LA BASE AERIENNE D'INCIRLIK EST CONSTRUITE SUR UN TERRITOIRE REVENDIQUE
Jean Eckian
armenews
vendredi 7 octobre 2011
Une Assignation pour la Restitution de Terres Spoliees : la Base
Aerienne d'Incirlik est Construite sur un Territoire Revendique
Par Aram Arkun
Le Mirror Spectator
LOS ANGELES - Sur le Genocide Armenien, le combat des Armeniens pour
obtenir justice a pris plusieurs formes. Ils ont engage cette lutte
auprès de l'universite, sur le terrain des media, ceux du droit
et de la diplomatie, celui des manifestations et ils ont meme,
brièvement, recouru a la violence. Jusqu'a recemment, l'objectif
principal etait specifiquement la reconnaissance internationale du
Genocide Armenien, sur le plan politique et sur le plan de l'opinion ;
mais cela etant acquis en apparence dans une large mesure, en depit de
quelques exceptions importantes, les Armeniens s'emploient a present
a la restitution des terres ou a reclamer des indemnites. Les cours
americaines et internationales ont procure autant de tribunes nouvelles
pour l'expression de ces revendications. L'avocat californien Vartkès
Yeghiayan a ete la personne qui s'y est employee le plus activement,
engageant des procès pour obtenir des compensations en faveur des
victimes du Genocide et de leurs descendants. Très recemment, après
une serie d'assignations contre les compagnies d'assurance detenant
des sommes dues au heritiers de victimes armeniennes, il a introduit
une action directement contre la Republique de Turquie, et contre
deux banques turques, fondee sur la propriete de terres d'Armeniens
voisines ou faisant partie de la base aerienne d'Incirlik, utilisee
par les Etats-Unis.
Cette base aerienne, situee a une dizaine de kilomètres de la ville
d'Adana au sud-est de la Turquie, a joue un rôle important pour le
soutien logistique des guerres US en Irak et en Afghanistan. Sa
construction a commence en 1951 et s'est achevee en 1954 dans le
contexte de la guerre froide. Sa situation strategique lui a valu
d'etre la première base de depart pour les missions d'espionnage
des avions U2 en Union Sovietique et pour l'intervention des USA
au Liban de 1958. Elle a servi egalement de plaque tournante pour
l'aide humanitaire des USA a la Turquie. Les USA dirigent ce lieu
en tant que base de l'OTAN. Des bombes nucleaires sont entreposees
dans cette base. Plus prosaïquement, mais de facon tout de meme
liee a cette action en justice, des grandes societes americaines
telles Baskin-Robbins, Taco Bell et Pizza Hut exercent une activite
dans l'enceinte de la base. La gestion des terrains sur lesquels est
installee la base avait ete confiee a la banque Ziraat de 1915 a 1925,
puis ensuite a la Banque Centrale de Turquie.
Les trois demandeurs Armeniens-Americains, Rita Mahdessian, Alex
Bakalian et Anais Haroutunian, sont representes par la societe
d'avocats Yeghiayan, ainsi que les avocats de Los Angeles Kathryn Lee
Boyd et David Schwarcz de Todd, Ferentz, Schwarcz & Rimberg. Michael
Bazyler de la Faculte de Droit Chapman, un specialiste du droit
du genocide et de la restitution, agit en tant que conseiller. Les
trois demandeurs, agissant au nom et pour le compte de leur famille
respective, ont des actes et des documents prouvant que leurs grands
parents etaient proprietaires d'une partie des terrains de la base.
L'assignation en justice, enregistree le 15 decembre 2010, demande
une juste evaluation actualisee de la perte de jouissance du terrain,
d'une surface approximative de 60 hectares et de valeur estimee a 63,9
millions de dollars selon les donnees du departement de la Defense. Au
total, 100 millions de dollars sont demandes en compensations.
L'une des trois demandeurs en particulier, Mahdessian, est l'epouse
de Yeghiayan ce qui assurement donne au procès une note personnelle.
