Le Monde, France
1 oct 2011
Sarkozy est en campagne : la preuve par l'agenda
Nicolas Sarkozy n'est pas en campagne électorale et fait savoir qu'il
ne déclarera pas sa candidature avant février. En attendant, il gère
la crise et refuse d'accélérer son calendrier. "Le président pense que
tout se jouera sur la crise, et il aimerait que sa majorité ne perde
pas son sang-froid", assure un ministre.
Nicolas Sarkozy n'est pas en campagne, mais un coup d'`il à son agenda
permet de prouver le contraire. Cette semaine, dans la foulée de la
perte du Sénat et du retour des affaires, le candidat de l'UMP a
méthodiquement ciblé l'électorat et les thèmes qui lui permettront,
espère-t-il encore, d'être réélu.
ARTISTES ET INTELLECTUELS
Il y a d'abord les cibles glamour. Les milieux artistico-intellectuels
ont été soignés, alors que M. Sarkozy essaie depuis des mois de
renouer le fil avec eux, parfois sous l'égide de l'ancien maire de
Grenoble Alain Carignon.
Lundi 26 septembre, le président avait convié à déjeuner des
cinéastes, tandis qu'il remettait une brochette de Légions d'honneur à
l'Elysée, mercredi, pendant le deuxième débat de la primaire
socialiste. On comptait le cinéaste Claude Lanzmann, le chanteur
Gilbert Montagné, l'homme de télévision Pierre Tchernia ou
l'intellectuelle Julia Kristeva et... Liliane Bettencourt, l'héritière
de L'Oréal, bien encombrante, conviée par un des récipiendaires, la
romancière Madeleine Chapsal.
Le président surveille aussi de près les "communautés". La semaine
était celle de l'Arménie. Le chef de l'Etat a reçu le président
arménien, Serge Sarkissian, et s'est rendu avec lui à un concert donné
par Charles Aznavour. Dans quelques jours, Nicolas Sarkozy accomplira
en retour une visite d'Etat à Erevan. Outre Charles Aznavour, il a
convié, campagne oblige, Patrick Devedjian, le président UMP du
conseil général des Hauts-de-Seine, qui ne l'a pourtant pas ménagé.
La visite dans le Caucase permet, selon un conseiller de l'Elysée, de
faire un geste symbolique fort envers la communauté arménienne, sans
faire adopter la loi, bloquée au Sénat, pénalisant la négation du
génocide arménien. "On ne va pas déclarer la guerre à la Turquie",
confie ce conseiller.
Gérer les "communautés" exige de subtils équilibres. Le président, qui
avait séduit une partie non négligeable de la communauté juive en
2007, a défendu en conseil des ministres son initiative de paix au
Proche-Orient, en dépit des inquiétudes relayées par certains de ses
ministres.
PERSONNES GÉES ET FAMILLES NOMBREUSES
Surtout, comme toutes les semaines, après s'être entretenu avec ses
conseillers politiques et sondeurs - Patrick Buisson et Pierre
Giacometti - M. Sarkozy a labouré systématiquement le socle de
l'électorat de droite, à commencer par les personnes gées et les
familles nombreuses.
Le chef de l'Etat, qui a renoncé à lancer un projet coûteux sur la
dépendance, a fait le point sur le plan Alzheimer.
Dans la foulée, il a remis une vingtaine de médailles de la famille.
L'ambiance à l'Elysée était chaleureuse, le président souriant, qui a
vanté la politique familiale de la France. Pas question de remettre en
cause le quotient familial, comme le propose le Parti socialiste, ou
de fiscaliser les allocations familiales, comme l'a suggéré
maladroitement Bruno Le Maire, rédacteur du programme UMP. L'Elysée ne
voulait pas gcher cette séquence par une question de la presse sur
les affaires, et les journalistes ont été priés de quitter les lieux
prestement.
Le chef de l'Etat n'oublie jamais les milieux médicaux, qu'il veut
ramener au bercail depuis leur défection aux élections régionales de
mars 2009. Il a reçu cette semaine les syndicats signataires de la
nouvelle convention d'assurance-maladie et a accordé un entretien au
Quotidien du médecin.
