Turquie : le courage d'affronter 1915
Publié le : 07-11-2011
Info Collectif VAN - www.collectifvan.org - "Au moment même où le
directeur des Editions Belge et militant des droits de l'homme, Ragip
Zarakolu, a été arrêté, (les Editions Belge -prononcer Belgué- sont
l'une des premières maisons d'édition à avoir brisé en Turquie le
tabou du génocide arménien en publiant des livres historiques et des
témoignages sur 1915), le journaliste turc Cengiz rapporte les
commentaires de l'écrivain turc Taner Akcam. Ce dernier avait porté
plainte devant la Cour européenne des droits de l'homme, pour
violation de sa liberté d'expression au fondement du fameux article
301 du Code pénal turc, et il vient de gagner son procès. Pour lui, la
seule solution pour la Turquie consiste à affronter son passé". Le
Collectif VAN vous livre la traduction de cet article en anglais paru
le 27 octobre 2011 sur le site du quotidien turc Today's Zaman.
Taner Akçam : il faut se confronter à 1915 pour se débarrasser d'Ergenekon
Today's Zaman
27 octobre 2011
ORHAN KEMAL CENGÄ°Z
[email protected]
Mercredi, j'ai essayé de résumer le jugement rendu par la Cour
européenne des droits de l'homme (CEDH) dans le procès Taner Akçam vs
Turquie. La Cour a déclaré que l'article 301 du Code pénal turc (TCK),
concernant le dénigrement de la turcité, viole la liberté
d'expression.
Je pense que c'est une décision qui fait date et qui obligera la
Turquie à supprimer cet article à l'avenir. J'ai demandé à Akçam ce
qu'il pensait de la décision et de l'article 301, et s'il se sentait
soulagé après ce jugement, et si cette décision pourra aider la
Turquie à affronter son passé. Akçam m'a envoyé quelques réponses
incitant à la réflexion et des remarques sur l'importance d'affronter
le passé d'une façon générale. J'aimerais vous faire part des
commentaires du professeur Akçam :
« Cet jugement Å`uvrera en fait en faveur de la Turquie. La décision
aide le pays à faire un pas en avant sur un sujet qui est un problème
dont chacun est conscient depuis des années. Cette loi existe, mais
l'organe exécutif entrave sa mise en Å`uvre et son exécution. Autrement
dit, ils [le gouvernement] se comportent comme si la loi qu'ils ont
créée n'existait pas. Cette situation pourrait-elle devenir encore
plus ridicule ?
« Nous [la Turquie] agissons ainsi pour tous les problèmes. Nous
savons qu'il y a un problème, mais au lieu de le résoudre vraiment,
nous agissons 'comme si' nous le résolvions. Nous attendons une
décision de la CEDH, même en ce qui concerne une application simple et
ordinaire de la liberté d'expression et de l'état de droit. �tait-ce
vraiment nécessaire ? Pour cette raison-lÃ, je ne peux pas me réjouir
de cette décision.
« Mais laissez-moi attirer votre attention sur un aspect beaucoup plus
important de cette question : le jugement est historiquement important
parce que la cour souligne la relation étroite entre le discours sur
l'histoire et la démocratie. Très simplement dit, en 1915, environ un
million de citoyens arméniens ottomans ont été exterminés. Je sais que
la simple énonciation de ces mots outrage nombre de personnes et en
réalité c'est cette colère qui a alimenté le discours historique du
gouvernement et le réfuter est un 'crime' sous l'article 301.
« Même nos journaux préfèrent se référer à 'l'historien qui défend les
arguments du côté arménien, plutôt qu'à 'l'historien dont la liberté
d'expression a été entravée' lorsqu'ils écrivent sur ce sujet. Ce que
nous devons comprendre est ceci : si vous ne pouvez pas parler
librement de l'histoire, vous ne pouvez pas qualifier votre pays de
démocratie et vous ne pouvez pas créer une société et un avenir qui
respectent les droits de l'homme. Il n'y a pas de 'côté arménien' ou
de 'côté turc' de l'histoire. Pour discuter de ce qui est vraiment
survenu dans l'histoire, on doit en parler librement et ouvertement,
sans légendes ou mythes. Aujourd'hui, personne ne se réfère à 'une
version allemande' ou à 'une version juive' quand on parle du génocide
juif.
« Ces dernières années, la Turquie a fait de grands progrès en matière
de démocratisation avec les enquêtes sur Balyoz et Ergenekon. Elle a
pris des mesures pour réduire l'influence du régime de tutelle des
militaires. Mais la démocratie ne sera pas atteinte uniquement en
éliminant les militaires de la politique. Chacun doit se concentrer
sur ce lien : ceux qui ont organisé la haine contre des Arméniens et
des chrétiens en Turquie, ceux qui ont orchestré des campagnes de
diffamation contre Hrant Dink et moi-même et ceux qui ont mené des
campagnes contre 'les mensonges du génocide' en défendant les
meurtriers de 1915, sont essentiellement les membres du cercle
Ergenekon. L'article 301 est principalement une loi proposée par le
cercle Ergenekon. Les individus pro-Ergenekon sont en prison
aujourd'hui, mais leur loi, l'article 301, est toujours en vigueur.