C'est pour cette raison que Yeghiayan n'a pas ete initiateur dans
l'assignation. Dans un recent entretien, Yeghiayan a dit : "beaucoup
de survivants d'Incirlik m'ont contacte. Nous avions près de 14 actes
de propriete et nous avons en plus 16 actes d'autres personnes qui
souhaitent se joindre a la cause mais negocient encore les conditions.
Dans a peu près tous ces actes, le nom des voisins est indique, dont
les trois quarts sont armeniens. Cela fait donc beaucoup d'Armeniens
dont nous sommes a la recherche. Je fais paraître des annonces dans
la presse pour les retrouver mais je suis encore dans l'attente
d'autres contacts."
Yeghiayan a egalement donne des informations sur l'origine des
demandeurs. "Le demandeur Alex Bakalian est un citoyen de Washington,
DC, et heritier en droit de trois ascendants dont chacun possedait des
biens fonciers en Turquie. Le premier de ses parents est son grand-père
paternel, Dikran Bakalian, qui etait ne en 1868 a Adana ; il est mort
en 1950 a Beyrouth au Liban. Dikran Bakalian et sa famille avaient ete
forces de s'enfuir en 1921, laissant derrière eux tous leurs avoirs et
leurs biens. Le deuxième parent est sa grand-mère paternelle, Kalina
Hatun (Gulenia) Shamassian. Nee en 1892 a Adana elle s'est mariee
a Dikran Bakalian en 1903. Elle est morte a Beyrouth, au Liban, en
1978. L'unique fils ayant survecu de Kalina Hatun (Gulenia) Shamassian,
Guiragos Bakalian, vit actuellement a Beyrouth, au Liban, et Bakalian
est son neveu. La troisième parente de Bakalian est Ahsapet Shamassian
(nee Bouldoukian), la belle-s~\ur de sa grand-mère paternelle. Elle est
nee a Adana, s'est mariee a Hovsep Shamassian (le frère de Kalina Hatun
(Gulenia) Shamassian), et s'est finalement etablie a Damas, en Syrie".
La deuxième demandeuse, Anaïs Haroutunian, "est une citoyenne des
Etats-Unis residant a Pasadena, en Californie. Anaîs Haroutunian est
la petite-fille et heritière en droit d'Abraham Geovderelian. Abraham
Geovderelian possedait quatre terrains a Incirlik. En 1915, quand le
Genocide Armenien a commence, il a ete assassine en meme temos que sa
femme et trois de ses enfants. Les quatre enfants rescapes s'etaient
tous etablis a Beyrouth, au Liban, et sont a present tous decedes".
La troisième demandeuse Mahdessian, representant la famille Boyadjian,
est "apparentee a Mihran Boyadjian Senior, qui possedait deux
proprietes a Aana. Mihran Boyadjian Senior s'etait enfui a Adana en
1915 au debut du Genocide Armenien. A la fin de la Première Guerre
Mondiale, quand la Province d'Adana fut attribuee a la France dans le
cadre de son mandat, Mihran Boyadjian Senior etait retourne a Adana
pour demander la restitution de ses terrains. Mais lorsque le mandat
de la France a pris fin en 1922 et la region rendue a la Turquie,
Mihran Boyadjian Senior a dû s'enfuir a nouveau de la region d'Adana,
d'Incirlik, avec sa famille, et se refugier a Hama-Homs, en Syrie. La
famille a ensuite quitte la Syrie pour Chypre".
