CLAIRE MOURADIAN ET ANOUCHE KUNTH, LES ARMENIENS EN FRANCE. DU CHAOS A LA RECONNAISSANCE
Marie-Carmen Smyrnelis
Revues.org
29 sept 2011
Claire Mouradian, Anouche Kunth, Les Armeniens en France. Du chaos
a la reconnaissance, L'attribut, coll. " Exils ", 2010.
Il faut tout d'abord saluer la creation de la collection " Exils "
en 2010, par les Editions de l'attribut, consacree a une histoire
sensible et humaine de l'immigration en France : elle se propose,
en effet, de brosser le portrait de l'immigration en France a partir
d'une analyse scientifique, mais aussi de portraits, de temoignages,
de recits des immigres ou enfants d'immigres. Elle comporte deja deux
volumes : l'un consacre aux Espagnols et l'autre aux Armeniens.
1 C. Mouradian, " Armeniens en France, Armeniens de France ", in Les
Armeniens en France. Du chaos a (...)
2 C'est celui consacre aux Armeniens en France qui fera l'objet de
ce compte rendu. Il est decoupe en trois parties : l'une, redigee
par l'historienne Claire Mouradian (directrice de recherche au CNRS)
qui fournit, a partir d'une importante bibliographie, des elements
d'analyse historique sur les etapes de la presence armenienne en France
depuis l'epoque romaine, puis surtout a partir du milieu du XVIIe
siècle. Elle analyse la place qu'ils ont pu et su progressivement y
occuper, generation après generation, depuis la première arrivee en
France dans les annees 1920 : la première generation s'est totalement
consacree a la survie materielle, essayant d'echapper a l'usine par
la pratique de metiers (cordonnier, tailleur, tapissier, bijoutier,
etc.) transmis au sein des familles d'artisans, par l'appui de reseaux
d'entraide des premiers arrives en France et l'ouverture de petits
commerces ethniques (epiceries ou restaurants orientaux). La deuxième
generation, nee ou grandie en France, a, ete celle de la revanche
sociale : grâce aux etudes entreprises, elle a pu se tourner vers des
metiers d'ingenieurs, vers les professions liberales, l'enseignement,
la recherche, les metiers du spectacle ou de l'art. Les troisième
et quatrième generations, totalement inserees dans la societe
francaise, commencent a acceder aux carrières publiques et se sentent
investies d'une mission de " revanche nationale " et d'un retour aux
sources. C. Mouradian montre aussi comment la diaspora armenienne
en France doit etre apprehendee comme un tout composite, traverse de
multiples clivages - sociaux, politiques, regionaux- et en constante
reconfiguration1. Enfin, elle etudie, de manière approfondie, les
institutions qui structurent la vie communautaire des Armeniens en
France : eglises, partis politiques, ecoles, associations, presse.
3 Les deuxième et troisième parties de l'ouvrage ont ete redigees par
Anouche Kunch, qui termine une thèse a l'EHESS sur " Les Armeniens du
Caucase dans la diaspora de France des annees 1920 a nos jours ". La
deuxième partie est consacree aux recits de trois exiles en France,
tandis que dans la troisième, ce sont trois portraits d'immigres
et enfants d'immigres qu'elle nous livre : avec une plume alerte,
Anouche Kunch decrit avec sensibilite les destins brises des exiles,
leurs souffrances, leurs errances dans toute l'Europe. Dans tous
les portraits qu'elle retrace, elle interroge les questionnements
identitaires des Armeniens, qu'ils soient exiles, immigres ou
fils d'immigres ; elle detaille leur quotidien et analyse leurs
liens avec le pays d'origine et avec l'Armenie. Ces recits font
echo aux problematiques developpees dans la première partie et lui
donnent chair. Ainsi, ces histoires de vie racontent la difficile
ascension sociale des Armeniens installes en France, generation après
generation. Les trois portraits de la troisième partie sont ceux
d'Armeniens qui ont " reussi " leur integration en France : Simon
Abkarian, acteur connu de theâtre et de cinema ; Karine Arabian,
styliste et creatrice d'accessoires (chaussures, sacs, bijoux)
et Alice Aslanian, heritière de la fameuse librairie Samuelian,
creee par son père. Un seul petit regret : le lecteur aurait aime
aussi decouvrir un autre parcours d'immigre qui n'aurait pas connu
une telle reussite sociale et professionnelle en France.
4 Au final, un livre de qualite, a decouvrir sans tarder, pour mieux
connaître la diaspora armenienne en France, mais plus largement pour
repenser, avec un autre regard, plus ouvert, la presence etrangère
en France.
C. Mouradian, " Armeniens en France, Armeniens de France ", in Les
Armeniens en France. Du chaos a la reconnaissance, Toulouse, Les
editions de l'attribut, coll. " Exils ", 2010, p. 27.
