seconde option
est que les discussions continuent sur la base des principes en cours.
C'est la seconde option qui reste encore en application. Les
dirigeants de Bakou pensent qu'il est necesaire de resoudre le
problème avec l'equipe des forces du maintien de la paix, en sorte,
plus exactement, de ne pas admettre la presence de troupes des pays
copresidents dans la region. S'il fallait traduire en langage clair
ce langage diplomatique, cela veut dire que l'Azerbaïdjan ne veut
pas la repetition de ce qui s'est produit avec la Georgie, où les
troupes de maintien de la paix se sont vite muees en prenant part au
conflit et finalement ont ete amenees a un rôle très eloigne des nobles
pratiques. Par consequent, l'Azerbaïdjan veut que l'accord mentionne
clairement l'inadmissibilite des troupes russes, alors que nous savons
bien que ni les Americains ni les Francais ne prendront une telle
initiative. Pour ce qui concerne la Russie, elle veut le retour de
ses troupes dans la region d'une facon ou d'une autre. L'Azerbaïdjan
essaie en meme temps de considerer specifiquement la question du
retour des territoires et de parvenir a une decision differente sur
la question de la region de Latchine. L'Azerbaïdjan pense que la
question du statut interimaire du Karabagh et celle de son statut
definitif n'ont pas ete encore abordees, il a dit et ajoute que ces
questions allaient etre negociees a partie de maintenant.
Les principes de base prevoient de donner un statut d'autonomie pour
le Karabagh, le retour d'une zone tampon sous contrôle Azerbaïdjanais,
la garantie de leur droit de retour aux refugies, un corridor securise
entre le Karabagh et l'Armenie, la creation d'une force internationale
de maintien de la paix. Pourquoi Bakou rejette-t-elle un tel schema
de règlement en depit du fait qu'au premier stade, c'est la partie
armenienne qui fait des concessions ? La problematique actuelle
oppose une solution d'ensemble a un plan etape par etape, alors que
meme si les parties acceptent une solution d' ensemble, leur mise en
application ne peut se faire que par etapes. C'est le cas non seulement
du problème du retour de certaines regions a l'Azerbaïdjan, mais aussi
par la suite de celui du statut final. En consequence, on ne devrait
pas dire qu'une partie fait des concessions alors que l'autre n'en fait
pas simplement parce que certains points sont laisses en suspens. Dès
que tous les principes sont convenus et que les Presidents armenien
et azerbaïdjanais auront signe un document avec les garanties claires
pilotees par les pays co-presidents, la mise en application etape par
etape de tous les principes pourra commencer. Personne n'aura alors
le droit de s'ecarter d'aucun de ces principes.
Les sondages d'opinion dans les societes revèlent que le premier
sujet d'inquietude dans la societe azerbaïdjanaise est le conflit du
Karabagh. Dans ce ce temps, les sondages en Armenie de ces dernières
annees montrent que le conflit du Karabagh est au troisième rang des
preoccupations des Armeniens, après la corruption et les problèmes
economiques. Pensez-vous que c'est la propagande anti-armenienne qui
explique une telle difference des resultats dans les deux pays ? La
propagande dirigee contre le pays voisin est la plus grande illusion
qui a cours dans les societes armenienne et azerbaIdjanaise. Chacune
des parties est certaine que tout dans son pays est bon, qu'elle est
tolerante, tandis que le pays voisin est tout a fait terrible, qu'
il mène une propagande a grande echelle, etc. Notre Institut Paix et
Democratie, avec nos partenaires Armeniens, a regulièrement analyse
les mass-media et les sites Internet des deux pays pendant de longues
annees deja. Le resultat est le meme : dans les deux societes, ill y a
une propagande très forte contre l'autre partie. Simplement, personne
n'a conscience de la propagande de son propre pays. C'est un phenomène
normal qu'on connaît bien lorsqu'on etudie les conflits. En outre, la
propagande dirigee contre l'autre partie n'est pas le fait des seuls
mass-media. On la trouve dans les manuels pour elèves et etudiants,
dans lesquels l'image de la partie opposee est presentee deformee,
favorisant les mythes et les stereotypes. Pour ce qui concerne les
resultats des sondages d'opinion, ils reflètent la realite des choses.
