Le Temps, Suisse
Mercredi 27 Avril 2011
Une oeuvre en souvenir du génocide arménien;
«Les Réverbères de la mémoire», de Melik Ohanian, déplaisent aux Turcs
par Caroline Stevan
Neuf lampadaires qui s'élancent haut vers le ciel, puis retombent en
arabesques, sans rien éclairer. Les Réverbères de la mémoire, oeuvre
de l'artiste Melik Ohanian, devraient être inaugurés courant 2013 sur
le Bastion Saint-Antoine, à deux pas du Musée genevois d'art et
d'histoire. Destinés à commémorer le génocide arménien, ils provoquent
la colère d'une partie de la communauté turque en Suisse. Une foudre
exacerbée par la participation des autorités à cette perpétuation du
souvenir.
En mai 2008, la Ville de Genève, sollicitée par sa population
arménienne, vote en faveur de l'édification d'une oeuvre. Le Fonds
municipal d'art contemporain (FMAC) est chargé de la mise en place du
projet et verse les 105 000 francs nécessaires à l'organisation d'un
concours international et à l'exposition du dossier lauréat. Les 400
000 francs restants sont pris en charge par la communauté arménienne.
«Genève est une ville internationale; une communauté ne doit pas être
frustrée par rapport à une autre, estime Mehmet Sahingoz, président
d'une association turque en Suisse romande. 130 000 personnes
d'origine turques vivent en Suisse, dont un tiers ont été
naturalisées. Cette décision va à leur encontre, tant qu'aucun comité
scientifique n'aura établi ce génocide.» De fait, nombre d'experts ont
évoqué un génocide au sujet du massacre de 1,2 million d'Arméniens par
l'Empire ottoman en 1915. Une quinzaine d'Etats et parlements l'ont
reconnu malgré les pressions turques. C'est le cas de la chambre basse
suisse. Le Conseil fédéral, lui, mentionne de «tragiques déportations
et massacres».
Les autorités de Genève, «la ville des droits de l'homme», rappellent
dans un communiqué publié fin mars que la notion juridique de génocide
a été formulée pour la première fois par le juriste Raphaël Lemkin en
référence à ce moment historique. Patrice Mugny, en charge de la
culture, se dit fier de l'initiative artistique de sa commune et
indigné par le négationnisme de certains interlocuteurs turcs avec qui
il a eu affaire. «Il est tout de même incroyable qu'après bientôt cent
ans, les Turcs n'arrivent pas à admettre ce qu'ils ont commis. Cette
oeuvre ne se veut pas hostile à la Turquie, les textes gravés sur les
lampadaires évoquent la réparation.»
Caution artistique, la proposition du Français d'origine arménienne
Melik Ohanian l'a emporté à l'unanimité d'un jury mi-arménien
mi-professionnel de l'art contemporain. Pour Michèle Freiburghaus,
directrice du FMAC, l'oeuvre dépasse ainsi la question arménienne:
«Son message a une portée universelle, son dispositif incite au
dialogue. Le point de - départ de Melik Ohanian est un réverbère
new-yorkais. Tout le monde s'est donné rendez-vous un jour sous un
lampadaire.» Bientôt les Turcs avec l'Histoire?
From: A. Papazian
Mercredi 27 Avril 2011
Une oeuvre en souvenir du génocide arménien;
«Les Réverbères de la mémoire», de Melik Ohanian, déplaisent aux Turcs
par Caroline Stevan
Neuf lampadaires qui s'élancent haut vers le ciel, puis retombent en
arabesques, sans rien éclairer. Les Réverbères de la mémoire, oeuvre
de l'artiste Melik Ohanian, devraient être inaugurés courant 2013 sur
le Bastion Saint-Antoine, à deux pas du Musée genevois d'art et
d'histoire. Destinés à commémorer le génocide arménien, ils provoquent
la colère d'une partie de la communauté turque en Suisse. Une foudre
exacerbée par la participation des autorités à cette perpétuation du
souvenir.
En mai 2008, la Ville de Genève, sollicitée par sa population
arménienne, vote en faveur de l'édification d'une oeuvre. Le Fonds
municipal d'art contemporain (FMAC) est chargé de la mise en place du
projet et verse les 105 000 francs nécessaires à l'organisation d'un
concours international et à l'exposition du dossier lauréat. Les 400
000 francs restants sont pris en charge par la communauté arménienne.
«Genève est une ville internationale; une communauté ne doit pas être
frustrée par rapport à une autre, estime Mehmet Sahingoz, président
d'une association turque en Suisse romande. 130 000 personnes
d'origine turques vivent en Suisse, dont un tiers ont été
naturalisées. Cette décision va à leur encontre, tant qu'aucun comité
scientifique n'aura établi ce génocide.» De fait, nombre d'experts ont
évoqué un génocide au sujet du massacre de 1,2 million d'Arméniens par
l'Empire ottoman en 1915. Une quinzaine d'Etats et parlements l'ont
reconnu malgré les pressions turques. C'est le cas de la chambre basse
suisse. Le Conseil fédéral, lui, mentionne de «tragiques déportations
et massacres».
Les autorités de Genève, «la ville des droits de l'homme», rappellent
dans un communiqué publié fin mars que la notion juridique de génocide
a été formulée pour la première fois par le juriste Raphaël Lemkin en
référence à ce moment historique. Patrice Mugny, en charge de la
culture, se dit fier de l'initiative artistique de sa commune et
indigné par le négationnisme de certains interlocuteurs turcs avec qui
il a eu affaire. «Il est tout de même incroyable qu'après bientôt cent
ans, les Turcs n'arrivent pas à admettre ce qu'ils ont commis. Cette
oeuvre ne se veut pas hostile à la Turquie, les textes gravés sur les
lampadaires évoquent la réparation.»
Caution artistique, la proposition du Français d'origine arménienne
Melik Ohanian l'a emporté à l'unanimité d'un jury mi-arménien
mi-professionnel de l'art contemporain. Pour Michèle Freiburghaus,
directrice du FMAC, l'oeuvre dépasse ainsi la question arménienne:
«Son message a une portée universelle, son dispositif incite au
dialogue. Le point de - départ de Melik Ohanian est un réverbère
new-yorkais. Tout le monde s'est donné rendez-vous un jour sous un
lampadaire.» Bientôt les Turcs avec l'Histoire?
From: A. Papazian