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Guerriers Armeniens, Samourai Japonais

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    GUERRIERS ARMENIENS, SAMOURAI JAPONAIS
    Jean Eckian

    armenews.com
    vendredi 29 juillet 2011

    Un article surprenant au prime abord, mais qui resume un travail
    probablement enorme : trouver dans la culture martiale japonaise (et
    aussi celle de la chevalerie europeenne) ce qu'on peut comparer a la
    perception que se font les Armeniens de l'honneur et de l'engagement ;
    sachant que les contextes politique et geographique de ces deux nations
    sont extremement differents. En etudiant ce texte, on pense d'abord
    aux combattants qui ont donne leur vie et a ceux qui la donnent encore
    aujourd'hui au Karabagh.

    GUERRIERS ARMENIENS, SAMOURAI JAPONAIS : CODES D'HONNEUR MILITAIRE

    18 juillet 2011 Paru dans : ARMENIAN RESISTANCE, Armeni @en, Geography

    Yerevan Magazine, juillet-août N°14

    Texte d'Armen Ayvazyan

    Base sur son livre Le Code d'Honneur du Militaire Armenien (4-5eme
    siècle)

    Traduit par Arsen Nazarian et Armen Ayvazyan

    L'historiographie armenienne comporte beaucoup d'informations sur
    l'ideologie militaire armenienne ancienne et medievale. Dans les
    ouvrages de Pavstos Buzand et Movses Khorenatsi [Moïse de Khorène],
    historiens du 5eme siècle, les ordres et l'heritage des sparapets
    (commandants en chef) a leurs successeurs decrivent en detail les
    obligations et responsabilites des guerriers armeniens. Leur code
    de conduite montre des similitudes etonnantes avec le système de
    valeurs des samouraïs japonais codifie du 16eme au 18eme siècle,
    mais aussi avec la plus ancienne chevalerie d'occident du huitième
    au quatorzième siècle.

    "Combattez et offrez votre vie pour le Monde Armenien comme vos
    braves ancetres l'ont fait avant vous, sacrifiant deliberement leur
    vie pour notre Patrie..." Tel etait le message, selon Pavstos Buzand,
    du Sparapet Manuel Mamikonian ( mort en 384) a son fils Artashir au
    moment de lui remettre son "règlement et ordre de l'Armee". Cette
    injonction ideologique a continue de faire partie integrante du
    système codifie des forces armees armeniennes. Tout au long de sa
    vie tout entière consacree au service des armes, le Sparapet Manuel
    lui-meme etait anime par ce commandement. Tandis qu'il reposait dans
    son lit atteint d'un mal incurable, entoure du roi, de la reine, de
    gentilshommes et de nobles dames, Manuel ôta ses vetements et montra
    a l'assistance ses nombreuses blessures qu'il avait subies au cours
    des batailles engagees pour l'independance de l'Armenie.

    "Il n'y avait aucun endroit exempt de blessures sur son corps qui soit
    aussi grande qu'une pièce de monnaie. Il avait ete blesse dans les
    combats et portait plus de cinquante cicatrices sur son corps, jusqu'a
    son organe male, qu'il decouvrit et montra a tous."[ !] Sacrifier sa
    vie pour la terre de ses ancetres est exactement la meme ideologie que
    l'historien Movses Khorenatsi decrit dans son Histoire de l'Armenie
    dans le passage qui suit a propos du Roi-Guerrier armenien Aram :
    " Etant lui-meme un homme concret et patriote, ce roi preferait
    mourir pour la terre de ses ancetres plutôt que de voir les fils
    d'etrangers passer les frontières de la terre de ses ancetres et
    dominer son propre peuple."

    Tandis qu'il codifiait les vertus personnelles du Sparapet Moushegh
    Mamikonian (mort en 376), Pavstos Buzand dans Histoire de l'Armenie
    presente en fait une liste des principaux engagements pris par les
    guerriers armeniens devant l'etat et la nation armenienne. Voici donc
    les elements fondamentaux du Code d'Honneur de l'armee armenienne au
    cours des quatrième et cinquième siècles dans l'ordre hierarchique
    de priorite rapportes par Buzand : loyaute et service devoue a
    la Patrie et au Royaume d'Armenie ; preservation d'une reputation
    chevaleresque sans tâche et de sa dignite, jusqu'au don de sa vie
    si c'est necessaire ; loyaute et service devoue au Roi Armenien,
    c'est-a-dire l'institution socio-politique la plus importante de
    l'ancien système de l'etat de l'Armenie ; loyaute et service devoue
    a tous les habitants de l'Armenien, quelles que soient leur origine
    sociale ou leur position ; piete envers la foi chretienne, l'Eglise
    (nationale) Armenienne et protection devouee aux membres de son
    clerge ; devotion a la famille ; devotion aux parents et a son clan
    nobiliaire ; et loyaute envers les compagnons d'armes.

