RAPPORT DE MISSION : "UN LIVRE N'EST PAS UNE BOMBE !"
Source/Lien : Reporters Sans Frontieres
Publie le : 17-06-2011
http://www.collectifvan.org/article.php?r=0&id=55032
Info Collectif VAN - www.collectifvan.org - Le Collectif VAN vous
propose cette information publiee sur le site des Reporters Sans
Frontières le 16 juin 2011.
Au lendemain d'elections legislatives importantes, Reporters sans
frontières en appelle aux autorites turques pour qu'elles fassent
la preuve de l'attachement a la liberte de la presse qu'elles ont
revendique lors de la campagne electorale.
Alors que le sujet n'a jamais ete autant souleve dans l'agenda
politique, l'organisation publie aujourd'hui un rapport d'enquete
intitule " Medias et justice en Turquie : entre mefiance et reflexes
securitaires ". Fruit des recents deplacements de l'organisation a
Istanbul et du travail accompli depuis lors, ce document rend compte
du harcèlement judiciaire dont sont victimes les professionnels des
medias turcs.
Malgre d'importants progrès dans le domaine de la liberte d'expression,
il reste bien trop facile d'arreter et de condamner des journalistes
qui n'ont fait que leur metier ou exprime une opinion.
Saisir leurs documents, remonter a leurs sources, est monnaie
courante en Turquie. Les principes journalistiques sont encore
trop peu garantis par la loi, alors qu'un lourd arsenal legislatif
continue de tracer de strictes lignes rouges. Lorsqu'elles existent,
ces maigres protections legales sont trop souvent balayees par
une pratique judiciaire securitaire et paranoïaque. En outre, ces
derniers mois, les journalistes se sont retrouves otages de l'intense
polarisation politique prevalant dans le pays, et sont devenus des
victimes collaterales de la lutte feroce pour le pouvoir au sein de
l'appareil d'Etat.
" Samedi, cela fera cent jours que les journalistes d'investigation
Ahmet Sik et Nedim Sener sont derrière les barreaux. D'importants
rassemblements s'organisent, temoignant que la liberte de la presse
n'etait pas seulement un thème de campagne. Par sa mobilisation sans
precedent, la societe civile a montre que ses attentes dans ce domaine
etaient reelles et importantes. Elles appellent des reponses immediates
", a declare l'organisation.
" Les autorites ont ete jugees politiquement responsables du
harcèlement judiciaire subi par les journalistes. À l'heure où elles
revendiquent pour la Turquie un rôle de modèle democratique regional,
cela ne peut que leur porter prejudice. Elles ont donc tout interet
a nouer un dialogue franc et ouvert a ce sujet avec les journalistes
et ses partenaires internationaux. "
Lors d'une conference de presse tenue a Istanbul le 19 avril 2011,
le secretaire-general de l'organisation, Jean-Francois Julliard,
avait identifie un certain nombre de " lignes rouges ", sources de
poursuites pour les journalistes qui les franchissent.
Malheureusement, ce constat n'a rien perdu de son actualite, comme
l'illustrent abondamment des exemples tires des seules deux dernières
semaines :
Le tabou qui a longtemps pese sur l'armee s'est allege, mais
l'institution judiciaire et la police restent intouchables pour les
journalistes. Interdit d'autant plus redoutable que celles-ci sont a
la fois juges et parties. La couverture des affaires judiciaires est
donc le premier motif des poursuites intentees aux journalistes, sur le
fondement des articles 285 (violation du secret de l'enquete) et 288
(tentative d'influencer le resultat d'un procès) du code penal. Le
2 juin encore, les journalistes Nedim Sener, Hasan Cakkalkurt (de
Milliyet) et Aysegul Usta (de Hurriyet) comparaissaient devant la
2e chambre du Tribunal correctionnel de Bakirkoy (Istanbul) pour
" violation du secret de l'enquete ". Pour Nedim Sener, incarcere
depuis le 3 mars 2011 dans le cadre de l'affaire d'Etat " Ergenekon
", il s'agit de la neuvième enquete en cours.
La critique du chef du gouvernement Recep Tayyip Erdogan est de
moins en moins toleree, comme en temoigne le procès d'Ahmet Altan,
directeur des publications du quotidien Taraf, qui a debute le 9
juin 2011. Le journaliste risque deux ans et huit mois de prison pour
" offense a la personne du Premier ministre ". Dans deux chroniques
parues en janvier, il avait critique la decision de M. Erdogan de faire
detruire une statue inachevee qui devait symboliser le rapprochement
entre la Turquie et l'Armenie, et l'avait qualifie de " personnalite
sans profondeur ".
Mais la question kurde reste la plus difficile a aborder, du fait
de l'obsession securitaire d'une justice s'appuyant sur une Loi
antiterroriste retrograde et des articles du code penal liberticides.
