Libération, France
7 oct 2011
«Génocide» arménien: la Turquie donnera-t-elle une réponse ?
Nicolas Sarkozy souhaite que la Turquie reconnaisse le «génocide»
arménien de 1915.
Le président français Nicolas Sarkozy a précisé vendredi qu'il
souhaitait que la Turquie reconnaisse dans un délai "assez bref",
avant la fin de son mandat en mai 2012, le "génocide" arménien de
1915, au deuxième jour de sa visite d'Etat en Arménie.
"Il ne revient pas à la France de poser un ultimatum à qui que ce
soit, ce n'est pas une façon de faire (...) mais enfin à travers les
lignes vous pouvez comprendre que le temps n'est pas infini,
1915-2011, il me semble que pour la réflexion c'est suffisant", a
expliqué Nicolas Sarkozy lors d'une conférence de presse avec son
homologue arménien Serge Sarkissian.
Depuis jeudi, le chef de l'Etat a invité à plusieurs reprises la
Turquie à "revisiter son histoire" et à reconnaître les massacres
ottomans perpétrés en 1915 et 1916 en Turquie, qui ont fait plusieurs
centaines de milliers de morts, comme un génocide, ainsi que la France
l'a fait en 2001.
Nicolas Sarkozy a confirmé que, si la Turquie ne faisait pas ce "geste
de paix", ce "pas vers la réconciliation", il envisagerait de proposer
l'adoption d'un texte de loi réprimant spécifiquement la négation du
génocide arménien.
Cette "réaction de la France se ferait connaître dans un délai assez
bref. Si je ne le précise pas, c'est que j'espère toujours dans les
réactions" turques "qui en tout état de cause englobe la durée de mon
mandat".
Avant son élection en 2007, le candidat Sarkozy avait promis aux
représentants de la forte communauté arménienne de France, estimée à
un demi-million de personnes, de soutenir le vote d'un texte de loi
spécifique réprimant la négation du "génocide" de 1915.
Mais ce texte a été enterré en mai faute d'une majorité au Sénat
(chambre haute) et surtout du soutien du gouvernement de Nicolas
Sarkozy, suscitant l'amertume des Arméniens de France et de leurs
partisans. Une élection présidentielle est prévue en France en
avril-mai.
La Turquie reconnaît que de 300000 à 500000 personnes ont péri lors de
cette période, mais, selon elle, elles n'ont pas été victimes d'une
campagne d'extermination mais du chaos des dernières années de
l'Empire ottoman.
Pour les Arméniens, il s'agit d'un "génocide" qui a fait plus d'un
million et demi de morts.
Outre ce dossier sensible, Nicolas Sarkozy a également appelé
l'Arménie à faire la "paix" et à la "réconciliation" avec
l'Azerbaïdjan voisin sur le Nagorny Karabakh, territoire séparatiste
azerbaïdjanais peuplé en majorité d'Arméniens.
Dix-sept soldats ont été tués depuis le début de l'année autour du
Nagorny Karabakh, république autoproclamée depuis une guerre dans les
années 1990 qui a fait 30000 morts et perdue par l'Azerbaïdjan.
Le président arménien Serge Sarkissian a remercié son homologue
français pour ses efforts en vue d'une "paix durable".
Le président français a promis de répéter son message de
"réconciliation" à son homologue azerbaïdjanais Ilham Aliev, vendredi
matin à Bakou.
Et c'est avec la même casquette de "faiseur de paix" que Nicolas
Sarkozy doit conclure son périple vendredi après-midi à Tbilissi,
trois ans après avoir négocié un cessez-le-feu controversé entre la
Russie et la Géorgie.
Cet accord suscite aujourd'hui le mécontentement des Géorgiens, qui
jugent que les Russes ne l'ont pas appliqué.
Sarkozy devrait cesser de jouer les historiens selon le ministre turc
Le président français Nicolas Sarkozy ferait mieux de s'occuper des
problèmes des Français plutôt que de jouer les historiens sur la
question du génocide arménien, a estimé vendredi le ministre turc aux
Affaires européennes Egemen Bagis, réagissant à des déclarations de
Nicolas Sarkozy.