    Quelques unes des dispositions sont voisines des codes de la
    chevalerie, ceux des chevaliers europeens du moyen-âge et des
    Samouraïs, les guerriers professionnels japonais, placant honneur
    et allegeance a leur suzerain au-dessus de leur propre vie. Dans son
    livre renomme Hagakure (litteralement, Cache dans les Feuilles), le
    samouraï Yamamoto Tsunemoto (mort en 1719) decrit le code d'honneur du
    Samouraï, Bushido - "Le Sentier du Guerrier". Il souligne l'exigence
    pour un guerrier de mepriser la mort. "Bushido, le sentier du guerrier,
    signifie la mort. Lorsqu'il ne reste a choisir qu'entre deux sentiers,
    vous devez immediatement choisir celui qui conduit a la mort. Ne
    pensez plus. Dirigez vos pensees vers le chemin auquel vous avez
    donne votre preference et marchez !" ecrit-il. Une question se pose
    alors involontairement : "Pourquoi devrais-je payer de ma vie pour
    rien ?" Cela n'est que le jugement d'un egoïste. Quand il vous faut
    faire un choix, ne laissez pas les pensees sur l'utilite ou l'avantage
    alterer votre reflexion. Si nous preferons tous la vie a la mort,
    cette preference au fond determine notre choix. Pensez a l'indignite
    qui pourrait vous accabler lorsque vous, ~\uvrant pour le profit
    pourriez soudain echouer. Pensez au sort pitoyable de cet homme qui
    continue a vivre alors qu'il n'a pas atteint son but.

    Le Samouraï est contraint de donner son âme et son corps a son
    prince ou a son seigneur. Il doit en outre etre avise, magnanime et
    valeureux...Rappelez vous, la mort n'atteint pas votre dignite. La mort
    ne vous apporte pas le deshonneur...La reponse a vos engagements doit
    etre complète et votre reputation doit rester immaculee. Un samouraï
    jure d'obeir aux quatre commandements qui suivent : n'accepter aucun
    compromis lorsqu'il s'agit de tenir vos engagements ; etre au service
    de son seigneur ; etre respectueux envers ses parents : etre magnanime
    et compatissant."

    La ressemblance entre le code d'honneur du combattant armenien du
    temps d'Arshakuni et celui du Samouraï japonais qui place l'honneur,
    la dignite et le service devoue a son seigneur (suzerain, "maître")
    au dessus de sa propre vie, est frappante. Dans cet ordre d'idee,
    Pavstos Buzand nous procure un certain nombre de cas qui s'expliquent
    en eux-memes. L'un d'entre eux se passe au cours d'un episode en Perse.

    "Cela s'est produit un jour que le roi armenien Arshak entra dans l'un
    des enclos du roi de Perse. Le Maître d'equitation du roi perse s'y
    trouvait, assis. Quand il vit le roi, il ne prononca aucune parole de
    bienvenue, ni ne preta aucunement attention a sa personne. Il commenca
    meme a le ridiculiser et a l'insulter, lui disant ; "Roi des chèvres
    armeniennes, vient donc t'asseoir sur cette touffe d'herbe".

    A ces mots, Vasak, le General commandant en chef de l'armee de la
    Grande Armenie, de la dynastie des Mamikonian, qui accompagnait le
    roi, entra dans une rage folle. Furieux, il tira l'epee qu'il portait
    a sa ceinture et en frappa le maître d'equitation du roi de Perse,
    le decapitant d'un seul coup, ne pouvant supporter l'impudence faite
    a son roi. Il preferait mourir plusieurs fois plutôt que d'etre
    temoin de toute insulte ou atteinte a la dignite de son roi." Les
    injonctions de l'auteur Samouraï Japonais du Hagakure pour ne pas
    craindre de mourir et de se comporter pour le merite d'une reputation
    immaculee sont decrits presque de la meme manière par le Sparapet
    armenien Manuel dans son message-commandement decrit plus haut : et
    il lui commanda d'etre loyal et devoue au Roi Arshak, d'etre honnete,
    diligent et assidu au travail. "Combattez et offrez votre vie a la
    Patrie d'Armenie comme vos valeureux ancetres l'on fait en sacrifiant
    volontairement leur vie pour cette Patrie. Parce que, dit-il, cela
    sera un acte beaucoup plus convenable et qui plaira a Dieu, et parce
    que si vous vous comportez ainsi, vous ne serez pas oublies par le
    Tout-Puissant. Recherchez la reputation d'un homme brave dans ce monde
    et faites la justice pour avoir une place au paradis. Et n'ayez pas
    peur de la mort, mais mettez tous vos espoirs sur celui qui a tout
    cree et fonde. Rejetez toute chose corrompue, depourvue d'ethique
    et mauvaise hors de vous-memes et venerez le Seigneur, le c~\ur et
    plein de foi. Donnez votre vie pour notre pieuse Patrie l'Armenie,
    parce qu'alors vous serez mort pour Dieu, pour ses eglises, pour ses
    fidèles et pour les seigneurs natifs de cette Patrie, les Arshakunis."