Le 13 juin, le seul quotidien national en langue kurde, Azadiya Welat,
a de nouveau ete suspendu pour quinze jours. Cette mesure, imposee
pour la neuvième fois au journal, a ete assortie de la confiscation
de tous les exemplaires de la veille, accuses de contenir de la "
propagande pour une organisation terroriste ". C'est pour ce meme chef
d'inculpation que l'ancien redacteur en chef d'Azadiya Welat, Vedat
Kursun, a ete condamne en appel a dix ans et six mois de prison, le 9
juin. Initialement condamne a cent soixante-six ans d'emprisonnement,
le journaliste est incarcere a Diyarbakir (Sud-est) depuis près de
deux ans et demi.
Le 7 juin, le journaliste de Batman Gazetesi Ercan Atay a ete condamne
a trente-sept jours de prison pour avoir cite dans un article la
declaration d'un representant du PKK. La qualification de ce travail
d'information d'" apologie d'un criminel " par la cour fait echo a
de nombreux cas relates dans le rapport de Reporters sans frontières.
L'organisation demande aux institutions judiciaires de considerer
sans delai les listes de journalistes emprisonnes compilees par
la plate-forme " Liberte aux Journalistes " (GOP) et l'OSCE, et
de liberer immediatement et sans condition tous ceux qui ne sont
emprisonnes qu'en raison de leur activite professionnelle. Reporters
sans frontières a pour l'instant identifie cinq detenus dans ce cas,
mais l'opacite de la justice rend les verifications difficiles et
leur nombre final est très certainement plus eleve.
La Loi antiterroriste et les articles liberticides du code penal
doivent imperativement etre supprimes ou revus en profondeur,
de manière a les rendre conformes aux conventions internationales
ratifiees par la Turquie et garantissant la liberte d'expression.
L'institution judiciaire doit changer d'approche vis-a-vis des medias,
cesser de confondre journalistes et terroristes, et laisser davantage
de place a l'autoregulation de la presse.
" La Turquie est a la croisee des chemins : les progrès democratiques
accomplis au cours des dix dernières annees sont impressionnants,
mais ils sont incomplets et fragiles. Les dernières attaques contre
les journalistes montrent qu'un retour en arrière est possible a tout
moment. La large victoire electorale du parti AKP au pouvoir devrait
rassurer les dirigeants et leur montrer qu'ils n'ont rien a craindre
de la libre expression. Le gouvernement doit maintenant prouver qu'il
est toujours determine a mener jusqu'au bout les reformes democratiques
exigees par la societe ", a conclu l'organisation.
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Source/Lien : Reporters Sans Frontieres
Publie le : 17-06-2011
http://www.collectifvan.org/article.php?r=0&id=55032
Info Collectif VAN - www.collectifvan.org - Le Collectif VAN vous
propose cette information publiee sur le site des Reporters Sans
Frontières le 16 juin 2011.
Au lendemain d'elections legislatives importantes, Reporters sans
frontières en appelle aux autorites turques pour qu'elles fassent
la preuve de l'attachement a la liberte de la presse qu'elles ont
revendique lors de la campagne electorale.
Alors que le sujet n'a jamais ete autant souleve dans l'agenda
politique, l'organisation publie aujourd'hui un rapport d'enquete
intitule " Medias et justice en Turquie : entre mefiance et reflexes
securitaires ". Fruit des recents deplacements de l'organisation a
Istanbul et du travail accompli depuis lors, ce document rend compte
du harcèlement judiciaire dont sont victimes les professionnels des
medias turcs.
Malgre d'importants progrès dans le domaine de la liberte d'expression,
il reste bien trop facile d'arreter et de condamner des journalistes
qui n'ont fait que leur metier ou exprime une opinion.
Saisir leurs documents, remonter a leurs sources, est monnaie
courante en Turquie. Les principes journalistiques sont encore
trop peu garantis par la loi, alors qu'un lourd arsenal legislatif
continue de tracer de strictes lignes rouges. Lorsqu'elles existent,
ces maigres protections legales sont trop souvent balayees par
une pratique judiciaire securitaire et paranoïaque. En outre, ces
derniers mois, les journalistes se sont retrouves otages de l'intense
polarisation politique prevalant dans le pays, et sont devenus des
victimes collaterales de la lutte feroce pour le pouvoir au sein de
l'appareil d'Etat.
" Samedi, cela fera cent jours que les journalistes d'investigation
Ahmet Sik et Nedim Sener sont derrière les barreaux. D'importants
rassemblements s'organisent, temoignant que la liberte de la presse
n'etait pas seulement un thème de campagne. Par sa mobilisation sans
precedent, la societe civile a montre que ses attentes dans ce domaine
etaient reelles et importantes. Elles appellent des reponses immediates
", a declare l'organisation.
