LES ARMENIENS DE JERUSALEM SONT MAINTENANT CONFRONTES A UN AVENIR INCERTAIN
Stephane
armenews.com
lundi 17, mai 2011
Ils sont les gardiens d'un ancien monastère et les heritiers d'une
histoire tragique et d'une presence obstinee et continue en Terre
Sainte vieille de 1600 ans. Mais les Armeniens de Jerusalem sont
aujourd'hui moins d'un millier, sous la houlette d'un patriarche
nonagenaire, ce qui laisse craindre la disparition pure et simple de
la communaute, coincee entre juifs et musulmans dans ce Proche-Orient
en train de se vider de ses chretiens.
" Il ne restera presque plus personne ici si ca continue comme ca ",
constate Kevork Kahvedjian. Dans le quartier armenien de la Vieille
ville, il vend des photos anciennes d'une Terre Sainte en noir et
blanc. La boutique a ete fondee en 1949 par son père, qui etait
arrive a Jerusalem enfant, après avoir perdu ses parents lors du
genocide perpetre pendant les dernières annees de l'empire ottoman
(1,5 million de morts selon les Armeniens, des massacres que la
Turquie actuelle refuse toujours de qualifier de genocide).
Aujourd'hui, Kevor Kahvedjian a des frères et soeurs etablis au Canada
et aux Etats-Unis, un fils a Washington, et une fille qui envisage de
s'y installer bientôt. La presence armenienne a Jerusalem, sous une
forme ou un autre, remonte au Ve siècle de notre ère, et le quartier
armenien est l'un des quatre quartiers historiques de la Vieille Ville.
Peu après l'adoption du christianisme comme religion d'Etat par
l'Armenie, en 301, dans son royaume autour du biblique Mont Ararat
(dans l'est de la Turquie actuelle), les Armeniens envoyèrent des
pretres a Jerusalem. Et ils y sont restes depuis, au travers de siècles
de fureur et de devastation : ils ont vu passer les conquerants arabes,
les armees perses, les archers turcs, les Croises, l'Empire ottoman,
les Britanniques, les Jordaniens, et finalement les juifs.
Aujourd'hui, le monde restreint des derniers Armeniens de Jerusalem se
recroqueville autour de son monastère, dont la modeste porte en fer est
fermee chaque soir a 22h30. La plupart des Armeniens vivent dans des
logements appartenant au patriarcat, qui gère aussi une bibliothèque,
des etablissements sociaux et sportifs, et l'ecole armenienne, dont
chaque classe ne compte plus que six ou sept elèves.
Le monastère, dont le coeur est la cathedrale Saint-Jacques, garde
jalousement ses tresors. Parmi eux, l'une des plus importantes
collections au monde de manuscrits armeniens anciens, 4000 textes a
l'abri dans une chapelle qui n'est ouverte qu'une fois l'an. Et aussi
la Bible de Keran, manuscrit aux enluminures dorees qui porte le nom
d'une reine d'Armenie, conserve en un lieu tenu secret, ou encore le
bâton d'ambre du roi Hetum, qui n'est devoile aux regards des fidèles
que quelques minutes, chaque annee en janvier.
Si les pretres de la communaute, dirigee par le patriarche Torkom
Manougian, 94 ans, co-gardiens des Lieux saints chretiens dans la ville
aux trois religions, resteront, ainsi que les bâtiments religieux et
les reliques, la communaute elle-meme risque de disparaître.
En 1948, lorsque Jerusalem fut divisee entre le nouvel Etat hebreu et
la Jordanie, les Armeniens de Jerusalem, principalement des refugies
du genocide en Turquie et leurs descendants, etaient plus de 25000.
Ils etaient pour la plupart commercants ou artisans, dont les mosaïques
et ceramiques reputees ont impose leur marque sur le decor urbain.
Lorsque la Vieille ville passa sous contrôle jordanien, la plupart
des Armeniens quittèrent Jerusalem pour rejoindre les communautes les
plus florissantes de la diaspora, comme en Californie ou a Toronto,
au Canada.
Ils n'etaient plus environ que 3000 lorsqu'Israël prit le contrôle
des secteurs historiques de Jerusalem en 1967, lors de la guerre
des Six-Jours.