Dans un article de Vercihan Ziflioglu paru le 17 mai 2011 dans
le quotidien turc Hurriyet, Yeghiayan decrivait le principe de
fond de son action en justice. "Dans cette affaire, nos clients
sont fondes a poursuivre le gouvernement de Turquie, la Banque
Centrale de Turquie et la banque Ziraat pour les raisons suivantes :
la Turquie a viole les lois internationales et a ensuite agit pour
s'approprier illegalement les biens de leur proprietaire en droit ;
dans cette operation, la Turquie a continue par la suite en violation
de sa propre constitution et du Traite de Lausanne. Mais encore
plus important, ils ont utilise ces biens illegalement detenus pour
exercer des activites commerciales". La Turque a refuse de recevoir
la notification de l'assignation, en sorte que les demandeurs ont dû
recourir aux services diplomatiques des Etats-Unis a cette fin.
Soixante jours ont ete donnes a la Turquie (a partir du 19 août 2011)
pour y repondre mais elle ne l'a pas fait, tandis que les deux banques,
la Banque Centrale de Turque et la banque T.C. Ziraat recevaient un
delai supplementaire jusqu'au 19 septembre 2011 pour y repondre. Ils
ont eu recours aux services de plusieurs avocats des Etats-Unis,
parmi lesquels David Saltzman du Cabinet Saltzman et Evinch. Saltzman
a ete conseiller a l'ambassade de Turquie a Washington par le passe,
et il a servi comme conseiller de la Coalition Turque d'Amerique. Il
a ete concerne par un certain nombre d'actions en justice dans
lesquelles etaient impliques des Turcs ou la Turquie opposes a des
parties armeniennes, et a fait la promotion de la negation du Genocide
Armenien. Les avocats des banques, nouvellement engages, ont conclu
le 19 septembre en demandant le rejet de l'affaire en se fondant sur
divers arguments. Ils ont soutenu que tout en etant des banques, les
deux institutions ont la qualite d'"etats etrangers" investis dans
la juridiction de l"etat de Californie de l'immunite souveraine. Ils
soutiennent en outre que la cour americaine doit rejeter cette affaire
sur le fondement de la doctrine Act of State, doctrine selon laquelle
le tribunal d'un pays ne peut juger les actes d'un autre gouvernement
commis sur le territoire de ce dernier, tandis que l'accord de 1934
entre la Turquie et les USA sur les demandes en justice et l'accord
de 1980 de cooperation sur la defense et l'economie entre les memes
deux pays sont en conflit avec cette affaire. Selon eux, la cour
et l'etat de Californie interfereraient indûment avec les Affaires
Etrangères des USA. Pour la satisfaction des parties et pour une bonne
administration de la justice, il faut pour cette action un autre cadre
[que celui d'un pretoire, ndt ].
Les banques defenderesses soutiennent que la prescription s'applique en
tous les cas ; elles estiment pour finir qu'aucune demande pertinente
n'est faite pouvant justifier des reparations. C'est a present aux
demandeurs representes par Yeghiayan de presenter leurs arguments en
reponse a ceux avances par les banques.
La Republique de Turquie, contrairement aux banques, a persiste
dans une approche differente. En consequence, les demandeurs ont
sollicite de la Cour de District des Etats-Unis, pour le District
Central de Californie, de constater le defaut, ce qui pourrait
resulter en un certain nombre de penalites et en une decision en
faveur des demandeurs. Comme l'a dit Yeghiayan dans l'article du 1er
mai dans Hurriyet, "choisir d'ignorer l'assignation ne la fera pas
disparaître". La Cour a constate le defaut le 1er septembre.
En dehors du quotidien Hurriyet, l'affaire a fait l'objet d'articles
dans d'autres media turcs, parmi lesquels Vatan ( septembre 2011),
ToDay'sZaman (9 septembre) et haber7.com. Dans le numero du 7
septembre, un article paru sous le titre Incirlik Ermeni degil, vakif
mali cikti !" soutient que les terrains d'Incirlik appartiennent en
realite a la Fondation Ramazanoglu. Le journaliste et chercheur Fatih
Bayhan soutient que ses preuves concernant la propriete des terrains
d'Incirlik remontent aux annees 1550, et se demande comment les
Armeniens auraient pu obtenir ces proprietes. La Fondation Ramazanoglu
a intente des milliers de procès, selon Bayhan, pour se voir restitue
ces terrains dans la region d'Adana et ailleurs, et en a deja gagne
quelques uns. Un intervenant de l'edition portable ToDay's Zaman (15
septembre) resume l'entretien de Yeghiayan dans le quotidien armenien
de Turquie Agos, se questionne sur la prescription et promet de faire
le suivi de cette affaire.