Bien qu'en Armenie le Karabagh est a la troisième place, cela ne
veut pas dire que la question du Karabagh n'est plus pertinente pour
la societe armenienne. Simplement, pour les Armeniens, le conflit du
Karabagh est resolu et il ne reste plus qu'a enteriner dans le droit,
par la negociation, ce qui a ete acquis par la force. Pour le citoyen
ordinaire d'Armenie, ce n'est plus a present que le problème des
diplomates et des hommes et femmes politiques et ce n'est plus aussi
interessant. Au cas où la situation sur la ligne de front changerait,
la question du Karabagh reprendrait rapidement le premier rang dans
les urgences de la societe armenienne. La situation dans la societe
azerbaïdjanaise est tout a fait differente. L'Azerbaïdjan a subi une
defaite et cette question est primordiale pour elle. Le Karabagh est
une parite importante pas seulement sous l'aspect de sa culture mais
aussi pour son identite. Les autorites azerbaïdjanaises propagent
le problème des terres en Armenie où des Azerbaïdjanais vivaient il
n'y a pas si longtemps. Elles ont meme invente un terme "Azerbaïdjan
de l'Ouest" pour designer le territoire actuel de l'Armenie. Mais une
telle propagande des autorites azerbaïdjanaises ne recoit presqu'aucune
reponse de la societe azerbaïdjanaise parce qu'il n'y a rien en Armenie
ou sur aucune autre terre en dehors de l'Azerbaïdjan, où ont vecu ou
vivent encore des Azerbaïdjanais, pour faire echo a la musique ou la
litterature des Azerbaîdjanais, en dehors du Karabagh.
Il faut un changement culturel au sein de la societe de l'Azerbaïdjan
pour qu'elle oublie le Karabagh. Par consequent, la perte du Karabagh
est a ce point douloureuse pour les Azerbaïdjanais. Le budget militaire
en Armenie n'excède pas 400 millions de dollars, tandis que ce chiffre
en Azerbaïdjan s'elève a 3,3 milliards de dollars.
Pensez vous que la situation socio-economique en Azerbaïdjan, en
dehors d'Absheron ["la Region de l'Or Noir", selon sa propre devise] en
particulier, justifie que l'on depense 7 millions de dollars par jour
pour la defense ? Y a-t-il personne qui manifeste sa desapprobation
pour une depense aussi elevee ? Bien sûr, l'AzerbaIdjan depense pour
la defense beaucoup plus que l'Armenie. Mais c'est sans aucun doute
une mauvaise approche. Le problème est que l'Azerbaïdjan a depense
pour son budget militaire 12 a 14% de son budget total depuis deja
10 ans. Cependant, rapprochant les depenses militaires du produit
interieur brut, le PIB, on voit que l'Armenie consacre la moitie
pour sa defense de ce que depense l'Azerbaïdjan. Du fait de ses
ressources en energis, l'Azerbaïdjan recoit beaucoup d'argent stable
dans son budget.
Le budget de l'Azerbaïdjan est fonction du prix du barril de brut.
Lorsque ce prix pour l'Azerbaïdjan etait de 60 dollars le barril
(il etait de 40 dollars avant 2008). Les depenses militaires
etaient prevues pour un montant de 3 270 millions de dollars. A
cette epoqie, le prix du petrole ne croissait pas aussi vite, ce qui
veut dire que le budget de l'Azerbaïdjan recoit constamment des fonds
supplementaires. Actuellement, le prix du brut avoisine les 98 dollars
par baril. Mais meme si ce prix descend a 80 dollars le baril, en 2011,
l'Azerbaïdjan recevra 7 milliards de dollars de plus que les profits
escomptes. Et suffisamment de fonds sont disponibles pour les bespoins
sociaux. En consequence, l'Azerbaïdjan ne se rend pas compte de cette
course aux armements. Nos problèmes sont differents : la population
s'indigne de l'arbitraire de ses dirigeants, du manque de reformes
democratiques, des violations des droits humains, de la corruption, et
du monopole oligarchique. Tout cela est observe en Armenie egalement,
comme l'ont revèle les sondages. Mais les autorites ont encore a leur
disposition beaucoup de fonds a consacrer en quantite significative
pour les besoins sociaux. En consequence, la rhetorique militaire
d'Aliyev ne recoit pas d'opposition dans la societe. Contrairement
a l'Azerbaïdjan, l'Armenie ne beneficie pas d'une telle manne et les
citoyens ressentent les effets de chaque dram engage dans le budget
militaire. L'Azerbaïdjan mène une vraie course aux armements employant
precisement ce facteur qui afectera inevitablement l'economie de
l'Armenie et influencera le processus de negociation.
