LES MEMORIAUX DU GENOCIDE : SYMBOLISME, USAGE RITUEL ET SIGNIFICATION
par Jean Murachanian
Source/Lien : Armenian Trends - Mes Armenies
Publie le : 27-06-2011
Info Collectif VAN - www.collectifvan.org - Le Collectif VAN vous
invite a lire cette information traduite par Georges Festa et publiee
sur le site 'Armenian Trends - Mes Armenies' le 25 juin 2011.
Photo : Memorial du Genocide armenien, Montebello, Californie
(Etats-Unis) © en.wikipedia.org- Khatchkar-Memorial, Parlement des
Nouvelles Galles du Sud, Sydney (Australie) © www.armenian-genocide.org
- Eglise-Memorial de Deir-es-Zor (Syrie) © en.wikipedia.org - Memorial
du genocide armenien, Bikfaya (Liban) © en.wikipedia.org - Memorial
du Genocide armenien, Erevan (Armenie)
Les memoriaux du genocide : symbolisme, usage rituel et signification
www.criticsforum.org
Cette annee [2011], le 24 avril tombe un dimanche de Pâques, une
coïncidence significative sur le plan symbolique, a la fois tragique
et emplie d'esperance. Naturellement, cette confluence presente
aussi des difficultes d'organisation pour de nombreux membres de la
communaute armenienne. En raison de cet etat de fait, le programme de
commemoration au Memorial du Genocide de Montebello, en Californie,
par exemple, aura lieu la veille, le 23 avril.
Or ce genre de conflits, en apparence anodins, nous donne aussi
l'occasion d'aborder leur signification symbolique. Comme l'a rappele
Monseigneur Anouchavan Zhamkotchian, doyen a la Faculte de Theologie
de l'Universite d'Etat d'Erevan, concernant cette convergence de
jours sacres, tout en encourageant la reconnaissance de cette double
signification du 24 avril 2011 : " Nous devons tout d'abord rendre
hommage a la memoire des victimes innocentes du genocide, puis prier
pour la Resurrection. Il y a comme un symbole dans cette coïncidence.
Et l'existence du peuple armenien symbolise la Resurrection meme. Nous
avons prouve qu'un peuple peut revivre après un massacre et meme
devenir plus fort. "
La convergence de ces deux commemorations soumet plusieurs questions,
en particulier au regard des expressions de l'identite armenienne. La
commemoration du genocide acquiert-elle davantage de sens par
l'entremise d'un monument ? La participation a une manifestation
commemorative a-t-elle plus a voir avec l'affirmation de l'identite
armenienne, compte tenu en particulier de son caractère precaire en
diaspora, ou bien avec la demande de reconnaissance de la part de
l'Etat turc ? De quelle manière la signification de la commemoration
evolue-t-elle, si tant est, a travers les differents monuments dans
la diaspora et dans la mère-patrie ? Pour tenter de repondre a ces
questions, je prendrai en compte l'histoire et la signification de
cinq memoriaux cle du genocide dans differentes regions du monde (1).
Ce qui suit est une etude preliminaire de ces memoriaux du genocide,
choisis en fonction de leur importance et de leur innovation visuelle,
avec un centrage sur le symbolisme architectural, l'usage rituel,
l'emplacement et les inscriptions.
Avant d'evoquer certains memoriaux, j'aimerais tout d'abord prendre
en compte leur histoire. Il importe de savoir, en particulier, que
ces monuments publics furent eriges après le 50ème anniversaire du
genocide. Avant 1965, la commemoration du genocide avait lieu au
sein de la communaute armenienne. Dans l'entre-deux-guerres, les
survivants disperses se preoccupèrent de construire une nouvelle vie
pour eux-memes au lendemain du traumatisme. Hesitant a attirer une
attention negative dans leurs nouveaux pays d'accueil et manquant de
perspicacite politique, ils honoraient en prive leurs morts lors de
ceremonies austères. Après la Seconde Guerre mondiale, le genocide
armenien devint le " genocide oublie ", du fait du deni persistant
de la Turquie et de l'ampleur atroce de la Shoah.
Ce n'est qu'en 1965, durant une periode de manifestations politiques de
la part de groupes de militants des droits civiques et de feministes,
que les Armeniens commencèrent a s'affirmer. A cette epoque, les
Armeniens s'etaient suffisamment etablis dans leurs nouveaux pays
de residence et avaient pris conscience qu'une reconnaissance
etait essentielle pour l'histoire, l'identite et le salut des
Armeniens. Leurs efforts connurent une vigueur nouvelle a partir
des annees 1980, grâce a l'engagement de la deuxième et troisième
generations, lesquelles, du fait de leur decalage par rapport au
genocide et de leur connaissance aiguë des processus politiques,
etaient capables de faire avancer cette cause. Il existe maintenant
des centaines de memoriaux du genocide a travers le monde, dont
beaucoup sur des espaces publics avec des inscriptions declarant une
reconnaissance gouvernementale a des niveaux divers.