En Republique d'Armenie, dans un article du 23 decembre 2010 dans
lragir.am Naïra Hayrumian speculait quelque peu sur la possibilite
que les USA soient derrière ce procès, et d'autres actions contre
la Turquie concernant le Genocide, comme une facon de menacer et de
peser sur la Turquie pour arriver a ses fins dans divers objectifs
politiques des Etats-Unis. Dans ce cas particulier, elle ecrivait
qu'il etait relatif aux discussions que la Turquie avait avec l'Iran
concernant le nouveau système de defense anti-fusee de l'Otan.
Cependant, Hayrumian ne presentait aucune preuve a l'appui de sa
theorie, tandis que l'implication de Yeghiayan sur les questions de
dedommagements et de justice vis-a-vis du Genocide montre suffisamment
que de telles poursuites pourront continuer a etre engagees. Le
commentaire de Yeghiayan sur ce rôle des Etats-Unis derrière le
rideau est le suivant :"c'est absolument faux. Nous representons les
clients qui ont des demandes justifiables comme cela sera prouve
devant le tribunal et n'avons aucun lien avec le gouvernement des
USA ni n'essayons de faire pression sur le gouvernement des USA".
Yeghiayan poursuit son travail sur d'autres questions relatives au
Genocide Armenien tout en poursuivant l'affaire d'Incrilik. En 2007,
une cour de District avait decide que les survivants du Genocide
Armenien pourrait se fonder sur une loi votee par le parlement de
Californie en 2000, repoussant le delai de prescription pour permettre
de poursuivre des compagnies d'assurance allemandes, mais la decision
avait ete infirmee dans une decision de 2009 par une formation de
trois juges de la Cour d'Appel Federale du Neuvième Circuit. Cette
infirmation avait ete annulee en decembre 2010. Cette affaire,
Movsesian c/ Versicherung, est toujours pendante et les defendeurs
ont a present demande de presenter une nouvelle fois cette affaire
devant une formation de trois juges. Il y a en ce moment un certain
nombre d'affaires liees au Genocide Armenien dans lesquelles est
implique Yeghiayan.
Il y a egalement un litige en cours entre Yeghiayan et ses
ex-partenaires Mark Geragos et Brian Kabateck, concernant l'emploi de
l'argent obtenu en commun dans le procès de la compagnie d'assurance
francaise AXA pour les heritiers des victimes du Genocide, qui
esperons-le sera rapidement regle, equitablement et ouvertement,
retablissant ainsi la confiance dans le parcours juridique des
indemnites pour les victimes du Genocide Armenien. Selon Roman M.
Siberfeld, l'avocat representant Yeghiayan sur ce sujet particulier,
Yeghiayan a deja prepare un document transactionnel a meme,
selon Siberfeld, de convaincre Geragos et Kabateck qu'en fait rien
d'inconvenant ne s'est produit. Pour ce qui concerne AXA, une audition
etait prevue devant la Juge Christina A. Snyder le 26 septembre a
Los Angeles. Les trois parties (Yeghiayan, represente par Silberfeld,
Geragos et Kabateck) et leur societe d'avocats conduisent acivement
une enquete. Ils ont l'intention de soumettre un document commun
pour le tribunal soulignant ce qu'ils ont decouvert relativement a la
mise en place de l'accord [celui avec la Compagnie AXA, ndt], qui n'a
ete dirigee directement par aucun des trois avocats. Il y a quelques
demi-douzaine de problèmes a elucider concernant une somme d'argent
importante. Quelques 75 personnes a qui plusieurs chèques avaient
ete attribues ont dit n'avoir pas recu tous les chèques annonces.