En reponse aux appels de la communaute mondiale pour la paix,
les dirigeants de Bakou preparent ouvertement les citoyens a une
nouvelle guerre. L'Armenie a annonce a plusieurs reprises que la
solution militaire du conflit est une impasse. Est-ce quelqu'un en
Azerbaïdjan est d'accord avec la position de ses autorites ? Mais
en l'absence de propagande d'etat, l'ecrasante majorite des Azeris
n'a pas l'intention de renoncer au Karabagh. Il faut aussi prendre
en compte le fait que la nouvelle generation n'a pas connu la
guerre. Selon les donnees de mes sondages d'opinion, le nombre de
personnes favorables a une solution militaire du conflit du Karabagh
est en augmentation. Au moins sur les sept ans qui viennent de
s'ecouler, ce nombre s'est accru considerablement. En meme temps,
cependant, beaucoup de personnes pensent que les negociations sont
la meilleure facon de resoudre le conflit ; c'est en particulierr
l'opinion de ceux qui ont vecu au temps de l'Union Sovietique ou
qui y sont nes. Et bien sûr, le nombre de personnes favorables a une
solution de paix du conflit est eleve parmi les representants de la
societe civile. Entre temps, il faut savoir que la radicalisation de
la societe azerbaïdjanaise est la consequence du mecontentement devant
le travail des mediateurs et le processus de negociation. Dix sept
ans se sont ecoules depuis l'armistice et les negociations sont en
cours depuis lors. Les resultats ne sont pas clairs encore. En outre,
aujourd'hui, la societe azerbaïdjanaise pense que le monde chretien
(les USA, les Pays Europeens, et la Russie) presse l'Azerbaïdjan de
faire des concessions en faveur de l'Armenie chretienne.
Qu'est ce que le conflit du Karabagh signifie pour Ilham Aliyev
personnellement ? Quels sont les problèmes internes qu'une rhetorique
agressive vise a regler ? Les autorites de l'Azerbaïdjan usent du
conflit du Karabagh pour renforcer leur contrôle sur la societe. Le
père du president actuel, Heydar Aliyev traitait le conflit du Karabagh
en politicien. Mais l'approche d'Hilham Aliyev est plus personnelle
que politique. C'est-a-dire, son approche satisfait a des motifs
patriotiques. Ce facteur se manifeste quelquefois dans le processus
des negociations, alors qu'on devrait etre politicien et oublier
les emotions. En meme temps, il pense que le conflit a toujours ete
et est toujours une parfaite opportunite pour les hommes et femmes
politiques pour ameliorer les opinions en leur faveur et resoudre
certains problèmes. Par exemple, le conflit permet la concentration
d'uun pouvoir enorme dans les mains du president, ,parce qu'il est
le commandant supreme du pays, qui se trouve en situation de guerre
non declaree. Le conflit permet de ne pas s'atteler a de nombreuses
qestions domestiques sous pretexte qu'il est trop tôt ou dangereux
pour le pays d'aborder de telles questions. Par exemple, en 1992,
le decret du president d'alors Elchibey sur le service alternatif
avait ete adopte, mais son application a ete mise de côte jusqu'a
present a cause du conflit.
Les autorites azerbaïdjanaises règlent-elles des problèmes
inter-ethniques en unissant le peuple contre la menace exterieure ? Il
y a des problèms inter-ethniques en Azerbaïdjan. Et ces problèmes
ont a la fois des raisons objectives et subjectives. La politique
anti-democratique des autorites actuelles de l'Azerbaïdjan, en
particulier la politique de repression dans les provinces, cree des
problèmes supplementaires, y compris des problèmes inter-ethniques.