A Montebello, en Californie, un grand memorial, elance et abstrait, fut
inaugure le 24 avril 1965 dans un parc public. Le monument ressemble
a la couronne ascendante que l'on trouve dans l'architecture des
eglises armeniennes. Si la simplicite et le modernisme du dessin
conviennent a la metropole telle que Los Angeles, il temoigne aussi
des restrictions visant des references religieuses, au sens litteral,
dans des sites publics.
L'emplacement du site renvoie aussi a sa fondation. Meme si la plupart
des Armeniens de Los Angeles vivent maintenant a Glendale, Hollywood
ou dans la vallee de San Fernando, entre la fin des annees 1950 et
le debut des annees 1970 la ville de Montebello fut le centre nerveux
de la vie citoyenne et culturelle des Armeniens. Aujourd'hui, chaque
24 avril, les Armeniens de tout Los Angeles se rendent au monument.
Beaucoup, au sein de la communaute, l'incluent dans une liste de
sites qu'ils visitent chaque annee, comme le consulat de Turquie,
Little Armenia, le Centre Administratif de Glendale, ainsi que
les eglises et ecoles armeniennes. Ces diverses activites, parmi
lesquelles des ceremonies commemoratives, des discours, des defiles
et des rassemblements, attirent aussi souvent des membres du Congrès
et d'autres importantes personnalites politiques.
La reconnaissance de la part de l'Etat turc et du gouvernement des
Etats-Unis sont des objectifs cle. Comme me l'ont precise des visiteurs
du site, lors d'entretiens, le monument sert de lieu important de
regroupement pour les Armeniens, tout en rappelant avec force au
reste du monde les evenements du 24 avril. La fonction commemorative
du monument est clairement representee dans l'inscription, où il est
ecrit : " Ce monument, erige par des Americains d'origine armenienne,
est dedie aux 1 500 000 victimes armeniennes du genocide perpetre
par le gouvernement de Turquie en 1915-1921, et aux hommes de tous
les nations qui furent victimes de crimes contre l'humanite. "
A l'instar d'autres monuments du genocide celui-ci amplifie sa
fonction commemorative en identifiant les perpetrateurs de cet acte,
comme prealable a une reconnaissance. La preuve de son efficacite est
palpable. Le 1er avril de cette annee [2011], l'Etat de Californie a
erige un panneau de signalisation sur l'autoroute n° 60, orientant
les voyageurs vers le " monument aux martyrs du genocide armenien
", où, pour la première fois, les mots " genocide armenien " ont ete
utilises dans un espace public aux Etats-Unis.
Autre monument figurant dans un espace public, mais erige beaucoup plus
recemment, le khatchkar memorial de Sydney, en Australie, inaugure
le 5 mars 1999. Il est situe dans un espace floral au neuvième etage
du Parlement des Nouvelles Galles du Sud (NSW). Ce khatchkar rouge,
aux ciselures recherchees, s'elève sur un grès de Sydney, au-dessus
d'une plaque en laiton qui contient le texte integral de la motion
commemorative du genocide armenien, votee a l'unanimite au Parlement
des Nouvelles Galles du Sud, le 17 avril 1997. L'erection de ce
memorial, ainsi que son inscription, temoignent de la reconnaissance
par le gouvernement australien du genocide. Comme l'a declare
John Watkins, membre de ce Parlement, " le memorial constituera une
affirmation publique, auprès de tous ceux qui se rendent au Parlement,
de la realite du genocide et de l'importance qu'attache le Parlement
des Nouvelles Galles du Sud a sa commemoration. "
Dans les memoriaux du genocide, les khatchkars (anciennes pierres-croix
armeniennes) agissent comme des symboles a plusieurs niveaux :
comme pierres tombales, ou marqueurs de mort et de memoire ; comme
expressions de la permanence et du caractère unique de la culture
armenienne ; et comme signifiants de la foi chretienne inebranlable
du peuple armenien. Ils symbolisent aussi a juste titre la renaissance
(a travers la resurrection du Christ) et la victoire (du christianisme
sur le paganisme et, comme le relève Monseigneur Zhamkotchian, la
survie du peuple armenien). En tant que memoriaux, ils ne marquent
pas de fait l'emplacement reel de la sepulture, mais creent plutôt
de nouveaux sites voues au deuil et au souvenir.
Seule exception, la complexe eglise memorial situee a Deir-es-Zor,
en Syrie, dont la signification reside dans son identite en tant
que point final des marches de deportation. Le desert environnant y
fait office d'immense cimetière, renfermant des charniers. Le site
fut consacre le 5 mai 1991, avec le soutien de l'Eglise Apostolique
Armenienne de Syrie et le Saint-Siège de Cilicie.