N'oublions pas que se sont les pro-Ergenekon qui ont criminalisé la
discussion de l'histoire et l'ont assimilée à une trahison et une
insulte à la turcité. Ce sont eux qui étaient derrière toutes les
plaintes déposées contre Hrant et c'est à cause d'eux que j'ai entamé
ce procès devant la CEDH. Si nous ne voulons pas que la Turquie tombe
de nouveau sous la tutelle militaire, si nous ne voulons pas ranimer
Ergenekon, nous devons apprendre à parler de ce qu'il s'est passé en
1915 et admettre qu'une grave injustice a été commise dans le passé.
Avec son jugement, la CEDH nous l'a rappelé.
« Maintenant, nous, en tant que une nation en pleine création d'une
nouvelle constitution, nous devons nous débarrasser de ces bouts de
loi qui sont les résidus finaux d'Ergenekon. Il y a un lien direct
entre nier ce qui est arrivé en 1915, accuser ceux qui veulent en
parler d'être 'pro-arméniens' et 'des traîtres' et être pro-Ergenekon.
« Je sais qu'il est dur pour beaucoup d'entre nous d'accepter cela,
mais c'est le cÅ`ur du problème. Nous sommes soit du côté de l'article
301 et de ceux qui accusent les autres d'être déloyaux quand ils
discutent de l'histoire librement, soit des gens de libre conscience
qui font partie d'une Turquie libre qui parle librement de sa propre
histoire et envisage l'avenir avec confiance, en condamnant les
meurtres du passé. Nous n'avons pas de troisième option.
« Je me considère comme étant une partie de la société civile turque
et je continuerai avec elle à faire tout ce que je peux pour m'assurer
que l'article 301 soit supprimé du Code pénal turc (TCK). Cet article
était l'assassin de Hrant Dink. Cette disposition meurtrière doit être
supprimée immédiatement. La Turquie vaut mieux que cela. Je dédie le
jugement de la Cour au président du Parlement, Cemil �içek. Dans le
passé, il a exprimé son soutien à cette loi assassine. Maintenant, il
ne tient qu'à lui de réparer les dégâts. C'est son devoir envers Hrant
Dink et toutes les autres victimes. »
©Traduction de l'anglais C.Gardon pour le Collectif VAN ` 7 novembre
2011 ` www.collectifvan.org
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Source/Lien : Today's Zaman
From: Baghdasarian
Publié le : 07-11-2011
Info Collectif VAN - www.collectifvan.org - "Au moment même où le
directeur des Editions Belge et militant des droits de l'homme, Ragip
Zarakolu, a été arrêté, (les Editions Belge -prononcer Belgué- sont
l'une des premières maisons d'édition à avoir brisé en Turquie le
tabou du génocide arménien en publiant des livres historiques et des
témoignages sur 1915), le journaliste turc Cengiz rapporte les
commentaires de l'écrivain turc Taner Akcam. Ce dernier avait porté
plainte devant la Cour européenne des droits de l'homme, pour
violation de sa liberté d'expression au fondement du fameux article
301 du Code pénal turc, et il vient de gagner son procès. Pour lui, la
seule solution pour la Turquie consiste à affronter son passé". Le
Collectif VAN vous livre la traduction de cet article en anglais paru
le 27 octobre 2011 sur le site du quotidien turc Today's Zaman.
Taner Akçam : il faut se confronter à 1915 pour se débarrasser d'Ergenekon
Today's Zaman
27 octobre 2011
ORHAN KEMAL CENGÄ°Z
[email protected]
Mercredi, j'ai essayé de résumer le jugement rendu par la Cour
européenne des droits de l'homme (CEDH) dans le procès Taner Akçam vs
Turquie. La Cour a déclaré que l'article 301 du Code pénal turc (TCK),
concernant le dénigrement de la turcité, viole la liberté
d'expression.
Je pense que c'est une décision qui fait date et qui obligera la
Turquie à supprimer cet article à l'avenir. J'ai demandé à Akçam ce
qu'il pensait de la décision et de l'article 301, et s'il se sentait
soulagé après ce jugement, et si cette décision pourra aider la
Turquie à affronter son passé. Akçam m'a envoyé quelques réponses
incitant à la réflexion et des remarques sur l'importance d'affronter
le passé d'une façon générale. J'aimerais vous faire part des
commentaires du professeur Akçam :
« Cet jugement Å`uvrera en fait en faveur de la Turquie. La décision
aide le pays à faire un pas en avant sur un sujet qui est un problème
dont chacun est conscient depuis des années. Cette loi existe, mais
l'organe exécutif entrave sa mise en Å`uvre et son exécution. Autrement
dit, ils [le gouvernement] se comportent comme si la loi qu'ils ont
créée n'existait pas. Cette situation pourrait-elle devenir encore
plus ridicule ?