D'autre part, les minorites nationales ont a prsent leurs elites. Et
les chefs et militants de ces minorites posent le problème de leur
heritage culturel et s'opposent a l'assimilation. En particulier parce
que l'Azerbaïdjan est membre du Conseil de l'Europe et a entrepris un
certain nombre d'actions règlementaires pour proteger la langue et la
culture des minorites nationales. Au debut ds annees 90, pendant le
conflit du Karabagh, la montee de la conscience ethnique des minorites
nationales et les erreurs des dirigeants du pays du moment ont eu des
effets negatifs. A present, un facteur nouveau religieux est venu au
premier plan.
Au moment de la chute de l'Union Sovietique, et au debut du conflit
du Karabagh, les Armeniens disaient que le conflit etait de nautre
interconfessionnelle, tandis que l'Azerbaïdjan disait que c'etait un
conflit interethnique. A present, on peut observer une inversion des
positions, les Armeniens disant qu'il s'agit d'un conflit interethnique
et les Azerbaïdjanais disant que le conflit est interconfessionnel
et fait partie de la grande confrontation geopolitique du monde
islamisque contre le monde chretien. A ce sujet, les Azerbaïdjanais ont
le soutien de beaucoup de minorites nationales du pays où le facteur
religion dans la vie politique du pays s'accroit egalement. En outre,
la plupart des wahabites en Azerbaïdjan se touvent dans les minorites
nationales (minorites lezguienne, avare, tsakhour et autres).
La majorite du Parti Islamique Chiite d'Azerbaïdjan est aussi
constituee de membres issus des minorites nationales (minories tate
et talishe) tandis que les Kurdes constituent une part importante du
mouvement religieux nursiste. Un nouveau conflit sera donc percu par
le public azerbaïdjanais comme ayant d'abord ce caractère.
Jean Eckian
armenews.com
mardi 26 juillet 2011,
KARABAKH
Une analyse interessante d'un historien, directeur d'une organisation
independante apolitique et non-commerciale de Bakou, qui eclaire
la perception que se fait le peuple azerbaïdjanais de la situation
au Karabagh. Au moins dans la traduction de son propos en anglais,
son analyse de l'impact respectif des depenses militaires en Armenie
et en Azerbaïdjan n'est pas claire et c'est dommage : il commence en
declarant que personne n'est favorable a la reprise des hostilites,
mais signale par la suite un sondage selon lequel le pourcentage des
personnes favorables a une solution militaire du conflit est en très
nette augmentation (ah, les sondages...). Il n'est pas convaincant
lorsqu'il met a egalite la propagande azerie et celle du pouvoir
armenien. C'est un domaine où manifestement l'argent du petrole
donne a la partie azerie un monumental avantage. Les declarations a
la tribune du Senat en mai ou l'affaire de khatchkars de l'Unesco en
sont des indications recentes. On ne peut pas non plus laisser dire
que le monopole oligarchique et les violations des droits de l'homme
sont en Armenie au meme niveau qu'en Azerbaïdjan.
Il dit cependant qu'a Kazan, c'est l'Azerbaïdjan qui a torpille les
negociations. Mais il faut rendre tout de meme hommage a la liberte
de jugement dont fait preuve Arif Yunusov vis-a-vis du pouvoir de
l'Azerbaïdjan.
GB
Le Statu-quo est pour tous une situtation gagnant-gagnant, en
particulier pour les parties au conflit
Paru dans le n° 1265 d'Armenian Life Magazine
Interview de Arif Yunusov, Directeur du Departement des Conflits et
des Migrations a l'Institut pour la Paix et la Democratie (Bakou)
Par David Stepanian
Arminfo 14 juillet 2011
Dans l'une de vos recentes interview, vous exprimez votre desaccord
categorique avec les experts politique qui disent que le danger d'une
nouvelle guerre s'est accru après l'echec de la reunion de Kazan. Sur
quoi pensez vous que les parties pourront negocier alors que Bakou
refuse toute concession a propos des territoires ? Personne ne veut
la guerre pour le moment pour de nombreuses raisons objectives et
subjectives : ni les parties au conflit ni les pays mediateurs. Il
est difficile de dire ce qui se passera demain, mais personne ne veut
la guerre a present. En depit de la menace continuelle de guerre,
le statu quo est gagnant-gagnant pour tout le monde, specialement
pour les paries au conflit qui pensent que le temps joue en leur
faveur. La resolution du conflit doit etre basee sur l'idee d'un
compromis, mais il est necessaire de s'y resoudre.
