LA TURQUIE REVOIT SA PROPRE HISTOIRE
Stephane
armenews.com
mardi 29 novembre 2011
Pendant des annees, on nous a enseigne a l'ecole la facon dont Mustafa
Kemal chassait les corbeaux alors qu'il etait enfant et comment sa
montre-gousset lui avait sauve la vie.
C'est la version officielle de l'histoire qui continue a etre enseignee
en classe comme elle l'a toujours ete depuis 1919. La dynastie ottomane
a toujours ete decrite comme constamment a la recherche du plaisir,
sans aucun lien avec la modernite ou sans aucune intention de mettre
en place des reformes. Cette version officielle de l'histoire nous
apprend en fait que tout, depuis le système educatif jusqu'aux
codes juridiques, nous est venu de l'etranger avec l'avènement
d'Ataturk. Elle nous dit aussi que pour mettre en place ces reformes,
il a fallu combattre contre sept puissances etrangères.
La verite, cependant, est que depuis Mahmut II (1785-1839), l'empire
etait engage dans un mouvement continuel de reformes, et que ce
mouvement avait atteint son paroxysme avec les "Ittihatcilar" ou
membres du Comite Union et Progrès (CUP) en 1889. Mustafa Kemal
lui-meme etait d'ailleurs un "Ittihadci". En outre, la guerre de
l'Isklal Savasi, ou Guerre d'Independance, essentielle, contre la Grèce
et l'occupation de regions d'Anatolie etait soutenue par certains pays,
la Russie et l'Italie parmi les plus notables.
Aujourd'hui cependant, cette histoire, construite sur des fondations
mensongères, est en cours de demolition. Et en depit de la survivance
de la Haute Autorite de l'Education (YOK), le nombre de sujets tabou
est en diminution rapide. Le meme genre de developpement est en cours
dans l'arène politique turque. Des sujets qui très recemment faisaient
partie de ceux qu'aucun politicien n'aurait ose aborder sont a present
finalement debattus. L'exemple le plus recent est celui de Dersim.
Au cours de nos annees de regime de gauche, nous avons pu apprendre
furtivement ce qui s'est reellement passe dans des livres interdits,
mais le sujet de Dersim etait l'un sur lesquels il etait interdit
d'ecrire. De meme ne pouvait-on pas ecrire que Sabiha Goksen, dont
l'avion avait bombarde Dersim, etait en fait armenienne. Parler de
cette realite, donner du credit aux allegations de genocide, ont ete
les causes de la mort de Hrant Dink.
La logique officielle s'est traduite par le recours a de cruelles
methodes pour imposer le silence sur ces evenements, depuis le vote
de lois jusqu'aux equipes de mise en ~\uvre pour obtenir que ceux qui
parlent perdent leur emploi, ou pour toutes autres mesures de ce genre
prises en toute impunite. Mais aujourd'hui, nous en sommes arrive a un
point où il faut faire face a notre histoire recente. Si ceux qui ont
occulte Dersim jusqu'a tout recemment, semblent avoir pris maintenant
une position protectrice, sinon avec les Kurdes, au moins envers le
Parti des Travailleurs du Kurdistan, c'est pour cette raison. Dersim
etait un massacre d'une telle ampleur que ceux qui etaient au pouvoir
pensaient qu'il transformerait reellement les choses. A cette epoque,
les Kurdes etaient intoxiques dans les grottes comme des rats, et,
après avoir ete tues, on leur coupait le nez et les oreilles.
Les plans prepares personnellement par le president Ataturk avaient
ete ensuite mis en ~\uvre par le premier ministre Ismet Inonu. En
d'autres termes, on parle ici d'un massacre planifie et execute
par deux membres fondateurs du Parti Republicain du Peuple (CHP). En
realite, ecrire sur ces choses est encore actuellement considere comme
un acte criminel par le système du droit turc, dans la mesure où existe
encore une loi destinee a preserver le caractère intangible d'Ataturk.
Pour cette raison, le parti qui a vraiment besoin de se confronter
avec le passe est le CHP.
Le CHP ne sera jamais capable de devenir un parti politique
democratique, tant qu'il n'aura pas accepte sa responsabilite dans
les injustices commises envers les propres citoyens de Turquie,
depuis Dersim jusqu'a la Taxe sur la Richesse imposee injustement aux
minorites non-musulmanes, ainsi que les politiques cruelles suivies
contre les autres, depuis les Grecs, jusqu'aux Kurdes.
Lorsqu'on considère que meme aujourd'hui, il y a des gens au CHP
qui defendent le passe, et qui soutiennent les evenements de Dersim,
on comprend a quel point le CHP a besoin d'evoluer. Quand un parti
dont l'histoire est pleine d'erreurs graves refuse de considerer ou
d'evaluer le passe, alors ce parti ne pourra jamais sortir vainqueur
des urnes. Jamais peut-etre aucune occasion de le faire ne s'etait
presentee, mais il y en a une aujourd'hui. C'est ce qui decidera de
la direction que prendra le CHP, et de ce que sera son avenir.
