RWANDA : HERITAGE MITIGE POUR LES TRIBUNAUX COMMUNAUTAIRES TRAITANT LES AFFAIRES DE GENOCIDE
Source/Lien : Human Rights Watch
Publie le : 02-06-2011
Info Collectif VAN - www.collectifvan.org - Le Collectif VAN vous
propose cette information publiee sur le site Human Rights Watch le
31 mai 2011.
Legende photo : un rescape du genocide porte des accusations contre un
prisonnier (portant une chemise rose) au cours d'une audience gacaca
en fevrier 2003 près de Gikongoro, dans le sud du Rwanda.
De graves erreurs judiciaires requièrent un examen par le système
judiciaire national
(Kigali, le 31 mai 2011) - Les tribunaux communautaires gacaca au
Rwanda ont aide les communautes a faire face au genocide de 1994 dans
le pays mais n'ont pas reussi a fournir des decisions et une justice
credibles dans un certain nombre d'affaires, a declare Human Rights
Watch dans un rapport publie aujourd'hui. Alors que les tribunaux
gacaca reduisent progressivement leurs activites, le Rwanda devrait
mettre en place des unites specialisees au sein du système judiciaire
national afin d'examiner les allegations d'erreurs judiciaires,
a ajoute Human Rights Watch.
Le rapport de 160 pages, " Justice compromise : L'heritage des
tribunaux communautaires gacaca du Rwanda ", evalue les reussites des
tribunaux et souligne un certain nombre de graves lacunes dans leur
travail, notamment la corruption et des irregularites de procedure. Le
rapport examine egalement la decision du gouvernement de transferer
les affaires de viols liees au genocide devant les tribunaux gacaca
et d'exclure de leur competence les crimes commis par des militaires
du Front patriotique rwandais (FPR), parti au pouvoir dans le pays
depuis que le genocide a pris fin en juillet 1994.
" L'experience ambitieuse du Rwanda dans la justice transitionnelle
laissera un heritage mitige ", a declare Daniel Bekele, directeur
de la division Afrique a Human Rights Watch. " Les tribunaux ont
aide les Rwandais a mieux comprendre ce qui s'est passe en 1994,
mais dans de nombreux cas des procès defectueux ont conduit a des
erreurs judiciaires. "
Le rapport est base sur l'observation par Human Rights Watch de plus
de 2 000 jours de procès devant les juridictions gacaca, sur l'examen
de plus de 350 affaires, et sur des entretiens avec des centaines
de participants de toutes les parties prenantes du processus gacaca,
notamment des accuses, des rescapes du genocide, des temoins, d'autres
membres de la communaute, des juges, ainsi que des autorites locales
et nationales.
Depuis 2005, un peu plus de 12 000 tribunaux gacaca communautaires
ont juge environ 1,2 million d'affaires liees au genocide de
1994. Les violences ont fait plus d'un demi-million de morts,
appartenant principalement a la population minoritaire tutsie du
pays. Les tribunaux communautaires sont appeles gacaca - " gazon "
dans la langue du pays, le kinyarwanda, se referant a l'endroit où
les communautes se reunissaient traditionnellement pour regler les
differends. Il etait prevu que les tribunaux aient acheve les procès
a la mi-2010, mais leur clôture a ete reportee a octobre 2010. En
mai 2011, le ministre de la Justice aurait annonce que les tribunaux
gacaca seraient officiellement clôtures d'ici decembre 2011.
Les juridictions gacaca ont ete creees en 2001 pour repondre a la
surcharge d'affaires dans le système judiciaire classique et a une
crise carcerale. En 1998, 130 000 suspects de genocide etaient
entasses dans un espace carceral concu pour accueillir 12 000
personnes, aboutissant a des conditions inhumaines et des milliers
de morts. Entre decembre 1996 et le debut de 1998, les tribunaux
classiques avaient juge seulement 1 292 personnes soupconnees de
genocide, ce qui a conduit a l'assentiment general qu'une nouvelle
approche etait necessaire pour accelerer les procès.