En outre, l'idee d'un compromis est percue comme un moyen d'obtenir
le meilleur de l'autre partie, non comme une aspiration a faire
des concessions. Au cours des vingt dernières annees, a chaque
fois que les mediateurs ont propose un schema d'accord quel qu'il
soit (etape-par-etape, global, etat commun, principes de Paris,
et maintenant les principes de Madrid), l'une des parties s'y
est opposee et a rompu le processus des negociations. A Kazan,
c'est l'Azerbaïdjan qui a torpille les negociations. Il n'y a rien
d'etrange ou d'inhabituel dans le fait en lui-meme de la rupture
des negociations, ou plus precisement, dans le desaccord. Il n'est
pas exclu, a-t-il dit, que l'Armenie exprimera son desaccord la
prochaine fois.
Beaucoup, surtout en dehors de notre region, attendaient un progrès
decisif avant la reunion de Kazan et ont commence a predire la
signature d'un document important. De fait, ces personnes ont ressenti
a la suite de l'echec de Kazan une vive deception. Par contre,
ceux qui ont une approche plus realiste du processus de resolution
comprennent que ce qui s'est passe a Kazan n'est pas une tragedie.
C'est une situation normale et les negociations seront continuees
parce que la seule alternative aux negociations, c'est la guerre.
Il reste toujours deux options pour la resolution du conflit : si les
parties pensent que les principes actuels n'ont pas les vertus d'un
compromis et ne s'en satisfont pas (comme precedemment, pendant deux
decennies), alors s'amorce un nouveau processus. La seconde option
est que les discussions continuent sur la base des principes en cours.
C'est la seconde option qui reste encore en application. Les
dirigeants de Bakou pensent qu'il est necesaire de resoudre le
problème avec l'equipe des forces du maintien de la paix, en sorte,
plus exactement, de ne pas admettre la presence de troupes des pays
copresidents dans la region. S'il fallait traduire en langage clair
ce langage diplomatique, cela veut dire que l'Azerbaïdjan ne veut
pas la repetition de ce qui s'est produit avec la Georgie, où les
troupes de maintien de la paix se sont vite muees en prenant part au
conflit et finalement ont ete amenees a un rôle très eloigne des nobles
pratiques. Par consequent, l'Azerbaïdjan veut que l'accord mentionne
clairement l'inadmissibilite des troupes russes, alors que nous savons
bien que ni les Americains ni les Francais ne prendront une telle
initiative. Pour ce qui concerne la Russie, elle veut le retour de
ses troupes dans la region d'une facon ou d'une autre. L'Azerbaïdjan
essaie en meme temps de considerer specifiquement la question du
retour des territoires et de parvenir a une decision differente sur
la question de la region de Latchine. L'Azerbaïdjan pense que la
question du statut interimaire du Karabagh et celle de son statut
definitif n'ont pas ete encore abordees, il a dit et ajoute que ces
questions allaient etre negociees a partie de maintenant.