Ergun Babahan
Todays'Zaman
21 novembre 2011
Traduction Gilbert Beguian
http://www.todayszaman.com/columnistDetail_getNewsById.action
?newsId=263519
Stephane
armenews.com
mardi 29 novembre 2011
Pendant des annees, on nous a enseigne a l'ecole la facon dont Mustafa
Kemal chassait les corbeaux alors qu'il etait enfant et comment sa
montre-gousset lui avait sauve la vie.
C'est la version officielle de l'histoire qui continue a etre enseignee
en classe comme elle l'a toujours ete depuis 1919. La dynastie ottomane
a toujours ete decrite comme constamment a la recherche du plaisir,
sans aucun lien avec la modernite ou sans aucune intention de mettre
en place des reformes. Cette version officielle de l'histoire nous
apprend en fait que tout, depuis le système educatif jusqu'aux
codes juridiques, nous est venu de l'etranger avec l'avènement
d'Ataturk. Elle nous dit aussi que pour mettre en place ces reformes,
il a fallu combattre contre sept puissances etrangères.
La verite, cependant, est que depuis Mahmut II (1785-1839), l'empire
etait engage dans un mouvement continuel de reformes, et que ce
mouvement avait atteint son paroxysme avec les "Ittihatcilar" ou
membres du Comite Union et Progrès (CUP) en 1889. Mustafa Kemal
lui-meme etait d'ailleurs un "Ittihadci". En outre, la guerre de
l'Isklal Savasi, ou Guerre d'Independance, essentielle, contre la Grèce
et l'occupation de regions d'Anatolie etait soutenue par certains pays,
la Russie et l'Italie parmi les plus notables.
Aujourd'hui cependant, cette histoire, construite sur des fondations
mensongères, est en cours de demolition. Et en depit de la survivance
de la Haute Autorite de l'Education (YOK), le nombre de sujets tabou
est en diminution rapide. Le meme genre de developpement est en cours
dans l'arène politique turque. Des sujets qui très recemment faisaient
partie de ceux qu'aucun politicien n'aurait ose aborder sont a present
finalement debattus. L'exemple le plus recent est celui de Dersim.
Au cours de nos annees de regime de gauche, nous avons pu apprendre
furtivement ce qui s'est reellement passe dans des livres interdits,
mais le sujet de Dersim etait l'un sur lesquels il etait interdit
d'ecrire. De meme ne pouvait-on pas ecrire que Sabiha Goksen, dont
l'avion avait bombarde Dersim, etait en fait armenienne. Parler de
cette realite, donner du credit aux allegations de genocide, ont ete
les causes de la mort de Hrant Dink.
La logique officielle s'est traduite par le recours a de cruelles
methodes pour imposer le silence sur ces evenements, depuis le vote
de lois jusqu'aux equipes de mise en ~\uvre pour obtenir que ceux qui
parlent perdent leur emploi, ou pour toutes autres mesures de ce genre
prises en toute impunite. Mais aujourd'hui, nous en sommes arrive a un
point où il faut faire face a notre histoire recente. Si ceux qui ont
occulte Dersim jusqu'a tout recemment, semblent avoir pris maintenant
une position protectrice, sinon avec les Kurdes, au moins envers le
Parti des Travailleurs du Kurdistan, c'est pour cette raison. Dersim
etait un massacre d'une telle ampleur que ceux qui etaient au pouvoir
pensaient qu'il transformerait reellement les choses. A cette epoque,
les Kurdes etaient intoxiques dans les grottes comme des rats, et,
après avoir ete tues, on leur coupait le nez et les oreilles.
Les plans prepares personnellement par le president Ataturk avaient
ete ensuite mis en ~\uvre par le premier ministre Ismet Inonu. En
d'autres termes, on parle ici d'un massacre planifie et execute
par deux membres fondateurs du Parti Republicain du Peuple (CHP). En
realite, ecrire sur ces choses est encore actuellement considere comme
un acte criminel par le système du droit turc, dans la mesure où existe
encore une loi destinee a preserver le caractère intangible d'Ataturk.
Pour cette raison, le parti qui a vraiment besoin de se confronter
avec le passe est le CHP.
Le CHP ne sera jamais capable de devenir un parti politique
democratique, tant qu'il n'aura pas accepte sa responsabilite dans
les injustices commises envers les propres citoyens de Turquie,
depuis Dersim jusqu'a la Taxe sur la Richesse imposee injustement aux
minorites non-musulmanes, ainsi que les politiques cruelles suivies
contre les autres, depuis les Grecs, jusqu'aux Kurdes.
Lorsqu'on considère que meme aujourd'hui, il y a des gens au CHP
qui defendent le passe, et qui soutiennent les evenements de Dersim,
on comprend a quel point le CHP a besoin d'evoluer. Quand un parti
dont l'histoire est pleine d'erreurs graves refuse de considerer ou
d'evaluer le passe, alors ce parti ne pourra jamais sortir vainqueur
des urnes. Jamais peut-etre aucune occasion de le faire ne s'etait
presentee, mais il y en a une aujourd'hui. C'est ce qui decidera de
la direction que prendra le CHP, et de ce que sera son avenir.
Ergun Babahan
Todays'Zaman
21 novembre 2011
Traduction Gilbert Beguian
http://www.todayszaman.com/columnistDetail_getNewsById.action
?newsId=263519