Ce complexe consiste en une cour, une chapelle, ainsi qu'un memorial
funeraire et un musee souterrains. La cour contient plusieurs
khatchkars et une flamme eternelle. Le point central de la chapelle
est un tombeau souterrain se composant d'une colonne centrale en
marbre, autour de laquelle ont ete disposes les restes de victimes
du genocide. L'espace restant est un musee du genocide, apportant
une importante composante educative.
La coïncidence de traditions seculières et religieuses se prolonge
en ces lieux. Le 24 avril 2005, 90ème anniversaire du genocide,
le Catholicos de Cilicie, Sa Saintete Aram Ier, fit l'eloge de la
volonte de survivre du peuple armenien, tout en situant l'importance
du memorial dans son contexte et dans ces memes termes : " La chapelle
de Deir-es-Zor a une signification differente par rapport a toutes les
autres eglises dans le monde ; elle est un refuge pour nos victimes
[...] Nos martyrs ont marche a travers ce desert. Ils sont morts,
mais nous ont donne la vie grâce a leur foi et a leur sacrifice. "
Le site se visite en complement du pèlerinage vers une autre eglise
memorial a Margadeh, en Syrie, situee a une heure environ de cet
endroit. La signification de Deir-es-Zor en fait un important lieu
de pèlerinage pour les Armeniens a travers le monde.
Un monument figuratif saisissant fut consacre le 24 avril 1965
sur un terrain ecclesiastique, a Bikfaya, au Liban. Ce memorial fut
parraine par la communaute armenienne libanaise et l'Eglise Apostolique
Armenienne du Liban. Il est situe sur une petite hauteur a l'interieur
du monastère armenien du Catholicossat de Cilicie a Bikfaya, au sein
de l'espace protege de l'Eglise, sur un emplacement qui invite aux
rassemblements publics. Des actions de commemoration alternent tous
les deux ans avec une chapelle monument a Antelias, au Liban.
Le memorial de Bikfaya est en bronze, representant une figure feminine
abstraite. Agenouillee, les bras et la partie superieure du corps
tendue vers le ciel. Son attitude est a la fois humble et energique.
Sa position suggère celle d'une femme en prière, implorant le
Tout-puissant, autre allusion a la foi chretienne du peuple armenien
qu'elle est censee representer. Ses jambes robustes et massives sont
fermement arrimees a la terre, signifiant l'importance du territoire
pour la permanence de son peuple et suggerant qu'elle ne cèdera pas
aisement le lieu.
L'inscription (traduite de l'armenien et de l'arabe) precise : " Ce
monument, qui commemore le 50ème anniversaire du genocide armenien,
a ete erige avec le concours de toute la communaute armenienne du
Liban, afin de celebrer la renaissance de la nation armenienne et
d'exprimer notre gratitude envers notre pays, le Liban. " Tout en
reconnaissant le genocide, la dedicace celèbre aussi la resurrection
du peuple armenien et sa gratitude envers son pays d'adoption, un
trait caracteristique des memoriaux d'après-1965.
Un important monument de la mère patrie se situe a Erevan, la capitale,
dans l'Armenie actuelle. Le memorial fut dedie le 24 avril 1968. L'elan
qui presida a son erection fut une manifestation qui eut lieu le 24
avril 1965, lorsque des milliers d'Armeniens marchèrent sur Erevan. Peu
de temps après, les autorites sovietiques accordèrent a leurs camarades
le droit de bâtir un monument commemoratif. Le caractère abstrait
du memorial temoigne des restrictions sovietiques a cette epoque,
concernant en particulier les references religieuses, et plus austère
encore que d'autres sites comparables, où qu'ils soient.
Le memorial se situe dans un parc au sommet d'une hauteur a
Tsitsernakaberd, juste en dehors du centre d'Erevan. Chaque 24 avril,
des milliers d'Armeniens rendent hommage lors d'une ceremonie de
pèlerinage, qui renforce la fonction commemorative du monument en la
reactivant. Les visiteurs doivent symboliquement revivre les marches
de deportation en gravissant une longue et sinueuse colline, avant
d'arriver au complexe du memorial. Une fois arrives, ils rencontrent
un mur de basalte, de cent mètres de longueur sur trois de hauteur,
tout autour la plate-forme du site recense les noms des villes
et villages où eurent lieu les massacres. En 1995, le gouvernement
armenien de l'après-liberation erigea un musee près du site. Ce musee
renferme des restes de victimes de Deir-es-Zor, des photographies
du genocide dues au militaire journaliste allemand Armen T. Wegner,
et divers documents. Près du musee, des hommes d'Etat etrangers ont
plante des arbres en souvenir du genocide.