Les principes de base prevoient de donner un statut d'autonomie pour
le Karabagh, le retour d'une zone tampon sous contrôle Azerbaïdjanais,
la garantie de leur droit de retour aux refugies, un corridor securise
entre le Karabagh et l'Armenie, la creation d'une force internationale
de maintien de la paix. Pourquoi Bakou rejette-t-elle un tel schema
de règlement en depit du fait qu'au premier stade, c'est la partie
armenienne qui fait des concessions ? La problematique actuelle
oppose une solution d'ensemble a un plan etape par etape, alors que
meme si les parties acceptent une solution d' ensemble, leur mise en
application ne peut se faire que par etapes. C'est le cas non seulement
du problème du retour de certaines regions a l'Azerbaïdjan, mais aussi
par la suite de celui du statut final. En consequence, on ne devrait
pas dire qu'une partie fait des concessions alors que l'autre n'en fait
pas simplement parce que certains points sont laisses en suspens. Dès
que tous les principes sont convenus et que les Presidents armenien
et azerbaïdjanais auront signe un document avec les garanties claires
pilotees par les pays co-presidents, la mise en application etape par
etape de tous les principes pourra commencer. Personne n'aura alors
le droit de s'ecarter d'aucun de ces principes.
Les sondages d'opinion dans les societes revèlent que le premier
sujet d'inquietude dans la societe azerbaïdjanaise est le conflit du
Karabagh. Dans ce ce temps, les sondages en Armenie de ces dernières
annees montrent que le conflit du Karabagh est au troisième rang des
preoccupations des Armeniens, après la corruption et les problèmes
economiques. Pensez-vous que c'est la propagande anti-armenienne qui
explique une telle difference des resultats dans les deux pays ? La
propagande dirigee contre le pays voisin est la plus grande illusion
qui a cours dans les societes armenienne et azerbaIdjanaise. Chacune
des parties est certaine que tout dans son pays est bon, qu'elle est
tolerante, tandis que le pays voisin est tout a fait terrible, qu'
il mène une propagande a grande echelle, etc. Notre Institut Paix et
Democratie, avec nos partenaires Armeniens, a regulièrement analyse
les mass-media et les sites Internet des deux pays pendant de longues
annees deja. Le resultat est le meme : dans les deux societes, ill y a
une propagande très forte contre l'autre partie. Simplement, personne
n'a conscience de la propagande de son propre pays. C'est un phenomène
normal qu'on connaît bien lorsqu'on etudie les conflits. En outre, la
propagande dirigee contre l'autre partie n'est pas le fait des seuls
mass-media. On la trouve dans les manuels pour elèves et etudiants,
dans lesquels l'image de la partie opposee est presentee deformee,
favorisant les mythes et les stereotypes. Pour ce qui concerne les
resultats des sondages d'opinion, ils reflètent la realite des choses.
Bien qu'en Armenie le Karabagh est a la troisième place, cela ne
veut pas dire que la question du Karabagh n'est plus pertinente pour
la societe armenienne. Simplement, pour les Armeniens, le conflit du
Karabagh est resolu et il ne reste plus qu'a enteriner dans le droit,
par la negociation, ce qui a ete acquis par la force. Pour le citoyen
ordinaire d'Armenie, ce n'est plus a present que le problème des
diplomates et des hommes et femmes politiques et ce n'est plus aussi
interessant. Au cas où la situation sur la ligne de front changerait,
la question du Karabagh reprendrait rapidement le premier rang dans
les urgences de la societe armenienne. La situation dans la societe
azerbaïdjanaise est tout a fait differente. L'Azerbaïdjan a subi une
defaite et cette question est primordiale pour elle. Le Karabagh est
une parite importante pas seulement sous l'aspect de sa culture mais
aussi pour son identite. Les autorites azerbaïdjanaises propagent
le problème des terres en Armenie où des Azerbaïdjanais vivaient il
n'y a pas si longtemps. Elles ont meme invente un terme "Azerbaïdjan
de l'Ouest" pour designer le territoire actuel de l'Armenie. Mais une
telle propagande des autorites azerbaïdjanaises ne recoit presqu'aucune
reponse de la societe azerbaïdjanaise parce qu'il n'y a rien en Armenie
ou sur aucune autre terre en dehors de l'Azerbaïdjan, où ont vecu ou
vivent encore des Azerbaïdjanais, pour faire echo a la musique ou la
litterature des Azerbaîdjanais, en dehors du Karabagh.
Il faut un changement culturel au sein de la societe de l'Azerbaïdjan
pour qu'elle oublie le Karabagh. Par consequent, la perte du Karabagh
est a ce point douloureuse pour les Azerbaïdjanais. Le budget militaire
en Armenie n'excède pas 400 millions de dollars, tandis que ce chiffre
en Azerbaïdjan s'elève a 3,3 milliards de dollars.