Enfin, il faut rattraper les travailleurs, alors que la hausse du
chômage pourrait sceller la défaite de la droite. La semaine a
commencé par un discours aux ministres du G20 du travail, réunis à
l'Elysée, pour montrer combien action internationale et domestique
sont liées. Le lendemain, déplacement "de terrain" avec une table
ronde, dans l'Oise, et une allocution devant des salariés de la
filière des biocarburants.
FONCTIONNAIRES CONTRE PRIVÉ
En cette journée de grève des enseignants, le chef de l'Etat a pris la
défense de ceux dont l'emploi n'était pas protégé. Fonctionnaires
contre privé, M. Sarkozy a choisi. Le déplacement a permis de
s'adresser à un autre électorat décisif identifié après les régionales
: les agriculteurs et les ruraux tentés par le vote Front national.
Mercredi, le président a reçu les préfets de région pour les mobiliser
sur la lutte contre le chômage, alors que les emplois aidés tardent à
monter en puissance.
Le tout s'accompagne d'une défense du bilan : toutes les allocutions
devant les salariés s'achèvent par un plaidoyer en faveur de la
réforme des retraites, tandis que le président a vanté la réforme
universitaire à un colloque de l'institut Montaigne. Seule une
séquence "sécurité" manquait à la "non-campagne" de la semaine.
Cet agenda permet au président de faire mine d'ignorer la politique
politicienne. Avec François Fillon et Jean-François Copé, il a "pris
acte" dès lundi de la défaite aux sénatoriales. Le lendemain, au petit
déjeuner de la majorité, il a fait savoir que la droite perdrait "avec
dignité" la présidence de la seconde Assemblée. En plein retour des
affaires et face à la remontée de Marine Le Pen dans les sondages, les
conseillers du président ne veulent pas que la droite se livre,
ostensiblement en tout cas, à des man`uvres "dignes de la IVe
République". Enfin, en conseil des ministres, M. Sarkozy a rappelé
l'essentiel : il ne laissera jamais tomber la Grèce et prendra des
initiatives.
TOURNÉE INTERNATIONALE
Il n'en a pas dit plus. Mais, c'est le dernier axe, M. Sarkozy doit
être dans l'action permanente, à l'international et en Europe. Deux
semaines après sa visite éclair en Libye, il a fait un saut au Maroc,
pour y lancer le chantier du TGV et se poser en parrain du printemps
arabe, dix mois après ses hésitations sur la Tunisie. Son allocution à
Tanger a duré trois minutes, sans un mot à la presse.
Dans les jours à venir, M. Sarkozy retournera en Géorgie pour la
première fois depuis l'invasion russe de l'été 2008. A l'époque, M.
Sarkozy avait prétendu qu'il avait évité que ce pays fut rayé de la
carte et il compte de nouveau s'en prévaloir. La Russie s'imposa à
l'époque au Caucase du Sud.
Gestionnaire de crise en Europe, c'est aussi ce dont veut se vanter M.
Sarkozy. Mais, de nouveau, 2011 n'est pas 2008, et la semaine finit
timidement avec la réception vendredi à l'Elysée du premier ministre
grec Georges Papandréou.
Le président français aurait rêvé d'en faire plus, en accueillant
Angela Merkel, mais la chancelière allemande n'a pas voulu donner
l'impression qu'elle était convoquée à Paris dans la foulée de
l'approbation du plan de sauvetage de la Grèce par le Bundestag. M.
Sarkozy s'est contenté d'une conversation téléphonique avec Mme Merkel
et pourrait lui rendre visite à Berlin dimanche 9 octobre, jour de la
primaire socialiste.
M. Sarkozy n'a jamais cessé d'être hyperprésident. Il n'a jamais cessé
d'être candidat.