Tout comme leurs voisins arabes de Jerusalem-Est, les Armeniens ont
le statut de resident en Israël, et certains ont depuis demande
la nationalite israelienne pleine et entière. Mais la communaute
en tant que telle a cherche a rester neutre dans le conflit
israelo-palestinien. Au prix de tensions tant avec les Israeliens
qu'avec les Palestiniens...
Le ministère israelien de l'Interieur ne dispose d'aucun chiffre
sur la communaute armenienne de Jerusalem. Mais le consul honoraire
d'Armenie Tsolag Momjian pense qu'elle compte desormais moins d'un
millier d'âmes.
Le declin des Armeniens de Jerusalem fait echo a la lente erosion de la
presence historique des chretiens au Proche-Orient. Depuis un siècle,
les chretiens d'Irak, du Liban, d'Egypte et d'ailleurs s'en vont peu
a peu, fuyant la pauvrete, l'intolerance religieuse, les violences...
Les jeunes Armeniens de Terre Sainte, eduques, anglophones, et supposes
se marier au sein de la communaute, sont tout particulièrement
candidats au depart. La diaspora armenienne est estimee a 11
millions de personnes dans le monde, et compte au moins une dizaine
de sites de rencontres en vue mariage, comme Armanians Connect ou
armenianpassion.com.
D'autres sont plus optimistes. Comme Ruppen Nalbandian, 29 ans,
diplôme en neurobiologie d'une universite israelienne, qui signale
que des onze ecoliers de sa classe a l'ecole armenienne, seuls deux
ont quitte le pays. Il ajoute que dix hommes de sa connaissance se
sont trouve des epouses en Armenie, et les ont ramenees a Jerusalem.
Certains soulignent aussi le dernier episode migratoire - inattendu
et inespere - venu renforcer la communaute : ces chretiens d'Armenie
arrives lors de la grande migration des juifs d'URSS dans les annees
90, accueillis en Israël car ils avaient un conjoint juif...
" Nous avons vecu ici pendant 1600 ans, et nous continuerons a vivre
ici ", conclut M. Nalbandian.
The Canadian Press
Stephane
armenews.com
lundi 17, mai 2011
Ils sont les gardiens d'un ancien monastère et les heritiers d'une
histoire tragique et d'une presence obstinee et continue en Terre
Sainte vieille de 1600 ans. Mais les Armeniens de Jerusalem sont
aujourd'hui moins d'un millier, sous la houlette d'un patriarche
nonagenaire, ce qui laisse craindre la disparition pure et simple de
la communaute, coincee entre juifs et musulmans dans ce Proche-Orient
en train de se vider de ses chretiens.
" Il ne restera presque plus personne ici si ca continue comme ca ",
constate Kevork Kahvedjian. Dans le quartier armenien de la Vieille
ville, il vend des photos anciennes d'une Terre Sainte en noir et
blanc. La boutique a ete fondee en 1949 par son père, qui etait
arrive a Jerusalem enfant, après avoir perdu ses parents lors du
genocide perpetre pendant les dernières annees de l'empire ottoman
(1,5 million de morts selon les Armeniens, des massacres que la
Turquie actuelle refuse toujours de qualifier de genocide).
Aujourd'hui, Kevor Kahvedjian a des frères et soeurs etablis au Canada
et aux Etats-Unis, un fils a Washington, et une fille qui envisage de
s'y installer bientôt. La presence armenienne a Jerusalem, sous une
forme ou un autre, remonte au Ve siècle de notre ère, et le quartier
armenien est l'un des quatre quartiers historiques de la Vieille Ville.
Peu après l'adoption du christianisme comme religion d'Etat par
l'Armenie, en 301, dans son royaume autour du biblique Mont Ararat
(dans l'est de la Turquie actuelle), les Armeniens envoyèrent des
pretres a Jerusalem. Et ils y sont restes depuis, au travers de siècles
de fureur et de devastation : ils ont vu passer les conquerants arabes,
les armees perses, les archers turcs, les Croises, l'Empire ottoman,
les Britanniques, les Jordaniens, et finalement les juifs.