Pensez vous que la situation socio-economique en Azerbaïdjan, en
dehors d'Absheron ["la Region de l'Or Noir", selon sa propre devise] en
particulier, justifie que l'on depense 7 millions de dollars par jour
pour la defense ? Y a-t-il personne qui manifeste sa desapprobation
pour une depense aussi elevee ? Bien sûr, l'AzerbaIdjan depense pour
la defense beaucoup plus que l'Armenie. Mais c'est sans aucun doute
une mauvaise approche. Le problème est que l'Azerbaïdjan a depense
pour son budget militaire 12 a 14% de son budget total depuis deja
10 ans. Cependant, rapprochant les depenses militaires du produit
interieur brut, le PIB, on voit que l'Armenie consacre la moitie
pour sa defense de ce que depense l'Azerbaïdjan. Du fait de ses
ressources en energis, l'Azerbaïdjan recoit beaucoup d'argent stable
dans son budget.
Le budget de l'Azerbaïdjan est fonction du prix du barril de brut.
Lorsque ce prix pour l'Azerbaïdjan etait de 60 dollars le barril
(il etait de 40 dollars avant 2008). Les depenses militaires
etaient prevues pour un montant de 3 270 millions de dollars. A
cette epoqie, le prix du petrole ne croissait pas aussi vite, ce qui
veut dire que le budget de l'Azerbaïdjan recoit constamment des fonds
supplementaires. Actuellement, le prix du brut avoisine les 98 dollars
par baril. Mais meme si ce prix descend a 80 dollars le baril, en 2011,
l'Azerbaïdjan recevra 7 milliards de dollars de plus que les profits
escomptes. Et suffisamment de fonds sont disponibles pour les bespoins
sociaux. En consequence, l'Azerbaïdjan ne se rend pas compte de cette
course aux armements. Nos problèmes sont differents : la population
s'indigne de l'arbitraire de ses dirigeants, du manque de reformes
democratiques, des violations des droits humains, de la corruption, et
du monopole oligarchique. Tout cela est observe en Armenie egalement,
comme l'ont revèle les sondages. Mais les autorites ont encore a leur
disposition beaucoup de fonds a consacrer en quantite significative
pour les besoins sociaux. En consequence, la rhetorique militaire
d'Aliyev ne recoit pas d'opposition dans la societe. Contrairement
a l'Azerbaïdjan, l'Armenie ne beneficie pas d'une telle manne et les
citoyens ressentent les effets de chaque dram engage dans le budget
militaire. L'Azerbaïdjan mène une vraie course aux armements employant
precisement ce facteur qui afectera inevitablement l'economie de
l'Armenie et influencera le processus de negociation.
En reponse aux appels de la communaute mondiale pour la paix,
les dirigeants de Bakou preparent ouvertement les citoyens a une
nouvelle guerre. L'Armenie a annonce a plusieurs reprises que la
solution militaire du conflit est une impasse. Est-ce quelqu'un en
Azerbaïdjan est d'accord avec la position de ses autorites ? Mais
en l'absence de propagande d'etat, l'ecrasante majorite des Azeris
n'a pas l'intention de renoncer au Karabagh. Il faut aussi prendre
en compte le fait que la nouvelle generation n'a pas connu la
guerre. Selon les donnees de mes sondages d'opinion, le nombre de
personnes favorables a une solution militaire du conflit du Karabagh
est en augmentation. Au moins sur les sept ans qui viennent de
s'ecouler, ce nombre s'est accru considerablement. En meme temps,
cependant, beaucoup de personnes pensent que les negociations sont
la meilleure facon de resoudre le conflit ; c'est en particulierr
l'opinion de ceux qui ont vecu au temps de l'Union Sovietique ou
qui y sont nes. Et bien sûr, le nombre de personnes favorables a une
solution de paix du conflit est eleve parmi les representants de la
societe civile. Entre temps, il faut savoir que la radicalisation de
la societe azerbaïdjanaise est la consequence du mecontentement devant
le travail des mediateurs et le processus de negociation. Dix sept
ans se sont ecoules depuis l'armistice et les negociations sont en
cours depuis lors. Les resultats ne sont pas clairs encore. En outre,
aujourd'hui, la societe azerbaïdjanaise pense que le monde chretien
(les USA, les Pays Europeens, et la Russie) presse l'Azerbaïdjan de
faire des concessions en faveur de l'Armenie chretienne.
