GENOCIDE ARMENIEN : "ON NE PEUT PLUS NIER LA VERITE HISTORIQUE"
Le Monde
http://www.lemonde.fr/idees/article/2011/05/03/genocide-armenien-on-ne-peut-peut-plus-nier-la-verite-historique_1516359_3232.html
3 Mai 2011
France
La representation nationale a un devoir de verite et de justice. A la
faveur d'une niche parlementaire, les senateurs socialistes soumettent
a l'examen de la Haute assemblee, le 4 mai, une proposition de loi
relative a la penalisation de la negation du genocide armenien de
1915, dans les memes termes que l'Assemblee nationale avait vote ce
texte le 12 octobre 2006, voici plus de quatre ans.
Parce que c'est l'honneur du Parlement francais que de vouloir enfin
parachever ce processus legislatif initie il y a plus de dix ans avec
la loi du 29 janvier 2001 par laquelle la France reconnaît publiquement
le genocide armenien, j'appelle solennellement mes collègues senateurs
a s'unir au dela de leurs familles politiques respectives, pour voter
ce texte afin que, dans notre Republique, on ne puisse plus nier,
impunement, la verite historique.
Il y a urgence aujourd'hui a se doter d'un cadre legislatif
qui protège nos concitoyens, face aux derives negationnistes qui
continuent de progresser de facon sournoise au sein de la societe,
blessant les consciences de tous les Republicains. Et si nous,
deputes et senateurs socialistes, nous mettons tant d'obstination,
depuis toutes ces annees, a vouloir aller au terme de ce processus
legislatif ; si nous avons mis a profit les niches d'initiative
parlementaire dont nos groupes disposent pour examiner ce texte,
c'est que nous avons a c~\ur de respecter la parole donnee, et que,
selon nous, la realite du genocide, n'est pas negociable.
Si j'exhorte mes collègues senateurs a venir voter mercredi 4 mai cette
proposition de loi, c'est d'abord parce qu'a nos yeux, l'histoire a
parle, et je suis convaincu que nos concitoyens sont très nombreux
a attendre, a present, du Senat qu'il accomplisse l'indispensable
evolution legislative : voter la loi, ce n'est pas un acte memoriel,
c'est d'abord, un acte politique, et c'est au Parlement, de legiferer
sur cette question !
Les francais d'origine armenienne viendront de toute la France pour
se mobiliser au Palais du Luxembourg ce mercredi et demander au
Senat de faire ce travail en conscience en votant ce texte de loi,
car on ne peut accepter de voir perdurer le fleau du negationnisme :
au meme titre que le racisme et l'antisemitisme, la negation de la
verite historique abîme nos valeurs republicaines, et elle doit etre
punie par la loi republicaine !
Ainsi notre representation nationale parachèvera de facon decisive avec
cette etape legislative la longue marche pour la justice et pour le
droit initiee de longue date par la France, avec le president Francois
Mitterrand qui, a l'occasion de sa visite a Vienne le 7 janvier 1984,
avait le premier affirme que "la France voulait en toutes circonstances
rappeler l'identite armenienne marquee par le grand drame du genocide".
Par la suite de nombreuses grandes voix se sont a leur tour elevees,
pour faire avancer les consciences en faveur de la reconnaissance de
ce genocide par les instances internationales et le Tribunal permanent
des peuples. Cette reconnaissance est intervenue une première fois,
le 16 avril 1984, par le Tribunal permanent des peuples, puis par la
Sous Commission des droits de l'homme de l'ONU le 29 août 1985, par
le Parlement europeen le 18 juin 1987 grâce en particulier au combat
mene depuis 1981 par Henri Saby, et par l'Assemblee parlementaire du
Conseil de l'Europe le 24 avril 1998. Regulièrement, des intellectuels
francais comme Bernard Henry Levy ou Michel Onfray interviennent
publiquement en faveur de cette reconnaissance et se mobilisent aux
côtes de la classe politique, de la diaspora armenienne de France et
de ses organisations representatives.