"Il serait mieux, pour la sérénité en France, en Europe et dans le
monde que M. Sarkozy abandonne le rôle de l'historien et se creuse un
peu la tête pour sortir son pays du gouffre économique dans lequel il
se trouve et produise des projets pour l'avenir de l'Union
européenne", a déclaré Egemen Bagis, cité par l'agence de presse
Anatolie, lors d'une visite à Sarajevo.
"Notre mission, en tant qu'hommes politiques, n'est pas de définir le
passé ou les événements du passé. C'est de définir l'avenir", a
insisté le ministre, avant d'accuser le président français
d'"exploitation à l'approche de l'élection" présidentielle française,
de la thématique arménienne.
"Sarkozy a probablement adopté ce type d'approche après avoir été
effrayé par les derniers sondages politiques en France", a-t-il
commenté.
Le chef de la diplomatie turque Ahmet Davutoglu a lui aussi dénoncé
"l'opportunisme politique" de "propos qui s'inscrivent totalement dans
le contexte électoral en France".
"Ceux qui disent à la Turquie de se réconcilier avec son passé doivent
d'abord se regarder dans un miroir", a-t-il asséné, faisant référence
au passé colonial de la France.
Présent à Ankara vendredi pour la signature d'un accord de coopération
sécuritaire, le ministre français de l'Intérieur Claude Guéant a
répondu aux questions de journalistes en les appelant à ne pas
surinterpréter les propos de son président.
"Il convient de s'en tenir strictement aux propos du président de la
République sans les interpréter", a dit Claude Guéant, affirmant que
Nicolas Sarkozy "n'a pas évoqué de délai" pour qu'Ankara reconnaisse
le "génocide" arménien.
Interrogé sur le point de savoir comment réagirait la France si la
Turquie décidait de reconnaître "le génocide des Algériens", Claude
Guéant à répondu: "Le président de la République française est allé en
Algérie, il a eu des propos extrêmement forts sur ce moment douloureux
de notre passé entre l'Algérie et la France. Il a tourné la page".
http://www.liberation.fr/monde/01012364331-genocide-armenien-la-turquie-donnera-t-elle-une-reponse-d-ici-a-mai-2012
From: A. Papazian
7 oct 2011
«Génocide» arménien: la Turquie donnera-t-elle une réponse ?
Nicolas Sarkozy souhaite que la Turquie reconnaisse le «génocide»
arménien de 1915.
Le président français Nicolas Sarkozy a précisé vendredi qu'il
souhaitait que la Turquie reconnaisse dans un délai "assez bref",
avant la fin de son mandat en mai 2012, le "génocide" arménien de
1915, au deuxième jour de sa visite d'Etat en Arménie.
"Il ne revient pas à la France de poser un ultimatum à qui que ce
soit, ce n'est pas une façon de faire (...) mais enfin à travers les
lignes vous pouvez comprendre que le temps n'est pas infini,
1915-2011, il me semble que pour la réflexion c'est suffisant", a
expliqué Nicolas Sarkozy lors d'une conférence de presse avec son
homologue arménien Serge Sarkissian.
Depuis jeudi, le chef de l'Etat a invité à plusieurs reprises la
Turquie à "revisiter son histoire" et à reconnaître les massacres
ottomans perpétrés en 1915 et 1916 en Turquie, qui ont fait plusieurs
centaines de milliers de morts, comme un génocide, ainsi que la France
l'a fait en 2001.
Nicolas Sarkozy a confirmé que, si la Turquie ne faisait pas ce "geste
de paix", ce "pas vers la réconciliation", il envisagerait de proposer
l'adoption d'un texte de loi réprimant spécifiquement la négation du
génocide arménien.
Cette "réaction de la France se ferait connaître dans un délai assez
bref. Si je ne le précise pas, c'est que j'espère toujours dans les
réactions" turques "qui en tout état de cause englobe la durée de mon
mandat".
Avant son élection en 2007, le candidat Sarkozy avait promis aux
représentants de la forte communauté arménienne de France, estimée à
un demi-million de personnes, de soutenir le vote d'un texte de loi
spécifique réprimant la négation du "génocide" de 1915.
Mais ce texte a été enterré en mai faute d'une majorité au Sénat
(chambre haute) et surtout du soutien du gouvernement de Nicolas
Sarkozy, suscitant l'amertume des Arméniens de France et de leurs
partisans. Une élection présidentielle est prévue en France en
avril-mai.
