AZERBAIDJAN : A NRADARAN, LES ISLAMISTES DEFIENT LE REGIME
Stephane
armenews.com
jeudi 23 juin 2011
REPORTAGE - La ville de Nradaran est l'un des très rares endroits du
pays où l'on peut qualifier le president Aliev " d'usurpateur ".
En cette fin d'après-midi, les doyens de Nradaran prennent le frais sur
la place de l'Imam-Hussein, bercee par la brise de la mer Caspienne,
toute proche. C'est l'heure des boissons locales, des biscuits et des
palabres. Mais aussi de la prière. Dans la rue poussiereuse qui mène a
la grande mosquee, on croise, furtivement, des silhouettes feminines
tout de noir vetues. Dans ce bourg de 9000 habitants, situe a vingt
kilomètres de Bakou, la figure tutelaire du petit-fils de Mahomet
-personnage sacre dans la confession chiite- semble veiller sur les
âmes, comme en temoignent les citations de l'imam, calligraphiees sur
les murs. " Je ne luttais pas pour des biens, juste pour l'islam ",
prechait le fils d'Ali, qui mourut en martyr a la bataille de Karbala
(680).
Combattants de la foi À leur manière, les fidèles de Nradaran se
veulent des combattants de la foi. À notre arrivee, un habitant nous
interpelle : " Ici, les Francais ne sont pas les bienvenus, car ils
portent tort a l'islam. " Impoli, l'homme se fait aussitôt rabrouer
par le sage du village, Natig Karimov, qui souhaiterait donner de
Nradaran une image de paix et de tolerance. " Ici c'est le seul
endroit du pays où règne la democratie ", affirme le vieil homme.
Comprendre : le seul village azeri où des jeunes filles voilees
peuvent se rendre a l'ecole sans crainte d'etre renvoyees. " Certes,
l'Azerbaïdjan est une republique laïque et la charia ne s'y applique
pas, mais lorsque le gouvernement se mele des affaires religieuses,
proscrit le hidjab, interdit aux fidèles de prier dans la rue faute
de place dans les lieux de culte, alors nous protestons. "
Organisees a l'initiative du conseil du village, les manifestations
ne sont pas rares. La plus violente, en 2002, pour protester
contre le chômage et le manque d'infrastructures, avait dure neuf
mois. Elle s'etait soldee par un mort et dix-sept blesses. Depuis,
la police de Bakou hesite a s'aventurer dans le village, l'un des
très rares endroits du pays où l'on peut qualifier le president Aliev
" d'usurpateur ".
Aux yeux du pouvoir azeri, a la fois dictatorial et profondement
laïque, Nradaran est un repaire d'extremistes finances par l'Iran,
une pointe avancee du proselytisme chiite destinee a contrarier
la trajectoire occidentale du pays et a ebranler son modèle
multiconfessionnel. " L'Iran est notre principale menace ", estime
Azim Mollazade, president du Parti des reformes democratiques, une
formation proche du pouvoir. Les relations entre Teheran et Bakou
sont aussi etroites que tendues. Avec ses seize millions d'individus,
la communaute azerie constitue la première minorite d'Iran. Teheran
finance une television en langue azerie, Seher, qui denonce en boucle
le caractère " impie " du regime d'Ilham Aliev. Ce dernier accuse le
regime des mollahs d'attiser le conflit frontalier du Haut-Karabakh
en prenant fait et cause pour l'Armenie, contre l'Azerbaïdjan. Pour
sa part, Bakou collabore etroitement avec Israël, notamment sur le
plan militaire, ce qui en fait une cible de choix pour Teheran.
Stephane
armenews.com
jeudi 23 juin 2011
REPORTAGE - La ville de Nradaran est l'un des très rares endroits du
pays où l'on peut qualifier le president Aliev " d'usurpateur ".
En cette fin d'après-midi, les doyens de Nradaran prennent le frais sur
la place de l'Imam-Hussein, bercee par la brise de la mer Caspienne,
toute proche. C'est l'heure des boissons locales, des biscuits et des
palabres. Mais aussi de la prière. Dans la rue poussiereuse qui mène a
la grande mosquee, on croise, furtivement, des silhouettes feminines
tout de noir vetues. Dans ce bourg de 9000 habitants, situe a vingt
kilomètres de Bakou, la figure tutelaire du petit-fils de Mahomet
-personnage sacre dans la confession chiite- semble veiller sur les
âmes, comme en temoignent les citations de l'imam, calligraphiees sur
les murs. " Je ne luttais pas pour des biens, juste pour l'islam ",
prechait le fils d'Ali, qui mourut en martyr a la bataille de Karbala
(680).
Combattants de la foi À leur manière, les fidèles de Nradaran se
veulent des combattants de la foi. À notre arrivee, un habitant nous
interpelle : " Ici, les Francais ne sont pas les bienvenus, car ils
portent tort a l'islam. " Impoli, l'homme se fait aussitôt rabrouer
par le sage du village, Natig Karimov, qui souhaiterait donner de
Nradaran une image de paix et de tolerance. " Ici c'est le seul
endroit du pays où règne la democratie ", affirme le vieil homme.
Comprendre : le seul village azeri où des jeunes filles voilees
peuvent se rendre a l'ecole sans crainte d'etre renvoyees. " Certes,
l'Azerbaïdjan est une republique laïque et la charia ne s'y applique
pas, mais lorsque le gouvernement se mele des affaires religieuses,
proscrit le hidjab, interdit aux fidèles de prier dans la rue faute
de place dans les lieux de culte, alors nous protestons. "
Organisees a l'initiative du conseil du village, les manifestations
ne sont pas rares. La plus violente, en 2002, pour protester
contre le chômage et le manque d'infrastructures, avait dure neuf
mois. Elle s'etait soldee par un mort et dix-sept blesses. Depuis,
la police de Bakou hesite a s'aventurer dans le village, l'un des
très rares endroits du pays où l'on peut qualifier le president Aliev
" d'usurpateur ".
Aux yeux du pouvoir azeri, a la fois dictatorial et profondement
laïque, Nradaran est un repaire d'extremistes finances par l'Iran,
une pointe avancee du proselytisme chiite destinee a contrarier
la trajectoire occidentale du pays et a ebranler son modèle
multiconfessionnel. " L'Iran est notre principale menace ", estime
Azim Mollazade, president du Parti des reformes democratiques, une
formation proche du pouvoir. Les relations entre Teheran et Bakou
sont aussi etroites que tendues. Avec ses seize millions d'individus,
la communaute azerie constitue la première minorite d'Iran. Teheran
finance une television en langue azerie, Seher, qui denonce en boucle
le caractère " impie " du regime d'Ilham Aliev. Ce dernier accuse le
regime des mollahs d'attiser le conflit frontalier du Haut-Karabakh
en prenant fait et cause pour l'Armenie, contre l'Azerbaïdjan. Pour
sa part, Bakou collabore etroitement avec Israël, notamment sur le
plan militaire, ce qui en fait une cible de choix pour Teheran.