La loi gacaca adoptee au Rwanda en 2001 a cherche a resoudre cet
encombrement. Les nouveaux tribunaux gacaca, sous la supervision
du gouvernement mais avec des garanties limitees d'une procedure
regulière, ont combine le droit penal moderne avec des procedures
communautaires informelles plus traditionnelles.
Le gouvernement rwandais a ete confronte a des defis enormes dans la
creation d'un système qui pourrait traiter rapidement des dizaines de
milliers d'affaires d'une manière qui serait largement acceptee par la
population, a indique Human Rights Watch. Ce système a obtenu certaines
reussites, notamment la tenue de procès rapides avec la participation
populaire, une reduction de la population carcerale, une meilleure
comprehension de ce qui s'est passe en 1994, la localisation et
l'identification des corps des victimes et un eventuel assouplissement
des tensions ethniques entre le groupe ethnique majoritaire hutu et
la minorite tutsie.
Les Rwandais ont toutefois paye un prix eleve pour les compromis faits
lors de la mise en place du nouveau système gacaca. Human Rights Watch
a constate un large eventail de violations de procès equitable. Il
s'agit notamment de restrictions sur la capacite de l'accuse a
etablir une defense efficace ; d'eventuelles erreurs judiciaires dues
a l'utilisation de juges n'ayant en grande partie pas beneficie de la
formation necessaire ; de fausses accusations, dont certaines basees
sur la volonte du gouvernement rwandais de faire taire les critiques ;
du detournement du système gacaca pour regler des comptes personnels ;
d'intimidation de temoins a decharge par des juges ou par des autorites
; et de corruption par des juges et des parties aux affaires.
" La creation des juridictions gacaca a ete une bonne chose car elle
a permis a la population de jouer un rôle important dans le processus
gacaca. Mais je deplore [s'adressant aux juges] votre parti pris ",
a declare un temoin lors d'un procès observe par Human Rights Watch.
Le gouvernement rwandais a soutenu que les droits traditionnels de
procès equitable n'etaient pas necessaires parce que les membres
de la communaute - au fait de ce qui s'est passe dans leur region
en 1994 - revèleraient les faux temoignages ou la partialite des
juges. Mais Human Rights Watch a constate dans de nombreux cas que
des temoins potentiels ne se sont pas exprimes pour la defense de
suspects du genocide parce qu'ils craignaient des poursuites pour
parjure, complicite dans le genocide ou " ideologie genocidaire ",
delit vaguement defini interdisant les idees, les declarations ou
une conduite qui pourraient entraîner des tensions ethniques ou des
violences. D'autres craignaient de subir l'ostracisme social pour
avoir aide des suspects a se defendre.
Un rescape du genocide interroge par Human Rights Watch a fondu en
larmes, en disant qu'il avait honte d'avoir eu trop peur de temoigner
pour la defense d'un homme hutu qui avait sauve sa vie et celles de
plus d'une dizaine de membres de sa famille.
" Un certain nombre de personnes nous ont dit qu'elles avaient garde
le silence pendant les procès gacaca alors meme qu'elles croyaient
les suspects innocents ", a declare Daniel Bekele. " Ces personnes ont
estime que l'enjeu de se presenter pour defendre les personnes accusees
a tort de crimes lies au genocide etait tout simplement trop eleve. "
Human Rights Watch a egalement interviewe des victimes de viol
dont les affaires liees au genocide ont ete transferees en mai 2008
depuis les tribunaux classiques, dotes d'une meilleure protection
des renseignements personnels, devant les tribunaux gacaca, dont les
procedures sont connues de toute la communaute, bien que se deroulant
a huis clos. De nombreuses victimes de viol se sont senties trahies
par cette perte de confidentialite.
La decision du gouvernement d'exclure de la competence des tribunaux
gacaca les crimes commis par des militaires appartenant au parti
actuellement au pouvoir, le FPR, a laisse les victimes de leurs crimes
en attente de justice, a observe Human Rights Watch. Des militaires
du FPR, qui a mis fin au genocide en juillet 1994 et a forme ensuite
le gouvernement actuel, ont tue des dizaines de milliers de personnes
entre avril et decembre 1994. En 2004, la loi gacaca a ete modifiee
afin d'exclure de tels crimes, et le gouvernement a veille a ce que
ces crimes ne soient pas abordes devant les juridictions gacaca.