La Turquie reconnaît que de 300000 à 500000 personnes ont péri lors de
cette période, mais, selon elle, elles n'ont pas été victimes d'une
campagne d'extermination mais du chaos des dernières années de
l'Empire ottoman.
Pour les Arméniens, il s'agit d'un "génocide" qui a fait plus d'un
million et demi de morts.
Outre ce dossier sensible, Nicolas Sarkozy a également appelé
l'Arménie à faire la "paix" et à la "réconciliation" avec
l'Azerbaïdjan voisin sur le Nagorny Karabakh, territoire séparatiste
azerbaïdjanais peuplé en majorité d'Arméniens.
Dix-sept soldats ont été tués depuis le début de l'année autour du
Nagorny Karabakh, république autoproclamée depuis une guerre dans les
années 1990 qui a fait 30000 morts et perdue par l'Azerbaïdjan.
Le président arménien Serge Sarkissian a remercié son homologue
français pour ses efforts en vue d'une "paix durable".
Le président français a promis de répéter son message de
"réconciliation" à son homologue azerbaïdjanais Ilham Aliev, vendredi
matin à Bakou.
Et c'est avec la même casquette de "faiseur de paix" que Nicolas
Sarkozy doit conclure son périple vendredi après-midi à Tbilissi,
trois ans après avoir négocié un cessez-le-feu controversé entre la
Russie et la Géorgie.
Cet accord suscite aujourd'hui le mécontentement des Géorgiens, qui
jugent que les Russes ne l'ont pas appliqué.
Sarkozy devrait cesser de jouer les historiens selon le ministre turc
Le président français Nicolas Sarkozy ferait mieux de s'occuper des
problèmes des Français plutôt que de jouer les historiens sur la
question du génocide arménien, a estimé vendredi le ministre turc aux
Affaires européennes Egemen Bagis, réagissant à des déclarations de
Nicolas Sarkozy.
"Il serait mieux, pour la sérénité en France, en Europe et dans le
monde que M. Sarkozy abandonne le rôle de l'historien et se creuse un
peu la tête pour sortir son pays du gouffre économique dans lequel il
se trouve et produise des projets pour l'avenir de l'Union
européenne", a déclaré Egemen Bagis, cité par l'agence de presse
Anatolie, lors d'une visite à Sarajevo.
"Notre mission, en tant qu'hommes politiques, n'est pas de définir le
passé ou les événements du passé. C'est de définir l'avenir", a
insisté le ministre, avant d'accuser le président français
d'"exploitation à l'approche de l'élection" présidentielle française,
de la thématique arménienne.
"Sarkozy a probablement adopté ce type d'approche après avoir été
effrayé par les derniers sondages politiques en France", a-t-il
commenté.
Le chef de la diplomatie turque Ahmet Davutoglu a lui aussi dénoncé
"l'opportunisme politique" de "propos qui s'inscrivent totalement dans
le contexte électoral en France".
"Ceux qui disent à la Turquie de se réconcilier avec son passé doivent
d'abord se regarder dans un miroir", a-t-il asséné, faisant référence
au passé colonial de la France.
Présent à Ankara vendredi pour la signature d'un accord de coopération
sécuritaire, le ministre français de l'Intérieur Claude Guéant a
répondu aux questions de journalistes en les appelant à ne pas
surinterpréter les propos de son président.
"Il convient de s'en tenir strictement aux propos du président de la
République sans les interpréter", a dit Claude Guéant, affirmant que
Nicolas Sarkozy "n'a pas évoqué de délai" pour qu'Ankara reconnaisse
le "génocide" arménien.
Interrogé sur le point de savoir comment réagirait la France si la
Turquie décidait de reconnaître "le génocide des Algériens", Claude
Guéant à répondu: "Le président de la République française est allé en
Algérie, il a eu des propos extrêmement forts sur ce moment douloureux
de notre passé entre l'Algérie et la France. Il a tourné la page".
http://www.liberation.fr/monde/01012364331-genocide-armenien-la-turquie-donnera-t-elle-une-reponse-d-ici-a-mai-2012
From: A. Papazian