Jean Eckian
armenews
vendredi 7 octobre 2011
Une Assignation pour la Restitution de Terres Spoliees : la Base
Aerienne d'Incirlik est Construite sur un Territoire Revendique
Par Aram Arkun
Le Mirror Spectator
LOS ANGELES - Sur le Genocide Armenien, le combat des Armeniens pour
obtenir justice a pris plusieurs formes. Ils ont engage cette lutte
auprès de l'universite, sur le terrain des media, ceux du droit
et de la diplomatie, celui des manifestations et ils ont meme,
brièvement, recouru a la violence. Jusqu'a recemment, l'objectif
principal etait specifiquement la reconnaissance internationale du
Genocide Armenien, sur le plan politique et sur le plan de l'opinion ;
mais cela etant acquis en apparence dans une large mesure, en depit de
quelques exceptions importantes, les Armeniens s'emploient a present
a la restitution des terres ou a reclamer des indemnites. Les cours
americaines et internationales ont procure autant de tribunes nouvelles
pour l'expression de ces revendications. L'avocat californien Vartkès
Yeghiayan a ete la personne qui s'y est employee le plus activement,
engageant des procès pour obtenir des compensations en faveur des
victimes du Genocide et de leurs descendants. Très recemment, après
une serie d'assignations contre les compagnies d'assurance detenant
des sommes dues au heritiers de victimes armeniennes, il a introduit
une action directement contre la Republique de Turquie, et contre
deux banques turques, fondee sur la propriete de terres d'Armeniens
voisines ou faisant partie de la base aerienne d'Incirlik, utilisee
par les Etats-Unis.
Cette base aerienne, situee a une dizaine de kilomètres de la ville
d'Adana au sud-est de la Turquie, a joue un rôle important pour le
soutien logistique des guerres US en Irak et en Afghanistan. Sa
construction a commence en 1951 et s'est achevee en 1954 dans le
contexte de la guerre froide. Sa situation strategique lui a valu
d'etre la première base de depart pour les missions d'espionnage
des avions U2 en Union Sovietique et pour l'intervention des USA
au Liban de 1958. Elle a servi egalement de plaque tournante pour
l'aide humanitaire des USA a la Turquie. Les USA dirigent ce lieu
en tant que base de l'OTAN. Des bombes nucleaires sont entreposees
dans cette base. Plus prosaïquement, mais de facon tout de meme
liee a cette action en justice, des grandes societes americaines
telles Baskin-Robbins, Taco Bell et Pizza Hut exercent une activite
dans l'enceinte de la base. La gestion des terrains sur lesquels est
installee la base avait ete confiee a la banque Ziraat de 1915 a 1925,
puis ensuite a la Banque Centrale de Turquie.
Les trois demandeurs Armeniens-Americains, Rita Mahdessian, Alex
Bakalian et Anais Haroutunian, sont representes par la societe
d'avocats Yeghiayan, ainsi que les avocats de Los Angeles Kathryn Lee
Boyd et David Schwarcz de Todd, Ferentz, Schwarcz & Rimberg. Michael
Bazyler de la Faculte de Droit Chapman, un specialiste du droit
du genocide et de la restitution, agit en tant que conseiller. Les
trois demandeurs, agissant au nom et pour le compte de leur famille
respective, ont des actes et des documents prouvant que leurs grands
parents etaient proprietaires d'une partie des terrains de la base.
L'assignation en justice, enregistree le 15 decembre 2010, demande
une juste evaluation actualisee de la perte de jouissance du terrain,
d'une surface approximative de 60 hectares et de valeur estimee a 63,9
millions de dollars selon les donnees du departement de la Defense. Au
total, 100 millions de dollars sont demandes en compensations.
L'une des trois demandeurs en particulier, Mahdessian, est l'epouse
de Yeghiayan ce qui assurement donne au procès une note personnelle.