" L'une des graves lacunes du processus gacaca a ete son incapacite a
assurer une justice egale pour toutes les victimes de crimes graves
commis en 1994 ", a observe Daniel Bekele. " En retirant les crimes
commis par le FPR de leur competence, le gouvernement a limite le
potentiel des juridictions gacaca a favoriser la reconciliation a
long terme au Rwanda. "
Les graves erreurs judiciaires devraient etre examinees par des juges
professionnels devant des tribunaux specialises au sein du système
classique, plutôt que par les tribunaux gacaca ainsi que l'a propose le
gouvernement rwandais a la fin de 2010, a indique Human Rights Watch.
" Si les tribunaux gacaca examinent les erreurs judiciaires presumees,
il y a un risque de voir se repeter certains des memes problèmes ",
a conclu Daniel Bekele. " Au lieu de cela, le gouvernement devrait
s'assurer que le système judiciaire formel examine ces affaires de
manière professionnelle, equitable et impartiale. Cela aiderait
a assurer l'heritage du système gacaca et a renforcer le système
judiciaire du Rwanda pour les generations a venir. "
Quelques citations tirees du rapport :
" Je n'arrive pas a comprendre comment vous pouvez me demander de
presenter mes temoins a decharge alors que je ne connais meme pas
les accusations portees contre moi dans cette affaire ? " -Un homme
accuse, lors de son procès dans le sud du Rwanda
" Pourquoi est-ce que toute personne qui dit la verite et defend un
homme est consideree comme traître ? " -Un rescape du genocide lors
d'une deposition en tant que temoin a decharge dans un procès gacaca
" En temoignant pour la defense, vous risquez de voir vos declarations
qualifiees de mensonges. " -Une autorite locale expliquant lors d'une
entrevue pourquoi davantage de temoins ne deposent pas
" Dans le processus gacaca, il y a eu beaucoup de conflits personnels
qui n'avaient rien a voir avec le genocide. " -Un rescape du genocide
" Il faut donner de l'argent. Les juges gacaca n'ont pas ete payes
alors ils ont parfois pris des dispositions pour recevoir de l'argent
de ceux qui ont ete accuses. " -Un homme accuse de genocide qui a
declare qu'il avait dû payer un pot-de-vin aux juges gacaca
" Le plus gros problème avec le système gacaca, ce sont les crimes
dont nous ne pouvons pas discuter. On nous dit qu'on ne peut pas
discuter de certains crimes, les meurtres commis par le FPR, devant
les juridictions gacaca, meme si les familles ont besoin de parler. On
nous dit de nous taire sur ces questions. C'est un gros problème. Ce
n'est pas de la justice. " -Un membre de la famille d'une victime de
crimes commis par des militaires du parti actuellement au pouvoir
" Le système gacaca a ameliore la situation parce que les gens se
rapprochent lentement les uns des autres alors qu'ils ne le faisaient
pas auparavant. " -Un juge (lui-meme un rescape du genocide) qui a
participe aux procès gacaca
" Il s'agit de reconciliation imposee par le gouvernement. Le
gouvernement a force les gens a demander et donner le pardon. Personne
ne le fait volontairement ... Le gouvernement a gracie les tueurs, pas
nous. " -Une rescapee du genocide qui a ete violee pendant le genocide
" Le processus gacaca a laisse les Hutus et les Tutsis encore plus
divises que jamais. " -Un membre de la famille d'un homme accuse
de genocide
" Comment faire pour decider d'une politique a l'egard de la
proposition pour gacaca ?....[ I] l est clair que la proposition est
a la fois très prometteuse et très dangereuse [...] Il n'y a moyen
d'etre sûr de rien : c'est un pari gigantesque pour les autorites
et la population rwandaises, comme il le serait pour tout bailleur
de fonds le soutenant (avec la difference que pour les bailleurs de
fonds, ce n'est pas une question de vie ou de mort, tandis que c'est
le cas pour les Rwandais). "
-L'auteur d'une etude universitaire sur la question du soutien
potentiel des bailleurs de fonds internationaux pour le processus
gacaca
Retour a la rubrique
Source/Lien : Human Rights Watch
Publie le : 02-06-2011
Info Collectif VAN - www.collectifvan.org - Le Collectif VAN vous
propose cette information publiee sur le site Human Rights Watch le
31 mai 2011.
