Le Télégramme, France
Dimanche 22 Mai 2011
Sophie Audouin-Mamikonian. Lady Saga
par Thierry Dussard
Sophie Audouin-Mamikonian est l'écrivain de littérature fantastique la
plus lue en France. Après «Tara Duncan», une «sortcelière» dotée de
pouvoirs extraordinaires, sa nouvelle saga plonge dans l'univers des
loups-garous. Et c'est avec le tromblon chargé de gros sel que nous
sommes allés la voir.
Enfant, elle a lu «Chanteclair le petit phénix d'or», puis Alexandre
Dumas et Agatha Christie. Avant de tomber dans la science-fiction et
de succomber à la magie. «J'ai dû dévorer plus de 18.000livres de
science-fiction. J'achète tout ce qui sort mais en tant qu'auteur, je
peux vous dire que c'est difficile de faire lire et aimer de la
fantaisie au pays de Descartes», dit-elle, excédée d'avoir attendu
dix-sept ans avant d'être publiée. Mais quand on a commencé à écrire à
12 ans, on n'est pas du genre à baisser les bras. «Dans ma famille,
les gens ont tendance à être numéro un, j'ai toujours voulu faire
mieux que les autres. Je pense à 360 degrés, avec trois ou quatre
coups d'avance, ce doit être mon côté slave et joueuse d'échecs,
lche-t-elle avec un débit de kalachnikov. Même si j'ai une vision
américaine du monde, parce que je veux gagner mon argent toute seule.
Ce qui n'exclut pas la compassion», ajoute-t-elle, enfoncée dans un
canapé prune à deux pas du Trocadéro.
Sept millions de livres vendus
Elle revendique haut et fort son titre de «S.A.R. Princesse Sophie
Audouin-Mamikonian». Comprenez Son altesse royale, héritière du trône
d'Arménie. Un pays où elle reconnaît ne «jamais avoir mis les pieds.
Je ne peux pas y aller en touriste, cela se transformerait en visite
officielle». Il faut dire qu'en version anglaise, elle mentionne sur
sa carte de visite «Pretender to the throne of Armenia». Mais elle
reconnaît qu'il y a d'autres prétendants au trône et en parle aussi
avec dérision, «Mamikonian... cela veut dire Mamie qui cogne en
arménien!». Sept millions de livres vendus dans le monde,
dontunmillion en France. Quarante titres au total, ce n'est pas de ma
faute, a-t-elle l'air de dire, ça vient tout seul. «C'est génétique,
mon arrière-grand-oncle s'appelle Tristan Bernard ("L'anglais tel
qu'on le parle"...), mon oncle Francis Veber a écrit "Le dîner de
cons", ma grand-mère Catherine Veber, "Neige" et "Mademoiselle Fanny",
et mon arrière-grand-père, Pierre-Gilles Veber, est l'auteur de
"Fanfan la Tulipe"». Un beau bouquet, où son côté fleur bleue fait
merveille et récolte 80% de lectrices. Rien que cela mériterait les
Palmes académiques à une époque où les grincheux pensent que les
jeunes ne lisent plus.
Rédactrice dans la publicité
Dès la sortie du premier tome, en 2003, «TaraDuncan» déchaîne les
passions. Audouin-Mamikonian en termine le neuvième tome, dont douze
sont prévus, sans oublier le dessin animé sur M6, et bientôt une
comédie musicale. Elle a inventé un AutreMonde, où les jours ont
vingt-six heures, l'année 454 jours et sept saisons. Une planète
magique peuplée de Pllops, petites grenouilles bleues et blanches
hypervenimeuses, et de Spalenditals, scorpions originaires de
Smallcountry, qui servent de monture aux gnomes. «Brocéliande, les
elfes, tout cet univers à la Tolkien m'inspire», confie celle qui a
démarré comme rédactrice dans la publicité, sous la direction d'un
druide passé depuis à la postérité sous le nom de Jacques Séguéla.
Volage en écriture
D'abord refusée chez Plon, elle est finalement publiée par Le Seuil
pour «Les sortceliers» et «Le livre interdit», puis passe chez
Flammarion pour «Le sceptre maudit» - le succès de Tara étant devenu
mondial- et chez XO éditions. Avant de signer chez Michel Lafon pour
sa nouvelle saga, «Indiana Teller». Fidèle en amour mais volage en
écriture, donc, sautant d'un genre à l'autre et changeant de monture.
«J'ai un côté Marsupilami». Tant mieux, l'Américain John Grisham,
auteur de thrillers, s'est mis à la littérature jeunesse. Tout comme
l'écrivain haïtien Dany Laferrière, prix Médicis 2009, ou Didier van
Cauwelaert, prix Goncourt 1994. L'oeuvre de Sophie Audouin-Mamikonian
est un ovni, plus proche jusqu'ici du «binge writing» que de la
littérature. Expression qui renvoie à l'absorption rapide et
collective d'alcool de la part des adolescents, à qui justement ses
livres sont destinés. Dommage, on attend d'elle un vrai livre, qui ne
serait pas composé à 80% de dialogues. Où l'ivresse de son
imagination, qui s'imprime directement en mots sur l'écran de
l'ordinateur, céderait le pas à une nécessité intérieure. Lady Saga y
gagnerait peut-être moins d'argent et de suiveurs sur Facebook mais
autre chose qui lui reste à trouver.