Le site comprend une stèle de granit, haute de 44 mètres, qui
symbolise a nouveau la survie et la renaissance spirituelle du peuple
armenien. Elle se compose de deux sections separee par une fissure,
representant l'unite des Armeniens dans la diaspora avec ceux de
l'Armenie contemporaine. Le point central du monument consiste
en douze dalles de basalte inclinees vers l'avant, qui entourent
une flamme eternelle symbolisant les victimes du genocide. Ces
blocs massifs de pierre rappellent les traditionnels khatchkars
armeniens et representent les douze provinces perdues qui se trouvent
actuellement en Turquie. Chaque 24 avril, une ceremonie est celebree
par le clerge autour de la flamme eternelle, entouree de rangees de
fleurs qu'apportent les nombreux pèlerins, disposees en cercle autour
de la flamme.
La ceremonie religieuse celebree au memorial du genocide de
Tsitsernakaberd nous ramène a notre point de depart, la coïncidence
cette annee d'une commemoration profane et d'une fete religieuse le
24 avril. Comme le suggère l'examen des divers memoriaux, identite
armenienne et foi chretienne sont inextricablement liees. Les memoriaux
renvoient au lien symbolique puissant qui les reunit. L'on a souvent
defendu la thèse, par exemple, selon laquelle le peuple armenien
aurait depuis longtemps ete assimile sans sa foi chretienne, qui
interdit les unions avec des non chretiens. Plus important encore,
peut-etre, la commemoration conjointe de Pâques et du 24 avril amène
chacune une part de l'autre, suggerant a la fois comment l'histoire
peut comporter une signification quasi religieuse, tandis qu'une foi
rassembleuse peut apporter un elan de survie et de renouveau.
Comme nous l'avons vu au travers de ces quelques exemples, les
memoriaux du genocide servent de vehicules pour l'expression de
ce genre de connexions, tout en remplissant plusieurs fonctions :
commemoration des victimes ; affirmation de l'identite armenienne ;
declaration de la foi chretienne ; unification du peuple armenien
; gratitude envers les pays d'adoption ; identification des
perpetrateurs ; celebration d'une renaissance ; et enfin, enseignement
et reconnaissance. Ces recentes annees, alors que le genocide armenien
risquait de plus en plus de devenir a nouveau le " genocide oublie
", l'accent a ete mis sur le rôle des memoriaux du genocide en ce
qu'ils assurent une reconnaissance et font connaître les atrocites
du genocide et les dangers de l'intolerance. Il apparaît aussi de
plus en plus qu'assurer une reconnaissance depend du combat visant a
forger une identite armenienne, tout en plaidant pour sa preservation.
Affaires complexes, tant il est vrai que, consequence du combat pour
la reconnaissance, une grande part de notre identite est maintenant
liee a cette catastrophe. Comme l'ont note plusieurs specialistes
du traumatisme, la reconnaissance est une composante necessaire
de la guerison, offrant la possibilite qu'a bien des egards, la
communaute armenienne puisse panser ses blessures et surmonter son
passe tragique. Or, si nous prenons au serieux la signification des
monuments, la coïncidence du profane et du sacre qu'ils proposent nous
livre aussi un message d'espoir : Krisdos hayal i merelots ! Orhnyal
e haroutioun' Krisdosi ! [Christ est ressuscite d'entre les morts !
Benie soit la resurrection du Christ !]. Et si, comme le relève
Monseigneur Zhamkotchian, " l'existence du peuple armenien symbolise
la Resurrection en tant que telle ", alors nous pouvons etre certains
que le combat pour la reconnaissance portera ses fruits.
Note
1. Je precise que, si je n'ai personnellement visite que deux des sites
consideres, Montebello et le complexe memorial de Tsitsernakaberd
d'Erevan, en Armenie, j'ai aussi tire parti des recherches menees
par l'Institut National Armenien, qui a etudie 135 memoriaux dans
vingt-cinq pays, ainsi que la superbe imagerie visuelle due au
photographe Hraïr "Hawk" Khatcherian, dont certaines sont reproduites
dans mon article. J'aimerais aussi remercier Sarkis Balmanoukian,
architecte de l'eglise memorial a Deir-es-Zor, en Syrie, pour m'avoir
accorde un entretien en 2005.
[Jean Murachanian est professeure associee d'histoire de l'art a
l'Universite de Nouvelle-Angleterre (Armidale, Nouvelles Galles du
Sud, Australie). Elle est docteur en histoire de l'art de l'UCLA
(Universite de Californie, Los Angeles).]
Vous pouvez contacter les contributeurs de Critics' Forum via
[email protected]. Les articles publies dans cette serie
sont accessibles en ligne sur www.criticsforum.org. Pour s'abonner a
l'edition electronique hebdomadaire de nouveaux articles, aller sur
www.criticsforum.org/join. Critics' Forum est un groupe cree pour
debattre de questions relatives a l'art et a la culture armenienne
en diaspora.
___________
Source : http://www.criticsforum.org/pdf/1303850672.pdf Article publie
en avril 2011.
