RAGIP ZARAKOLU : LA BONNE CONSCIENCE DE LA TURQUIE CRIMINELLE PAR LAURENT LEYLEKIAN
Stephane
armenews.com
lundi 7 novembre 2011
Il y a quelques jours, mon ami Ragip Zarakolu a ete arrete par la
police de son pays, la Turquie. L'arrestation de Ragip, avec celle de
Busra Ersanli, apparaît comme le point d'orgue d'une veritable rafle
qui a mis aux arrets tout ce que la Turquie compte de militants de la
cause Kurdes, d'activistes des Droits de l'Homme, de syndicalistes,
d'editeurs independants et d'observateurs critiques du pouvoir en
place. Bien evidemment, les intellectuels de connivence - que j'ai
denonces autrefois - ne furent pas inquietes par cette operation.
Si j'en ai le loisir, je reviendrai peut-etre sur les raisons qui
conduisent maintenant l'Etat turc a proceder a ces arrestations
eminemment politiques ; de toute facon, elles sont deja connues de
ceux qui s'interessent a ce pays : En une phrase, il s'agit simplement
d'une agression visant d'une part a laminer toute possibilite de
protestation interne concernant la sale guerre que mène Ankara
contre ses propres citoyens kurdes, et d'autre part a neutraliser
l'avènement d'une representation democratique des Kurdes au sein du
Parlement turc. Ce n'est certainement pas un hasard si la rafle du 5
octobre rappelle tellement un certain 24 avril, ni si elle survient
precisement après la reprise de l'offensive turque au Kurdistan et
après l'annonce du retour du BDP au Parlement.
Mais je voudrais ici evoquer Ragip, l'homme, et le peu que je sais
de son engagement. En Turquie et hors de Turquie, Ragip est un symbole.
Ce n'est d'ailleurs pas pour rien si son arrestation a declenche
un tolle international la où les arrestations precedentes n'avaient
provoque que des reactions d'organisations specialisees (a ce sujet,
j'invite tout un chacun a signer les petitions qui denoncent son
arrestation).
En Turquie, Ragip et son epouse Ayse - depuis lors decedee - furent les
precurseurs de toutes les transgressions, les Saint Jean-Baptiste de
toutes les causes perdues, les pourfendeurs de tous les tabous. Sur
la question armenienne d'abord, sur la question kurde ensuite, sur
l'absence de democratie en Turquie, sur les privilèges etouffants
et exorbitants des militaires dans ce pays, sur la torture, sur les
prisons de type F, sur les massacres du Dersim, sur celui de Sivas
ou simplement sur les rapports de domination sociale, Ragip fut de
tous les combats, de tous et avant tous. Et Ragip n'est pas Armenien,
ni Grec, ni Juif, ni Kurde, ni Alevi, ni Zaza ; il est simplement
humain, mais pleinement humain et c'est bien suffisant.
Pour ceux qui ont la chance de le connaître, ce qui frappe chez
Ragip, c'est cette inflexible douceur qui imprègne ceux qui font
de leurs croyance en l'Homme l'engagement d'une vie. Ragip n'a pas
le verbe haut, il est souvent hesitant et son attitude n'est pas
impressionnante, encore moins dominatrice. Ragip n'est pas l'homme
des certitudes et des verites ; c'est l'homme des interrogations et
des questionnements. Avec sa maison d'edition Belge (Document), c'est
egalement la pensee critique traduite en action politique. Ce sont
d'ailleurs des caracteristiques qu'il partage avec ses amis - depuis
lors les miens aussi - Inci Tugsavul et Dogan Ozguden, refugies en
Europe depuis quarante ans . Je me plais a croire que les resistants de
tout lieu et de tout temps ont toujours fait preuve de la meme modestie
face aux pretentions a la Verite comme face aux fatalites du destin.
Lorsque je regarde a nouveau cette photo defraîchie, j'imagine assez
bien, me semble-t-il, les espoirs les plus fous que nourrissaient alors
ces democrates turcs, eux qui melèrent avec allegresse leurs amours
et leurs luttes. Le printemps 68 etait passe la, la sève libertaire
emplissait leurs veines ; la democratie semblait a portee de main et
deja en gestation, l'Europe, ses valeurs et ses promesses emplissaient
leurs reves.