Arnaud Leparmentier
http://www.lemonde.fr/politique/article/2011/10/01/sarkozy-est-en-campagne-la-preuve-par-l-agenda_1580838_823448.html
1 oct 2011
Sarkozy est en campagne : la preuve par l'agenda
Nicolas Sarkozy n'est pas en campagne électorale et fait savoir qu'il
ne déclarera pas sa candidature avant février. En attendant, il gère
la crise et refuse d'accélérer son calendrier. "Le président pense que
tout se jouera sur la crise, et il aimerait que sa majorité ne perde
pas son sang-froid", assure un ministre.
Nicolas Sarkozy n'est pas en campagne, mais un coup d'`il à son agenda
permet de prouver le contraire. Cette semaine, dans la foulée de la
perte du Sénat et du retour des affaires, le candidat de l'UMP a
méthodiquement ciblé l'électorat et les thèmes qui lui permettront,
espère-t-il encore, d'être réélu.
ARTISTES ET INTELLECTUELS
Il y a d'abord les cibles glamour. Les milieux artistico-intellectuels
ont été soignés, alors que M. Sarkozy essaie depuis des mois de
renouer le fil avec eux, parfois sous l'égide de l'ancien maire de
Grenoble Alain Carignon.
Lundi 26 septembre, le président avait convié à déjeuner des
cinéastes, tandis qu'il remettait une brochette de Légions d'honneur à
l'Elysée, mercredi, pendant le deuxième débat de la primaire
socialiste. On comptait le cinéaste Claude Lanzmann, le chanteur
Gilbert Montagné, l'homme de télévision Pierre Tchernia ou
l'intellectuelle Julia Kristeva et... Liliane Bettencourt, l'héritière
de L'Oréal, bien encombrante, conviée par un des récipiendaires, la
romancière Madeleine Chapsal.
Le président surveille aussi de près les "communautés". La semaine
était celle de l'Arménie. Le chef de l'Etat a reçu le président
arménien, Serge Sarkissian, et s'est rendu avec lui à un concert donné
par Charles Aznavour. Dans quelques jours, Nicolas Sarkozy accomplira
en retour une visite d'Etat à Erevan. Outre Charles Aznavour, il a
convié, campagne oblige, Patrick Devedjian, le président UMP du
conseil général des Hauts-de-Seine, qui ne l'a pourtant pas ménagé.
La visite dans le Caucase permet, selon un conseiller de l'Elysée, de
faire un geste symbolique fort envers la communauté arménienne, sans
faire adopter la loi, bloquée au Sénat, pénalisant la négation du
génocide arménien. "On ne va pas déclarer la guerre à la Turquie",
confie ce conseiller.
Gérer les "communautés" exige de subtils équilibres. Le président, qui
avait séduit une partie non négligeable de la communauté juive en
2007, a défendu en conseil des ministres son initiative de paix au
Proche-Orient, en dépit des inquiétudes relayées par certains de ses
ministres.
PERSONNES GÉES ET FAMILLES NOMBREUSES
Surtout, comme toutes les semaines, après s'être entretenu avec ses
conseillers politiques et sondeurs - Patrick Buisson et Pierre
Giacometti - M. Sarkozy a labouré systématiquement le socle de
l'électorat de droite, à commencer par les personnes gées et les
familles nombreuses.
Le chef de l'Etat, qui a renoncé à lancer un projet coûteux sur la
dépendance, a fait le point sur le plan Alzheimer.
Dans la foulée, il a remis une vingtaine de médailles de la famille.
L'ambiance à l'Elysée était chaleureuse, le président souriant, qui a
vanté la politique familiale de la France. Pas question de remettre en
cause le quotient familial, comme le propose le Parti socialiste, ou
de fiscaliser les allocations familiales, comme l'a suggéré
maladroitement Bruno Le Maire, rédacteur du programme UMP. L'Elysée ne
voulait pas gcher cette séquence par une question de la presse sur
les affaires, et les journalistes ont été priés de quitter les lieux
prestement.
Le chef de l'Etat n'oublie jamais les milieux médicaux, qu'il veut
ramener au bercail depuis leur défection aux élections régionales de
mars 2009. Il a reçu cette semaine les syndicats signataires de la
nouvelle convention d'assurance-maladie et a accordé un entretien au
Quotidien du médecin.