Dimanche 22 Mai 2011
Sophie Audouin-Mamikonian. Lady Saga
par Thierry Dussard
Sophie Audouin-Mamikonian est l'écrivain de littérature fantastique la
plus lue en France. Après «Tara Duncan», une «sortcelière» dotée de
pouvoirs extraordinaires, sa nouvelle saga plonge dans l'univers des
loups-garous. Et c'est avec le tromblon chargé de gros sel que nous
sommes allés la voir.
Enfant, elle a lu «Chanteclair le petit phénix d'or», puis Alexandre
Dumas et Agatha Christie. Avant de tomber dans la science-fiction et
de succomber à la magie. «J'ai dû dévorer plus de 18.000livres de
science-fiction. J'achète tout ce qui sort mais en tant qu'auteur, je
peux vous dire que c'est difficile de faire lire et aimer de la
fantaisie au pays de Descartes», dit-elle, excédée d'avoir attendu
dix-sept ans avant d'être publiée. Mais quand on a commencé à écrire à
12 ans, on n'est pas du genre à baisser les bras. «Dans ma famille,
les gens ont tendance à être numéro un, j'ai toujours voulu faire
mieux que les autres. Je pense à 360 degrés, avec trois ou quatre
coups d'avance, ce doit être mon côté slave et joueuse d'échecs,
lche-t-elle avec un débit de kalachnikov. Même si j'ai une vision
américaine du monde, parce que je veux gagner mon argent toute seule.
Ce qui n'exclut pas la compassion», ajoute-t-elle, enfoncée dans un
canapé prune à deux pas du Trocadéro.
Sept millions de livres vendus
Elle revendique haut et fort son titre de «S.A.R. Princesse Sophie
Audouin-Mamikonian». Comprenez Son altesse royale, héritière du trône
d'Arménie. Un pays où elle reconnaît ne «jamais avoir mis les pieds.
Je ne peux pas y aller en touriste, cela se transformerait en visite
officielle». Il faut dire qu'en version anglaise, elle mentionne sur
sa carte de visite «Pretender to the throne of Armenia». Mais elle
reconnaît qu'il y a d'autres prétendants au trône et en parle aussi
avec dérision, «Mamikonian... cela veut dire Mamie qui cogne en
arménien!». Sept millions de livres vendus dans le monde,
dontunmillion en France. Quarante titres au total, ce n'est pas de ma
faute, a-t-elle l'air de dire, ça vient tout seul. «C'est génétique,
mon arrière-grand-oncle s'appelle Tristan Bernard ("L'anglais tel
qu'on le parle"...), mon oncle Francis Veber a écrit "Le dîner de
cons", ma grand-mère Catherine Veber, "Neige" et "Mademoiselle Fanny",
et mon arrière-grand-père, Pierre-Gilles Veber, est l'auteur de
"Fanfan la Tulipe"». Un beau bouquet, où son côté fleur bleue fait
merveille et récolte 80% de lectrices. Rien que cela mériterait les
Palmes académiques à une époque où les grincheux pensent que les
jeunes ne lisent plus.
Rédactrice dans la publicité
Dès la sortie du premier tome, en 2003, «TaraDuncan» déchaîne les
passions. Audouin-Mamikonian en termine le neuvième tome, dont douze
sont prévus, sans oublier le dessin animé sur M6, et bientôt une
comédie musicale. Elle a inventé un AutreMonde, où les jours ont
vingt-six heures, l'année 454 jours et sept saisons. Une planète
magique peuplée de Pllops, petites grenouilles bleues et blanches
hypervenimeuses, et de Spalenditals, scorpions originaires de
Smallcountry, qui servent de monture aux gnomes. «Brocéliande, les
elfes, tout cet univers à la Tolkien m'inspire», confie celle qui a
démarré comme rédactrice dans la publicité, sous la direction d'un
druide passé depuis à la postérité sous le nom de Jacques Séguéla.
Volage en écriture
D'abord refusée chez Plon, elle est finalement publiée par Le Seuil
pour «Les sortceliers» et «Le livre interdit», puis passe chez
Flammarion pour «Le sceptre maudit» - le succès de Tara étant devenu
mondial- et chez XO éditions. Avant de signer chez Michel Lafon pour
sa nouvelle saga, «Indiana Teller». Fidèle en amour mais volage en
écriture, donc, sautant d'un genre à l'autre et changeant de monture.
«J'ai un côté Marsupilami». Tant mieux, l'Américain John Grisham,
auteur de thrillers, s'est mis à la littérature jeunesse. Tout comme
l'écrivain haïtien Dany Laferrière, prix Médicis 2009, ou Didier van
Cauwelaert, prix Goncourt 1994. L'oeuvre de Sophie Audouin-Mamikonian
est un ovni, plus proche jusqu'ici du «binge writing» que de la
littérature. Expression qui renvoie à l'absorption rapide et
collective d'alcool de la part des adolescents, à qui justement ses
livres sont destinés. Dommage, on attend d'elle un vrai livre, qui ne
serait pas composé à 80% de dialogues. Où l'ivresse de son
imagination, qui s'imprime directement en mots sur l'écran de
l'ordinateur, céderait le pas à une nécessité intérieure. Lady Saga y
gagnerait peut-être moins d'argent et de suiveurs sur Facebook mais
autre chose qui lui reste à trouver.