C'est pour cette raison que Yeghiayan n'a pas ete initiateur dans
l'assignation. Dans un recent entretien, Yeghiayan a dit : "beaucoup
de survivants d'Incirlik m'ont contacte. Nous avions près de 14 actes
de propriete et nous avons en plus 16 actes d'autres personnes qui
souhaitent se joindre a la cause mais negocient encore les conditions.
Dans a peu près tous ces actes, le nom des voisins est indique, dont
les trois quarts sont armeniens. Cela fait donc beaucoup d'Armeniens
dont nous sommes a la recherche. Je fais paraître des annonces dans
la presse pour les retrouver mais je suis encore dans l'attente
d'autres contacts."
Yeghiayan a egalement donne des informations sur l'origine des
demandeurs. "Le demandeur Alex Bakalian est un citoyen de Washington,
DC, et heritier en droit de trois ascendants dont chacun possedait des
biens fonciers en Turquie. Le premier de ses parents est son grand-père
paternel, Dikran Bakalian, qui etait ne en 1868 a Adana ; il est mort
en 1950 a Beyrouth au Liban. Dikran Bakalian et sa famille avaient ete
forces de s'enfuir en 1921, laissant derrière eux tous leurs avoirs et
leurs biens. Le deuxième parent est sa grand-mère paternelle, Kalina
Hatun (Gulenia) Shamassian. Nee en 1892 a Adana elle s'est mariee
a Dikran Bakalian en 1903. Elle est morte a Beyrouth, au Liban, en
1978. L'unique fils ayant survecu de Kalina Hatun (Gulenia) Shamassian,
Guiragos Bakalian, vit actuellement a Beyrouth, au Liban, et Bakalian
est son neveu. La troisième parente de Bakalian est Ahsapet Shamassian
(nee Bouldoukian), la belle-s~\ur de sa grand-mère paternelle. Elle est
nee a Adana, s'est mariee a Hovsep Shamassian (le frère de Kalina Hatun
(Gulenia) Shamassian), et s'est finalement etablie a Damas, en Syrie".
La deuxième demandeuse, Anaïs Haroutunian, "est une citoyenne des
Etats-Unis residant a Pasadena, en Californie. Anaîs Haroutunian est
la petite-fille et heritière en droit d'Abraham Geovderelian. Abraham
Geovderelian possedait quatre terrains a Incirlik. En 1915, quand le
Genocide Armenien a commence, il a ete assassine en meme temos que sa
femme et trois de ses enfants. Les quatre enfants rescapes s'etaient
tous etablis a Beyrouth, au Liban, et sont a present tous decedes".
La troisième demandeuse Mahdessian, representant la famille Boyadjian,
est "apparentee a Mihran Boyadjian Senior, qui possedait deux
proprietes a Aana. Mihran Boyadjian Senior s'etait enfui a Adana en
1915 au debut du Genocide Armenien. A la fin de la Première Guerre
Mondiale, quand la Province d'Adana fut attribuee a la France dans le
cadre de son mandat, Mihran Boyadjian Senior etait retourne a Adana
pour demander la restitution de ses terrains. Mais lorsque le mandat
de la France a pris fin en 1922 et la region rendue a la Turquie,
Mihran Boyadjian Senior a dû s'enfuir a nouveau de la region d'Adana,
d'Incirlik, avec sa famille, et se refugier a Hama-Homs, en Syrie. La
famille a ensuite quitte la Syrie pour Chypre".
Dans un article de Vercihan Ziflioglu paru le 17 mai 2011 dans
le quotidien turc Hurriyet, Yeghiayan decrivait le principe de
fond de son action en justice. "Dans cette affaire, nos clients
sont fondes a poursuivre le gouvernement de Turquie, la Banque
Centrale de Turquie et la banque Ziraat pour les raisons suivantes :
la Turquie a viole les lois internationales et a ensuite agit pour
s'approprier illegalement les biens de leur proprietaire en droit ;
dans cette operation, la Turquie a continue par la suite en violation
de sa propre constitution et du Traite de Lausanne. Mais encore
plus important, ils ont utilise ces biens illegalement detenus pour
exercer des activites commerciales". La Turque a refuse de recevoir
la notification de l'assignation, en sorte que les demandeurs ont dû
recourir aux services diplomatiques des Etats-Unis a cette fin.