Legende photo : un rescape du genocide porte des accusations contre un
prisonnier (portant une chemise rose) au cours d'une audience gacaca
en fevrier 2003 près de Gikongoro, dans le sud du Rwanda.
De graves erreurs judiciaires requièrent un examen par le système
judiciaire national
(Kigali, le 31 mai 2011) - Les tribunaux communautaires gacaca au
Rwanda ont aide les communautes a faire face au genocide de 1994 dans
le pays mais n'ont pas reussi a fournir des decisions et une justice
credibles dans un certain nombre d'affaires, a declare Human Rights
Watch dans un rapport publie aujourd'hui. Alors que les tribunaux
gacaca reduisent progressivement leurs activites, le Rwanda devrait
mettre en place des unites specialisees au sein du système judiciaire
national afin d'examiner les allegations d'erreurs judiciaires,
a ajoute Human Rights Watch.
Le rapport de 160 pages, " Justice compromise : L'heritage des
tribunaux communautaires gacaca du Rwanda ", evalue les reussites des
tribunaux et souligne un certain nombre de graves lacunes dans leur
travail, notamment la corruption et des irregularites de procedure. Le
rapport examine egalement la decision du gouvernement de transferer
les affaires de viols liees au genocide devant les tribunaux gacaca
et d'exclure de leur competence les crimes commis par des militaires
du Front patriotique rwandais (FPR), parti au pouvoir dans le pays
depuis que le genocide a pris fin en juillet 1994.
" L'experience ambitieuse du Rwanda dans la justice transitionnelle
laissera un heritage mitige ", a declare Daniel Bekele, directeur
de la division Afrique a Human Rights Watch. " Les tribunaux ont
aide les Rwandais a mieux comprendre ce qui s'est passe en 1994,
mais dans de nombreux cas des procès defectueux ont conduit a des
erreurs judiciaires. "
Le rapport est base sur l'observation par Human Rights Watch de plus
de 2 000 jours de procès devant les juridictions gacaca, sur l'examen
de plus de 350 affaires, et sur des entretiens avec des centaines
de participants de toutes les parties prenantes du processus gacaca,
notamment des accuses, des rescapes du genocide, des temoins, d'autres
membres de la communaute, des juges, ainsi que des autorites locales
et nationales.
Depuis 2005, un peu plus de 12 000 tribunaux gacaca communautaires
ont juge environ 1,2 million d'affaires liees au genocide de
1994. Les violences ont fait plus d'un demi-million de morts,
appartenant principalement a la population minoritaire tutsie du
pays. Les tribunaux communautaires sont appeles gacaca - " gazon "
dans la langue du pays, le kinyarwanda, se referant a l'endroit où
les communautes se reunissaient traditionnellement pour regler les
differends. Il etait prevu que les tribunaux aient acheve les procès
a la mi-2010, mais leur clôture a ete reportee a octobre 2010. En
mai 2011, le ministre de la Justice aurait annonce que les tribunaux
gacaca seraient officiellement clôtures d'ici decembre 2011.
Les juridictions gacaca ont ete creees en 2001 pour repondre a la
surcharge d'affaires dans le système judiciaire classique et a une
crise carcerale. En 1998, 130 000 suspects de genocide etaient
entasses dans un espace carceral concu pour accueillir 12 000
personnes, aboutissant a des conditions inhumaines et des milliers
de morts. Entre decembre 1996 et le debut de 1998, les tribunaux
classiques avaient juge seulement 1 292 personnes soupconnees de
genocide, ce qui a conduit a l'assentiment general qu'une nouvelle
approche etait necessaire pour accelerer les procès.
La loi gacaca adoptee au Rwanda en 2001 a cherche a resoudre cet
encombrement. Les nouveaux tribunaux gacaca, sous la supervision
du gouvernement mais avec des garanties limitees d'une procedure
regulière, ont combine le droit penal moderne avec des procedures
communautaires informelles plus traditionnelles.