Traduction : © Georges Festa - 06.2011.
Avec l'aimable autorisation d'Hovig Tchalian, redacteur en chef de
Critics' Forum.
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From: Emil Lazarian | Ararat NewsPress
par Jean Murachanian
Source/Lien : Armenian Trends - Mes Armenies
Publie le : 27-06-2011
Info Collectif VAN - www.collectifvan.org - Le Collectif VAN vous
invite a lire cette information traduite par Georges Festa et publiee
sur le site 'Armenian Trends - Mes Armenies' le 25 juin 2011.
Photo : Memorial du Genocide armenien, Montebello, Californie
(Etats-Unis) © en.wikipedia.org- Khatchkar-Memorial, Parlement des
Nouvelles Galles du Sud, Sydney (Australie) © www.armenian-genocide.org
- Eglise-Memorial de Deir-es-Zor (Syrie) © en.wikipedia.org - Memorial
du genocide armenien, Bikfaya (Liban) © en.wikipedia.org - Memorial
du Genocide armenien, Erevan (Armenie)
Les memoriaux du genocide : symbolisme, usage rituel et signification
www.criticsforum.org
Cette annee [2011], le 24 avril tombe un dimanche de Pâques, une
coïncidence significative sur le plan symbolique, a la fois tragique
et emplie d'esperance. Naturellement, cette confluence presente
aussi des difficultes d'organisation pour de nombreux membres de la
communaute armenienne. En raison de cet etat de fait, le programme de
commemoration au Memorial du Genocide de Montebello, en Californie,
par exemple, aura lieu la veille, le 23 avril.
Or ce genre de conflits, en apparence anodins, nous donne aussi
l'occasion d'aborder leur signification symbolique. Comme l'a rappele
Monseigneur Anouchavan Zhamkotchian, doyen a la Faculte de Theologie
de l'Universite d'Etat d'Erevan, concernant cette convergence de
jours sacres, tout en encourageant la reconnaissance de cette double
signification du 24 avril 2011 : " Nous devons tout d'abord rendre
hommage a la memoire des victimes innocentes du genocide, puis prier
pour la Resurrection. Il y a comme un symbole dans cette coïncidence.
Et l'existence du peuple armenien symbolise la Resurrection meme. Nous
avons prouve qu'un peuple peut revivre après un massacre et meme
devenir plus fort. "
La convergence de ces deux commemorations soumet plusieurs questions,
en particulier au regard des expressions de l'identite armenienne. La
commemoration du genocide acquiert-elle davantage de sens par
l'entremise d'un monument ? La participation a une manifestation
commemorative a-t-elle plus a voir avec l'affirmation de l'identite
armenienne, compte tenu en particulier de son caractère precaire en
diaspora, ou bien avec la demande de reconnaissance de la part de
l'Etat turc ? De quelle manière la signification de la commemoration
evolue-t-elle, si tant est, a travers les differents monuments dans
la diaspora et dans la mère-patrie ? Pour tenter de repondre a ces
questions, je prendrai en compte l'histoire et la signification de
cinq memoriaux cle du genocide dans differentes regions du monde (1).
Ce qui suit est une etude preliminaire de ces memoriaux du genocide,
choisis en fonction de leur importance et de leur innovation visuelle,
avec un centrage sur le symbolisme architectural, l'usage rituel,
l'emplacement et les inscriptions.
Avant d'evoquer certains memoriaux, j'aimerais tout d'abord prendre
en compte leur histoire. Il importe de savoir, en particulier, que
ces monuments publics furent eriges après le 50ème anniversaire du
genocide. Avant 1965, la commemoration du genocide avait lieu au
sein de la communaute armenienne. Dans l'entre-deux-guerres, les
survivants disperses se preoccupèrent de construire une nouvelle vie
pour eux-memes au lendemain du traumatisme. Hesitant a attirer une
attention negative dans leurs nouveaux pays d'accueil et manquant de
perspicacite politique, ils honoraient en prive leurs morts lors de
ceremonies austères. Après la Seconde Guerre mondiale, le genocide
armenien devint le " genocide oublie ", du fait du deni persistant
de la Turquie et de l'ampleur atroce de la Shoah.
Ce n'est qu'en 1965, durant une periode de manifestations politiques de
la part de groupes de militants des droits civiques et de feministes,
que les Armeniens commencèrent a s'affirmer. A cette epoque, les
Armeniens s'etaient suffisamment etablis dans leurs nouveaux pays
de residence et avaient pris conscience qu'une reconnaissance
etait essentielle pour l'histoire, l'identite et le salut des
Armeniens. Leurs efforts connurent une vigueur nouvelle a partir
des annees 1980, grâce a l'engagement de la deuxième et troisième
generations, lesquelles, du fait de leur decalage par rapport au
genocide et de leur connaissance aiguë des processus politiques,
etaient capables de faire avancer cette cause. Il existe maintenant
des centaines de memoriaux du genocide a travers le monde, dont
beaucoup sur des espaces publics avec des inscriptions declarant une
reconnaissance gouvernementale a des niveaux divers.