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http://lectures.revues.org/6434
Marie-Carmen Smyrnelis
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29 sept 2011
Claire Mouradian, Anouche Kunth, Les Armeniens en France. Du chaos
a la reconnaissance, L'attribut, coll. " Exils ", 2010.
Il faut tout d'abord saluer la creation de la collection " Exils "
en 2010, par les Editions de l'attribut, consacree a une histoire
sensible et humaine de l'immigration en France : elle se propose,
en effet, de brosser le portrait de l'immigration en France a partir
d'une analyse scientifique, mais aussi de portraits, de temoignages,
de recits des immigres ou enfants d'immigres. Elle comporte deja deux
volumes : l'un consacre aux Espagnols et l'autre aux Armeniens.
1 C. Mouradian, " Armeniens en France, Armeniens de France ", in Les
Armeniens en France. Du chaos a (...)
2 C'est celui consacre aux Armeniens en France qui fera l'objet de
ce compte rendu. Il est decoupe en trois parties : l'une, redigee
par l'historienne Claire Mouradian (directrice de recherche au CNRS)
qui fournit, a partir d'une importante bibliographie, des elements
d'analyse historique sur les etapes de la presence armenienne en France
depuis l'epoque romaine, puis surtout a partir du milieu du XVIIe
siècle. Elle analyse la place qu'ils ont pu et su progressivement y
occuper, generation après generation, depuis la première arrivee en
France dans les annees 1920 : la première generation s'est totalement
consacree a la survie materielle, essayant d'echapper a l'usine par
la pratique de metiers (cordonnier, tailleur, tapissier, bijoutier,
etc.) transmis au sein des familles d'artisans, par l'appui de reseaux
d'entraide des premiers arrives en France et l'ouverture de petits
commerces ethniques (epiceries ou restaurants orientaux). La deuxième
generation, nee ou grandie en France, a, ete celle de la revanche
sociale : grâce aux etudes entreprises, elle a pu se tourner vers des
metiers d'ingenieurs, vers les professions liberales, l'enseignement,
la recherche, les metiers du spectacle ou de l'art. Les troisième
et quatrième generations, totalement inserees dans la societe
francaise, commencent a acceder aux carrières publiques et se sentent
investies d'une mission de " revanche nationale " et d'un retour aux
sources. C. Mouradian montre aussi comment la diaspora armenienne
en France doit etre apprehendee comme un tout composite, traverse de
multiples clivages - sociaux, politiques, regionaux- et en constante
reconfiguration1. Enfin, elle etudie, de manière approfondie, les
institutions qui structurent la vie communautaire des Armeniens en
France : eglises, partis politiques, ecoles, associations, presse.
3 Les deuxième et troisième parties de l'ouvrage ont ete redigees par
Anouche Kunch, qui termine une thèse a l'EHESS sur " Les Armeniens du
Caucase dans la diaspora de France des annees 1920 a nos jours ". La
deuxième partie est consacree aux recits de trois exiles en France,
tandis que dans la troisième, ce sont trois portraits d'immigres
et enfants d'immigres qu'elle nous livre : avec une plume alerte,
Anouche Kunch decrit avec sensibilite les destins brises des exiles,
leurs souffrances, leurs errances dans toute l'Europe. Dans tous
les portraits qu'elle retrace, elle interroge les questionnements
identitaires des Armeniens, qu'ils soient exiles, immigres ou
fils d'immigres ; elle detaille leur quotidien et analyse leurs
liens avec le pays d'origine et avec l'Armenie. Ces recits font
echo aux problematiques developpees dans la première partie et lui
donnent chair. Ainsi, ces histoires de vie racontent la difficile
ascension sociale des Armeniens installes en France, generation après
generation. Les trois portraits de la troisième partie sont ceux
d'Armeniens qui ont " reussi " leur integration en France : Simon
Abkarian, acteur connu de theâtre et de cinema ; Karine Arabian,
styliste et creatrice d'accessoires (chaussures, sacs, bijoux)
et Alice Aslanian, heritière de la fameuse librairie Samuelian,
creee par son père. Un seul petit regret : le lecteur aurait aime
aussi decouvrir un autre parcours d'immigre qui n'aurait pas connu
une telle reussite sociale et professionnelle en France.
4 Au final, un livre de qualite, a decouvrir sans tarder, pour mieux
connaître la diaspora armenienne en France, mais plus largement pour
repenser, avec un autre regard, plus ouvert, la presence etrangère
en France.
C. Mouradian, " Armeniens en France, Armeniens de France ", in Les
Armeniens en France. Du chaos a la reconnaissance, Toulouse, Les
editions de l'attribut, coll. " Exils ", 2010, p. 27.
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