Ce travail de reconnaissance a ete regulièrement accompli par
les Parlements nationaux, notamment dans les pays où la communaute
armenienne est importante comme la France, avec la loi promulguee par
le president Jacques Chirac et le premier ministre Lionel Jospin le
29 janvier 2001, par laquelle "la France reconnaît publiquement le
genocide armenien de 1915". Au-dela de l'aspect purement legislatif,
nous savons que des combats restent a mener, pour que la Turquie
accomplisse enfin son travail de verite et de memoire, qu'elle soit au
clair avec son passe, et reconnaisse le genocide : c'est un prealable
incontournable a nos yeux, a tout espoir de reconciliation !
On se trompe en effet, lorsqu'on craint que ce texte puisse avoir des
consequences inopportunes sur le timide rapprochement engage, avec le
soutien de la France, entre la Turquie et l'Armenie. En quoi cette loi
pourrait-elle affecter un dialogue pratiquement inexistant ? C'est au
contraire l'indifference des puissances sur la question du genocide qui
inciterait la Turquie a une intransigeance que tout le monde condamne.
En revanche, les possibles menaces de represailles economiques de la
Turquie sont toujours d'actualite, envers quiconque se risquerait
a prendre ses responsabilites legislatives sur cette question. Les
pressions d'Ankara se sont toujours exercees, partout dans le monde,
et particulièrement a l'egard du gouvernement de la France ces
dernières annees a l'occasion de la reconnaissance du genocide. Mais
c'est justement les moyens hors normes de ce negationnisme d'Etat
qui rendent indispensables de telles mesures legislatives ! Plus
que jamais, c'est bien le vote des elus du peuple francais qui peut
eclairer a nouveau le chemin, comme nous l'avions fait a l'Assemblee
nationale le 12 octobre 2006.
Les senateurs porteront une lourde responsabilite historique sur
leurs epaules mercredi 4 mai au Senat. Ils ont l'occasion, en votant
cette proposition de loi, de se mettre en conformite avec les valeurs,
les ideaux et les principes intangibles de notre Republique.
Le Parti socialiste porte cette loi, mais c'est a l'ensemble des
groupes politiques de la Haute Assemblee que je lance aujourd'hui
cet appel.
Rene Rouquet, depute du Val-de-Marne, vice president du Groupe d'amitie
France-Armenie a l'Assemblee nationale
From: A. Papazian
Le Monde
http://www.lemonde.fr/idees/article/2011/05/03/genocide-armenien-on-ne-peut-peut-plus-nier-la-verite-historique_1516359_3232.html
3 Mai 2011
France
La representation nationale a un devoir de verite et de justice. A la
faveur d'une niche parlementaire, les senateurs socialistes soumettent
a l'examen de la Haute assemblee, le 4 mai, une proposition de loi
relative a la penalisation de la negation du genocide armenien de
1915, dans les memes termes que l'Assemblee nationale avait vote ce
texte le 12 octobre 2006, voici plus de quatre ans.
Parce que c'est l'honneur du Parlement francais que de vouloir enfin
parachever ce processus legislatif initie il y a plus de dix ans avec
la loi du 29 janvier 2001 par laquelle la France reconnaît publiquement
le genocide armenien, j'appelle solennellement mes collègues senateurs
a s'unir au dela de leurs familles politiques respectives, pour voter
ce texte afin que, dans notre Republique, on ne puisse plus nier,
impunement, la verite historique.
Il y a urgence aujourd'hui a se doter d'un cadre legislatif
qui protège nos concitoyens, face aux derives negationnistes qui
continuent de progresser de facon sournoise au sein de la societe,
blessant les consciences de tous les Republicains. Et si nous,
deputes et senateurs socialistes, nous mettons tant d'obstination,
depuis toutes ces annees, a vouloir aller au terme de ce processus
legislatif ; si nous avons mis a profit les niches d'initiative
parlementaire dont nos groupes disposent pour examiner ce texte,
c'est que nous avons a c~\ur de respecter la parole donnee, et que,
selon nous, la realite du genocide, n'est pas negociable.
Si j'exhorte mes collègues senateurs a venir voter mercredi 4 mai cette
proposition de loi, c'est d'abord parce qu'a nos yeux, l'histoire a
parle, et je suis convaincu que nos concitoyens sont très nombreux
a attendre, a present, du Senat qu'il accomplisse l'indispensable
evolution legislative : voter la loi, ce n'est pas un acte memoriel,
c'est d'abord, un acte politique, et c'est au Parlement, de legiferer
sur cette question !