Et puis vint le premier coup d'Etat, celui de 1971. L'Europe et la
democratie sont arrives en effet, en Grèce, en Espagne et au Portugal,
en Europe de l'Est meme, mais pas en Turquie. Pour Dogan et Inci, ce
fut l'errance puis l'exil en Belgique, et la promesse de centaines
d'annees de prison en cas de retour. "Retour interdit" comme sur
les passeports des Armeniens qui, survivant au Genocide, avaient dû
quitter leur pays, cette meme Turquie, cinquante ans auparavant. Pour
ceux qui restèrent comme Ragip et Ayse, la clandestinite, la prison,
la torture, les attentats a leur vie, l'angoisse et l'affliction
aussi certainement ; mais la peur, la vraie, celle du vide, jamais.
Cette peur irrepressible, elle est dans le regard des tortionnaires
; dans les eructations d'Erdogan, dans les rodomontades de Gul,
de Davutoglu, de Cicek ou de leurs predecesseurs. L'Histoire a
deja oublie les noms obscurs de ceux qui les precedèrent et qui, du
Palais de Cankaya ou de l'Etat-major, croyaient pouvoir fabriquer une
respectabilite pour absoudre les crimes de leur Etat multirecidiviste.
A coup de milliards ou de menaces, usant tantôt du fard democratique,
tantôt de l'intimidation martiale, ils n'ont finalement reussi qu'a
humilier leur nation et a jeter l'opprobre sur leur Etat.
Mais l'humble, le doux Ragip ne connaît pas cette peur, cette
dereliction qui saisit les nihilistes face au vertige de l'abîme, eux
que seule la force brutale aveugle et tient en respect, eux auxquels
seule cette force brutale donne l'impression de vivre . Du fond de
sa geôle, Ragip est l'homme libre, celui dont Leon Blum disait qu'il
"n'a pas peur d'aller jusqu'au bout de sa pensee" ; du fond de sa
geôle, Ragip continue incorrigiblement de vivre et de rever, de vivre
parce qu'il resiste. Quand on pense a Ragip, viennent immediatement
a l'esprit les vers superbes mais quelque peu oublies de Victor Hugo :
Ceux qui vivent, ce sont ceux qui luttent ; ce sont
Ceux dont un dessein ferme emplit l'âme et le front.
Ceux qui d'un haut destin gravissent l'âpre cime.
Ceux qui marchent pensifs, epris d'un but sublime.
Ayant devant les yeux sans cesse, nuit et jour,
Ou quelque saint labeur ou quelque grand amour.
C'est le prophète saint prosterne devant l'arche,
C'est le travailleur, pâtre, ouvrier, patriarche.
Ceux dont le coeur est bon, ceux dont les jours sont pleins.
Ceux-la vivent, Seigneur ! les autres, je les plains.
Car de son vague ennui le neant les enivre,
Car le plus lourd fardeau, c'est d'exister sans vivre.
Inutiles, epars, ils traînent ici-bas
Le sombre accablement d'etre en ne pensant pas.
Ils s'appellent vulgus, plebs, la tourbe, la foule.
Ils sont ce qui murmure, applaudit, siffle, coule,
Bat des mains, foule aux pieds, bâille, dit oui, dit non,
N'a jamais de figure et n'a jamais de nom ;
Troupeau qui va, revient, juge, absout, delibère,
Detruit, pret a Marat comme pret a Tibère,
Foule triste, joyeuse, habits dores, bras nus,
Pele-mele, et poussee aux gouffres inconnus.
Ils sont les passants froids sans but, sans noeud, sans âge ;
Le bas du genre humain qui s'ecroule en nuage ;
Ceux qu'on ne connaît pas, ceux qu'on ne compte pas,
Ceux qui perdent les mots, les volontes, les pas.
L'ombre obscure autour d'eux se prolonge et recule ;
Ils n'ont du plein midi qu'un lointain crepuscule,
Car, jetant au hasard les cris, les voix, le bruit,
Ils errent près du bord sinistre de la nuit.