Soixante jours ont ete donnes a la Turquie (a partir du 19 août 2011)
pour y repondre mais elle ne l'a pas fait, tandis que les deux banques,
la Banque Centrale de Turque et la banque T.C. Ziraat recevaient un
delai supplementaire jusqu'au 19 septembre 2011 pour y repondre. Ils
ont eu recours aux services de plusieurs avocats des Etats-Unis,
parmi lesquels David Saltzman du Cabinet Saltzman et Evinch. Saltzman
a ete conseiller a l'ambassade de Turquie a Washington par le passe,
et il a servi comme conseiller de la Coalition Turque d'Amerique. Il
a ete concerne par un certain nombre d'actions en justice dans
lesquelles etaient impliques des Turcs ou la Turquie opposes a des
parties armeniennes, et a fait la promotion de la negation du Genocide
Armenien. Les avocats des banques, nouvellement engages, ont conclu
le 19 septembre en demandant le rejet de l'affaire en se fondant sur
divers arguments. Ils ont soutenu que tout en etant des banques, les
deux institutions ont la qualite d'"etats etrangers" investis dans
la juridiction de l"etat de Californie de l'immunite souveraine. Ils
soutiennent en outre que la cour americaine doit rejeter cette affaire
sur le fondement de la doctrine Act of State, doctrine selon laquelle
le tribunal d'un pays ne peut juger les actes d'un autre gouvernement
commis sur le territoire de ce dernier, tandis que l'accord de 1934
entre la Turquie et les USA sur les demandes en justice et l'accord
de 1980 de cooperation sur la defense et l'economie entre les memes
deux pays sont en conflit avec cette affaire. Selon eux, la cour
et l'etat de Californie interfereraient indûment avec les Affaires
Etrangères des USA. Pour la satisfaction des parties et pour une bonne
administration de la justice, il faut pour cette action un autre cadre
[que celui d'un pretoire, ndt ].
Les banques defenderesses soutiennent que la prescription s'applique en
tous les cas ; elles estiment pour finir qu'aucune demande pertinente
n'est faite pouvant justifier des reparations. C'est a present aux
demandeurs representes par Yeghiayan de presenter leurs arguments en
reponse a ceux avances par les banques.
La Republique de Turquie, contrairement aux banques, a persiste
dans une approche differente. En consequence, les demandeurs ont
sollicite de la Cour de District des Etats-Unis, pour le District
Central de Californie, de constater le defaut, ce qui pourrait
resulter en un certain nombre de penalites et en une decision en
faveur des demandeurs. Comme l'a dit Yeghiayan dans l'article du 1er
mai dans Hurriyet, "choisir d'ignorer l'assignation ne la fera pas
disparaître". La Cour a constate le defaut le 1er septembre.
En dehors du quotidien Hurriyet, l'affaire a fait l'objet d'articles
dans d'autres media turcs, parmi lesquels Vatan ( septembre 2011),
ToDay'sZaman (9 septembre) et haber7.com. Dans le numero du 7
septembre, un article paru sous le titre Incirlik Ermeni degil, vakif
mali cikti !" soutient que les terrains d'Incirlik appartiennent en
realite a la Fondation Ramazanoglu. Le journaliste et chercheur Fatih
Bayhan soutient que ses preuves concernant la propriete des terrains
d'Incirlik remontent aux annees 1550, et se demande comment les
Armeniens auraient pu obtenir ces proprietes. La Fondation Ramazanoglu
a intente des milliers de procès, selon Bayhan, pour se voir restitue
ces terrains dans la region d'Adana et ailleurs, et en a deja gagne
quelques uns. Un intervenant de l'edition portable ToDay's Zaman (15
septembre) resume l'entretien de Yeghiayan dans le quotidien armenien
de Turquie Agos, se questionne sur la prescription et promet de faire
le suivi de cette affaire.