    Ce passage demontre clairement la facon adroite dont les capitaines
    des quatrième et cinquième siècles ont fait usage de la foi Chretienne
    comme une ideologie dans des guerres presque incessantes engagees pour
    l'independance de l'Armenie. 'Mourir pour l'Armenie c'est mourir pour
    Dieu', prechait le Commandant en Chef Manuel Sparapet et, bien sûr,
    d'autres capitaines armeniens du quatrième siècle. (Donnez votre vie
    pour notre pieuse Patrie l'Armenie, parce qu'ainsi vous serez mort
    pour Dieu). En cela, ils ont apporte l'harmonie et la pertinence entre
    le code d'honneur du soldat Armenien, qui d'une part avait ete forme
    deja depuis des temps très anciens et sanctifie dans les nombreuses
    batailles (en particulier le point de vue ideologique du don de sa vie
    pour la patrie), et la foi chretienne relativement nouvelle d'autre
    part. Avec exactement la meme croyance, que mourir pour la patrie
    est un acte de foi en Dieu, les guerriers Chretiens-Armeniens ont
    continue a combattre tout au long des siècles qui ont suivi.

    On trouve une autre ressemblance etonnante avec le code d'honneur
    Samouraï dans un autre decret du Commandant en Chef Manuel. Il dit a
    ses combattants d'etre "honnetes, diligents et assidus au travail",
    ce qui correspond aux exigences similaires du Hagakure : "Un soldat
    devrait s'entraîner sans relâche et ne devrait jamais penser au repos.

    Il n'y a pas de fin pour votre entraînement. Il se peut que vous
    atteigniez un point où vous avez le sentiment d'avoir atteint la
    perfection et cessiez ce a quoi vous etiez attache jusqu'a present.

    Mais celui qui veut etre parfait devrait toujours garder a l'esprit
    qu'il est encore loin d'avoir atteint ce point. Ceux qui sont
    malhonnetes ne peuvent jamais servir les armes correctement."

    Il y a cependant des differences importantes entre les priorites des
    obligations du code d'honneur armenien, et ceux des codes d'Europe
    occidentale et japonais, comme le montre a l'evidence la hierarchie
    des engagements du guerrier armenien des quatrième et cinquième siècle
    decrit plus haut. L'engagement personnel du Commandant armenien,
    le plus solennel, etait pris devant le pays, le royaume, et les
    territoires d'Armenie et devant tout armenien quelles que soient
    son origine ou sa position sociale, et considere comme superieur aux
    promesses a la propre famille et maison nobiliaire et meme a la piete
    dans la religion chretienne et l'eglise.

    Bien sûr, cela ne vaut que pour les temps anciens du moyen-âge a son
    debut. Peut-etre cela est-ce l'effet de la formation très tôt au sein
    du peuple armenien du concept de terre des ancetres et d'etat-nation,
    bien avant l'adoption de la religion chretienne. Dès les quatrième
    et cinquième siècles, l'idee de terres des ancetres etait exprimee
    en termes varies, tels que "Hayotz ashkharh, Yerkir, Tagavorutiun"
    ("monde, pays, royaume armenien"). En dehors de ces termes, Movses
    Khorenatsi emploie les termes "hayrenik" (patrie) et "hayrenaser"
    (patriote).

    Epilogue

    Dans ce contexte historique, le code d'honneur militaire armenien a eu
    un impact profond et durable sur le caractère national et la vision du
    monde du peuple armenien- comme le Bushido sur le peuple japonais. Les
    psyches collectives des Armeniens comme des Japonais resteraient
    pratiquement impenetrables si on les examinait sans prendre l'ethique
    de leurs guerriers ancestraux en consideration. Ce defi a ete reconnu
    en profondeur par des etudiants perspicaces de culture japonaise.

    Comme le note Thomas Cleary, un universitaire bouddhiste et traducteur
    de nombreux classiques de la theorie militaire de l'Asie, "Meme
    dans les sphères sociales et culturelles, le Japon d'aujourd'hui
    perpetue les restes du Bushido Samouraï. Cela n'est pas seulement vrai
    dans l'education et les arts subtils, mais aussi dans des postures
    caracteristiques et la conduite qui marquent la pratique de relations
    politiques, professionnelles et personnelles." Si l'on observait,
    cependant, d'un point de vue similaire, la culture armenienne -
    la litterature, la musique, l'epopee nationale, le folklore - on
    trouverait une profonde et large infusion des traditions martiales
    qui provient puissamment et de facon originale, de l'ancienne classe
    des guerriers armeniens.

Working...
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