Quoi ! ne point aimer ! suivre une morne carrière
Sans un songe en avant, sans un deuil en arrière,
Quoi ! marcher devant soi sans savoir où l'on va,
Rire de Jupiter sans croire a Jehova,
Regarder sans respect l'astre, la fleur, la femme,
Toujours vouloir le corps, ne jamais chercher l'âme,
Pour de vains resultats faire de vains efforts,
N'attendre rien d'en haut ! ciel ! oublier les morts !
Oh non, je ne suis point de ceux-la ! grands, prospères,
Fiers, puissants, ou caches dans d'immondes repaires,
Je les fuis, et je crains leurs sentiers detestes ;
Et j'aimerais mieux etre, ô fourmis des cites,
Tourbe, foule, hommes faux, coeurs morts, races dechues,
Un arbre dans les bois qu'une âme en vos cohues !
Et le reve de Ragip, hors de sa geôle, nous le partageons. Avec
lui, nous voulons croire que cette Turquie adviendra, celle qui
conferera des droits sociopolitiques a ses citoyens kurdes comme a ses
autres citoyens, celle qui reconnaîtra le Genocide des Armeniens et
travaillera a son enseignement et a sa reparation, celle qui quittera
les territoires occupes a Chypre ou ailleurs, celle qui cessera
de torturer, de menacer, d'insulter et d'enbastiller ; celle qui,
a defaut d'entrer dans l'Europe, entrera au moins dans l'Humanite.
Et si nous avons deja oublie le nom des tortionnaires, personne
n'oublie le sourire grave et discret de Ragip . Car ce qui impressionne
les vrais hommes, c'est la force de la volonte bien plus que brutalite
de la force. Ceux qui nous impressionnent, ce sont Martin Niemoller,
Friedrich Bonhoeffer, Jean Moulin, Andreï Sakharov ou Aung San Sui Kyi.
Ragip Zarakolu est de cette trempe et il se compare a ces consciences
car il est la bonne conscience de son pays criminel, celle qui le
rachète et qui nous permet de continuer a esperer. Ragip Zarakolu
meriterait de l'Humanite et de son prix Nobel et j'en appelle
ici a toutes les autorites morales pour que lui soit conferee la
reconnaissance internationale qui consacrerait en lui tant d'efforts
individuels et collectifs pour la Paix, la Justice et la Democratie.
Laurent Leylekian dans Eurotopie
Stephane
armenews.com
lundi 7 novembre 2011
Il y a quelques jours, mon ami Ragip Zarakolu a ete arrete par la
police de son pays, la Turquie. L'arrestation de Ragip, avec celle de
Busra Ersanli, apparaît comme le point d'orgue d'une veritable rafle
qui a mis aux arrets tout ce que la Turquie compte de militants de la
cause Kurdes, d'activistes des Droits de l'Homme, de syndicalistes,
d'editeurs independants et d'observateurs critiques du pouvoir en
place. Bien evidemment, les intellectuels de connivence - que j'ai
denonces autrefois - ne furent pas inquietes par cette operation.
Si j'en ai le loisir, je reviendrai peut-etre sur les raisons qui
conduisent maintenant l'Etat turc a proceder a ces arrestations
eminemment politiques ; de toute facon, elles sont deja connues de
ceux qui s'interessent a ce pays : En une phrase, il s'agit simplement
d'une agression visant d'une part a laminer toute possibilite de
protestation interne concernant la sale guerre que mène Ankara
contre ses propres citoyens kurdes, et d'autre part a neutraliser
l'avènement d'une representation democratique des Kurdes au sein du
Parlement turc. Ce n'est certainement pas un hasard si la rafle du 5
octobre rappelle tellement un certain 24 avril, ni si elle survient
precisement après la reprise de l'offensive turque au Kurdistan et
après l'annonce du retour du BDP au Parlement.
Mais je voudrais ici evoquer Ragip, l'homme, et le peu que je sais
de son engagement. En Turquie et hors de Turquie, Ragip est un symbole.
Ce n'est d'ailleurs pas pour rien si son arrestation a declenche
un tolle international la où les arrestations precedentes n'avaient
provoque que des reactions d'organisations specialisees (a ce sujet,
j'invite tout un chacun a signer les petitions qui denoncent son
arrestation).