Qu'est ce que le conflit du Karabagh signifie pour Ilham Aliyev
personnellement ? Quels sont les problèmes internes qu'une rhetorique
agressive vise a regler ? Les autorites de l'Azerbaïdjan usent du
conflit du Karabagh pour renforcer leur contrôle sur la societe. Le
père du president actuel, Heydar Aliyev traitait le conflit du Karabagh
en politicien. Mais l'approche d'Hilham Aliyev est plus personnelle
que politique. C'est-a-dire, son approche satisfait a des motifs
patriotiques. Ce facteur se manifeste quelquefois dans le processus
des negociations, alors qu'on devrait etre politicien et oublier
les emotions. En meme temps, il pense que le conflit a toujours ete
et est toujours une parfaite opportunite pour les hommes et femmes
politiques pour ameliorer les opinions en leur faveur et resoudre
certains problèmes. Par exemple, le conflit permet la concentration
d'uun pouvoir enorme dans les mains du president, ,parce qu'il est
le commandant supreme du pays, qui se trouve en situation de guerre
non declaree. Le conflit permet de ne pas s'atteler a de nombreuses
qestions domestiques sous pretexte qu'il est trop tôt ou dangereux
pour le pays d'aborder de telles questions. Par exemple, en 1992,
le decret du president d'alors Elchibey sur le service alternatif
avait ete adopte, mais son application a ete mise de côte jusqu'a
present a cause du conflit.
Les autorites azerbaïdjanaises règlent-elles des problèmes
inter-ethniques en unissant le peuple contre la menace exterieure ? Il
y a des problèms inter-ethniques en Azerbaïdjan. Et ces problèmes
ont a la fois des raisons objectives et subjectives. La politique
anti-democratique des autorites actuelles de l'Azerbaïdjan, en
particulier la politique de repression dans les provinces, cree des
problèmes supplementaires, y compris des problèmes inter-ethniques.
D'autre part, les minorites nationales ont a prsent leurs elites. Et
les chefs et militants de ces minorites posent le problème de leur
heritage culturel et s'opposent a l'assimilation. En particulier parce
que l'Azerbaïdjan est membre du Conseil de l'Europe et a entrepris un
certain nombre d'actions règlementaires pour proteger la langue et la
culture des minorites nationales. Au debut ds annees 90, pendant le
conflit du Karabagh, la montee de la conscience ethnique des minorites
nationales et les erreurs des dirigeants du pays du moment ont eu des
effets negatifs. A present, un facteur nouveau religieux est venu au
premier plan.
Au moment de la chute de l'Union Sovietique, et au debut du conflit
du Karabagh, les Armeniens disaient que le conflit etait de nautre
interconfessionnelle, tandis que l'Azerbaïdjan disait que c'etait un
conflit interethnique. A present, on peut observer une inversion des
positions, les Armeniens disant qu'il s'agit d'un conflit interethnique
et les Azerbaïdjanais disant que le conflit est interconfessionnel
et fait partie de la grande confrontation geopolitique du monde
islamisque contre le monde chretien. A ce sujet, les Azerbaïdjanais ont
le soutien de beaucoup de minorites nationales du pays où le facteur
religion dans la vie politique du pays s'accroit egalement. En outre,
la plupart des wahabites en Azerbaïdjan se touvent dans les minorites
nationales (minorites lezguienne, avare, tsakhour et autres).
La majorite du Parti Islamique Chiite d'Azerbaïdjan est aussi
constituee de membres issus des minorites nationales (minories tate
et talishe) tandis que les Kurdes constituent une part importante du
mouvement religieux nursiste. Un nouveau conflit sera donc percu par
le public azerbaïdjanais comme ayant d'abord ce caractère.