Le gouvernement rwandais a ete confronte a des defis enormes dans la
creation d'un système qui pourrait traiter rapidement des dizaines de
milliers d'affaires d'une manière qui serait largement acceptee par la
population, a indique Human Rights Watch. Ce système a obtenu certaines
reussites, notamment la tenue de procès rapides avec la participation
populaire, une reduction de la population carcerale, une meilleure
comprehension de ce qui s'est passe en 1994, la localisation et
l'identification des corps des victimes et un eventuel assouplissement
des tensions ethniques entre le groupe ethnique majoritaire hutu et
la minorite tutsie.
Les Rwandais ont toutefois paye un prix eleve pour les compromis faits
lors de la mise en place du nouveau système gacaca. Human Rights Watch
a constate un large eventail de violations de procès equitable. Il
s'agit notamment de restrictions sur la capacite de l'accuse a
etablir une defense efficace ; d'eventuelles erreurs judiciaires dues
a l'utilisation de juges n'ayant en grande partie pas beneficie de la
formation necessaire ; de fausses accusations, dont certaines basees
sur la volonte du gouvernement rwandais de faire taire les critiques ;
du detournement du système gacaca pour regler des comptes personnels ;
d'intimidation de temoins a decharge par des juges ou par des autorites
; et de corruption par des juges et des parties aux affaires.
" La creation des juridictions gacaca a ete une bonne chose car elle
a permis a la population de jouer un rôle important dans le processus
gacaca. Mais je deplore [s'adressant aux juges] votre parti pris ",
a declare un temoin lors d'un procès observe par Human Rights Watch.
Le gouvernement rwandais a soutenu que les droits traditionnels de
procès equitable n'etaient pas necessaires parce que les membres
de la communaute - au fait de ce qui s'est passe dans leur region
en 1994 - revèleraient les faux temoignages ou la partialite des
juges. Mais Human Rights Watch a constate dans de nombreux cas que
des temoins potentiels ne se sont pas exprimes pour la defense de
suspects du genocide parce qu'ils craignaient des poursuites pour
parjure, complicite dans le genocide ou " ideologie genocidaire ",
delit vaguement defini interdisant les idees, les declarations ou
une conduite qui pourraient entraîner des tensions ethniques ou des
violences. D'autres craignaient de subir l'ostracisme social pour
avoir aide des suspects a se defendre.
Un rescape du genocide interroge par Human Rights Watch a fondu en
larmes, en disant qu'il avait honte d'avoir eu trop peur de temoigner
pour la defense d'un homme hutu qui avait sauve sa vie et celles de
plus d'une dizaine de membres de sa famille.
" Un certain nombre de personnes nous ont dit qu'elles avaient garde
le silence pendant les procès gacaca alors meme qu'elles croyaient
les suspects innocents ", a declare Daniel Bekele. " Ces personnes ont
estime que l'enjeu de se presenter pour defendre les personnes accusees
a tort de crimes lies au genocide etait tout simplement trop eleve. "
Human Rights Watch a egalement interviewe des victimes de viol
dont les affaires liees au genocide ont ete transferees en mai 2008
depuis les tribunaux classiques, dotes d'une meilleure protection
des renseignements personnels, devant les tribunaux gacaca, dont les
procedures sont connues de toute la communaute, bien que se deroulant
a huis clos. De nombreuses victimes de viol se sont senties trahies
par cette perte de confidentialite.
La decision du gouvernement d'exclure de la competence des tribunaux
gacaca les crimes commis par des militaires appartenant au parti
actuellement au pouvoir, le FPR, a laisse les victimes de leurs crimes
en attente de justice, a observe Human Rights Watch. Des militaires
du FPR, qui a mis fin au genocide en juillet 1994 et a forme ensuite
le gouvernement actuel, ont tue des dizaines de milliers de personnes
entre avril et decembre 1994. En 2004, la loi gacaca a ete modifiee
afin d'exclure de tels crimes, et le gouvernement a veille a ce que
ces crimes ne soient pas abordes devant les juridictions gacaca.