En Turquie, Ragip et son epouse Ayse - depuis lors decedee - furent les
precurseurs de toutes les transgressions, les Saint Jean-Baptiste de
toutes les causes perdues, les pourfendeurs de tous les tabous. Sur
la question armenienne d'abord, sur la question kurde ensuite, sur
l'absence de democratie en Turquie, sur les privilèges etouffants
et exorbitants des militaires dans ce pays, sur la torture, sur les
prisons de type F, sur les massacres du Dersim, sur celui de Sivas
ou simplement sur les rapports de domination sociale, Ragip fut de
tous les combats, de tous et avant tous. Et Ragip n'est pas Armenien,
ni Grec, ni Juif, ni Kurde, ni Alevi, ni Zaza ; il est simplement
humain, mais pleinement humain et c'est bien suffisant.
Pour ceux qui ont la chance de le connaître, ce qui frappe chez
Ragip, c'est cette inflexible douceur qui imprègne ceux qui font
de leurs croyance en l'Homme l'engagement d'une vie. Ragip n'a pas
le verbe haut, il est souvent hesitant et son attitude n'est pas
impressionnante, encore moins dominatrice. Ragip n'est pas l'homme
des certitudes et des verites ; c'est l'homme des interrogations et
des questionnements. Avec sa maison d'edition Belge (Document), c'est
egalement la pensee critique traduite en action politique. Ce sont
d'ailleurs des caracteristiques qu'il partage avec ses amis - depuis
lors les miens aussi - Inci Tugsavul et Dogan Ozguden, refugies en
Europe depuis quarante ans . Je me plais a croire que les resistants de
tout lieu et de tout temps ont toujours fait preuve de la meme modestie
face aux pretentions a la Verite comme face aux fatalites du destin.
Lorsque je regarde a nouveau cette photo defraîchie, j'imagine assez
bien, me semble-t-il, les espoirs les plus fous que nourrissaient alors
ces democrates turcs, eux qui melèrent avec allegresse leurs amours
et leurs luttes. Le printemps 68 etait passe la, la sève libertaire
emplissait leurs veines ; la democratie semblait a portee de main et
deja en gestation, l'Europe, ses valeurs et ses promesses emplissaient
leurs reves.
Et puis vint le premier coup d'Etat, celui de 1971. L'Europe et la
democratie sont arrives en effet, en Grèce, en Espagne et au Portugal,
en Europe de l'Est meme, mais pas en Turquie. Pour Dogan et Inci, ce
fut l'errance puis l'exil en Belgique, et la promesse de centaines
d'annees de prison en cas de retour. "Retour interdit" comme sur
les passeports des Armeniens qui, survivant au Genocide, avaient dû
quitter leur pays, cette meme Turquie, cinquante ans auparavant. Pour
ceux qui restèrent comme Ragip et Ayse, la clandestinite, la prison,
la torture, les attentats a leur vie, l'angoisse et l'affliction
aussi certainement ; mais la peur, la vraie, celle du vide, jamais.
Cette peur irrepressible, elle est dans le regard des tortionnaires
; dans les eructations d'Erdogan, dans les rodomontades de Gul,
de Davutoglu, de Cicek ou de leurs predecesseurs. L'Histoire a
deja oublie les noms obscurs de ceux qui les precedèrent et qui, du
Palais de Cankaya ou de l'Etat-major, croyaient pouvoir fabriquer une
respectabilite pour absoudre les crimes de leur Etat multirecidiviste.
A coup de milliards ou de menaces, usant tantôt du fard democratique,
tantôt de l'intimidation martiale, ils n'ont finalement reussi qu'a
humilier leur nation et a jeter l'opprobre sur leur Etat.
Mais l'humble, le doux Ragip ne connaît pas cette peur, cette
dereliction qui saisit les nihilistes face au vertige de l'abîme, eux
que seule la force brutale aveugle et tient en respect, eux auxquels
seule cette force brutale donne l'impression de vivre . Du fond de
sa geôle, Ragip est l'homme libre, celui dont Leon Blum disait qu'il
"n'a pas peur d'aller jusqu'au bout de sa pensee" ; du fond de sa
geôle, Ragip continue incorrigiblement de vivre et de rever, de vivre
parce qu'il resiste. Quand on pense a Ragip, viennent immediatement
a l'esprit les vers superbes mais quelque peu oublies de Victor Hugo :
Ceux qui vivent, ce sont ceux qui luttent ; ce sont
Ceux dont un dessein ferme emplit l'âme et le front.