En Republique d'Armenie, dans un article du 23 decembre 2010 dans
lragir.am Naïra Hayrumian speculait quelque peu sur la possibilite
que les USA soient derrière ce procès, et d'autres actions contre
la Turquie concernant le Genocide, comme une facon de menacer et de
peser sur la Turquie pour arriver a ses fins dans divers objectifs
politiques des Etats-Unis. Dans ce cas particulier, elle ecrivait
qu'il etait relatif aux discussions que la Turquie avait avec l'Iran
concernant le nouveau système de defense anti-fusee de l'Otan.
Cependant, Hayrumian ne presentait aucune preuve a l'appui de sa
theorie, tandis que l'implication de Yeghiayan sur les questions de
dedommagements et de justice vis-a-vis du Genocide montre suffisamment
que de telles poursuites pourront continuer a etre engagees. Le
commentaire de Yeghiayan sur ce rôle des Etats-Unis derrière le
rideau est le suivant :"c'est absolument faux. Nous representons les
clients qui ont des demandes justifiables comme cela sera prouve
devant le tribunal et n'avons aucun lien avec le gouvernement des
USA ni n'essayons de faire pression sur le gouvernement des USA".
Yeghiayan poursuit son travail sur d'autres questions relatives au
Genocide Armenien tout en poursuivant l'affaire d'Incrilik. En 2007,
une cour de District avait decide que les survivants du Genocide
Armenien pourrait se fonder sur une loi votee par le parlement de
Californie en 2000, repoussant le delai de prescription pour permettre
de poursuivre des compagnies d'assurance allemandes, mais la decision
avait ete infirmee dans une decision de 2009 par une formation de
trois juges de la Cour d'Appel Federale du Neuvième Circuit. Cette
infirmation avait ete annulee en decembre 2010. Cette affaire,
Movsesian c/ Versicherung, est toujours pendante et les defendeurs
ont a present demande de presenter une nouvelle fois cette affaire
devant une formation de trois juges. Il y a en ce moment un certain
nombre d'affaires liees au Genocide Armenien dans lesquelles est
implique Yeghiayan.
Il y a egalement un litige en cours entre Yeghiayan et ses
ex-partenaires Mark Geragos et Brian Kabateck, concernant l'emploi de
l'argent obtenu en commun dans le procès de la compagnie d'assurance
francaise AXA pour les heritiers des victimes du Genocide, qui
esperons-le sera rapidement regle, equitablement et ouvertement,
retablissant ainsi la confiance dans le parcours juridique des
indemnites pour les victimes du Genocide Armenien. Selon Roman M.
Siberfeld, l'avocat representant Yeghiayan sur ce sujet particulier,
Yeghiayan a deja prepare un document transactionnel a meme,
selon Siberfeld, de convaincre Geragos et Kabateck qu'en fait rien
d'inconvenant ne s'est produit. Pour ce qui concerne AXA, une audition
etait prevue devant la Juge Christina A. Snyder le 26 septembre a
Los Angeles. Les trois parties (Yeghiayan, represente par Silberfeld,
Geragos et Kabateck) et leur societe d'avocats conduisent acivement
une enquete. Ils ont l'intention de soumettre un document commun
pour le tribunal soulignant ce qu'ils ont decouvert relativement a la
mise en place de l'accord [celui avec la Compagnie AXA, ndt], qui n'a
ete dirigee directement par aucun des trois avocats. Il y a quelques
demi-douzaine de problèmes a elucider concernant une somme d'argent
importante. Quelques 75 personnes a qui plusieurs chèques avaient
ete attribues ont dit n'avoir pas recu tous les chèques annonces.