" Les autorites ont ete jugees politiquement responsables du
harcèlement judiciaire subi par les journalistes. À l'heure où elles
revendiquent pour la Turquie un rôle de modèle democratique regional,
cela ne peut que leur porter prejudice. Elles ont donc tout interet
a nouer un dialogue franc et ouvert a ce sujet avec les journalistes
et ses partenaires internationaux. "
Lors d'une conference de presse tenue a Istanbul le 19 avril 2011,
le secretaire-general de l'organisation, Jean-Francois Julliard,
avait identifie un certain nombre de " lignes rouges ", sources de
poursuites pour les journalistes qui les franchissent.
Malheureusement, ce constat n'a rien perdu de son actualite, comme
l'illustrent abondamment des exemples tires des seules deux dernières
semaines :
Le tabou qui a longtemps pese sur l'armee s'est allege, mais
l'institution judiciaire et la police restent intouchables pour les
journalistes. Interdit d'autant plus redoutable que celles-ci sont a
la fois juges et parties. La couverture des affaires judiciaires est
donc le premier motif des poursuites intentees aux journalistes, sur le
fondement des articles 285 (violation du secret de l'enquete) et 288
(tentative d'influencer le resultat d'un procès) du code penal. Le
2 juin encore, les journalistes Nedim Sener, Hasan Cakkalkurt (de
Milliyet) et Aysegul Usta (de Hurriyet) comparaissaient devant la
2e chambre du Tribunal correctionnel de Bakirkoy (Istanbul) pour
" violation du secret de l'enquete ". Pour Nedim Sener, incarcere
depuis le 3 mars 2011 dans le cadre de l'affaire d'Etat " Ergenekon
", il s'agit de la neuvième enquete en cours.
La critique du chef du gouvernement Recep Tayyip Erdogan est de
moins en moins toleree, comme en temoigne le procès d'Ahmet Altan,
directeur des publications du quotidien Taraf, qui a debute le 9
juin 2011. Le journaliste risque deux ans et huit mois de prison pour
" offense a la personne du Premier ministre ". Dans deux chroniques
parues en janvier, il avait critique la decision de M. Erdogan de faire
detruire une statue inachevee qui devait symboliser le rapprochement
entre la Turquie et l'Armenie, et l'avait qualifie de " personnalite
sans profondeur ".
Mais la question kurde reste la plus difficile a aborder, du fait
de l'obsession securitaire d'une justice s'appuyant sur une Loi
antiterroriste retrograde et des articles du code penal liberticides.
Le 13 juin, le seul quotidien national en langue kurde, Azadiya Welat,
a de nouveau ete suspendu pour quinze jours. Cette mesure, imposee
pour la neuvième fois au journal, a ete assortie de la confiscation
de tous les exemplaires de la veille, accuses de contenir de la "
propagande pour une organisation terroriste ". C'est pour ce meme chef
d'inculpation que l'ancien redacteur en chef d'Azadiya Welat, Vedat
Kursun, a ete condamne en appel a dix ans et six mois de prison, le 9
juin. Initialement condamne a cent soixante-six ans d'emprisonnement,
le journaliste est incarcere a Diyarbakir (Sud-est) depuis près de
deux ans et demi.
Le 7 juin, le journaliste de Batman Gazetesi Ercan Atay a ete condamne
a trente-sept jours de prison pour avoir cite dans un article la
declaration d'un representant du PKK. La qualification de ce travail
d'information d'" apologie d'un criminel " par la cour fait echo a
de nombreux cas relates dans le rapport de Reporters sans frontières.
L'organisation demande aux institutions judiciaires de considerer
sans delai les listes de journalistes emprisonnes compilees par
la plate-forme " Liberte aux Journalistes " (GOP) et l'OSCE, et
de liberer immediatement et sans condition tous ceux qui ne sont
emprisonnes qu'en raison de leur activite professionnelle. Reporters
sans frontières a pour l'instant identifie cinq detenus dans ce cas,
mais l'opacite de la justice rend les verifications difficiles et
leur nombre final est très certainement plus eleve.
La Loi antiterroriste et les articles liberticides du code penal
doivent imperativement etre supprimes ou revus en profondeur,
de manière a les rendre conformes aux conventions internationales
ratifiees par la Turquie et garantissant la liberte d'expression.
L'institution judiciaire doit changer d'approche vis-a-vis des medias,
cesser de confondre journalistes et terroristes, et laisser davantage
de place a l'autoregulation de la presse.
" La Turquie est a la croisee des chemins : les progrès democratiques
accomplis au cours des dix dernières annees sont impressionnants,
mais ils sont incomplets et fragiles. Les dernières attaques contre
les journalistes montrent qu'un retour en arrière est possible a tout
moment. La large victoire electorale du parti AKP au pouvoir devrait
rassurer les dirigeants et leur montrer qu'ils n'ont rien a craindre
de la libre expression. Le gouvernement doit maintenant prouver qu'il
est toujours determine a mener jusqu'au bout les reformes democratiques
exigees par la societe ", a conclu l'organisation.
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