Les francais d'origine armenienne viendront de toute la France pour
se mobiliser au Palais du Luxembourg ce mercredi et demander au
Senat de faire ce travail en conscience en votant ce texte de loi,
car on ne peut accepter de voir perdurer le fleau du negationnisme :
au meme titre que le racisme et l'antisemitisme, la negation de la
verite historique abîme nos valeurs republicaines, et elle doit etre
punie par la loi republicaine !
Ainsi notre representation nationale parachèvera de facon decisive avec
cette etape legislative la longue marche pour la justice et pour le
droit initiee de longue date par la France, avec le president Francois
Mitterrand qui, a l'occasion de sa visite a Vienne le 7 janvier 1984,
avait le premier affirme que "la France voulait en toutes circonstances
rappeler l'identite armenienne marquee par le grand drame du genocide".
Par la suite de nombreuses grandes voix se sont a leur tour elevees,
pour faire avancer les consciences en faveur de la reconnaissance de
ce genocide par les instances internationales et le Tribunal permanent
des peuples. Cette reconnaissance est intervenue une première fois,
le 16 avril 1984, par le Tribunal permanent des peuples, puis par la
Sous Commission des droits de l'homme de l'ONU le 29 août 1985, par
le Parlement europeen le 18 juin 1987 grâce en particulier au combat
mene depuis 1981 par Henri Saby, et par l'Assemblee parlementaire du
Conseil de l'Europe le 24 avril 1998. Regulièrement, des intellectuels
francais comme Bernard Henry Levy ou Michel Onfray interviennent
publiquement en faveur de cette reconnaissance et se mobilisent aux
côtes de la classe politique, de la diaspora armenienne de France et
de ses organisations representatives.
Ce travail de reconnaissance a ete regulièrement accompli par
les Parlements nationaux, notamment dans les pays où la communaute
armenienne est importante comme la France, avec la loi promulguee par
le president Jacques Chirac et le premier ministre Lionel Jospin le
29 janvier 2001, par laquelle "la France reconnaît publiquement le
genocide armenien de 1915". Au-dela de l'aspect purement legislatif,
nous savons que des combats restent a mener, pour que la Turquie
accomplisse enfin son travail de verite et de memoire, qu'elle soit au
clair avec son passe, et reconnaisse le genocide : c'est un prealable
incontournable a nos yeux, a tout espoir de reconciliation !
On se trompe en effet, lorsqu'on craint que ce texte puisse avoir des
consequences inopportunes sur le timide rapprochement engage, avec le
soutien de la France, entre la Turquie et l'Armenie. En quoi cette loi
pourrait-elle affecter un dialogue pratiquement inexistant ? C'est au
contraire l'indifference des puissances sur la question du genocide qui
inciterait la Turquie a une intransigeance que tout le monde condamne.
En revanche, les possibles menaces de represailles economiques de la
Turquie sont toujours d'actualite, envers quiconque se risquerait
a prendre ses responsabilites legislatives sur cette question. Les
pressions d'Ankara se sont toujours exercees, partout dans le monde,
et particulièrement a l'egard du gouvernement de la France ces
dernières annees a l'occasion de la reconnaissance du genocide. Mais
c'est justement les moyens hors normes de ce negationnisme d'Etat
qui rendent indispensables de telles mesures legislatives ! Plus
que jamais, c'est bien le vote des elus du peuple francais qui peut
eclairer a nouveau le chemin, comme nous l'avions fait a l'Assemblee
nationale le 12 octobre 2006.
Les senateurs porteront une lourde responsabilite historique sur
leurs epaules mercredi 4 mai au Senat. Ils ont l'occasion, en votant
cette proposition de loi, de se mettre en conformite avec les valeurs,
les ideaux et les principes intangibles de notre Republique.
Le Parti socialiste porte cette loi, mais c'est a l'ensemble des
groupes politiques de la Haute Assemblee que je lance aujourd'hui
cet appel.
Rene Rouquet, depute du Val-de-Marne, vice president du Groupe d'amitie
France-Armenie a l'Assemblee nationale
From: A. Papazian