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Tigran Hamasyan, Chroniques Armeniennes

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    TIGRAN HAMASYAN, CHRONIQUES ARMENIENNES
    Par Annie YANBEKIAN

    France 2
    http://culture.france2.fr/musique/dossiers/tigran-hamasyan-chroniques-armeniennes-67819094.html
    17 mars 2011

    Le pianiste de jazz defend son envoûtant album "A Fable" lors d'une
    tournee francaise lancee jeudi soir a Saint-Etienne Tigran Hamasyan,
    23 ans et 20 ans de piano derrière lui, compte deja quatre albums a
    son actif.

    Le dernier en date, "A Fable" (Verve/Universal), ancre dans ses
    racines armeniennes, remporte un succès tant critique que public,
    s'etant hisse en tete des ventes des disques de jazz. La tournee
    francaise du pianiste passe par le Châtelet le 25 mars.

    Quand vous rencontrez Tigran Hamasyan, vous avez du mal a croire qu'il
    n'a que 23 ans. Vous vous retrouvez face a un jeune homme pose et
    reflechi, plutôt souriant mais reserve. Le pianiste natif de Gyumri
    (ex-Leninakan) degage une maturite et une sagesse mysterieuses,
    presque anachoniques pour son âge.

    Cette maturite precoce lui vient-elle d'une enfance vecue au milieu
    des ruines d'une ville detruite par le seisme de decembre 1988 ? D'une
    scolarite passee dans des installations metalliques de fortune où
    il faisait parfois si froid, l'hiver, que les cours etaient tout
    simplement annules ? A moins qu'elle se soit forgee a la suite du
    deracinement de l'enfant de Gyumri de son pays natal a 16 ans pour les
    Etats-Unis (Los Angeles, puis finalement New York). Cette maturite se
    nourrit d'une immense culture musicale acquise a partir de sa plus
    tendre enfance, d'abord en autodidacte au sein d'une famille ferue
    de musique -un père fou de rock, un oncle fan de jazz, puis auprès
    de professeurs qui l'ont sensibilise a differents styles.

    S'il a l'air d'un jeune homme bien sage a la ville, Tigran Hamasyan
    se metamorphose a la scène. Quand il joue, il est ailleurs. Au piano,
    habite corps et âme par la musique, il vibre, se lève, se rassoit,
    sursaute, se penche au dessus du clavier. Parfois, son visage s'en
    approche au point de le frôler. Un visage dont tous les muscles
    se tendent alors qu'il chantonne, comme une urgence, les notes
    virevoltantes de ses improvisations haletantes. "Au piano, vous devez
    etre present, bien connecte avec votre corps, et pas trop concentre.

    C'est un dosage, un equilibre entre le corps, l'esprit et les
    sentiments."

    Anime par une curiosite insatiable et une force de travail imposante,
    Tigran Hamasyan a pose jusque-la avec discernement les jalons d'une
    carrière lancee a 11 ans, en 1998, lors du festival de jazz d'Erevan,
    la capitale de l'Armenie, où sa famille s'etait installee un an
    plus tôt. Par la suite, il a attire l'attention du pianiste Stephane
    Kochoyan, Francais d'origine armenienne, qui lui a ouvert les portes
    des festivals europeens de jazz. En 2006, a 19 ans, Tigran Hamasyan a
    remporte le premier prix du Thelonious Monk Institute of Jazz, alors
    que le jury etait -modestement- compose de Herbie Hancock et Wayne
    Shorter... Dans la foulee, il a passe deux annees a l'Universite
    de Californie du Sud. Depuis deux ans, Hamasyan vit a New York,
    un carrefour incontournable du jazz mondial.

    Entre-temps, le jeune homme n'a pas chôme, côte disque. Dès 2006,
    il a sorti un premier CD, "World Passion" (Nocturne), avant de
    taper dans l'oeil des critiques l'annee suivante avec "New Era"
    (Plus Loin Music), enregistre avec un trio et incluant une majorite
    de compositions personnelles. En 2009, tout l'eclectisme musical de
    Tigran Hamasyan, avec ses influences hard rock et armeniennes, s'est
    exprime dans l'album de son quinette Aratta Rebirth, "Red Hail" (Plus
    Loin Music). En 2010, il a participe au très bel album de l'oudiste
    tunisien Dhafer Youssef, "Abu Nawas Rhapsody" (Jazzland Records).