" L'une des graves lacunes du processus gacaca a ete son incapacite a
assurer une justice egale pour toutes les victimes de crimes graves
commis en 1994 ", a observe Daniel Bekele. " En retirant les crimes
commis par le FPR de leur competence, le gouvernement a limite le
potentiel des juridictions gacaca a favoriser la reconciliation a
long terme au Rwanda. "
Les graves erreurs judiciaires devraient etre examinees par des juges
professionnels devant des tribunaux specialises au sein du système
classique, plutôt que par les tribunaux gacaca ainsi que l'a propose le
gouvernement rwandais a la fin de 2010, a indique Human Rights Watch.
" Si les tribunaux gacaca examinent les erreurs judiciaires presumees,
il y a un risque de voir se repeter certains des memes problèmes ",
a conclu Daniel Bekele. " Au lieu de cela, le gouvernement devrait
s'assurer que le système judiciaire formel examine ces affaires de
manière professionnelle, equitable et impartiale. Cela aiderait
a assurer l'heritage du système gacaca et a renforcer le système
judiciaire du Rwanda pour les generations a venir. "
Quelques citations tirees du rapport :
" Je n'arrive pas a comprendre comment vous pouvez me demander de
presenter mes temoins a decharge alors que je ne connais meme pas
les accusations portees contre moi dans cette affaire ? " -Un homme
accuse, lors de son procès dans le sud du Rwanda
" Pourquoi est-ce que toute personne qui dit la verite et defend un
homme est consideree comme traître ? " -Un rescape du genocide lors
d'une deposition en tant que temoin a decharge dans un procès gacaca
" En temoignant pour la defense, vous risquez de voir vos declarations
qualifiees de mensonges. " -Une autorite locale expliquant lors d'une
entrevue pourquoi davantage de temoins ne deposent pas
" Dans le processus gacaca, il y a eu beaucoup de conflits personnels
qui n'avaient rien a voir avec le genocide. " -Un rescape du genocide
" Il faut donner de l'argent. Les juges gacaca n'ont pas ete payes
alors ils ont parfois pris des dispositions pour recevoir de l'argent
de ceux qui ont ete accuses. " -Un homme accuse de genocide qui a
declare qu'il avait dû payer un pot-de-vin aux juges gacaca
" Le plus gros problème avec le système gacaca, ce sont les crimes
dont nous ne pouvons pas discuter. On nous dit qu'on ne peut pas
discuter de certains crimes, les meurtres commis par le FPR, devant
les juridictions gacaca, meme si les familles ont besoin de parler. On
nous dit de nous taire sur ces questions. C'est un gros problème. Ce
n'est pas de la justice. " -Un membre de la famille d'une victime de
crimes commis par des militaires du parti actuellement au pouvoir
" Le système gacaca a ameliore la situation parce que les gens se
rapprochent lentement les uns des autres alors qu'ils ne le faisaient
pas auparavant. " -Un juge (lui-meme un rescape du genocide) qui a
participe aux procès gacaca
" Il s'agit de reconciliation imposee par le gouvernement. Le
gouvernement a force les gens a demander et donner le pardon. Personne
ne le fait volontairement ... Le gouvernement a gracie les tueurs, pas
nous. " -Une rescapee du genocide qui a ete violee pendant le genocide
" Le processus gacaca a laisse les Hutus et les Tutsis encore plus
divises que jamais. " -Un membre de la famille d'un homme accuse
de genocide
" Comment faire pour decider d'une politique a l'egard de la
proposition pour gacaca ?....[ I] l est clair que la proposition est
a la fois très prometteuse et très dangereuse [...] Il n'y a moyen
d'etre sûr de rien : c'est un pari gigantesque pour les autorites
et la population rwandaises, comme il le serait pour tout bailleur
de fonds le soutenant (avec la difference que pour les bailleurs de
fonds, ce n'est pas une question de vie ou de mort, tandis que c'est
le cas pour les Rwandais). "
-L'auteur d'une etude universitaire sur la question du soutien
potentiel des bailleurs de fonds internationaux pour le processus
gacaca
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