A Montebello, en Californie, un grand memorial, elance et abstrait, fut
inaugure le 24 avril 1965 dans un parc public. Le monument ressemble
a la couronne ascendante que l'on trouve dans l'architecture des
eglises armeniennes. Si la simplicite et le modernisme du dessin
conviennent a la metropole telle que Los Angeles, il temoigne aussi
des restrictions visant des references religieuses, au sens litteral,
dans des sites publics.
L'emplacement du site renvoie aussi a sa fondation. Meme si la plupart
des Armeniens de Los Angeles vivent maintenant a Glendale, Hollywood
ou dans la vallee de San Fernando, entre la fin des annees 1950 et
le debut des annees 1970 la ville de Montebello fut le centre nerveux
de la vie citoyenne et culturelle des Armeniens. Aujourd'hui, chaque
24 avril, les Armeniens de tout Los Angeles se rendent au monument.
Beaucoup, au sein de la communaute, l'incluent dans une liste de
sites qu'ils visitent chaque annee, comme le consulat de Turquie,
Little Armenia, le Centre Administratif de Glendale, ainsi que
les eglises et ecoles armeniennes. Ces diverses activites, parmi
lesquelles des ceremonies commemoratives, des discours, des defiles
et des rassemblements, attirent aussi souvent des membres du Congrès
et d'autres importantes personnalites politiques.
La reconnaissance de la part de l'Etat turc et du gouvernement des
Etats-Unis sont des objectifs cle. Comme me l'ont precise des visiteurs
du site, lors d'entretiens, le monument sert de lieu important de
regroupement pour les Armeniens, tout en rappelant avec force au
reste du monde les evenements du 24 avril. La fonction commemorative
du monument est clairement representee dans l'inscription, où il est
ecrit : " Ce monument, erige par des Americains d'origine armenienne,
est dedie aux 1 500 000 victimes armeniennes du genocide perpetre
par le gouvernement de Turquie en 1915-1921, et aux hommes de tous
les nations qui furent victimes de crimes contre l'humanite. "
A l'instar d'autres monuments du genocide celui-ci amplifie sa
fonction commemorative en identifiant les perpetrateurs de cet acte,
comme prealable a une reconnaissance. La preuve de son efficacite est
palpable. Le 1er avril de cette annee [2011], l'Etat de Californie a
erige un panneau de signalisation sur l'autoroute n° 60, orientant
les voyageurs vers le " monument aux martyrs du genocide armenien
", où, pour la première fois, les mots " genocide armenien " ont ete
utilises dans un espace public aux Etats-Unis.
Autre monument figurant dans un espace public, mais erige beaucoup plus
recemment, le khatchkar memorial de Sydney, en Australie, inaugure
le 5 mars 1999. Il est situe dans un espace floral au neuvième etage
du Parlement des Nouvelles Galles du Sud (NSW). Ce khatchkar rouge,
aux ciselures recherchees, s'elève sur un grès de Sydney, au-dessus
d'une plaque en laiton qui contient le texte integral de la motion
commemorative du genocide armenien, votee a l'unanimite au Parlement
des Nouvelles Galles du Sud, le 17 avril 1997. L'erection de ce
memorial, ainsi que son inscription, temoignent de la reconnaissance
par le gouvernement australien du genocide. Comme l'a declare
John Watkins, membre de ce Parlement, " le memorial constituera une
affirmation publique, auprès de tous ceux qui se rendent au Parlement,
de la realite du genocide et de l'importance qu'attache le Parlement
des Nouvelles Galles du Sud a sa commemoration. "
Dans les memoriaux du genocide, les khatchkars (anciennes pierres-croix
armeniennes) agissent comme des symboles a plusieurs niveaux :
comme pierres tombales, ou marqueurs de mort et de memoire ; comme
expressions de la permanence et du caractère unique de la culture
armenienne ; et comme signifiants de la foi chretienne inebranlable
du peuple armenien. Ils symbolisent aussi a juste titre la renaissance
(a travers la resurrection du Christ) et la victoire (du christianisme
sur le paganisme et, comme le relève Monseigneur Zhamkotchian, la
survie du peuple armenien). En tant que memoriaux, ils ne marquent
pas de fait l'emplacement reel de la sepulture, mais creent plutôt
de nouveaux sites voues au deuil et au souvenir.
Seule exception, la complexe eglise memorial situee a Deir-es-Zor,
en Syrie, dont la signification reside dans son identite en tant
que point final des marches de deportation. Le desert environnant y
fait office d'immense cimetière, renfermant des charniers. Le site
fut consacre le 5 mai 1991, avec le soutien de l'Eglise Apostolique
Armenienne de Syrie et le Saint-Siège de Cilicie.