Enfin, il faut rattraper les travailleurs, alors que la hausse du
chômage pourrait sceller la défaite de la droite. La semaine a
commencé par un discours aux ministres du G20 du travail, réunis à
l'Elysée, pour montrer combien action internationale et domestique
sont liées. Le lendemain, déplacement "de terrain" avec une table
ronde, dans l'Oise, et une allocution devant des salariés de la
filière des biocarburants.
FONCTIONNAIRES CONTRE PRIVÉ
En cette journée de grève des enseignants, le chef de l'Etat a pris la
défense de ceux dont l'emploi n'était pas protégé. Fonctionnaires
contre privé, M. Sarkozy a choisi. Le déplacement a permis de
s'adresser à un autre électorat décisif identifié après les régionales
: les agriculteurs et les ruraux tentés par le vote Front national.
Mercredi, le président a reçu les préfets de région pour les mobiliser
sur la lutte contre le chômage, alors que les emplois aidés tardent à
monter en puissance.
Le tout s'accompagne d'une défense du bilan : toutes les allocutions
devant les salariés s'achèvent par un plaidoyer en faveur de la
réforme des retraites, tandis que le président a vanté la réforme
universitaire à un colloque de l'institut Montaigne. Seule une
séquence "sécurité" manquait à la "non-campagne" de la semaine.
Cet agenda permet au président de faire mine d'ignorer la politique
politicienne. Avec François Fillon et Jean-François Copé, il a "pris
acte" dès lundi de la défaite aux sénatoriales. Le lendemain, au petit
déjeuner de la majorité, il a fait savoir que la droite perdrait "avec
dignité" la présidence de la seconde Assemblée. En plein retour des
affaires et face à la remontée de Marine Le Pen dans les sondages, les
conseillers du président ne veulent pas que la droite se livre,
ostensiblement en tout cas, à des man`uvres "dignes de la IVe
République". Enfin, en conseil des ministres, M. Sarkozy a rappelé
l'essentiel : il ne laissera jamais tomber la Grèce et prendra des
initiatives.
TOURNÉE INTERNATIONALE
Il n'en a pas dit plus. Mais, c'est le dernier axe, M. Sarkozy doit
être dans l'action permanente, à l'international et en Europe. Deux
semaines après sa visite éclair en Libye, il a fait un saut au Maroc,
pour y lancer le chantier du TGV et se poser en parrain du printemps
arabe, dix mois après ses hésitations sur la Tunisie. Son allocution à
Tanger a duré trois minutes, sans un mot à la presse.
Dans les jours à venir, M. Sarkozy retournera en Géorgie pour la
première fois depuis l'invasion russe de l'été 2008. A l'époque, M.
Sarkozy avait prétendu qu'il avait évité que ce pays fut rayé de la
carte et il compte de nouveau s'en prévaloir. La Russie s'imposa à
l'époque au Caucase du Sud.
Gestionnaire de crise en Europe, c'est aussi ce dont veut se vanter M.
Sarkozy. Mais, de nouveau, 2011 n'est pas 2008, et la semaine finit
timidement avec la réception vendredi à l'Elysée du premier ministre
grec Georges Papandréou.
Le président français aurait rêvé d'en faire plus, en accueillant
Angela Merkel, mais la chancelière allemande n'a pas voulu donner
l'impression qu'elle était convoquée à Paris dans la foulée de
l'approbation du plan de sauvetage de la Grèce par le Bundestag. M.
Sarkozy s'est contenté d'une conversation téléphonique avec Mme Merkel
et pourrait lui rendre visite à Berlin dimanche 9 octobre, jour de la
primaire socialiste.
M. Sarkozy n'a jamais cessé d'être hyperprésident. Il n'a jamais cessé
d'être candidat.
Arnaud Leparmentier
http://www.lemonde.fr/politique/article/2011/10/01/sarkozy-est-en-campagne-la-preuve-par-l-agenda_1580838_823448.html