Aujourd'hui, le monde restreint des derniers Armeniens de Jerusalem se
recroqueville autour de son monastère, dont la modeste porte en fer est
fermee chaque soir a 22h30. La plupart des Armeniens vivent dans des
logements appartenant au patriarcat, qui gère aussi une bibliothèque,
des etablissements sociaux et sportifs, et l'ecole armenienne, dont
chaque classe ne compte plus que six ou sept elèves.
Le monastère, dont le coeur est la cathedrale Saint-Jacques, garde
jalousement ses tresors. Parmi eux, l'une des plus importantes
collections au monde de manuscrits armeniens anciens, 4000 textes a
l'abri dans une chapelle qui n'est ouverte qu'une fois l'an. Et aussi
la Bible de Keran, manuscrit aux enluminures dorees qui porte le nom
d'une reine d'Armenie, conserve en un lieu tenu secret, ou encore le
bâton d'ambre du roi Hetum, qui n'est devoile aux regards des fidèles
que quelques minutes, chaque annee en janvier.
Si les pretres de la communaute, dirigee par le patriarche Torkom
Manougian, 94 ans, co-gardiens des Lieux saints chretiens dans la ville
aux trois religions, resteront, ainsi que les bâtiments religieux et
les reliques, la communaute elle-meme risque de disparaître.
En 1948, lorsque Jerusalem fut divisee entre le nouvel Etat hebreu et
la Jordanie, les Armeniens de Jerusalem, principalement des refugies
du genocide en Turquie et leurs descendants, etaient plus de 25000.
Ils etaient pour la plupart commercants ou artisans, dont les mosaïques
et ceramiques reputees ont impose leur marque sur le decor urbain.
Lorsque la Vieille ville passa sous contrôle jordanien, la plupart
des Armeniens quittèrent Jerusalem pour rejoindre les communautes les
plus florissantes de la diaspora, comme en Californie ou a Toronto,
au Canada.
Ils n'etaient plus environ que 3000 lorsqu'Israël prit le contrôle
des secteurs historiques de Jerusalem en 1967, lors de la guerre
des Six-Jours.
Tout comme leurs voisins arabes de Jerusalem-Est, les Armeniens ont
le statut de resident en Israël, et certains ont depuis demande
la nationalite israelienne pleine et entière. Mais la communaute
en tant que telle a cherche a rester neutre dans le conflit
israelo-palestinien. Au prix de tensions tant avec les Israeliens
qu'avec les Palestiniens...
Le ministère israelien de l'Interieur ne dispose d'aucun chiffre
sur la communaute armenienne de Jerusalem. Mais le consul honoraire
d'Armenie Tsolag Momjian pense qu'elle compte desormais moins d'un
millier d'âmes.
Le declin des Armeniens de Jerusalem fait echo a la lente erosion de la
presence historique des chretiens au Proche-Orient. Depuis un siècle,
les chretiens d'Irak, du Liban, d'Egypte et d'ailleurs s'en vont peu
a peu, fuyant la pauvrete, l'intolerance religieuse, les violences...
Les jeunes Armeniens de Terre Sainte, eduques, anglophones, et supposes
se marier au sein de la communaute, sont tout particulièrement
candidats au depart. La diaspora armenienne est estimee a 11
millions de personnes dans le monde, et compte au moins une dizaine
de sites de rencontres en vue mariage, comme Armanians Connect ou
armenianpassion.com.
D'autres sont plus optimistes. Comme Ruppen Nalbandian, 29 ans,
diplôme en neurobiologie d'une universite israelienne, qui signale
que des onze ecoliers de sa classe a l'ecole armenienne, seuls deux
ont quitte le pays. Il ajoute que dix hommes de sa connaissance se
sont trouve des epouses en Armenie, et les ont ramenees a Jerusalem.
Certains soulignent aussi le dernier episode migratoire - inattendu
et inespere - venu renforcer la communaute : ces chretiens d'Armenie
arrives lors de la grande migration des juifs d'URSS dans les annees
90, accueillis en Israël car ils avaient un conjoint juif...
" Nous avons vecu ici pendant 1600 ans, et nous continuerons a vivre
ici ", conclut M. Nalbandian.
The Canadian Press