Ce complexe consiste en une cour, une chapelle, ainsi qu'un memorial
funeraire et un musee souterrains. La cour contient plusieurs
khatchkars et une flamme eternelle. Le point central de la chapelle
est un tombeau souterrain se composant d'une colonne centrale en
marbre, autour de laquelle ont ete disposes les restes de victimes
du genocide. L'espace restant est un musee du genocide, apportant
une importante composante educative.
La coïncidence de traditions seculières et religieuses se prolonge
en ces lieux. Le 24 avril 2005, 90ème anniversaire du genocide,
le Catholicos de Cilicie, Sa Saintete Aram Ier, fit l'eloge de la
volonte de survivre du peuple armenien, tout en situant l'importance
du memorial dans son contexte et dans ces memes termes : " La chapelle
de Deir-es-Zor a une signification differente par rapport a toutes les
autres eglises dans le monde ; elle est un refuge pour nos victimes
[...] Nos martyrs ont marche a travers ce desert. Ils sont morts,
mais nous ont donne la vie grâce a leur foi et a leur sacrifice. "
Le site se visite en complement du pèlerinage vers une autre eglise
memorial a Margadeh, en Syrie, situee a une heure environ de cet
endroit. La signification de Deir-es-Zor en fait un important lieu
de pèlerinage pour les Armeniens a travers le monde.
Un monument figuratif saisissant fut consacre le 24 avril 1965
sur un terrain ecclesiastique, a Bikfaya, au Liban. Ce memorial fut
parraine par la communaute armenienne libanaise et l'Eglise Apostolique
Armenienne du Liban. Il est situe sur une petite hauteur a l'interieur
du monastère armenien du Catholicossat de Cilicie a Bikfaya, au sein
de l'espace protege de l'Eglise, sur un emplacement qui invite aux
rassemblements publics. Des actions de commemoration alternent tous
les deux ans avec une chapelle monument a Antelias, au Liban.
Le memorial de Bikfaya est en bronze, representant une figure feminine
abstraite. Agenouillee, les bras et la partie superieure du corps
tendue vers le ciel. Son attitude est a la fois humble et energique.
Sa position suggère celle d'une femme en prière, implorant le
Tout-puissant, autre allusion a la foi chretienne du peuple armenien
qu'elle est censee representer. Ses jambes robustes et massives sont
fermement arrimees a la terre, signifiant l'importance du territoire
pour la permanence de son peuple et suggerant qu'elle ne cèdera pas
aisement le lieu.
L'inscription (traduite de l'armenien et de l'arabe) precise : " Ce
monument, qui commemore le 50ème anniversaire du genocide armenien,
a ete erige avec le concours de toute la communaute armenienne du
Liban, afin de celebrer la renaissance de la nation armenienne et
d'exprimer notre gratitude envers notre pays, le Liban. " Tout en
reconnaissant le genocide, la dedicace celèbre aussi la resurrection
du peuple armenien et sa gratitude envers son pays d'adoption, un
trait caracteristique des memoriaux d'après-1965.
Un important monument de la mère patrie se situe a Erevan, la capitale,
dans l'Armenie actuelle. Le memorial fut dedie le 24 avril 1968. L'elan
qui presida a son erection fut une manifestation qui eut lieu le 24
avril 1965, lorsque des milliers d'Armeniens marchèrent sur Erevan. Peu
de temps après, les autorites sovietiques accordèrent a leurs camarades
le droit de bâtir un monument commemoratif. Le caractère abstrait
du memorial temoigne des restrictions sovietiques a cette epoque,
concernant en particulier les references religieuses, et plus austère
encore que d'autres sites comparables, où qu'ils soient.
Le memorial se situe dans un parc au sommet d'une hauteur a
Tsitsernakaberd, juste en dehors du centre d'Erevan. Chaque 24 avril,
des milliers d'Armeniens rendent hommage lors d'une ceremonie de
pèlerinage, qui renforce la fonction commemorative du monument en la
reactivant. Les visiteurs doivent symboliquement revivre les marches
de deportation en gravissant une longue et sinueuse colline, avant
d'arriver au complexe du memorial. Une fois arrives, ils rencontrent
un mur de basalte, de cent mètres de longueur sur trois de hauteur,
tout autour la plate-forme du site recense les noms des villes
et villages où eurent lieu les massacres. En 1995, le gouvernement
armenien de l'après-liberation erigea un musee près du site. Ce musee
renferme des restes de victimes de Deir-es-Zor, des photographies
du genocide dues au militaire journaliste allemand Armen T. Wegner,
et divers documents. Près du musee, des hommes d'Etat etrangers ont
plante des arbres en souvenir du genocide.