« Nous [la Turquie] agissons ainsi pour tous les problèmes. Nous
savons qu'il y a un problème, mais au lieu de le résoudre vraiment,
nous agissons 'comme si' nous le résolvions. Nous attendons une
décision de la CEDH, même en ce qui concerne une application simple et
ordinaire de la liberté d'expression et de l'état de droit. �tait-ce
vraiment nécessaire ? Pour cette raison-lÃ, je ne peux pas me réjouir
de cette décision.
« Mais laissez-moi attirer votre attention sur un aspect beaucoup plus
important de cette question : le jugement est historiquement important
parce que la cour souligne la relation étroite entre le discours sur
l'histoire et la démocratie. Très simplement dit, en 1915, environ un
million de citoyens arméniens ottomans ont été exterminés. Je sais que
la simple énonciation de ces mots outrage nombre de personnes et en
réalité c'est cette colère qui a alimenté le discours historique du
gouvernement et le réfuter est un 'crime' sous l'article 301.
« Même nos journaux préfèrent se référer à 'l'historien qui défend les
arguments du côté arménien, plutôt qu'à 'l'historien dont la liberté
d'expression a été entravée' lorsqu'ils écrivent sur ce sujet. Ce que
nous devons comprendre est ceci : si vous ne pouvez pas parler
librement de l'histoire, vous ne pouvez pas qualifier votre pays de
démocratie et vous ne pouvez pas créer une société et un avenir qui
respectent les droits de l'homme. Il n'y a pas de 'côté arménien' ou
de 'côté turc' de l'histoire. Pour discuter de ce qui est vraiment
survenu dans l'histoire, on doit en parler librement et ouvertement,
sans légendes ou mythes. Aujourd'hui, personne ne se réfère à 'une
version allemande' ou à 'une version juive' quand on parle du génocide
juif.
« Ces dernières années, la Turquie a fait de grands progrès en matière
de démocratisation avec les enquêtes sur Balyoz et Ergenekon. Elle a
pris des mesures pour réduire l'influence du régime de tutelle des
militaires. Mais la démocratie ne sera pas atteinte uniquement en
éliminant les militaires de la politique. Chacun doit se concentrer
sur ce lien : ceux qui ont organisé la haine contre des Arméniens et
des chrétiens en Turquie, ceux qui ont orchestré des campagnes de
diffamation contre Hrant Dink et moi-même et ceux qui ont mené des
campagnes contre 'les mensonges du génocide' en défendant les
meurtriers de 1915, sont essentiellement les membres du cercle
Ergenekon. L'article 301 est principalement une loi proposée par le
cercle Ergenekon. Les individus pro-Ergenekon sont en prison
aujourd'hui, mais leur loi, l'article 301, est toujours en vigueur.
N'oublions pas que se sont les pro-Ergenekon qui ont criminalisé la
discussion de l'histoire et l'ont assimilée à une trahison et une
insulte à la turcité. Ce sont eux qui étaient derrière toutes les
plaintes déposées contre Hrant et c'est à cause d'eux que j'ai entamé
ce procès devant la CEDH. Si nous ne voulons pas que la Turquie tombe
de nouveau sous la tutelle militaire, si nous ne voulons pas ranimer
Ergenekon, nous devons apprendre à parler de ce qu'il s'est passé en
1915 et admettre qu'une grave injustice a été commise dans le passé.
Avec son jugement, la CEDH nous l'a rappelé.
« Maintenant, nous, en tant que une nation en pleine création d'une
nouvelle constitution, nous devons nous débarrasser de ces bouts de
loi qui sont les résidus finaux d'Ergenekon. Il y a un lien direct
entre nier ce qui est arrivé en 1915, accuser ceux qui veulent en
parler d'être 'pro-arméniens' et 'des traîtres' et être pro-Ergenekon.
« Je sais qu'il est dur pour beaucoup d'entre nous d'accepter cela,
mais c'est le cÅ`ur du problème. Nous sommes soit du côté de l'article
301 et de ceux qui accusent les autres d'être déloyaux quand ils
discutent de l'histoire librement, soit des gens de libre conscience
qui font partie d'une Turquie libre qui parle librement de sa propre
histoire et envisage l'avenir avec confiance, en condamnant les
meurtres du passé. Nous n'avons pas de troisième option.
« Je me considère comme étant une partie de la société civile turque
et je continuerai avec elle à faire tout ce que je peux pour m'assurer
que l'article 301 soit supprimé du Code pénal turc (TCK). Cet article
était l'assassin de Hrant Dink. Cette disposition meurtrière doit être
supprimée immédiatement. La Turquie vaut mieux que cela. Je dédie le
jugement de la Cour au président du Parlement, Cemil �içek. Dans le
passé, il a exprimé son soutien à cette loi assassine. Maintenant, il
ne tient qu'à lui de réparer les dégâts. C'est son devoir envers Hrant
Dink et toutes les autres victimes. »
©Traduction de l'anglais C.Gardon pour le Collectif VAN ` 7 novembre
2011 ` www.collectifvan.org
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