    "A Fable", un coup de maître Pour "A Fable", sorti fin janvier chez
    son nouveau label, Verve, Tigran Hamasyan est revenu aux sources
    -ses racines armeniennes- et a l'essentiel -le musicien seul au
    piano. "A Fable", en hommage aux fables dont l'imaginaire armenien
    se nourrit depuis des siècles. Un album a la fois virtuose, onirique
    et melancolique, majoritairement compose par Tigran Hamasyan. Dans
    cet enregistrement, le jeune pianiste chante ("Longing", compose sur
    un poème de Hovhannès Toumanian), siffle ("What the waves brought")
    ou chantonne ("Carnaval"). Il y revisite les contes occidentaux
    ("Someday my prince will come"). Il y reprend un thème poignant
    du tandem Gurdjieff/De Hartman ("The Spinners") et un classique de
    Komitas, venere par les Armeniens ("Kakavik") ou un thème religieux
    emouvant ("Mother where are you"). "Je ne tire pas mon inspiration de
    la vie quotidienne armenienne", souligne-t-il, "mais de la culture
    armenienne. La vieille Armenie." Cet attachement visceral jaillit a
    chacune de ses notes.

    Malgre la maîtrise technique et l'agilite vertigineuse de son jeu
    et de ses improvisations, face a une notoriete croissante, Tigran
    Hamasyan s'interdit toute autosatisfaction. "Je ne suis pas vraiment
    un virtuose, si l'on tente une comparaison avec ce qu'on peut entendre
    dans la musique classique." Si l'on offrait a n'importe quel pianiste
    amateur une "non-virtuosite" a la Hamasyan, gageons qu'il signerait
    tout de suite.

    L'eclectique insatiable Interviewe a Paris, dans un cafe de la rue
    d'Oberkampf, en novembre, Tigran Hamasyan nous racontait son long
    cheminement dans la decouverte des musiques qui allaient influencer
    sa vie et sa carrière.

    Enfant du Rock J'ai eu mon premier professeur a 5 ans. Mais j'ai
    commence a jouer du piano a 3 ans. A 4 ans, je commencais a jouer des
    chansons de Led Zeppelin. Au debut, j'etais très attire par le rock
    dit "classique", celui des annees 1970. Mon père en etait un grand
    fan. Je connais tout le repertoire: Queen, Led Zeppelin, Nazareth,
    Black Sabbath...

    Stakhanoviste du jazz A l'âge de 11 ans, j'ai eu un professeur qui
    m'a enseigne le jazz traditionnel, le be-bop. J'ai ecrit ma première
    chanson de jazz au meme âge. Je me suis consacre a fond a cette
    musique ! Mes heros etaient Thelonius Monk, Bud Powell, Charlie
    Parker, tout le vrai jazz traditionnel. J'ai compose tout un "book"
    de chansons influencees par le be-bop. Par la suite, j'ai continue
    de composer, mais c'etait plutôt des pièces post-bop, et, bientôt,
    des melodies armeniennes.

    Explorateur du folklore armenien Vers l'âge de 13 ans, j'ai commence
    a sortir du be-bop pour me plonger très progressivement dans la
    musique folklorique armenienne. Cela a pris une part de plus en plus
    enorme dans ma vie. C'est devenu ma source d'inspiration. C'etait
    interessant, parce que j'avais toujours ignore cette musique, jusqu'au
    jour où j'ai simplement pris conscience du fait qu'elle existait. J'ai
    commence a ecouter certaines choses. Je n'ai pas bascule directement,
    exclusivement, dans cette musique. J'ai d'abord ecoute des formes
    plus diversifiees, plus modernes de jazz.

    J'ai decouvert Jan Garbarek (saxophoniste norvegien, ndlr), qui est
    un peu a part, car sa musique comporte des influences traditionnelles.

    Ensuite, j'ai ecoute la musique de Georges Gurdjieff, qui m'a beaucoup
    impressionne et interesse. Sa musique etait simple, mais toutes les
    chansons etaient basees sur des melodies folkloriques de certains pays
    comme l'Armenie, la Georgie... Dès lors, j'ai commence a me procurer
    d'autres disques, de la pure musique traditionnelle armenienne. J'ai
    decouvert une station radio qui diffusait, 24 heures sur 24, de la
    musique folklorique armenienne, et j'ai commence a enregistrer plein
    de choses sur des cassettes, des choses incroyables que je n'ai jamais
    pu retrouver ailleurs...

    Passionne de musique classique et de musiques du monde A l'heure
    actuelle, j'ecoute essentiellement des musiques en dehors du jazz. De
    la musique classique: Prokofiev, Chostakovitch (mes grands heros),
    Rachmaninov, Ravel, Debussy. Et toujours du rock: Led Zeppelin (ils
    ne vieillissent pas !), Tool, ainsi que Meshuggah (du metal suedois,
    ndlr), un groupe d'une complexite rythmique comparable a la musique
    classique indienne. Ce qu'ils font, c'est fou ! Je m'interesse beaucoup
    a la musique classique indienne. Ainsi qu'a la musique folk de tous
    les pays possibles: Suède, Finlande, Inde, Afrique...

    Propos recueillis par AY




    From: A. Papazian
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