Ceux qui d'un haut destin gravissent l'âpre cime.
Ceux qui marchent pensifs, epris d'un but sublime.
Ayant devant les yeux sans cesse, nuit et jour,
Ou quelque saint labeur ou quelque grand amour.
C'est le prophète saint prosterne devant l'arche,
C'est le travailleur, pâtre, ouvrier, patriarche.
Ceux dont le coeur est bon, ceux dont les jours sont pleins.
Ceux-la vivent, Seigneur ! les autres, je les plains.
Car de son vague ennui le neant les enivre,
Car le plus lourd fardeau, c'est d'exister sans vivre.
Inutiles, epars, ils traînent ici-bas
Le sombre accablement d'etre en ne pensant pas.
Ils s'appellent vulgus, plebs, la tourbe, la foule.
Ils sont ce qui murmure, applaudit, siffle, coule,
Bat des mains, foule aux pieds, bâille, dit oui, dit non,
N'a jamais de figure et n'a jamais de nom ;
Troupeau qui va, revient, juge, absout, delibère,
Detruit, pret a Marat comme pret a Tibère,
Foule triste, joyeuse, habits dores, bras nus,
Pele-mele, et poussee aux gouffres inconnus.
Ils sont les passants froids sans but, sans noeud, sans âge ;
Le bas du genre humain qui s'ecroule en nuage ;
Ceux qu'on ne connaît pas, ceux qu'on ne compte pas,
Ceux qui perdent les mots, les volontes, les pas.
L'ombre obscure autour d'eux se prolonge et recule ;
Ils n'ont du plein midi qu'un lointain crepuscule,
Car, jetant au hasard les cris, les voix, le bruit,
Ils errent près du bord sinistre de la nuit.
Quoi ! ne point aimer ! suivre une morne carrière
Sans un songe en avant, sans un deuil en arrière,
Quoi ! marcher devant soi sans savoir où l'on va,
Rire de Jupiter sans croire a Jehova,
Regarder sans respect l'astre, la fleur, la femme,
Toujours vouloir le corps, ne jamais chercher l'âme,
Pour de vains resultats faire de vains efforts,
N'attendre rien d'en haut ! ciel ! oublier les morts !
Oh non, je ne suis point de ceux-la ! grands, prospères,
Fiers, puissants, ou caches dans d'immondes repaires,
Je les fuis, et je crains leurs sentiers detestes ;
Et j'aimerais mieux etre, ô fourmis des cites,
Tourbe, foule, hommes faux, coeurs morts, races dechues,
Un arbre dans les bois qu'une âme en vos cohues !
Et le reve de Ragip, hors de sa geôle, nous le partageons. Avec
lui, nous voulons croire que cette Turquie adviendra, celle qui
conferera des droits sociopolitiques a ses citoyens kurdes comme a ses
autres citoyens, celle qui reconnaîtra le Genocide des Armeniens et
travaillera a son enseignement et a sa reparation, celle qui quittera
les territoires occupes a Chypre ou ailleurs, celle qui cessera
de torturer, de menacer, d'insulter et d'enbastiller ; celle qui,
a defaut d'entrer dans l'Europe, entrera au moins dans l'Humanite.
Et si nous avons deja oublie le nom des tortionnaires, personne
n'oublie le sourire grave et discret de Ragip . Car ce qui impressionne
les vrais hommes, c'est la force de la volonte bien plus que brutalite
de la force. Ceux qui nous impressionnent, ce sont Martin Niemoller,
Friedrich Bonhoeffer, Jean Moulin, Andreï Sakharov ou Aung San Sui Kyi.
Ragip Zarakolu est de cette trempe et il se compare a ces consciences
car il est la bonne conscience de son pays criminel, celle qui le
rachète et qui nous permet de continuer a esperer. Ragip Zarakolu
meriterait de l'Humanite et de son prix Nobel et j'en appelle
ici a toutes les autorites morales pour que lui soit conferee la
reconnaissance internationale qui consacrerait en lui tant d'efforts
individuels et collectifs pour la Paix, la Justice et la Democratie.
Laurent Leylekian dans Eurotopie