Le site comprend une stèle de granit, haute de 44 mètres, qui
symbolise a nouveau la survie et la renaissance spirituelle du peuple
armenien. Elle se compose de deux sections separee par une fissure,
representant l'unite des Armeniens dans la diaspora avec ceux de
l'Armenie contemporaine. Le point central du monument consiste
en douze dalles de basalte inclinees vers l'avant, qui entourent
une flamme eternelle symbolisant les victimes du genocide. Ces
blocs massifs de pierre rappellent les traditionnels khatchkars
armeniens et representent les douze provinces perdues qui se trouvent
actuellement en Turquie. Chaque 24 avril, une ceremonie est celebree
par le clerge autour de la flamme eternelle, entouree de rangees de
fleurs qu'apportent les nombreux pèlerins, disposees en cercle autour
de la flamme.
La ceremonie religieuse celebree au memorial du genocide de
Tsitsernakaberd nous ramène a notre point de depart, la coïncidence
cette annee d'une commemoration profane et d'une fete religieuse le
24 avril. Comme le suggère l'examen des divers memoriaux, identite
armenienne et foi chretienne sont inextricablement liees. Les memoriaux
renvoient au lien symbolique puissant qui les reunit. L'on a souvent
defendu la thèse, par exemple, selon laquelle le peuple armenien
aurait depuis longtemps ete assimile sans sa foi chretienne, qui
interdit les unions avec des non chretiens. Plus important encore,
peut-etre, la commemoration conjointe de Pâques et du 24 avril amène
chacune une part de l'autre, suggerant a la fois comment l'histoire
peut comporter une signification quasi religieuse, tandis qu'une foi
rassembleuse peut apporter un elan de survie et de renouveau.
Comme nous l'avons vu au travers de ces quelques exemples, les
memoriaux du genocide servent de vehicules pour l'expression de
ce genre de connexions, tout en remplissant plusieurs fonctions :
commemoration des victimes ; affirmation de l'identite armenienne ;
declaration de la foi chretienne ; unification du peuple armenien
; gratitude envers les pays d'adoption ; identification des
perpetrateurs ; celebration d'une renaissance ; et enfin, enseignement
et reconnaissance. Ces recentes annees, alors que le genocide armenien
risquait de plus en plus de devenir a nouveau le " genocide oublie
", l'accent a ete mis sur le rôle des memoriaux du genocide en ce
qu'ils assurent une reconnaissance et font connaître les atrocites
du genocide et les dangers de l'intolerance. Il apparaît aussi de
plus en plus qu'assurer une reconnaissance depend du combat visant a
forger une identite armenienne, tout en plaidant pour sa preservation.
Affaires complexes, tant il est vrai que, consequence du combat pour
la reconnaissance, une grande part de notre identite est maintenant
liee a cette catastrophe. Comme l'ont note plusieurs specialistes
du traumatisme, la reconnaissance est une composante necessaire
de la guerison, offrant la possibilite qu'a bien des egards, la
communaute armenienne puisse panser ses blessures et surmonter son
passe tragique. Or, si nous prenons au serieux la signification des
monuments, la coïncidence du profane et du sacre qu'ils proposent nous
livre aussi un message d'espoir : Krisdos hayal i merelots ! Orhnyal
e haroutioun' Krisdosi ! [Christ est ressuscite d'entre les morts !
Benie soit la resurrection du Christ !]. Et si, comme le relève
Monseigneur Zhamkotchian, " l'existence du peuple armenien symbolise
la Resurrection en tant que telle ", alors nous pouvons etre certains
que le combat pour la reconnaissance portera ses fruits.
Note
1. Je precise que, si je n'ai personnellement visite que deux des sites
consideres, Montebello et le complexe memorial de Tsitsernakaberd
d'Erevan, en Armenie, j'ai aussi tire parti des recherches menees
par l'Institut National Armenien, qui a etudie 135 memoriaux dans
vingt-cinq pays, ainsi que la superbe imagerie visuelle due au
photographe Hraïr "Hawk" Khatcherian, dont certaines sont reproduites
dans mon article. J'aimerais aussi remercier Sarkis Balmanoukian,
architecte de l'eglise memorial a Deir-es-Zor, en Syrie, pour m'avoir
accorde un entretien en 2005.
[Jean Murachanian est professeure associee d'histoire de l'art a
l'Universite de Nouvelle-Angleterre (Armidale, Nouvelles Galles du
Sud, Australie). Elle est docteur en histoire de l'art de l'UCLA
(Universite de Californie, Los Angeles).]
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[email protected]. Les articles publies dans cette serie
sont accessibles en ligne sur www.criticsforum.org. Pour s'abonner a
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debattre de questions relatives a l'art et a la culture armenienne
en diaspora.
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Source : http://www.criticsforum.org/pdf/1303850672.pdf Article publie
en avril 2011.
Traduction : © Georges Festa - 06.2011.
Avec l'aimable autorisation d'Hovig Tchalian, redacteur en chef de
Critics' Forum.
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